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diftinguer de vous, qu'en vous devançant dans les travaux & les dangers. Tous nos biens & tous nos maux feront déformais communs.

Il fe tourna enfuite vers les Sénateurs, & leur dit d'un ton fier & févere Cambyfe n'ignore pas les intrigues de la cour d'Ecbatane pour semer de la défiance dans vos efprits. Il fait que vous balancez à lui accorder des fubfides; il pourroit, avec une armée, qui lui feroit dévouée, vous obliger de vous conformer à fes demandes, mais il a prévu la guerre, il a pris fes précautions. Une feule bataille décidera du fort de la Perfe; il n'a pas befoin de votre fecours. Souvenez-vous cependant qu'il s'agit de la liberté entiere de la patrie. Cette liberté n'eft-elle pas plus fûre entre les mains de mon pere, votre Prince légitime, qu'entre celles de l'Empereur des Medes qui tient tributaires tous les Rois voisins? Si Cambyfe eft vaincu, vos privileges font à jamais anéantis; s'il eft victorieux, vous devez craindre la justice d'un Prince, que vous avez irrité par vos cabales fecretes.

Par ce difcours, le Prince de Perfe intimida les uns, confirma les autres dans leur devoir, & les réunit tous dans le même deffein de contribuer au falut de ia patrie. Sorane parut des plus zélés, & demanda avec empreffement d'avoir quelque commandement dans l'armée. Comme Cyrus n'avoit point caché à Cambyfe les juftes défiances qu'il avoit de ce Miniftre, le Roi ne fe laiffa point éblouir par les apparences; fous prétexte de veiller à la fureté de la capitale, il retint Sorane auprès de fa perfonne; mais il fit observer fa conduite, de forte que le Satrape demeura prifonnier fans le favoir.

Cependant Cyrus va au devant d'Aftyage & de Cyaxare; & avec une bien plus petite armée, il les bat & les fait prifonniers. Après quoi il fait une paix folide avec Aftyage, & délivre les Perfes de toutes leurs

craintes.

Cambyfe envoie Cyrus à Babylone. Le Prince y arrive vers la fin de la démence de Nabuchodonofor. Eleazar, favant Juif, lui raconte l'origine & la caufe de cette démence furnaturelle. Cyrus voit Nabuchodonofor & l'entretient dans un de fes bons intervalles. Le Roi d'Affyrie revenu de sa démence, rend hommage publiquement au Dieu d'Ifraël, & Cyrus fait un traité d'alliance avec lui, Cyrus fait auffi connoiffance avec Daniel qui lui fait voir les prédictions du prophete Ifaie à fon fujet : il lui explique la conduite de Dieu avec l'Eglife Juive. Cyrus fe rend maître de tout l'Orient & rétablit les Juifs.

Tome XV.

I

C Z

CZAR, f. m. CZARINE, f. f. Titre d'honneur que prend l'Empereur ou l'Impératrice de toutes les Ruffies.

LES naturels du pays prononcent Tzar ou Zaar; & felon Becman ce

nom eft corrompu de Céfar ou Empereur; auffi le Czar porte un aigle dans fes armoiries comme un fymbole de fon Empire.

Le premier qui a pris le titre de Czar a été Bafile, fils de Jean Basifide, qui fecoua le joug des Tartares vers l'an 1470, & jetta les premiers fondemens de la puiffance où cet Empire eft aujourd'hui parvenu.

Quand le Czar Pierre I, exigea de la cour de Vienne qu'on le qualifiât du titre d'Empereur, cela forma beaucoup de difficulté à la Cour Impériale; mais le Czar Pierre fit préfenter par fon Ambaffadeur une lettre originale que Maximilien I avoit écrite au Czar Jean Bafilowitz. Le Comte Sinzendorff, grand Chancelier de la Cour de Vienne, fit chercher dans les archives de la maifon d'Autriche l'original de cette lettre. On ne la trouva point; mais l'écriture du Secrétaire & la fignature de Maximilien ayant été reconnues & bien vérifiées, on ne fit pas difficulté d'accorder à Pierre I, & à fes fucceffeurs, le titre d'Empereur & d'Impératrice, dont ils jouiffent encore à préfent.

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DACA, grande Ville des Indes Orientales, au Royaume de Bengale, fur le Gange.

LA

A fertilité du territoire de Daca, & les avantages de fa navigation, en ont fait depuis fort long-temps le centre d'un grand commerce; elle n'en eft pas moins reftée une des villes de l'univers les plus défagréables. Une multitude prodigieufe de chaumieres, conftruites au hafard dans un tas de boue, au milieu defquelles quelques maifons de brique bâties à la morefque, s'élevent d'efpace en efpace à peu près comme les baliveaux dans nos bois taillifs; c'eft la peinture naturelle de cette ville fi induftrieuse.

Les cours de Delhy & de Moxoudabat en tirent chaque année les toiles néceffaires à leur confommation. Chacune des deux cours y entretient pour cela un agent chargé de les faire fabriquer. Il a une autorité indépendante du gouvernement du lieu, fur les courtiers, tifferands, brodeurs, fur tous les ouvriers dont l'industrie a quelque rapport à l'objet de fa commiffion. On défend à ces miférables, fous des peines pécuniaires & corporelles, de vendre à qui que ce puiffe être, aucune piece dont la valeur excede trente roupies. Ce n'eft qu'à force d'argent qu'ils peuvent se rédimer de cette vexation.

Dans ce marché comme dans tous les autres, les les compagnies Européennes traitent avec des courtiers Maures établis dans le lieu même, & autorités par le Gouvernement. Elles prêtent auffi leur nom aux particuliers de leur nation, ainfi qu'aux Indiens & aux Arméniens, fixés dans leurs établiffemens qui, fans cette précaution, feroient fûrement pillés. Les Mogols eux-mêmes, couvrent fouvent fous un pareil voile leur induftrie pour ne payer que deux, au lieu de cinq pour cent.

On diftingue dans les contrats, les toiles qu'on fait fabriquer, & celles que le tifferand ofe, dans quelques endroits, entreprendre pour fon compte. La longueur, le nombre des fils, & le prix des premiers font fixés. On ne ftipule que la commiffion pour les autres, parce qu'il eft impoffible de faire autrement. Les nations qui fe font un point capital d'avoir de belles marchandifes, s'arrangent pour être en état de faire des avances aux entrepreneurs dès le commencement de l'année. Les tifferands, peu occupés en général dans ce temps-là, travaillent avec moins de précipitation que dans les mois d'Octobre, de Novembre & de Décembre, temps

où les demandes font forcées.

On reçoit une partie des toiles en écru, & une partie à demi-blanc. Il

feroit à défirer qu'on pût changer cet ufage, Rien n'eft plus ordinaire que de voir des toiles d'une très-belle apparence dégénérer au blanchiffage. Peut-être les fabriquans & les courtiers prévoient-ils ce qui arrivera, mais les Européens n'ont pas le tact affez fin, ni le coup-d'œil affez exercé pour s'y connoître. Une chofe particuliere à l'Inde, c'eft que les toiles, de quelque nature qu'elles foient, ne peuvent jamais être bien blanchies & bien apprêtées, que dans le lieu même de leur fabrique. Si malheureufement elles font avariées avant d'être embarquées pour l'Europe, il faut les renvoyer aux endroits d'où on les a tirées.

Entre les toiles qu'on achete à Daca, les plus importantes fans comparaifon, font les mouffelines unies, rayées & brodées. De toutes les contrées de l'Inde, on n'en fait que dans le Bengale, où fe trouve le feul coton qui y foit propre. Il eft planté à la fin d'Octobre, & recueilli dans le mois de Février. On le prépare tout de fuite pour le mettre en œuvre dans le mois de Mai, Juin & Juillet, c'eft la faifon des pluies. Comme le coton prête plus & caffe moins, elle eft la plus favorable pour fabriquer des mouffelines. Ceux qui en font le refte de l'année, entretiennent cette humidité néceffaire au coton, en mettant de l'eau immédiatement audeffous de leur chaîne. Voilà dans quel fens il faut entendre qu'on travaille les mouffelines dans l'eau.

A quelque degré de fineffe qu'aient été portées ces toiles, on peut affurer qu'elles font dans un état d'imperfection très-fenfible. L'ufage où eft le Gouvernement de forcer les meilleurs manufacturiers à travailler pour lui, de les mal payer, & de les tenir dans une espece de captivité, fait qu'on craint de paroître trop habile. Par-tout la contrainte & la rigueur étouffent l'induftrie, fille & compagne de l'aifance & de la liberté.

Les cours de Dely, de Moxoudabat, font moins difficiles fur les broderies qu'on ajoute aux mouffelines. A leur imitation, les gens du pays, les Mogols, les Patanes, les Arméniens qui en font faire confidérablement, les prennent telles qu'elles font. Cette indifférence retient l'art de broder dans un affez grand état d'imperfection. Les Européens traitent pour les broderies, comme pour les mouffelines & les autres marchandises, avec des courtiers autorifés par le Gouvernement, auquel ils paient une contribution annuelle pour avoir ce privilege exclufif. Ces entrepreneurs diftribuent aux femmes les pieces deftinées pour les broderies plates, & aux hommes celles de chaînette. On fe contente fouvent des deffeins de l'Inde; d'autres fois nous leur envoyons des deffeins pour les rayures, les brochures & les broderies.

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DAIRI, OU DAIRO, Souverain Pontife des Japonois.

КЕМ

EMPFER l'appelle le Monarque héréditaire Ecclefiaftique du Japon. En effet, l'Empire du Japon a préfentement deux chefs; favoir, l'eccléfiaftique qu'on nomme Dairo, & le féculier qui porte le nom de Kubo. Ce dernier eft l'Empereur du Japon, & le premier l'Oracle de la religion du pays.

Les grands prêtres, fous le nom de Dairi, ont été long-temps les monarques de tout le Japon, tant pour le fpirituel que pour le temporel. Ils en ufurperent le trône par les intrigues d'un ordre de bonzes venus de la Corée, dont ils étoient les chefs. Ces bonzes faciliterent à leur Dairi le moyen de foumettre toutes les puiffances de ce grand Empire. Avant cette révolution, il n'y avoit que les Princes du fang ou les enfans des Rois, qui puffent fuccéder à la monarchie; mais après la mort d'un des Empereurs, les bonzes ambitieux éleverent à cette grande dignité un de leurs grands prêtres, qui étoit dans tout le pays en odeur de fainteté. Les peuples qui le croyoient defcendu du Soleil, le prirent pour leur fouverain. La religion de ces peuples eft tout ce qu'on peut imaginer de plus fou & de plus déplorable. Ils rendirent à cet homme des hommages idolâtres : ils fe perfuaderent que c'étoit réfifter à Dieu même, que de s'opposer à fes commandemens. Lorfqu'un Roi particulier du pays avoit quelque démêlé avec un autre, ce Dairi connoiffoit leurs différens avec la même autorité que fi Dieu l'eût envoyé du ciel pour les décider.

Quand le Dairi régnoit au Japon, & qu'il marchoit, dit l'auteur de l'ambaffade des Hollandois, il ne devoit point toucher la terre; il falloit empêcher que les rayons du foleil ou de quelqu'autre lumiere ne le touchaffent auffi; c'eût été un crime de lui couper la barbe & les ongles. Toutes les fois qu'il mangeoit, on lui préparoit fes repas dans un nouveau service de cuifine qui n'étoit employé qu'une fois. Il prenoit douze femmes, qu'il époufoit avec une grande folemnité, & fes femmes le fuivoient d'ordinaire dans leurs équipages. Il y avoit dans fon château deux rangs de maifons, fix de chaque côté pour y loger fes femmes. Il avoit de plus un férail pour fes concubines. On apprêtoit tous les jours un magnifique fouper dans chacune de ces douze maifons: il fortoit dans un palanquin magnifique, dont les colonnes d'or maffif étoient entourées d'une espece de jaloufie, afin qu'il pût voir tout le monde fans être vu de perfonne. Il étoit porté dans ce palanquin par quatorze gentilshommes des plus qualifiés de fa cour. Il marchoit ainfi précédé de fes foldats, & fuivi d'un grand cortege, en particulier d'une voiture tirée par deux chevaux, dont les houffes étoient toutes femées de perles & de diamans: deux gentils

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