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proposer à S. S. Elle-même, s'ils étoient admis à l'honneur de conférer avec Elle?

Les motifs allégués par le S. P. dans sa Lettre citée, se réduisent à trois chefs:

1o. Le premier porte sur les innovations religieuses introduites en France depuis le Concordat, contre lesquelles, dit le Pape, nous avons si souvent et toujours inutilement réclamé.

S. S. n'entre dans aucuns détails sur les innovations dont Elle se plaint. Pour nous, nous n'en connoissons aucune qui puisse être regardée comme une atteinte essentielle portée au Concordat. Peut-être S. S. se reporte-t-Elle aux représentations qu'Elle adressa à l'Empe eur au commencement de 1805. Nous nous en référons à ce que nous avons dit en discutant la première question de la seconde série. On

y a vu que la plupart des griefs énoncés dans ces représentations n'ont pour objet que des points de discipline, à l'égard desquels l'Eglise Gallicane conserve le droit de se gouverner par ses maximes et par ses usages, et qu'à l'égard des Articles Organiques moins favorables à la Discipline Ecclésiastique, l'Empereur avoit eu la condescendance de ne pas

en presser l'exécution rigoureuse. Nous ajouterons que, depuis 1805, ces Articles de Discipline que le Pape présente aujourd'hui comme des innovations importantes et dangereuses, ont été constamment en vigueur, sans que, jusqu'à ces derniers temps, il s'en soit prévalu pour refuser des Bulles aux Evêques nommés par S. M.

2o. Un second motif du refus des Bulles allégué par le Pape, dans sa Lettre au Cardinal Caprara, est fondé sur des événemens et des mesures politiques qui ne nous sont pas assez connus, et qu'il ne nous appartient pas de juger.

L'événement principal est le Décret de 1809, portant réunion de l'Etat Romain à l'Empire François.Ce motif est-il Canonique? Est-il fondé sur les principes et sur l'esprit de la Religion?

La Religion nous apprend à ne pas confondre l'ordre spirituel et l'ordre temporel. La jurisdiction que le Pape exerce, de droit divin, dans toute l'Eglise, est purement spirituelle. C'est la seule que le Prince des Apôtres ait reçue de J.-C., la seule qu'il ait pu transmettre à ses Successeurs. La Souveraineté temporelle n'est, pour les Papes, qu'un accessoire étranger à leur Ministère. La première a com

mencé avec l'Eglise et durera autant que PEglise, c'est-à-dire autant que le monde. L'autre est d'institution humaine : elle n'est point comprise dans les promesses que J.-C. a faites à Saint Pierre et à ses Successeurs : elle peut leur être enlevée, comme elle leur a été donnée par les hommes et les événemens. C'est dans la puissance spirituelle que réside la véritable grandeur des Souverains Pontifes. Que le Pape soit Souverain, ou qu'il ne le soit pas, son autorité dans l'Eglise universelle dont il est le Chef, ses relations avec les Eglises particulières doivent être toujours les mêmes. Quelle que soit sa situation politique, il conserve tous les pouvoirs attachés au premier Siége de la Chrétienté; mais ces pouvoirs, il ne les a reçus que pour l'avantage des Fidèles et le gouvernement de l'Eglise. Nous aimons à nous persuader que S. S. daigneroit mettre un terme au refus qu'Elle fait de les exercer, si Elle étoit convaincue, comme nous qui voyons les choses de près, que ce refus ne peut être que très-préjudiciable à l'Eglise.

Si nous pouvions supposer que l'on regarde l'invasion de Rome comme un motif suffisant de refuser l'Institution Canonique aux Evêques nouvellement nommés, les considérations

suivantes résoudroient aisément la difficulté. Le refus des Bulles, ainsi motivé, ne sauroit avoir quelque poids dans la discussion actuelle, qu'autant que l'on supposeroit que cette invasion est une violation du Concordat.

Le Concordat n'a rien stipulé sur les intérêts politiques du S. Siége. L'Empereur n'y traite avec le Pape, que comme avec le Chef de l'Eglise. Tant que la jurisdiction spirituelle du Pape sur l'Eglise de France est reconnue et respectée, les liens qui attachent l'Eglise de France à la Chaire de Pierre, au Centre de l'Unité, ne sont point relâchés, et le Concordat subsiste dans son intégrité.

Le Concordat ne garantissoit pas au Pape la possession de l'Etat Romain; l'occupation de Rome n'est donc pas une infraction du Concordat. C'est une affaire politique qui sort de l'ordre des choses réglées par le Concordat; une affaire purement temporelle qui ne doit avoir aucune influence sur les affaires spirituelles, à moins qu'on ne veuille confondre ce que l'Evangile et toute la Tradition des premiers siècles de l'Eglise nous apprennent à séparer.

Dans sa Lettre au Cardinal Caprara, le Pape reconnoît cette distinction entre le temporel et le spirituel : mais il ajoute qu'il ne peut pas

sacrifier la défense du patrimoine de l'Eglise, sans manquer à ses devoirs et se rendre parjure.

Nous ne disons pas que le Pape fût obligé de sacrifier la défense du patrimoine de l'Eglise. En sa qualité de Souverain temporel, il avoit, comme tous les Souverains, le droit incontestable de défendre ses possessions. Il pouvoit, comme eux, employer à cet effet les moyens politiques que la Providence avoit mis en son pouvoir, ou faire entendre ses réclamations; mais son devoir ne consistoit pas à les faire réussir la loi de la nécessité l'auroit absous aux yeux de l'Eglise et de la Postérité.

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Ajoutons que, dans la supposition même où l'occupation de Rome autoriseroit le Pape à déployer contre l'Empereur l'exercice de la Puissance spirituelle, le refus des Bulles ne nous paroît pas une mesure adaptée au but que se proposeroit S. S.

En effet, qu'y a-t-il de commun entre les intérêts temporels du Pape, et les besoins spirituels de l'Eglise de France? Si l'Empereur exigeoit des Evêques nouvellement nommés quelque déclaration, quelque démarche contraire à la Foi Catholique, ou à l'autorité du S. Siége, le Pape seroit en droit de ne pas les admet

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