Raymond Hortel, de Prades, qui leur expédiait des laines, de l'huile et autres marchandises, en les chargeant de les vendre pour leur compte, moyennant un droit de commission. Le sieur Raymond Hortel tomba en faillite; un jugement du 14 mai 1811 en fixa l'ouverture au premier du même mois. A cette époque, les sieurs Bernioles et Cazenave avaient dans leur magasin quarante-trois balles de laine appartenant au sieur Raymond Hortel, dont ils se trouvaient créanciers de plus de 16,000 fr., pour diverses avances, et notamment pour paiement de mandats tirés sur eux par leur commettant. Le 18 juillet 1811, les syndics provisoires de la faillite écrivirent à ces commissionnaires, pour leur demander leur compte courant avec le sieur Raymond Hortel. Ce compte fut envoyé aux syndics, le 31 du même mois, par les sieurs Bernioles et Cazenave, qui, en même temps, leur adressèrent le bordereau des laines consignées dans leur magasin, en annonçant qu'ils gardaient ces laines en représentation de leurs créances. Plus tard, ces derniers furent autorisés par les syndics à vendre les laines pour le compte de la faillite. Ils effectuent la vente et en appliquent le produit à l'acquittement de leur créance; au moyen de quoi, ils ne se trouvent plus créanciers de la faillite que pour une solde de 3,550 fr. 35 c.; ils donnent avis aux syndics de cette opération. Les syndics contestent et assignent les sieurs Bernioles et Cazenave devant le tribunal civil de Prades, jugeant commercialement, pour se voir condamner, comme commissionnaires, à rendre compte des laines à eux consignées, à rendre avec intérêts la valeur de celles vendues, et à restituer, en nature, celles qui n'auraient pas été vendues, offrant seulement de leur laisser prélever les avances qu'ils auraient faites dans le cas et en conformité de l'article 93 du Code de commerce, sauf à eux de subir le sort des autres créanciers pour le surplus de leur créance. Les sieurs Bernioles et Cazenave excipent du privilége qui résulte, en leur faveur, de l'article précité; ils prétendent avoir le droit d'exercer ce privilége, à raison de toutes les sommes qu'ils ont avancées pour le compte du sieur Raymond Hortel; et, le prix de la vente des laines étant moindre que leur créance, ils veulent le retenir intégralement; ils demandent en outre à être admis à venir à contribution, avec les autres créanciers de la faillite, pour le paiement de leur solde de compte. Les syndics combattent ce système ; ils soutiennent que les avances n'ayant été faites pour les laines consignées, ne forment qu'une créance ordinaire non privilégiée. pas Le 30 mai 1815, jugement qui, accueillant la demande des syndics, refuse le privilége tel que le réclament les commissionnaires, les condamne à rapporter à la masse le prix des laines, avec intérêts, à compter du jour où ils l'ont reçu, sous la déduction seulement d'une somme de 192 fr. 60 c., qu'il les autorise à retenir par privilége, pour frais de transport, relavage et autres, avec les intérêts du jour où cette dernière somme a été avancée. Les principaux motifs qui ont déterminé ce jugement, sont : « que, dès le moment que la faillite a été déclarée ouverte, tous les biens du failli sont devenus le gage commun de ses créanciers; que nul n'a pu s'en attribuer une partie, au préjudice des autres, à moins qu'il n'eût un privilége expressément autorisé par la loi ; qu'aux termes de l'article 93 du Code de commerce, un commissionnaire n'a privilége, pour le remboursement de ses avances, intérêts et frais, sur la valeur des marchandises qui lui ont été expédiées d'une autre place, pour étre vendues pour le compte de son commettant, que pour les avances qu'il a faites sur ces marchandises; que de pareils priviléges, qui font exception à la règle générale, doivent être restreints aux cas spécifiés par la loi; » Appel par les sieur Bernioles et Cazenave. Le 21 mars 1816, arrêt infirmatif de la Cour royale de Montpellier, qui autorise les appelans à retenir, sur le produit des marchandises expédiées, les sommes par eux payées depuis l'époque de l'expédition. Les syndics définitifs de la faillite Raymond Hortel se sont pourvus en cassation contre cet arrêt. L'article 93 du Code de commerce, ont-ils dit, n'accorde de privilége aux commissionnaires, consignataires de marchandises, que pour les avances faites sur ces marchandises, c'est-à-dire pour les frais de transport, de déchargement, d'emmagasinage, de conservation, en un mot pour les dépenses relatives aux marchandises, et non pour une créance qui leur est étrangère. Or, le tribunal de Prades et la Cour d'appel elle-même ont reconnu, en fait, que la majeure partie de la créance des sieurs Bernioles et Cazenave provenait d'une cause étrangère aux laines consignées, et avait son origine dans l'acquittement, par eux fait, de mandats tirés par leur commettant. En étendant le privilége à l'intégralité de la créance, au lieu de le restreindre aux avances spécialement faites pour les marchandises, la Cour royale de Montpellier a donc ouvertement violé l'article précité. Ces observations n'ont pas empêché le rejet du pourvoi. ARRÊT. LA COUR,-sur les conclusions de M. Lebeau, avocat général;-Vu l'article 93 du Code de commerce;-ATTENDU que, d'après les dispositions de cet article, tout commissionnaire, qui a fait des avances sur des marchandises à lui expédiées d'une autre place, pour être vendues pour le compte d'un commettant, a privilége, pour le remboursement de ses avances; intérêts et frais, sur la valeur des marchandises, si elles sont à sa disposition, dans ses magasins, ou dans un dépôt public;-ATTENDU que ce privilége, introduit en faveur du commerce, a pour but de donner au commettant un moyen facile d'obtenir des fonds du commissionnaire consignataire, en offrant à celui-ci des sûretés sur les marchandises dont il se trouve nanti et qu'il est chargé de vendre; que, dans l'esprit comme dans la lettre de la loi, ce privilége est général et s'applique, sans distinction, à toutes espèces d'avances faites pour les marchandises consignées ou pour toute autre cause, sous la garantie de ces mêmes marchandises; qu'en effet, l'article cité indique toute l'étendue du privilége, par ces mots, avances, intérêts et frais, qui excluent évidemment sa restriction aux déboursés faits à l'occasion des marchandises, tels que frais de transport, de déchargement, d'emmagasinage, de conservation, etc.....; qu'admettre d'ailleurs une semblable restriction, ce serait rendre ce même article inutile, puisque ces déboursés sont garantis par le privilége dont parlent les §. 3 et 6 de l'article 2102 du Code civil;-ATTENDU que la Cour royale de Montpellier a reconnu, en fait, 1.° que les marchandises expédiées de Prades par le sieur Raymond Hortel aux sieurs Bernioles et Cazenave, négocians-commissionnaires à Carcassonne, pour être vendues pour le compte dudit sieur Raymond Hortel, étaient, au moment de la faillite de ce dernier, en la possession et dans les magasins des commissionnaires qui les ont ensuite vendues avec l'autorisation des syndics; 2.° que, sur la foi de la consignation, les commissionnaires ont fait diverses avances pour le compte de leur commettant, notamment en acquittant ses mandats; qu'ainsi en décidant, en droit, dans l'arrêt attaqué, que les sicurs Bernioles et Cazenave étaient fondés à se rembourser par privilége et préférence du montant desdites avances, intérêts et frais, sur le prix des marchandises vendues, ladite Cour a fait une juste application de l'article 93 du Code de eommerce;-REJETTE, etc. 1 M. le baro Henrion-deM. le baron Favard de l'Anglade, rapporteur. Du 22 juillet 1817. -Section des requêtes. Pensey, président. M. Granié, avocat. Nota. La Cour de cassation, par autre arrêt du même jour, conçu dans les mêmes termes, a rejeté, dans une affaire parfaitement semblable, le pourvoi formé par les syndics de la faillite Raymond Hortel, contre un arrêt également émané de la Cour royale de Montpellier, et rendu en faveur des sieurs Monisse, Barthe, Delcasse et compagnie, négocians-commissionnaires à Limoux. NOTAIRE.-RESSORT.-COMMISSION. Un ancien notaire qui n'a pas reçu la commission prescrite par l'article 64 de la loi du 25 ventőse an 11, peut-il instrumenter hors du ressort fixé par cette même loi pour les notaires qui seraient institués à l'avenir? . Rés. nég. Les actes reçus par un tel notaire sont-ils nuls ? Rés. aff. Ces questions se sont présentées en 1809 devant la Cour de cassation (1): on verra, par l'arrêt que nous rapportons ici, que la Cour a abandonné la jurisprudence qu'elle avait d'abord embrassée. Le 30 juin 1813, Guillaume Petit, ancien notaire public, demeurant dans le canton de Vertaizon, arrondissement. de Clermont, reçut, aux Blanchons, canton de Billom, même arrondissement, le testament d'Annet Valençon, par lequel ce dernier a laissé tous ses biens aux nommés Théalier, ses parens. Ce testament fut argué de nullité par le sieur Valençon et consorts, autres parens du testateur au même degré que les légataires. Les sieur Valençon et consorts soutinrent que le testament du sieur Annet Valençon était radicalement nul pour incompétence du notaire qui l'avait reçu. Ce notaire, disaient-ils, pouvait bien, sous l'empire des lois des 6 octobre 1791 et 18 brumaire an 2, instrumenter dans tout le dépar (1) Voyez ce Recueil, vol. de 1809, p. 42, suppl. tement du Puy-de-Dôme, mais il n'a pu le faire depuis que la loi du 25 ventose an est venue circonscrire son ressort et le restreindre au cauton où il est établi le testament du sieur Annet Valençon, reçu dans le canton de Billom par le sieur Petit, notaire du canton de Vertaizon, a donc été reçu par un officier qui n'avait aucun caractère public dans le lieu où cet acte a été passé. Ces moyens ont été accueillis par jugement du 17 novembre 1813, et, sur l'appel, par arrêt du 22 avril 1814, dont voici les motifs : « Un notaire qui, d'après les lois des 6 octobre 1791 et 18 brumaire an 2, avait capacité pour recevoir des actes dans toute l'étendue du département de sa résidence, a-t-il pu valablement recevoir, le 30 juin 1813, un testament hors du canton dans lequel sa résidence se trouve fixée ? La loi du 25 ventôse an 11, qui restreint le ressort des notaires établis dans les cantons à l'arrondissement de la justice de paix de leur résidence, frappe-t-elle de nullité les actes qui auront été reçus hors de cette justice?» - Attendu que le testament du sieur Valençon a été reçu par un notaire hors de sa résidence, et par les autres motifs exprimés au jugement dont est appel, la Cour, sans s'arrêter au testament qui est déclaré nul, met l'appellation au néant; ordonne, etc., etc. » Les sieur Théalier et consorts se sont pourvus en cassation, pour violation prétendue de la loi du 25 ventôse an 11, et particulièrement pour fausse interprétation de l'art. 6 et contravention à l'art. 64 de cette même loi. Ils ont cherché à établir que la loi du 25 ventôse an 11 n'avait pas entendu confondre les notaires qui seraient nommés à l'avenir, avec ceux qui l'étaient déjà au moment de sa publication. Ils se sont fondés sur les articles 62 et 64, ainsi conçus: Art. 62. « Sont maintenus définitivement tous les notaires qui, au jour de la promulgation de la présente loi, sont en exercice.» Art. 64: « Tous lesdits notaires exerceront ou continueront d'exercer leurs fonctions, et conserveront rang entre eux, suivant la date de leurs réceptions respectives: ils seront tenus, dans les trois mois de la publication de la présente, 1.o de remettre au greffe du tribunal de première instance de leur résidence, et sur un récépissé du greffier, tous les titres et pièces concernant leurs précédentes nomination et réception; 2.0 de se pourvoir, avec ce récépissé, auprès du gouvernement, à l'effet d'obtenir la commission confirmative dans laquelle seront rappelés la date de leurs nomination et réception primitives, ainsi que le lieu fixe de leur résidence. Il résulte, ont dit les demandeurs, de ces dispositions que le gouvernement, en se réservant d'accorder aux notaires existans des commissions confirmatives et de fixer leurs résidences, les a cependant maintenus dans l'exercice de leurs fonctions d'où il suit que les anciens notaires ont conservé, jusqu'à l'époque de leur confirmation et de la fixation de leur résidence, le droit d'instrumenter, comme auparavant, dans tout le ressort de leur département, suivant la loi de leur institution primitive. Or, les actes passés par les anciens notaires qui n'ont pas reçu de commission nouvelle et dont la résidence n'a pas été déterminée de nouveau par le gouvernement, ont pu être régulièrement reçus dans l'arrondisse ment de l'ancienne résidence, dans tout le département, et ces actes ne sont pas susceptibles d'ètre annullés pour incompétence. Ces argumentations étaient sans force et s'anéantissaient devant le texte même des articles sur lesquels on les faisait reposer et devant le raisonnement le plus simple. En effet, d'une part, il était impossible d'assigner aucune cause tant soit peu plausible à la distinction que les demandeurs prétendaient faire entre les anciens et les nouveaux notaires ; on ne voit pas pourquoi la compétence de ceux-là serait plus étendue que celle de ceux-ci : la disposition de l'art. 6 embrasse évidemment les uns et les autres dans sa généralité, et l'on peut d'autant moins créer une exception à la règle qu'il consacre, que rien ne justifierait cette exception. : D'autre part, il est déraisonnable de soutenir qu'un notaire qui n'a pas rempli l'obligation que la loi lui imposait, puisse trouver dans sa négligence le moyen d'étendre sa compétence hors des limites fixées pour le notaire qui s'est soumis à la règle; car, de deux choses l'une, ou le notaire Petit a reçu une nouvelle commission, ou il ne l'a pas reçue dans le premier cas, il était soumis aux dispositions de la loi du 25 ventôse an 11, qui règlent l'étendue de l'exercice du notariat, et le testament dont il s'agit dans l'espèce est nul pour avoir été passé hors de l'arrondissement fixé par cette loi; dans le second cas, c'est-à-dire s'il n'a pas été confirmé ou ne s'est pas mis en devoir de l'être dans les trois mois, il a, suivant l'article 64, encouru la déchéance, il n'est plus notaire; et, sous ce nouveau rapport, le testament est encore nul, comme passé par un officier déchu et sans qualité. ARRET. LA COUR, sur les conclusions de M. Lebeau, avocat général; ATTENDU que la loi du 25 ventôse an 11, article 5, porte que les notaires exercent leurs fonctions; savoir ceux des communes (autres que les villes où sont établis les tribunaux d'appel et de première instance) dans l'étendue du ressort du tribunal de paix, etc....; que l'article 6 de la même loi leur défend d'instrumenter hors de leur ressort ; que cette règle est générale ; ATTENDU que l'article 64 de la même loi porte, il est vrai, que les notaires alors existans continueront leurs fonctions, mais que ce même article et le suivant exigent que ces notaires obtiennent du gouvernement leur confirmation dans un délai qui est expiré depuis long-temps; qu'à défaut de confirmation, ils ont dû ou cesser toutes fonctions ou se renfermer dans l'arrondissement déterminé par la règle générale établie en l'article 5 de ladite loi; que c'est d'après les conséquences de cette règle que toutes les mesures ultérieures sur le nombre des notaires conservés, sur l'organisation des chambres de discipline, sur le montant des cautionnemens, ont été déterminées ;-ATTENDU que, d'après ces dispositions de la loi du 25 ventôse an 11 et la série des actes d'exécution qu'elle a reçus et pour un testament daté de l'année 1813, l'arrêt attaqué, loin d'avoir violé les dispositions de ladite loi, les a sainement appliquées ;REJETTE, etc. - Du 10 décembre 1816. Section des requêtes. M. le baron Henrionde-Pensey, président. -M. le conseiller Borel, rapporteur.-M. Champion, avocat. N.° IX.-Année 1817. 54 |