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sante vitalité de notre Ecole de médecine. quelque chose de réconfortant pour l'avenir.

Le prix Gaussail reste toujours la plus importante de nos récompenses, et il l'était cette année plus que les précédentes, puisque nous disposions d'une somme de 1,500 francs. Nous n'avons cependant reçu que deux Mémoires en vue de ce concours. L'un a pour titre Application du concordat dans le département de la Haute-Garonne, et pour devise les paroles suivantes de Portalis : « Le magistrat politique peut et doit intervenir dans l'administration extérieure des choses sacrées. » Il a pour auteur M. Gros, inspecteur primaire, à Foix. Le second a pour titre : Histoire de l'enseignement primaire public à Toulouse (1687-1815) et pour devise la phrase bien connue de Condorcet : « L'instruction est le besoin de tous et la société la doit également à tous ses membres. » Il a pour auteur M. Dupont, directeur de l'école du Sud, à Toulouse.

Le premier Mémoire, qui compte 436 pages, est sérieusement et solidement documenté. L'auteur connaît, cite et discute à l'occasion les ouvrages écrits sur la question; mais il s'appuie surtout sur des documents inédits puisés dans les archives départementales de la Haute-Garonne et dans les archives municipales de Toulouse. Le plan suivi est méthodique et clair. Dans une introduction qui est l'un des chapîtres les plus intéressants du Mémoire, l'auteur étudie la situation religieuse du département à la veille du Concordat, et il arrive à cette conclusion, basée d'ailleurs sur des documents, que la grande masse de la population, fatiguée des luttes incessantes entre réfractaires et assermentés, désirait un accord. Sermet lui-même, le métropolitain de Toulouse, aspirait à la paix, à l'unité, à la réunion des esprits et des cœurs. Toutefois, des raisons d'ordre, de tranquillité et de calme ne furent pas le seul mobile qui fit agir le gouvernement français.

Le désir qu'avait Bonaparte de faire de l'Église un des éléments de son pouvoir, de se servir de son action morale pour mieux asseoir sa propre autorité contribuèrent

pour une grande part à la conclusion du Concordat. C'est un point de vue un peu trop négligé par l'auteur qui n'a pas su ou voulu se dégager suffisamment des documents locaux. Le Concordat fut aussitôt suivi des articles organiques, et l'auteur a raison de dire que les mille incidents de la vie religieuse d'alors influèrent certainement sur leur rédaction définitive. L'Etat avait-il le droit de les imposer? Quel accueil leur réserva l'Eglise? voilà d'importantes questions que l'auteur aurait dû examiner en détail, car elles expliquent bien des événements ultérieurs.

Le Concordat et les articles organiques furent immédiatement communiqués aux préfets. Celui de la Haute-Garonne, Richard, s'empressa de féliciter Portalis : « Le Concordat, dit-il, produira les meilleurs effets. Vous avez prévenu dans ses différentes dispositions tous les abus qu'on pouvait craindre de la part de la puissance sacerdotale et vous avez réduit les ministres de la religion à n'avoir d'autre ambition que celle de se distinguer par leurs vertus et leur attachement à leurs devoirs. » Quelle fut l'impression produite sur les esprits dans la Haute-Garonne par la signature du Concordat? L'auteur croit qu'elle fut favorable, mais c'est de sa part une affirmation gratuite qui ne repose sur aucun document. Il eût été nécessaire de l'établir avec preuves à l'appui. On est également surpris que l'auteur, faisant une étude sur le Concordat, n'ait pas cru devoir citer le texte de cette convention. Il se contente d'en faire une courte analyse; il l'interprète même parfois d'une façon inexacte lorsqu'il affirme qu'il n'y a dans cet accord « qu'une reconnaissance peu nette » de la légalité de la vente des biens du clergé. L'article 13 est pourtant formel sur ce point là. Il est ainsi conçu : « Sa Sainteté, pour le bien de la paix et l'heureux rétablissement de la religion catholique, déclare que ni elle, ni ses successeurs ne troubleront en aucune manière les acquéreurs des biens ecclésiastiques aliénés et qu'en conséquence la propriété de ces mêmes biens, les droits et revenus y attachés demeureront incommutables entre leurs mains ou celles de leurs ayants droit.

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Bonaparte n'aurait jamais transigé sur un point aussi important.

L'application du Concordat souleva dès le début bien des difficultés. La première et la plus délicate provenait de la situation des évêques et des curés constitutionnels. Par l'article 3, le Pape invitait les évèques, pour le bien de la paix et de l'unité, à donner leur démission. Mais le gouvernement pouvait-il sacrifier ces évêques et ces prêtres qui avaient soutenu la Révolution et qui bien souvent encore étaient restés des modèles de piété et de vertu? S'il avait suivi les conseils discrets venus de Rome, s'il avait obéi aux injonctions des réfractaires, rentrés en France après le 18 brumaire, il aurait laissé de côté tous les constitutionnels; mais en agissant ainsi c'était renier toute l'œuvre religieuse de la Révolution; c'était commettre de véritables injustices, c'était mécontenter l'opinion publique, c'était s'incliner devant Rome. Le premier Consul était à la fois trop habile et trop autoritaire pour commettre une faute semblable. Il préféra transiger, et il décida que parmi les soixante. prélats qui seraient placés à la tète des nouvelles circonscriptions diocésaines il y aurait deux archevêques et dix évêques choisis parmi les constitutionnels.

Le nouvel archevêque de Toulouse, Primat, était précisément un ancien évêque constitutionnel, et c'est pour cela que l'aristocratie toulousaine lui montra toujours une sourde. hostilité. Les Académies lui firent un meilleur accueil; il fit partie de l'Académie des Jeux Floraux et de celle des Sciences et Belles-Lettres. Il fut plus tard sénateur, comte de l'Empire et commandeur de la Légion d'honneur. Très respectueux des lois, d'esprit très modéré et très conciliant, Primat facilita la mise en vigueur du régime nouveau dans la Haute-Garonne. Il avait d'ailleurs en face de lui le préfet Richard qui savait nettement revendiquer les droits du pouvoir civil et n'admettait pas la moindre ingérence du clergé dans les affaires temporelles. Son successeur, Desmousseaux, à partir de 1806, suivit la même tactique.

Entrant ensuite dans le détail de l'application du Concor

dat, l'auteur étudie successivement l'organisation paroissiale, le personnel ecclésiastique, la réglementation du culte, les conflits inévitables entre réfractaires et constitutionnels, entre maires et curés, et la surveillance des congrégations et des confréries. Son exposé est net et consciencieux, mais un peu terne; il ne sait dégager aucune idée générale; il ne sait pas rendre vivant un récit qui pouvait si facilement donner lieu à des développements intéressants. Parfois aussi il pose des questions qu'il ne résout pas et que des recherches plus approfondies lui auraient tout au moins permis d'éclaircir. Les difficultés furent grandes, surtout pour la fixation du nombre des paroisses et pour le choix des curés et des desservants. Toutes les communes, même les plus pauvres, désiraient avoir leur prêtre; elles auraient cru déchoir si elles n'avaient pas obtenu cette satisfaction; mais elles montraient moins d'empressement pour assurer à ce prêtre qu'elles sollicitaient une existence, non pas décente, mais seulement acceptable. Aussi, après une courte expérience, le gouvernement se décida-t-il à prendre à sa charge le traitement des desservants, à la condition que l'archevêque ne maintiendrait que le nombre de paroisses strictement nécessaires pour l'exercice du culte et qu'il suppri merait toutes celles où le prêtre avait peine à vivre. Le choix des curés et des desservants fut souvent l'objet de longues négociations. Certaines paroisses ne voulaient que des constitutionnels; d'autres, persistant à les considérer comme hérétiques, ne voulaient, au contraire, que des réfractaires, ou tout au moins des constitutionnels qui auraient rétracté ce qu'on appelait leurs anciennes erreurs. Mais Bonaparte ne veut pas de rétractations; il donne l'ordre formel de traiter les constitutionnels d'une manière favorable. De là des conflits que l'archevêque aurait le plus souvent facilement apaisés si les réfractaires n'avaient été soutenus et secrètement encouragés par le vicaire général de Cambon. Pour avoir la paix, plusieurs constitutionnels signèrent une sorte de rétractation et le calme reparut vers la fin de 1804.

Les règlements de police qui suivirent le Concordat soulevèrent eux aussi de nombreuses réclamations. L'Eglise n'était pas habituée à s'incliner devant l'autorité civile, et malgré l'énergie du préfet, malgré le soin qu'il mettait à surveiller l'application des règlements, malgré les recommandations qu'il faisait aux maires, les curés et les desservants en prenaient trop souvent à leur aise. Ils affichaient publiquement leur mépris pour les ordonnances, alors même qu'elles étaient contresignées par l'archevêque; ils multipliaient notamment les sonneries de cloches, et comme cet abus a subsisté, les protestations du préfet Richard sont pour ainsi dire encore d'actualité. Les voici telles qu'il les adresse à Fouché, ministre de la police, le 1er fructidor an XII : « Des abus intolérables se sont introduits dans la sonnerie des cloches, particulièrement à Toulouse. Vous pouvez juger de cet abus par ce seul fait la sonnerie commence dans toutes les églises dès trois heures du matin. Les citoyens, surtout ceux qui se trouvent placés dans le voisinage des églises, sont continuellement troublés dans leur sommeil, dans leurs affaires, dans leurs études; les maisons les plus rapprochées des églises perdent de leur valeur; les malades sont incommodés jour et nuit par ce bruit assourdissant; dans les cabinets d'étude, les bibliothèques, les maisons d'éducation, situées à proximité des églises, tout travail devient impossible; on se plaint de toutes parts. Aussi, le préfet croit-il de son devoir de délivrer ses administrés du genre singulier d'oppression que constituent ces sonneries. également inutiles et illicites. >>

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L'auteur termine par un chapitre sur les protestants et sur les juifs et par une étude sur la « Petite église », comprenant ceux qui, plus papistes que le Pape, considéraient comme hérétique le clergé concordataire. Dans sa conclusion, il fait très justement ressortir les avantages réciproques que le clergé et l'Etat ont retiré du Concordat..

Ce résumé sommaire suffit à faire comprendre l'intérêt que présente le Mémoire soumis au jugement de l'Académie. Il est net, méthodique et clair. Remanié, complété, rectifié sur cer

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