pas la libération de l'acquéreur, tant que le prix restait entre ses mains. La dame Hubert pouvait renoncer à troubler la possession du tiers détenteur, en se réservant ou du moins en n'abandonnant pas ses droits sur le prix représentant l'immeuble. Est-ce là ce qu'elle a fait ?..... Au contraire, elle a consenti qu'au préjudice de l'antériorité de son hypothèque, plusieurs créanciers qu'elle primait, entre autres le sieur Mazure, touchassent une partie importante du prix; ces paiemens ont été faits à sa décharge, puisqu'elle se trouvait personnellement obligée envers ces divers créanciers. Bien plus, elle a touché, concurremment avec son mari, l'excédant du prix; et elle a donné quittance de l'intégralité de ce prix, en garantissant la validité des divers paiemens. Ainsi, de même qu'elle s'était interdit toute action réelle sur l'immeuble précédemment soumis à son hypothèque, elle s'est interdit également toute réclamation sur le prix, puisque l'aquéreur l'a intégralement payé avec son approbation expresse. Maintenant on se demande comment il serait possible de concilier un droit hypothécaire d'une nature quelconque, avec une interdiction aussi formelle d'exercer son action sur l'immeuble et sur le prix? Et, puisqu'une telle conciliation est impossible; puisqu'on ne peut concevoir une créance hypothécaire, quand le droit de suivre l'immeuble ou de réclamer une portion du prix n'existe plus, il faut nécessairement conclure que l'hypothèque elle-même s'est évanouie, dès-lors qu'on s'est interdit tout moyen de l'exercer.. Vainement exciperait-on de l'absence d'une renonciation formelle et positive. La renonciation de fait, lorsqu'elle résulte, non d'inductions plus ou moins forcées, mais d'un acte matériel et volontaire, dont elle est la conséquence immédiate, a toujours produit les mêmes effets que la renonciation directe; c'est ici la même chose traduite en d'autres termes; et quand la dame Hubert a dit, dans un acte authentique, je renonce à toute action hypothécaire sur l'immeuble et à toute prétention sur le prix, c'est absolument comme si elle avait dit je renonce à mon hypothèque.. Qu'un vendeur concoure sciemment à la revente de la chose qu'il avait achetée; que le créancier sur gage se dessaisse de son nantissement sans aucune réserve, le contrat originaire est résolu par le fait, quoique les parties n'aient pas exprimé leur intention à cet égard; car l'intention se manifeste par des actes et par des faits, aussi bien que par des formules que l'usage a consacrés. Le sieur Mazure présente ici un argument qui n'est même pas spécieux. La femme Hubert, dit-il, a stipulé avec moi et non avec les créanciers de son mari; et dès-lors, ceux-ci ne peuvent tirer aucun avantage des engagemens qu'elle a contractés. » Les réponses se présentent en foule pour écarter ane telle objection. Et d'abord, pour que la renonciation à son hypothèque légale pût profiler au sieur Mazure seul, il faudrait que la femme Hubert eût déclaré dans l'acte que la renonciation était faite dans son intérêt personnel, et qu'il y eût une subrogation à son profit; ce qui n'existe pas dans l'espèce, où l'on voit un abandon pur et simple des droits résultant de l'hypothèque, c'est-à-dire de l'hypothèque elle-même. En second lieu, d'après le rapprochement des articles 1121 et 1165 du Code civil, une partie peut profiter de la stipulation consignée dans un acte, quoiqu'elle n'y ait pas figuré, lorsque, par sa nature, l'effet de cette stipulation ne doit pas être borné aux parties contractantes; or, dès qu'une hypothèque inscrite ou conservée par la loi sans inscription cesse de grever un immeuble, tous les créanciers postérieurement inscrits profitent nécessairement de son extinction. Ici, il n'existe aucune différence entre l'hypothèque légale et l'hypothèque ordinaire; et de même que, lorsqu'un créancier inscrit a consenti la radiation de son inscription, sans aucune réserve ni mention de subrogation au profit d'un tiers, les créanciers postérieurs viennent prendre son rang, sans s'informer des motifs pour lesquels l'inscription qui les primait a été radiée, ni de la personne qui a provoqué et obtenu cette radiation; de même, quand un immeuble se trouve dégrevé de l'hypothèque légale, il l'est dans l'intérêt de tous les créanciers d'un rang postérieur à celui de cette hypothèque. Enfin, si l'on admettait l'étrange prétention du sieur Mazure, si on l'autorisait à toucher encore aujourd'hui le montant des sommes conservées par l'hypothèque légale de la femme Hubert, il en résulterait que, par ellemême ou ses ayant-cause, elle recevrait deux fois ces mêmes sommes, puisqu'elle s'en trouvait déjà remplie à l'époque de la vente par les paiemens faits à sa décharge, ainsi que par la portion de prix qu'elle a touchée avec son mari, et dont elle a peut-être seule profité. Le point d'équité se réunit donc ici au point de droit pour la justification de l'arrêt attaqué, et il est bien démontré que le sieur Mazure, alors même qu'il eût eu qualité pour exercer les droits de la femme Hubert, ne pouvait réclamer en son nom l'effet d'une hypothèque légale qui n'existait plus depuis le 10 octobre 1811. ARRÊT. LA COUR,-sur les conclusions de M. Jourde, avocat général, et après un délibéré en la chambre du conseil; -Vu, 1o. l'article 1446 du Code civil; CONSIDERANT qu'aux termes de cet article, Mazure, en qualité de créancier de la femme Hubert, dont le mari était en faillite, pouvait exercer tous les droits de cette femme, et qu'il pouvait les exercer, quoiqu'il n'y eût pas de séparation de biens entre les époux Hubert: qu'ainsi, en jugeant que cette sé paration était un préalable nécessaire à l'action intentée par Mazure, l'arrêt a violé l'article ci-dessus;-Vu, 2°. l'article 1163, portant: « Les conventions n'ont d'effet qu'entre les >> parties contractantes; »CONSIDÉRANT qu'en vendant à Mazure l'immeuble dont il s'agit au procès, la femme Hubert a garanti son acquéreur de toutes dettes et hypothèques; qu'elle a par conséquent renoncé, en faveur de Mazure, à l'hypothèque légale qu'elle avait sur ce bien; mais que cette renonciation, elle ne l'a pas faite en faveur des autres créanciers de son mari, qui n'ont pas été parties au contrat; qu'ainsi, en étendant à ces créanciers le bénéfice d'un acte qui leur est étranger, et ne stipule d'ailleurs rien à leur profit, l'arrêt a violé l'ar ticle ci-dessus; - Vu, 3o. l'article 2194, portant.....-CONSIDÉRANT qu'aux termes de cet article, celui qui veut purger l'hypothèque légale d'une femme, est tenu, entre autres formalités, de notifier le dépôt de son contrat, tant à cette femme qu'au procureur du Roi; qu'à la vérité, si la femme ou tout autre ayant une hypothèque légale sur un immeuble, n'étaient pás connus de celui qui entreprend de le purger, comme à l'impossible nul n'est tenu, la notification faite au seul procureur du Roi serait, dans ce cas, suffisante pour remplir le vœu de la loi; que c'est là uniquement ce que l'avis du conseil d'état du 1. juin 1807 décide, mais que cet avis ne dispense pas, et ne pouvait dispenser de la notification qui, aux termes de la loi, doit être faite à tous ceux qui ont des hypothèques légales, et doit par conséquent être faite à leurs personnes ou leurs domiciles lorsqu'ils sont connus;- ATTENDU que Mazure connaissait très-bien la femme Hubert avec laquelle il a traité; d'où il suit: 1°. qu'en ne lai faisant pas la notification exigée par la loi, il ne l'a pas mise en demeure de prendre inscription, et a laissé subsister tous les droits de cette femme sur l'immeuble qui lui était légalėment hypothéqué; 2°. que de ce défaut de notification à la femme Hubert, il ne résulte pas, comme dit l'arrêt attaqué, une simple irrégularité de forme susceptible d'être couverte, mais qu'il en résulte absence absolue de purgation respectivement à la femme Hubert; que si celle-ci était en cause, elle serait sans contredit fondée à soutenir que son hypothèque n'est pas éteinte, et que Mazure qui représente la femme Hubert et en exerce toutes les actions, à évidemment le même droit; - CASSE, etc. Du 14 janvier 1817.- Section civile.-M. Brisson, président.-M. le conseiller baron Zangiacomi, rapporteur. MM. Champion et Mathias, avocats. SAISIE IMMOBILIÈRE.-PLACARDS. MARCHÉS.-DISTANCE. Bien que l'article 684 du Code de procédure, relatif aux saisies immobi lières, exige que les placards annonçant la vente soient apposés aux marchés les plus voisins, peut-on néanmoins se dispenser d'observer scrupuleusement la distance des lieux, et apposer ces placards dans des marchés plus fréquentés, et dans lesquels ont coutume d'aller les habitans de la commune où sont situés les biens, quoique ces marchés ne soient pas rigoureusement les plus proches? Rés. aff. Par procès-verbal du 8 juin 1813, le sieur Charles a fait procéder contre le sieur de Piennes, son débiteur, à la saisie réelle de quelques immeubles situés dans la commune de la Meurdraquière, canton de Bréhal, arrondissement de Coutance. Le sieur de Piennes a demande la nullité de la procédure par plusieurs moyens, et notamment parce que les placards annonçant la vente n'avaient pas été apposés aux deux marchés les plus voisins de la commune où les biens sont situés. Dans le fait, la commune de la Meurdraquière, où se trouvent les biens, n'a pas de marché, et les placards avaient été apposés dans les communes de Bréhal et de Guevray, où se tiennent des marchés, et non dans la commune de Lahayc-Pesnel, lieu de marché également, et plus proche de la Meurdraquière d'environ une lieue.. Le 4 octobre 1813, jugement du tribunal de Coutance, qui déclare la procédure régulière; « attendu que les biens saisis sont situés dans la commune de la Meurdraquière canton de Bréhal; que des affiches ont été apposées, tant au marché dudit lieu de Bréhal qu'à celui de Guevray; d'où il suit que le vœu de l'article 684 du Code de procédure civile, n.° 4, a été parfaitement rempli, puisque Bréhal est le chef-lieu du canton de la situation des biens; que le bourg de Guevray est voisin de la Meurdraquière et le marché habituel des habitans de cette commune, et qu'enfin Lahaye-Pesnel est situé dans le ressort de l'arrondissement d'Avranches. » Le 21 juin 1814, arrêt de la Cour royale de Caen, qui confirme ce jugement d'après les motifs qui suivent: « Attendu que le procès-verbal constatant l'apposition des placards atteste que cette apposition a été faite aux lieux designés par la loi; que Piennes ne prétend pas que cette apposition n'a pas eu lieu; qu'il se borne à soutenir que les marchés de Guevray et de Bréhal, où il reconnaît qu'elle a été faite, ne sont pas les marchés les plus voisins de la Meurdraquière; que la commune de Lahaye-Pesnel en est plus proche que Bréhal et même que Guevray; attendu que la différence qui existe réellement entre l'éloignement de ces trois communes du Lieu de la Meurdraquière est trop peu considérable pour que le premier juge dût s'y arrêter; qu'il y a d'autant plus lieu de le décider ainsi, que s'il résulte de l'instruction que la commune de Lahaye-Pesnel est un peu plus voisine de la Meurdraquière que Guevray et Bréhal, il demeure en même temps établi que les marchés de ces deux endroits sont plus forts et plus fréquentés que celui de Lahaye-Pesnel; que, dès-lors, en affichant les placards à ces deux marchés, ils ont eu plus de publicité qu'ils n'en auraient eu si on les avait placés à celui de Lahaye-Pesnel; que conséquemment le saisi n'a éprouvé aucun préjudice de l'apposition des placards telle qu'elle a été faite, et que le vœu de la loi a été véritablement rempli. » Pourvoi en cassation pour contravention à l'article 684 du Code de procédure, qui porte: "Extrait pareil à celui prescrit par l'article précédent, imprimé en forme » de placard, sera affiché.....; 3.o à la principale place de la commune » où le saisi est domicilié, de celle de la situation des biens et de celle » du tribunal où la vente se poursuit; 4. au principal marché desdites >> communes; et, lorsqu'il n'y en a pas, aux deux marchés les plus » voisins.... » La violation de cet article, a dit le demandeur en cassation, repose sur des faits que la Cour royale elle-même a pris soin de constater. Il est prouvé, par l'arrêt dénoncé, qu'il existe un marché plus voisin des biens saisis que ceux où les placards ont été apposés. Comment soutenir dès-lors que la loi n'a point été violée? La Cour de Caen donne pour motif de sa décision, que la différence des distances qui existent entre la Meurdraquière et Lahaye-Pesnel, et entre la Meurdraquière et Guevray et Bréhal, est peu considérable. Mais si cette différence, qui est environ d'une lieue, est insuffisante, qu'est-ce qui empêchera de considérer également comme insignifiante une différence de deux et même de trois lieues, et de rendre ainsi sans effet une disposition formelle de la loi? L'arrêt ajoute que les marchés de Guevray et de Bréhal sont plus forts que celui de Lahaye-Pesnel, et qu'ainsi les affiches ont eu plus de publicité que si c'était à ce dernier marché qu'elles eussent été apposées. Ce motif n'est pas plus solide que le premier. Aucune considération ne peut autoriser les tribunaux à s'écarter du texte de la loi; ils ne sont point juges de ses dispositions; ils ne sont point chargés d'apprécier, mais bien d'appliquer les formalités qu'elle prescrit, et ces formalités, quelque inutiles quelles peuvent leur paraître, n'en doivent pas moins être observées avec la même sévérité et la même rigueur. ARRÊT. LA COUR, sur les conclusions de M. Lebeau, avocat général; ATTENDU qu'il a été reconnu par le tribunal de première instance, et, sur l'appel, par la Cour royale de Caen, que le bourg de Guevray était le marché habituel des habitans de la commune de la Meurdraquière, dans l'étendue de laquelle sont situés les biens saisis; que ce marché était plus fort et plus fréquenté que celui de Lahaye-Pesnel;-ATTENDU que l'intérêt est la base de toute action, et que celui du demandeur n'a pas été lésé, puisque, ainsi que l'a déclaré la Cour royale de Caen, les placards d'affiches dans les communes de Guevray et Bréhal ont eu plus de publicité que s'ils eussent été posés dans celle de Lahaye-Pesnel; -REJETte. Du 29 novembre 1816.- Section des requêtes.-M. le baron Henrionde-Penser, président.-M. le conseiller Liger de Verdigny, rapporteur.M. Dard, avocat. Avant la publication du Code civil, les demandes de frais et salaires, de la part des avoués ou procureurs, étaient-elles déjà soumises à une courte prescription de deux, trois, cinq ou six ans? Rés. aff. Deux arrêts ont décidé cette question dans le même sens. PREMIÈRE ESPÈCE. Le sieur Corroyer père était procureur au ci-devant conseil d'Artois; il avait occupé dans différentes affaires pour le sieur de Fourmestreaux. Il décéda le 9 novembre 1786.. Son fils, Guillain-Marie-Xavier, lui succéda dans son office, et continua à servir le sieur de Fourmestreaux. Dix années s'étaient écoulées depuis le décès de Corroyer père, lorsque le fils qui lui avait succédé et ses autres enfans intentèrent contre le sieur de Fourmestreaux, en germinal an 3, une demande en paiement d'une somme de 2,682 fr. pour frais, avances et déboursés faits par Corroyer père, depuis 1765 jusqu'à sa mort. Le sieur de Fourmestreaux, entre autres moyens de défense, opposa la prescription. Le 20 messidor an 11, jugement du tribunal de première instance d'Arras, qui rejette la demande des héritiers Corroyer. N.° III.-Année 1817. 14 |