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aviser aux moyens d'obvier aux embarras toujours croissans relativement à ces Dispenses, et prendre à cet égard une marche commune et une règle uniforme de conduite; et, après avoir discuté la matière avec toute l'attention dont elle est digne, nous avons délibéré d'adresser à Votre Sainteté la présente Supplique, pour qu'Elle daigne nous accorder, nou plus seulement, comme dans le premier Indult, le pouvoir de dispenser un certain nom bre de fois, mais la faculté entière, pour un temps limité, de dispenser dès empêchemens dont il s'agit, en chargeant la conscience des Evêques de n'user de ces pouvoirs que pour des causes Canoniques..

En restreignant au nombre de trente pour deux années les dispenses du second degré, Votre Sainteté a jugé sans doute qu'Elle pourvoyoit suffisamment aux besoins de tous nos Diocèses; nous ne doutons pas que si Elle avoit cru que ce nombre fût si disproportionné avec nos besoins, Elle ne nous eût donné pour ces Dispenses une plus grande latitude. Mais outre qu'Elle a traité également tous les Diocèses, les plus vastes comme les plus petits, et qu'ainsi il y a évidemment une inégalité relative de Diocèse à Diocèse, il n'est pas moins constant

qu'il y a une disproportion absolue entre les bornes qu'Elle a mises à nos facultés et la multiplicité des Mariages entre parens, qui tient aux temps, aux mœurs, aux localités, à l'immense population de nos Eglises, et enfin aux autres circonstances extraordinaires où nous nous trouvons. Nous regrettons que Votre Sainteté n'ait pas été plus à portée de juger par Elle-même de la véritable situation des choses, et sans doute qu'Elle auroit davantage étendu son Indult si Elle avoit eu les moyens de la connoître. C'est donc à notre expérience, Très-Saint-Père, et aux connoissances locales que Votre Sainteté peut acquérir de nous sur un objet si important, que nous la supplions de s'en rapporter, pour agir ici avec cette sagesse qui la caractérise, et cette justice qui est dans son cœur.

Le nombre des demandes légitimes qui nous sont adressées paroît peut-être à Votre Sainteté trop considérable, et nous concevons parfaitement comment Elle peut en être surprise; mais il cesse d'exciter autant d'étonnement lorsqu'on réfléchit que les Mariages entre parens ont dû nécessairement devenir plus fréquens pour quatre raisons principales: 1° Parce qu'on veut éviter le partage des biens avec des familles

étrangères. 2° Parce que les familles ont intérêt de préférer à une étrangère une parente qui resteroit dans le célibat, vu la rareté des époux. 3° Parce que la crainte de la Conscription militaire détermine précipitamment le choix en faveur d'une parente. 4° Parce qu'un reste de différence d'opinion porte à préférer quelqu'un de la famille, dont l'opinion est connue, à un étranger dont on craint, ou dont on la manière de penser.

n'aime pas

Ces considérations, Très-Saint-Père, sans parler de beaucoup d'autres qui pourroient être mises sous les yeux de Votre Sainteté, sont dignes de toute son attention. Elles le sont d'autant plus que les Evêques n'ont aucun pouvoir pour y remédier, et que leur résistance ne tourneroit qu'au détriment de la Religion, et ne serviroit qu'à multiplier les scandales. Car que de scandales et de malheurs résulteroient du refus de ces Dispenses! De là suivroit infailliblement, pour un grand nombre, la funeste habitude de se passer du Sacrement de Mariage, dont ils n'ont plus besoin pour mettre leur honneur à couvert aux yeux du monde, ni pour mettre en sûreté l'état de leurs enfans; de là l'éloignement de tout exercice de religion, et le mépris des choses

saintes de la part de ceux qui, n'étant point mariés par devant l'Eglise, ne craignent pas de rompre tous rapports avec l'Eglise, ou n'en conservent que pour susciter à leurs Pasteurs des contradictions fâcheuses, qui deviennent par contre-coup pour les Evêques, une source intarissable d'inquiétudes et d'embarras; de là enfin le danger presqu'inévitable de voir périr entièrement la Religion chez tant d'hommes qui, laissant leur union sans Sacrement, laisseroient également leurs enfans sans Baptême et sans éducation Chrétienne, et se précipitéroient dans la mort de l'indifférence.

La multiplicité des Dispenses du second degré et du second au troisième est telle, par les raisons alléguées ci-dessus, que dans le temps même où le recours à Rome étoit encore facile, les Évêques de France avoient la douleur de voir se renouveler le scandale des Mariages purement civils; tantôt parce que les parties prétendoient n'avoir pas le temps d'attendre, et tantôt parce qu'elles alléguoient leur impossibilité de payer le droit exigé. Que sera-ce donc maintenant où le recours est devenu impossible par le départ des Prélats délégués par Votre Sainteté, par le transport de la Daterie, et par les événemens subséquens dont on

ne sauroit calculer les résultats, ni prévoir les conséquences?

Votre Sainteté jugera peut-être qu'il n'y a pas de plus grand scandale que cette prodigalité sans bornes de Dispenses entre Parens; qu'un peuple aussi mal disposé se montre d'autant plus indigne de l'Indult qu'on sollicite en sa faveur, qu'il est plus porté à en abuser, et qu'ainsi les moyens mêmes qu'on emploie pour l'obtenir sont autant de raisons de résistance et de refus.

Nous avouons, Très-Saint-Père, que c'est là un des grands inconvéniens de notre position, et nous sommes les premiers à en gémir; mais de deux maux il faut choisir le moindre, et Votre Sainteté verra certainement moins de. dangers à mettre dans ses Dispenses entre Parens une telle facilité, que d'exposer un si grand nombre de personnes à s'en passer entièrement, à séculariser leurs mariages, et à couper ainsi ce fil précieux qui les unit encore à leur Pasteur, et les sauve de la tentation de s'affranchir du respect envers l'Eglise, et de tout devoir envers Dieu. D'après ces im-portantes considérations, Très-Saint-Père, nous avons tous pensé que nous ne pouvons pas rester plus long-temps dans cet état d'anxiété ;

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