Pour prouver qu'une déclaration portant qu'un accusé est coupable d'avoir volontairement commis un crime, suppose nécessairement que cet accusé jouissait de tout son bon sens et de sa raison, le procureur du Roi citait un arrêt de la Cour de cassation, du 26 octobre 1815. Dans l'espèce de cet arrêt, Pierre-François Pigeon demandait la cassation d'un arrêt de la Cour d'assises du département de la Seine, sur le fondement que le président avait refusé de soumettre au jury la question de savoir si l'accusé était en démence au moment où le crime avait été commis. La Cour suprême a rejeté ce pourvoi, attendu que la démence est exclusive de la volonté, et que la question dont l'accusé demandait la position, se trouvait implicitement comprise dans la question principale, la réponse sur la culpabilité devenant présuppositive de la volonté, et par-là méme exclusive de la démence ( 1 ). D'après ces motifs, le procureur du Roi conclut à ce que le jury fut renvoyé dans la Chambre de ses délibérations, pour donner une nouvelle réponse aux questions proposées. La Cour n'a pas prononcé sur ce réquisitoire; le président, croyant voir dans les réponses du jury une déclaration de non-culpabilité, a rendu une ordonnance d'acquittement. Le procureur du Roi près de la Cour d'assises d'Eure-et-Loir s'est pourvu en cassation contre cette ordonnance, et s'est prévalu, comme principal moyen de nullité, de la prétendue contradiction du jury dans sa déclaration. 1.° ARRÊT. LA COUR, sur les conclusions de M. Henri Larivière, avocat général; - ATTENDU, que le jury ayant répondu à la quatrième question, que l'accusé Philippe était en démence au moment où il a homicidé sa femme, il en résultait qu'il n'avait pas ni pu avoir cette volonté qui, supposant l'usage de la raison, est celle à laquelle seule le législateur a entendu attacher la cupabilité de l'auteur du fait matériel;-ATTENDU, 2.°qu'en combinant cette réponse avec celles faites sur les questions précédentes, que « l'accusé était coupable d'avoir commis » cet homicide et de l'avoir commis volontairement », il est évident que, loin d'avoir voulu exprimer qu'ils reconnaissaient en lui une culpabilité légale, les jurés n'ont entendu rien autre chose, sinon qu'il était matériellement et physiquement auteur du fait, mais qu'il n'y avait apporté qu'une volonté d'homme en démence; volonté quasi animale, qui, d'après l'article 64 du Code pénal, comme d'après les plus simples lumières de la raison, est nécessairement exclusive de toute culpabilité légale ; d'où il suit que c'était le cas de l'acquittement; et ATTENDU qu'en conséquence, la Cour d'assises du département d'Eure-et-Loir a pu omettre de prononcer sur la réquisition du ministère public, qui tendait au renvoi des jurés dans leur chambre pour y délibérer une nouvelle déclaration, sans violer l'ar ticle 408 du Code d'instruction criminelle, qui ne dispose que pour le cas où l'accusé aura subi une condamnation; REJETTE. Du 4 janvier 1817. Section criminelle. M. le baron Barris, président. M. le conseiller Bailly, rapporteur. Il n'existe aucune opposition entre l'arrêt qu'on cite ici et celui que nous allons rapporter. Les articles 337 et suivans du Code d'instruction criminelle laissent aux Cours d'assises PROCÈS-VERBAL DE GARDE. AFFIRMATION.-MENTION DU LIEU, L'affirmation d'un procès-verbal de garde doit-elle, à peine de nullité, contenir la mention du lieu où elle a été faite? Rés. nég. Le 3 juin 1816, procès-verbal du garde forestier, constatant qu'un cheval appartenant à Piere-François Laurençot a été surpris en parcours dans une forêt royale. Dans les vingt-quatre heures, ce procès-verbal est affirmé par le garde devant le maire du lieu où le délit avait été commis. Mais ce lieu n'est pas mentionné dans l'acte d'affirmation. Ce prétendu moyen de nullité n'est point proposé en première instance. Mais, par d'autres motifs qu'il est inutile de rapporter, Laurençot n'en est pas moins renvoyé des poursuites dirigées contre lui, par un jugement du tribunal de police correctionnelle de Vesoul, du 6 septembre 1816. Sur l'appel de l'inspecteur des eaux et forets, Laurençot prétend donc, pour la première fois, que le procès-verbal du garde est nul, attendu que l'affirmation ne contient pas la mention du lieu où elle a été faite. L'inspecteur soutient que ce moyen de nullité n'est pas fondé, et que d'ailleurs il devait être proposé in limine litis. Le 2 décembre 1816, arrêt de la Cour royale de Besançon, qui déclare le procès-verbal nul, attendu «< que l'affirmation du rapport fait le 3 juin 1816 par le garde Robert contre Pierre-François Laurençot, ne faisant pas connaître le lieu où le rapport a été affirmé, est nulle; qu'une telle affirmation se trouve sans date ou avec une date imcomplette, ce qui est la même chose; qu'il est important pour le prévenu de connaître le lieu où l'affirmation du procès-verbal a été faite, parce que voulant s'inscrire en faux contre cette affirmation, il ne pourrait établir que le maire était éloigné du lieu où elle a été faite, l'affirmation n'en donnant pas connaissance, ce qui n'a pu entrer dans l'esprit du législateur. »> L'administration des eaux et forêts s'est pourvue en cassation pour contravention à l'article 2 de la loi du 28 floréal an 10. Les moyens qu'elle a présentés sont suffisamment développés dans l'arrêt suivant ; 1 ARRÊT. LA COUR, sur les conclusions de M. Olivier, faisant les fonctions d'avocat général ;Vu l'article II de la loi du 28 floréal an 10, ainsi conçu : « L'affirmation des procès-verbaux » des gardes champêtres et forestiers continuera d'être reçue par le juge de paix.... Les >> maires, et, à défaut des maires, leurs adjoints, pourront recevoir cette affirmation, soit par >> rapport aux délits commis dans les autres communes de leurs résidences respectives, » soit même par rapport à ceux commis dans les lieux où résident le juge de paix et ses la plus grande latitude dans la position des questions; et, s'il est vrai que la question principale peut comprendre celle relative à la démence, rien n'empêche que le président ne considère, daus une première question, les faits comme purement matériels, et qu'il ne fasse dépendre la culpabilité du prévenu d'une seconde déclaration du jury sur la démence dont il se prévaut. » suppléans, quand ceux-ci seront absens; «ATTENDU qu'aux termes de cette loi, le maire d'une commune dans l'étendue de laquelle à été commis un délit forestier a caractère pour recevoir l'affirmation du procès-verbal constatant ce délit ; que la susdite loi ni aucune autre n'imposent à ce maire l'obligation d'énoneer le lieu où il reçoit cette affirmation; d'où il suit que l'acte qui ne contient pas cette énonciation ne peut, sans excès de pouvoir et sans contravention, être déclaré nul, si d'ailleurs il contient toutes les énonciations expressément requises par la loi pour rendre probans les actes de cette espèce; ATTENDU qu'il résultait des termes de l'acte d'affirmation dont il sagit, que cette affirmation avait été faite dans les vingt-quatre heures de la rédaction du procès-verbal affirmé ; qu'elle avait été reçue par le maire de la commune où le délit avait été commis; que dès-lors elle remplissait toutes les conditions requises par la loi pour sa validité; que cependant l'arrêt attaqué l'a déclarée nulle par le défaut d'énonciation du lieu où elle avait été reçue, et qu'en prononçant ainsi, cet arrêt a formellement violé l'article précité de la loi du 26 floréal an 10, et par suite les lois pénales de la matière; - CASSE. - Du 11 janvier 1817.- Section criminelle. sident. M. le conseiller Basire, rapporteur. M. le baron Barris, pré HYPOTHÈQUE GÉNÉRALE.-RADIATION D'INSCRIPTION. L'hypohèque consentie par un débiteur sur tous ses biens présens et à venir, sous l'empire de la loi qui permettait une telle stipulation', s'étend-elle nécessairement sur les biens personnels de l'héritier de ce débiteur? Rés. nég. Le 2 septembre 1727, par acte passé devant notaire à Paris, les sieur et dame Bourdon ont constitué, au profit du sieur Renaud, une rente aunuelle et perpétuelle de 65 fr., au capital de 1,300 fr. Cette rente changea successivement de créanciers et de débiteurs. Elle fut l'objet de deux contrats récognitifs, en date des 3 février 1753 et 19 mars 1793, également passés devant notaire à Paris. On sait que, sous l'ancienne jurisprudence, l'authenticité de l'acte produisait seule et sans stipulation une hypothèque générale sur les biens présens et à venir du débiteur. Cette hypothèque existait donc ici, tant en vertu du titre primitif, à l'égard du débiteur originaire de la rente, qu'en vertu des titres récognitifs vis-à-vis des débiteurs subséquens. Dans cet état de choses, la dame Marot était propriétaire de la rente, el la dame veuve Bourdon en était devenue débitrice. Après la mort de cette dernière, et le 5 floréal an 8 (sous l'empire de la loi du 11 brumaire an 7), les héritiers, parmi lesquels figure le sieur JeanNicolas Combe, se sont tous reconnus conjointement et solidairement débiteurs de la rente en question, au profit de la dame Marot. Dans ce dernier titre nouvel il a été dit que le titre primitif de la rente, ainsi que les titres récognitifs de 1753 et 1793, demeureraient dans leur force et vertu, sans aucu ne novation, ni dérogation, aux hypothèques qui en résultent; et, par le même acte, les débiteurs ont affecté et hypothéqué, sous la même soli darité, au paiement de leur obligation, les biens à eux échus de la succession de leur mère spécialement. A la lecture d'une stipulation aussi simple, aussi claire, on s'étonne même, en faisant abstraction des principes les plus élémentaires de notre nouveau système hypothécaire, que la dame Marot ait pensé y trouver le fondement d'une nouvelle hypothèque générale, et qu'elle ait, en conséquence, le 9 janvier 1807, pris une inscription qui frappe généralement sur tous les biens du sieur Jean-Nicolas Combe et de ses cohéritiers. Quoi qu'il en soit, les sieur et dame Combe vendirent à leurs enfans une maison située à Versailles, qu'ils avaient acquise en communauté. Ceux-ci, instruits de l'inscription qui frappait les biens dont ils étaient. devenus proprietaires, en ont demandé la radiation. Les sieur et dame Marot ont défendu à cette demande. Leurs moyens de défense se trouvent dans le jugement du tribunal de Versailles qui les à accueillis, Nous allons le transcrire : « Attendu, 1.o que, par contrat passé devant Mesnil, notaire à Paris, le 2 septembre 1727, les sieur et dame Bourdon ont constitué solidairement, au profit du sieur Renaud, une rente annuelle et perpétuelle de 65 fr., laquelle appartient aujourd'hui à la dame Marot, et de laquelle rente ont été passés successivement des titres récognitifs en 1753 et 1793 et le 5 floréal an 8; attendu, 2.o que le contrat primordial de ladite rente, comme acte authentique, emportait de droit hypothèque sur les biens. immeubles présens et à venir des constituans de la rente; 3.o que le titre nouvel du 5 floréal an 8 porte que le titre primitif de ladite rente et les deux premiers titres nouveaux susdatés demeureront dans leur force et vertu, sans aucune novation ni dérogation aux priviléges et hypothèques qui en résultent; 4.° que ces réserves empêchent que la restriction d'hypothèque que les reconnaissans ontexprimée audit titre nouvel, puisse avoir aucun effet; 5.0 que le sieur Jean-Nicolas Combe, l'un des reconnaissans est tenu de ladite rente personnellement pour un quart, en qualité d'héritier pur et simple de sa mère, et hypothécairement pour le tout; 6.0 que, pour l'acceptation pure et simple et indéfinie de la succession de la dame veuve de Combe, l'hypothèque requise par les actes ci-dessus a frappé tant sur les biens de la succession que sur ceux personnels aux héritiers; 7.° qu'il s'agit du prix de la vente de biens dont la propriété existait entre les mains du sieur Jean-Nicolas Combe, antérieurement au titre nouvel du 5 floréal an 8, et qu'il s'ensuit que cette propriété a été grevée de l'hypothèque de la rente dont il s'agit; 8,° que l'inscription qui a été prise à la requête de la dame Marot, contre les héritiers de la veuve de Combe, dénommés et qualifiés en ladite inscription, au nombre desquels est le sieur Jean-Nicolas Combe, laquelle, rectifiée en temps utile, porte, en termes exprès, sur tous les biens immeubles présens et à venir que lesdits héritiers possèdent ou posséderont dans l'étendue du bureau des hypotheques pour le capital en rente résultant du titre originaire ci-dessus daté; 7.° qu'enfin l'inscription n'a point été formée et ne porte point contre les demandeurs; le tribunal déclare leur demande en radiation non recevable, etc.» Sur l'appel, ce jugement fut purement et simplement confirmé par arrêt de la Cour royale de Paris, du 30 janvier 1813, et par les mêmes motifs. Pourvoi en cassation pour violation de l'article 4 de la loi du 11 brumaire an 7. Cette violation nous paraît si manifeste que, sans nous engager dans une discussion sérieuse pour le prouver, nous nous contentons de rapporter l'arrêt qui la constate. Get arrêt a été rendu par défaut, la défenderesse ne s'étant pas présentée. ARRÊT. LA COUR,-sur les conclusions de M. Jourde, avocat général;-Vu l'article 4 de la loi du 11 brumaire an 7, portant: « Toute stipulation volontaire d'hypothèque doit indiquer la nature et la situation des immeubles hypothéqués »;-CONSIDÉRANT que l'acte récognitoire du 5 floréal an 8 ne contient, de la part de Jean-Nicolas Combe, père des demandeurs, ni convention d'hypothéquer la maison située à Versailles, qui lui appartenait personnellement, ni aucune indication de cette maison, comme soumise à l'hypothèque; qu'au contraire, il n'avait, ainsi que ses consorts, déclaré hypothéqués que les biens à eux échus de la succession de leur mère, débitrice de la rente en question; que rien ne serait moins d'accord avec la loi, qui, pour faire produire à un contrat authentique l'effet de donner hypothéque, exige la convention expresse d'hypothèque et la désignation de l'immeuble hypothéqué, que d'étendre aux biens personnels des héritiers, et à l'infini, l'hypothèque consentie par celui auquel ils ont succédé; d'où il résulte que l'arrêt rendu par la Cour royale de Paris, le 30 janvier 1813, est en opposition avec le système hypothécaire actuel, et renferme une contravention à l'article 4 de la loi du 11 brumaire an 7;-CASSE, etc. Du 3 décembre 1816.-Section civile.-M. Brisson, président.-M. le conseiller Gandon, rapporteur.-M. Billout, avocat. LÉGATAIRE.-RAPPORT.-CLAUSE PÉNALE ILLICITE.-RÉTROACTIVITÉ. L'héritier à qui la portion disponible a été léguée par préciput et sur la totalité des biens, doit-il prendre ce préciput sur l'universalité des biens de la succession, y compris les objets soumis au rapport? Rés. nég. En d'autres termes : Le rapport est-il dû au cohéritier légataire, en cette dernière qualité? Rés. nég. L'obligation imposée par un père à sa fille, de rapporter et le capital et les intérêts de la somme qu'il lui constitue en dot, dans le cas où elle ne s'en tiendrait pas à cette dot, est-elle une stipulation licite et valable? Rés. nég. A supposer cette clause licite sous l'empire de la coutume en vigueur au moment où elle a été stipulée, est-elle devenue illicite par cette circonstance seule que la succession dont il est question s'est ouverte depuis le Code? Rés. aff. La première de ces questions est de la plus haute importance par les 4 1 |