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Saint-Père, votre Bénédiction Apostolique pour moi, et pour les Fidèles que je dois diriger dans les voies du Salut.

De Votre Sainteté,

Le très-humble, très-obéissant et très-dévoué fils et serviteur,

Signé-LOUIS-MATTHIAS, Archevêque de

Tours.

Paris, le 28 Décembre 1808.

BULLES.

LETTRE DE L'ARCHEVÊQUE DE

TOURS AN. S. P. LE PAPE PIE VII.

TRÈS-SAINT-PÈRE,

Si dans les événemens qui affligent profondément le cœur de Votre Sainteté, il ne s'agissoit que des intérêts temporels de l'Eglise et de sa gloire extérieure, les Evêques François adresseroient en silence leurs vœux au Ciel, pour que la bonté divine daigne répandre sur le Père commun des Fidèles ses ineffables consolations.

Mais lorsque, par le fait, ces événemens se trouvent accompagnés ou suivis de circonstances qui tournent au détriment des âmes et du gouvernement spirituel des Diocèses; lors

que du défaut d'intervention de la part de Votre Sainteté résulte le veuvage indéfini de plusieurs Eglises qui réclament et attendent leurs premiers Pasteurs, alors il est du devoir de ces mêmes Evêques de chercher, devant Dieu, s'il n'existe pas de moyens propres guérir d'aussi grands maux, de soumettre

à

leurs réflexions à Votre Sainteté et d'attendre le jugement qu'Elle en aura porté.

Telles étoient, Très-Saint-Père, les pensées qui occupoient mon esprit, lorsque je fus instruit par le Ministre des Cultes que Sa Majesté Impériale désire sincèrement que les Archevêchés ou Evêchés, auxquels Elle nomme en vertu du Concordat, soient régulièrement pourvus, et qu'afin d'y parvenir Elle consent, quant à présent, à ce que dans les Bulles d'Institution Canonique il ne soit pas fait mention de sa nomination; auquel cas la demande des Bulles ne pouvant pas convenablement être signée par l'Empereur, elle seroit adressée à la Chancellerie de Votre Sainteté, par une lettre du Ministre des Cultes. La lettre dont il s'agit porteroit en substance que Sa Majesté ayant nommé à tel Evêché ou Archevêché, le Souverain Pontife est prié d'accorder l'Institution au sujet désigné.

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Cet expédient lèveroit heureusement, ce semble, tous les obstacles qui naissent de la difficulté des temps et des circonstances actuelles. Votre Sainteté, en donnant purement et simplement ses Bulles d'Institution, sans exprimer qu'Elle nomme de son propre mouvement et sans autres clauses insolites, rendroit un service signalé à la Religion, et surtout à l'Eglise Gallicane qu'anime constamment un amour filial et respectueux pour le Saint-Siége. Elle feroit cesser la perplexité qui trouble déjà plusieurs de nos grandes Eglises, particulièrement la Métropole de la Capitale de l'Empire, et je prends la liberté d'ajouter que toutes dans ce moment fixent, avec une religieuse inquiétude, leurs regards et leurs espérances sur la conduite que tiendra Votre Sainteté dans cette importante affaire.

Par là, Elle préviendroit les maux qui ne peuvent pas manquer de naître d'une plus longue persévérance à refuser d'instituer les Evêques nommés par l'Empereur. Et quoique nous ayons tout lieu de croire que l'intention de Sa Majesté Impériale n'est pas de rien faire qui puisse renouveler leSchisme dans ses Etats, Votre Sainteté prévoit aisément jusqu'où les choses pourroient aller si l'état actuel du veu

vage des Eglises continuoit encore un certain temps.

à se

Le principe de la nécessité seroit probablement réclamé, et ce principe auroit d'autant plus de force qu'il frappe vivement tous les esprits et fait taire toutes les lois, sauf celles de Dieu même. Il est à craindre qu'on ne tente, ce qu'à Dieu ne plaise, d'obliger les Evêques, soit dispersés, soit réunis en Conciles reporter à des époques bien antérieures aux Concordats avec le Saint - Siége, et qu'on ne leur propose de recourir aux moyens usités dans l'antiquité ecclésiastique pour l'Institution des Evêques, attendu l'impossibilité actuelle de pourvoir d'une autre manière à la vacance des Siéges Episcopaux.

Je m'abstiendrai, Très-Saint-Père, de donner ici plus de développement à nos motifs de crainte et d'anxiété. Votre Sainteté les pésera dans son cœur et dans sa sagesse. Elle en sera d'autant plus touchée que si des idées de cette nature n'entraînent pas dans l'exécution un Schisme évident et réel, elles seroient au moins la source de beaucoup de troubles et de divisions. Nos Eglises, depuis long-temps et cruellement agitées, ont un si grand besoin de paix! Ah! il n'est que trop vrai qu'elles ne peuvent

se rétablir et se consolider que par la paix.

Une autre considération qui ne me paroît pas indigne d'être mise sous les yeux de Votre Sainteté, c'est la grande influence qu'auroit l'exemple de l'Eglise de France sur tout le reste de la Catholicité. Si jamais cette Eglise illustre, contrainte par la nécessité, recouroit dans sa douleur à l'ancienne forme d'Institution des Evêques, qui peut assurer que les autres Eglises ne seroient pas entraînées, par la force même des choses, à suivre son exemple? Alors sans doute le lien d'unité dans la Foi et dans la Discipline essentielle ne seroit pas rompu; mais cet autre lien si cher à l'Episcopat François, si cher aux Evêques de toute la Chrétienté, ce lien qui unit d'une manière particulière, et qui semble plus intime, les Evêques au Souverain Pontife par l'Institution Canonique qu'ils ont reçue de lui, ne subsisteroit plus pour les Evêques nouveaux, tandis que tous nos vœux tendent à le resserrer de plus en plus et à le rendre indissoluble.

Vivement affecté par ces sentimens, TrèsSaint-Père, j'ai cru devoir soumettre mes pensées au jugement de Votre Sainteté. J'ose plus encore; j'ose la supplier de vouloir bien y

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