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jeune homme aveuglé par sa passion et entraîné par les conseils de son amante, prend avec elle la fuite. Ils se retirent à Avignon. Ils y séjournent quelque temps. Puis ils reviennent à Lyon, et y fixent leur domicile dans le château de Champagneux, paroisse de la Guillotière. Le 12 mars 1763, la citoyenne Dubuisson y met au jour une fille qu'on nomme Marie Antoinette. On la qualifie, dans son acte baptistère de fille légitime du citoyen Hotteterre et de la citoyenne la Coste. Hotteterre signe l'acte. Hotteterre père, meurt le 16 juillet de la même année. Il avoit fait, le 10 décembre 1761, son testament, et substitué, jusqu'à la concurrence de 10,000 livres, la portion de ses biens qui revenoit à François (ce fils déréglé et fugitif), en faveur de ses enfans légitimes, et, à défaut d'enfans légitimes, en faveur de ses héritiers présomptifs. La carrière de Hottelerre-de-Champigny fut courte. Il est atteint d'une maladie violente en 1765. La mort l'enlève. Il venoit de faire son testament, dans lequel il légue 600 liv. de rente viagère à la citoyenne a Coste et à Marie-Antoinette, réversibles de l'une à l'autre. On appose les scellés dans la maison mortuaire, On établit gardienne, la citoyenne Dubuisson, sous le nom de la Coste. Les citoyens Hotleterre, frères du défunt, habiles à se porter héritiers, prennent des lettrés de bénéfice d'inventaire et recueillent la succession. La citoyenne Dubuisson avoit abandonné sa garde, et s'étoit éloignée. Le 7 avril 1767, elle reparoît; elle se qualifie veuve Hotteterre. A ce titre, et comme tutrice de sa fille, elle assigne l'un des citoyens Hott

terre et cependant elle se borne à demander la délivrance du legs.

On lui oppose que Dubuisson son mari, n'est pas mort, et qu'elle n'a point épousé François Hotteterre.

Une sentence des ci-devant requêtes du Palais (du 7 septembre 1767), l'assujettit à commu niquer, dans un délai prefixe, l'acte de son mariage avec Hotteterre, et l'acte mortuaire de Dubuisson. Elle ne satisfait point à ce Jugement.

Autorisé à croire que Dubuisson vivoit encore, et que la citoyenne Dubuisson n'avoit point épousé Hotteterre, le frère de celui-ci assigne Dubuisson au domicile du Procureur-général, puis au domicile de la citoyenne Dubuisson. Il assigne le mari et la femme, comme tuteurs de Marie Antoinette.

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Il demande 1°. qu'il soit défendu à la citoyenne Dubuisson de se qualifier veuve, de François Hotteterre :

2°. Que l'acte de baptême de Marie Antoinette soit réformé en ce que François Hotteterre y est dénommé père de Marie Antoinette, Marie Antoi nette, et la citoyenne Dubuisson, fille et femme de François Holteterre; et que la sentence à intervenir soit mentionnée en marge de la minute de cet acte baptistère :

3°. Que le testament de François Hotleterre soit déclaré nul.

(En 1768) sentence par défaut adjudicative de ces conclusions.

Hotteterre signifie cette sentence,
On n'y forme point opposition.
Il l'exécute.

A s

La citoyenne Dubuisson et sa fille restent muettes et inactives, jusqu'au mois de décembre 1775.

Jean-Baptiste Hotteterre, qui avoit soutenu le premier combat et livré le deuxième étoit mort. La citoyenne Dubuisson assigne la Veuve en reprise d'instance.

Marie Antoinette intervient, sous l'assistance d'un curateur. Elle demande à être reçue opposante au Jugement par défaut, du 6 juin 1768, et sollicite une provision de 6,000 livres.

Sentence contradictoire du 6 février 1777 qui la déboute de sa demande en provision avec dépens.

Elle en interjette appel, ainsi que de la sentence de 1768. Elle arrête, par des oppositions, le paiement des revenus dépendans de la succession de François Hotteterre; elle reproduit sa demande en provision.

Le Tribuual du cinquième Arrondissement lui accorde une provision de 2,000 livres.

Au fond elle demande l'exécution du testament, et la délivrance de son legs.

Je suis, dit-elle, fille légitime de François Hotteterre. Mon acte baptistère le prouve. Dubuisson, premier mari de ma mère, est mort dans les isles en 1756. Je rapporte son acte mortuaire. Supposé donc que je ne fusse pas fille légitime de François Hotteterre, je serois sa bâtarde, et j'aurois droit à la faveur que les Lois accordent aux bâtards simples, Fût-il possible de douter de l'identité de Dubuisson, premier mari de ma mère, avec ce Dubuisson mort à Saint-Domingue, du moins serois-je bâtarde

adultérine; et en ce cas,

la succession de mon

père me. devroit encore des alimens.

Hotteterre ne m'a légué que 600 livres de rente; cela n'est point excessif. Son testament est régu lier. Ma demande doit donc être accueillie.

L'héritier de François Hotteter re soutient au contraire que le testament est nul, et que Marie Antoinette n'est pas fille légitime de François

Hotleterre.

François Hotteterre n'a point épousé la citoyenne Dubuisson. Condamnée, en son nom et en qualité de tutrice de sa fille, à produire l'acte de célébration de ce prétendu mariage, elle a été dans l'impuissance de le produire.

Dans son testament, François Hotteterre s'exprime ainsi Je lègue à Marie-Suzanne de la Coste. Il ne dit pas mon épouse.

Après le décès du Testateur, la citoyenne Dubuisson ne s'est point annoncée comme veuve ; c'est sous le nom de Marie-Suzanne de la Coste, qu'elle a été établie gardienne.

Marie Antoinette est elle-même si fortement Convaincue qu'elle n'est pas légitime, qu'au lieu de réclamer la succession paternelle, et les biens substitués, elle demande uniquement la délivrance de son legs.

Mais elle n'est pas même bâtarde du citoyen Hotleterre.

L'acte mortuaire qu'elle produit, ne constate pas le décès de Dubuisson, mari de la citoyenne la Coste.

Cet acte ne renferme point de nom de baptême.

L'individu, auquel cet acte s'applique, étoit né à Lyon. Dubuisson, mari de la citoyenne Lacoste, avoit reçu le jour près de Vienne en Dauphiné.

L'individu mort à Saint-Domingue, étoit, en 1756, âgé d'environ trente-deux ans. Dubuisson, mari de la citoyenne la Coste, avoit le même âge en 1748; et en 1756, il avoit qua

rante ans.

Ni la mère ni la fille n'établissent d'ailleurs que Dubuisson, mari de la citoyenne la Coste, soit passé dans les isles.

Dubuisson, mari de la citoyenne la Coste, vivoit donc à l'époque de la naissance de Marie Antoinette. Il est réputé vivre encore. Marie Antoinette est donc sa fille. Is enim est pater, quem justa nuptia demonstrant.

Elle est légitime; ce qui exclut toute idée de bâtardise.

Ces principes, elle seroit la première à les faire valoir, si le décès bien constant de Dubuis son, mari de sa mère, donnoit ouverture à une riche succession.

Au reste, s'il étoit possible de l'envisager comme bâtarde adultérine, que lui devroit-on? Elle le dit elle-même, des alimens; supposé cependant que sa mère fût dans l'impuissance de lui en procurer.

A l'égard du testament, il est nul. C'est un testament fait en pays de droit écrit, un testament nuncupatif. Le château de Champagneux, où François Hotleterre a testé, est du faubourg de la Guillotière. Tous les témoins doivent donc savoir signer, aux termes de l'article 45 de

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