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des exemples si touchans. Nous aimons à nous dire, dans nos communications fraternelles, que le grand Saint-Grégoire se relâcha, en faveur de la Nation Anglaise, nouvellement convertie à la foi, des rigueurs de la Discipline Chrétienne concernant les Mariages, ne à bono quod coeperat, metuendo austeriora, recederet. Nous nous rappelons que, par le même motif, le Pape Grégoire II ne fut pas moins favorable à la Nation Allemande : Quia temperantia magis.... placet quàm districtio censuræ, concedendum est, etc., comme l'écrivoit cet illustre Pape à Saint-Boniface, qu'il avoit envoyé aux Peuples du Nord pour les convertir; en sorte que vingt ans s'écoulèrent avant que le Pape Zacharie remît parmi eux en vigueur les Canons relatifs au Mariage, lorsqu'ils furent enfin devenus plus dociles à la voix de l'Eglise.

Ah! il n'est que trop vrai qu'eu égard 'aux ravages que l'infidélité a faits parmi nous pendant de longues années de licence et d'anarchie, Votre Sainteté peut nous considérer comme nouvellement convertis à la foi. Sous ce rapport, les premiers Pasteurs ne sont que trop autorisés à lui dire qu'il est à craindre que le joug d'une austère discipline n'effraie des peu

ples qui reviennent à la Religion, mais parmi lesquels le retour trop subit à la sévérité de la règle briseroit peut-être le roseau cassé, et achèveroit d'éteindre le lumignon qui fume encore: Cavendum ne à bono quod coeperant, metuendo austeriora, recedant.

Jusqu'à présent je n'ai parlé à Votre Sainteté que des besoins des peuples qu'Elle a confiés à notre sollicitude. Me permettra-t-Elle de lui parler aussi de leurs premiers Pasteurs? L'extension du pouvoir d'accorder des dispenses n'est pour eux d'aucun avantage. La charge de leur conscience en est augmentée, sans qu'ils y gagnent le moindre accroissement d'honneurs, de revenus, ou de considération publique ; en sorte que les instantes prières qu'ils font à Votre Sainteté sont tout-à-fait

désintéressées.

pures et

Assaillis par les demandes réitérées de nos Diocésains, que pourrons-nous leur répondre avec l'espoir d'en être écoutés? Dirons-nous simplement que le Saint-Père nous a refusé la continuation des pouvoirs extraordinaires dont nous avons besoin pour accorder ces dispenses, et qu'il faut désormais écrire à Rome pour les obtenir ? S'ils insistent, ne serons-nous pas for

cés de leur apprendre qu'ils n'ont rien à espé→ rer avant deux ou trois mois, ou même plus, selon la distance des lieux et la multiplicité des intermédiaires? Alors, ils répondront que leur mariage doit se faire au plus tard dans la quinzaine, et qu'ils ne peuvent pas, sans de grands dommages, attendre plus long-temps. Les pères persuaderont à leurs enfans de se márier provisoirement à la Municipalité. La présence momentanée d'un parent riche qui dote sa parente pauvre ou orpheline, le prochain départ du futur époux pour l'armée, un procès à éteindre entre les deux familles, la crainte qu'une mutuelle ardeur ne se refroidisse par les délais, tout leur servira d'exeuse ou de prétexte. Ils murmureront contre leurs Evêques et leurs Curés ; ils murmureront contre le Souverain Pontife, au lieu de bénir son autorité secourable et paternelle.

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D'autres, se prévalant de la teinture légère qu'ils ont pu acquérir de quelques principes du Droit Canonique, nous objecteront que l'impossibilité ou la simple difficulté de recourir à Rome fait cesser la réserve, et que c'est alors à l'Evêque à dispenser. Si on leur dit que le re

cours à Rome n'est ni impossible ni même difficile, ils sauront bien répliquer que ce recours n'est pas possible pour eux dans le moment actuel, et qu'ayant de justes causes pour solliciter la dispense, ils ont un pressant besoin de l'obtenir sans éprouver de longs délais, qui équivalent pour eux à une impossibilité réelle et absolue. Ils citeront à l'appui de leurs idées l'autorité de Benoît XIV, les témoignages de Pontas, de l'auteur du Traité des Dispenses, des Conférences d'Angers, et d'autres Canonistes qui passent, parmi nous, pour les plus dévoués au Saint-Siége.

Pressés par tant de clameurs, pressés par les plaintes du Gouvernement à qui ces clameurs ne tarderont pas à parvenir, la conduite des Evêques épars sur le vaste territoire de la France sera-t-elle uniforme? C'est ce qu'aucun d'eux ne peut affirmer avec certitude; mais n'est-il pas à craindre qu'alors une main puissante, ou des ordres sévères, ne mettent d'invincibles obstacles à ce recours, où nous trouvons encore la consolation et la joie de notre ministère; mais dont l'impossibilité feroit, de l'aveu de tous nos Théologiens, un devoir aux Evêques de dispenser, dans les cas où les rè◄

gles et les Canons de l'Eglise autorisent la dispense.

Voilà, Très-Saint-Père, une partie des embarras inextricables où nous allons être plongés, si Votre Sainteté persévère à nous refuser la continuation des pouvoirs extraordinaires, et notre confiance filiale nous porte à les dé-poser dans son sein.

Tous les Evêques de France ont sans doute un droit égal à sa bonté; mais c'est à nous surtout à en solliciter le témoignage le plus sensible en redoublant nos instances respectueuses, nous, anciens Evêques de l'Eglise Gallicane, qui avons supporté l'exil, bravé les périls et l'indigence, obéi à la voix du Souverain Pontife en nous démettant de nos Siéges Episcopaux, obéi à la même voix, en prenant la charge des nouveaux troupeaux qu'Elle a confiés à notre garde; et qui n'avons ni pu, ni voulu accepter ce pesant fardeau, qu'avec l'espoir d'obtenir de Votre Sainteté toute l'assistance et tous les pouvoirs nécessaires pour le bon gouvernement de nos Diocèses.

Guidé par mon amour filial, et pénétré d'un profond respect pour le Successeur du Prince des Apôtres, j'implore humblement, Très

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