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dans cette succession, une part d'enfant légitime, en vertu de l'adoption du 1.er ventôse an 6, et des lois rendues sur cette matière.

Les héritiers Delisle répondirent que, le mineur Thiery étant un enfant adultérin de François Delisle, l'adoption était nulle, comme contraire aux lois, à la morale et à l'honnêteté publique.

Le 16 juillet 1813, jugement du tribunal de Saint-Mihel, qui, adoptant ces moyens, déclare l'adoption nulle.

Le 18 août 1814, arrêt confirmatif de la Cour royale de Nancy.
Pourvoi en cassation de la part du tuteur de François Thiery.

Il soutient, d'une part, que François Thiery n'a pas pu être considéré comme bâtard adultérin; que son état était irrévocablement fixé par son acte de naissance; et que François Delisle, en se déclarant postérieurement père de ce mineur, n'a pas pu changer son état et lui imprimer la tache de l'adultère;

D'autre part, que, lors même qu'il serait reconnu que François Thiery fut un enfant adultérin, l'adoption n'en serait pas moins valable, en vertu de la loi transitoire du 25 germinal an 11, dont l'article 1er est ainsi conçu: « Toutes adoptions faites par actes authentiques depuis le 1er jan» vier 1792 jusqu'à la publication des dispositions du Code civil relatives. » à l'adoption seront valables, quand elles n'auraient été accompagnées. >> d'aucune des conditions depuis imposées pour adopter et être adopté. Les défendeurs ont répondu à ces moyens.

ARRÊT.

LA COUR,-sur les conclusions de M. Jourde, avocat-général, et après un délibéré en la chambre du conseil ;-CONSIDÉRANT que la Cour royale de Nancy a reconnu, d'après le rapprochement des titres produits au procès, d'après les faits qui lui ont été soumis, et d'après. les déclarations des parties que François Thiery était bâtard adultérin; - CONSIDÉRANT que l'incapacité des bâtards adultérins les a toujours fait exclure, tant dans l'ancienne que dans la nouvelle législation, de l'exercice des droits de filiation et de successibilité; qu'ils n'ont eu constamment droit qu'à des alimens; que, quelque favorable qu'ait été aux enfans naturels. la loi du 12 brumaire an 2, elle a maintenu l'incapacité absolue des enfans adultérins en les réduisant à des alimens; -que cette incapacité a été formellement maintenue par le Code civil qui a défendu la reconnaissance des bâtards adultérius, et même leur légitimation par mariage subséquent; qu'on ne peut supposer que le législateur, qui a toujours si solennellement consacré l'incapacité absolue des bâtards adultérins pour acquérir des droits de filiation et de successibilité, se soit mis en opposition avec lui-même, en étendant à ces bâtards la voie indirecte de l'adoption, au préjudice des enfans nés dans le légitime mariage; - CONSIDÉRANT que cette incapacité annulle l'adoption dans son essence, et s'oppose par conséquent à ce qu'une pareille adoption produise aucun effet, quant aux droits de filiation et de successibilité; que la loi transitoire du 25 germinal an 11 s'est bornée à valider les adoptions à l'égard desquelles on n'aurait pas rempli les conditions postérieurement imposées par le Code eivil; qu'il ne s'agit, dans l'espèce de l'omission, d'aucune de ces conditions prescrites par les art. 343, 344, 345 et 346 du Code, mais bien d'une incapacité absolue qui a vicié l'adoption dans son essence; que, quant à cette incapacité, la loi transitoire du 25 germinal an 11 a laissé les choses dans les termes du droit commun; qu'en le décidant ainsi, la Cour royale de Nancy n'a violé ni l'article 1.o1 de la loi du 25 germinal an 11, ni aucune autre des lois de la matière ;- REJETTE.

Du 23 décembre 1816. Section civile. - M. Brisson, président. M. le conseiller, Vergès, rapporteur. -MM. Champion et Teysseyrre,

avocats.

TESTAMENT OLOGRAPHE.-VERIFICATION D'ÉCRITURES. EXPERTS. - ENQUÊTE. DÉLAI. SAISINE.

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L'héritier à qui un testament olographe est opposé, peut-il se dispenser de s'inscrire en faux contre ce testament, et demander une simple vérification des écrits et signatures? Rés. aff.

La voie de l'enquête et celle de l'expertise peuvent-elles étre employées en même temps dans une vérification d'écriture? Rés. aff.

L'envoi en possession provisoire de l'hérédité peut-il être refusé à un légataire universel qui n'a en sa faveur qu'un testament olographe, lorsque ce testament est méconnu par l'héritier, et qu'il est soumis à une vérification d'écritures? Rés. aff.

Pour que les juges aient le droit de nommer d'office les experts qui doivent procéder à une vérification d'écritures, est-il nécessaire que le refus ou la négligence des parties de désigner elles-mêmes ces experts, soit constaté? Rés. nég.

Lorsqu'une enquête doit être faite dans le lieu méme où a été rendu le jugement qui l'a ordonnée, doit-elle étre commencée dans la huitaine de la signification de ce jugement à avoué, bien que, pour la commencer, le juge ait fixé un plus long délai ? Rés. aff.

En d'autres termes : Les juges peuvent-ils, dans le cas où l'enquête doit étre faite dans le lieu même où le jugement est rendu, accorder, pour commencer cette enquête, un délai plus long que celui qui est fixé par l'art. 257: du Code de procédure? Rés. nég.

François Lafont se prétend héritier universel de Jean Gounon, en vertu "d'un testament olographe du 22 prairial an 12. Il a pour adversaire AntoineAuguste Gounon, héritier naturel de Jean Gounon, et en outre porteur de divers testamens faits antérieurement à celui dont Lafont se prévaut.

Après de longues contestations dont il est inutile de rendre compte, la Cour royale de Toulouse, par arrêt du 31 août. 1813, ordonne, sur la demande de Gounon, que les écrits et signatures du testament produit par Lafont seront vérifiés, tant par titres, par experts, que par témoins; nomme d'office les experts qui devront procéder à la vérification; accorde: un délai de trois mois pour commencer l'enquête, et, nonobstant les conclusions de Lafont, refuse de l'envoyer en possession de l'hérédité:

Lafont s'est pourvu en cassation pour violation de différens articles des Codes civil et de procédure.

1o. Contravention aux articles 969, 970, 1006, 1008, 1039 et 1319 du Code civil, résultant de ce que la Cour royale de Toulouse a reçu la demande en vérification d'écritures formée par Gounou, à l'égard du testament litigieux.

Le demandeur soutient que, la loi ayant accordé au testament olographe, à raison des formes particulières auxquelles il est assujéti, le même effet qu'au testament reçu par un notaire, on doit le considérer comme également

authentique et public, et décider, comme à l'égard du testament notarié, qu'il ne peut être attaqué que par la voie de l'inscription de faux.

2o. Violation de l'article 195 du Code de procédure, en ce que l'arrêt a ordonné cumulativement la vérification d'écritures, tant par titres, par experts, que par témoins. Le demandeur prétend que la loi ne permet d'employer ces trois genres de vérifications que successivement et dans le cas d'insuffisance du premier qu'on a choisi.

5. Infraction de l'article 257 du Code de procédure, qui est ainsi conçu : «Si l'enquête est faite au même lieu où le jugement a été rendu, ou dans » la distance de trois myriamètres, elle sera commencée dans la huitaine » du jour de la signification à avoué; si le jugement est rendu contre une » partie qui n'avait point d'avoué, le délai courra du jour de la signification » à personne ou domicile ces délais courent également contre celui qui a »signifié le jugement; le tout à peine de nullité. »

: Dans l'espèce actuelle, l'enquête devait être faite à Toulouse; ainsi nul doute que, dans le silence de l'arrêt, cette enquête aurait dû être commencée dans la buitaine du jour de la signification à avoué. Mais la Cour de Toulouse a-t-elle pu, comme elle l'a fait, fixer, pour commencer cette enquête, un délai différent?

Lafont soutient la négative. Il se fonde sur le texte de l'article qu'on vient de lire; article, dit-il, dont les dispositions sont prescrites à peine de nullité, et qui, selon lui, enchaîne également les juges et les parties. A l'appui de cet argument, il cite l'art. 278 du même Code, qui porte que «l'enquête doit être « parachevée dans la huitaine de l'audition des premiers témoins, à peine » de nullité, si le jugement qui l'a ordonnée n'a fixé un plus long délai. » Or, dit le demandeur, s'il a fallu une disposition expresse qui autorisât les juges à proroger les délais ordinaires pour la confection de l'enquête, celle disposition n'était pas moins nécessaire pour leur donner le droit de fixer le commencement de l'enquête à une époque plus éloignée. Ainsi le silence de la loi, dans ce dernier cas, équivaut à une défense positive.

Cette vérité devient plus frappante encore, si on lit l'article 258, qui suit immédiatement celui qui prévoit le cas où l'enquête est faite. dans le lieu même où le jugement est rendu, ou dans la distance de trois myriamètres: « Si l'enquête, porte cet article, doit être faite à une plus » grande distance, le jugement fixera le délai dans lequel elle sera com

» mencée. »

C'est donc dans le cas seulement où l'enquête doit être faite dans un lieu plus éloigné de trois myriamètres que les juges ont le droit de fixer le délai dans lequel elle doit être commencée; mais, hors ce cas, les juges ne peuvent dispenser les parties de se conformer à l'article 257 qui exige impérativement que l'enquête soit commencée dans la huitaine du jour où le jugement est signifié.

4. Contravention aux articles 1007 et 1008 du Code civil, fondée sur ce que la Cour d'appel a refusé d'envoyer Lafont en possession de l'hérédité. 5. Enfin, violation de l'article 196 du Code de procédure, tirée de ce que la Cour de Toulouse avait nommé d'office les experts qui devaient pro

céder à la vérification d'écritures, sans avoir constaté le refus ou la negligence de la part des parties d'en faire elles-mêmes le choix.

Les réponses du défendeur sur les 1er, 2., 4. et 5.moyens pouvant être facilement suppléées, nous nous contenterons de rapporter celles qu'il a fournies sur le 3.

L'article 257 du Code de procédure, a-t-il dit, est copie presqué littéralement dans l'article 2, titre 22, des enquêtes, de l'ordonnance de 1667. Or, jamais on n'a pensé, sous l'empire de cette ordonnance, que les juges ne pouvaient déroger à la règle générale, et fixer un terme plus long que celui de huitaine pour commencer une enquête.

« Les juges, même subalternes, dit Rodier, dans ses questions, sur l'ordonnance de 1667, sont dans l'usage de fixer, dans le jugement qui ordonne l'enquête, le délai dans lequel il y sera procédé. Il n'arrive guère qu'on le fixe à moins de huitaine; on le fixe souvent à quinzaine, et même à un mois, surtout au Parlement, et l'on voit quelquefois des arrêts rendus à la fin de la séance, où il est dit qu'on prouvera, dans le mois après la Saint-Martin d'hiver, c'est-à-dire après la rentrée de la Cour. Ce n'est done que dans les cas où le jugement ne fixerait aucun délai, qu'il faudrait suivre ce qui est fixé par l'article 2 ci-dessus cité (de l'ordonnance de 1667). »

C'est aussi dans ce sens que la Cour d'appel de Bruxelles a entendu l'ordonnance de 1667, par un arrêt du 22 messidor an 13.

Donner une interprétation différente au Code de procédure, c'est non seulement s'écarter des règles ordinaires sur la manière d'entendre les lois mais c'est de plus méconnaître entièrement l'esprit général du nouveau Code.

D'après l'article 259, le juge-commissaire est le maître de renvoyer l'audition des témoins à tel jour qu'il lui plaît, à un délai aussi éloigné qu'il le veut; pourquoi le tribunal ou la Cour qui nomme ce commissaire n'auraitelle pas le même pouvoir? Pourquoi ne pourrait-elle pas fixer elle-même le jour où les temoins seront entendus, c'est-à-dire où sera commencée l'enquête?

Si l'article 278 permet aux juges de fixer un plus long délai que celui de huitaine, pour la confection de l'enquête, ce n'est pas le cas d'en conclure, comme le prétend le demandeur, que la loi leur défend d'accorder ce plus long délai pour la commencer, c'est le cas au contraire de décider par analogie que le commencement de l'enquête peut être également reculé par le juge.

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L'argument qu'on tire de l'article 258 est également vicieux. Si dans cet article il n'est parlé que du cas ou l'enquête doit être faite à une distance plus grande que celle de trois myriamêtres, c'est parce que, dans ce cas, le délai de l'enquête doit être nécessairement fixé par le juge; mais il n'en résulte pas que, d'après le pouvoir général qu'il a d'ordonner tout ce qui est juste, le juge ne puisse également fixer le commencement d'une enquête qui doit être faite sur les lieux mêmes, lorsqu'il pense que le délai ordinaire accordé par la loi est insuffisant.

Quelle raison, d'ailleurs, peut-on apporter à l'appui du système du demandeur? Aucune, tandis qu'il s'en présente de tous côtés pour l'écarter. Voici ce qu'on lit dans le rapport fait sur cette partie du Code de procédure par M. Perrin, tribun, dans la séance du Corps législatif du 14 avril 1806. «Le délai est de huitaine pour les commencer, dit cet orateur en parlant des enquêtes;......cependant il peut se présenter des circonstances qui exigent un plus long terme. Si elles sont prévues lors du jugement interlocutoire, le tribunal pourra y déférer par ce méme jugement. Il le lors de son exécution, s'il en est reqnis.

pourra,

Enfin, la Cour d'appel de Paris a jugé, par arrêt du 31 janvier 1812, que l'article 250 du Code de procédure n'ôte point aux juges le droit d'étendre à plus de huitaine le délai qu'il détermine pour commencer l'enquête, et que le delai dont parle cet article ne doit être observé que dans le silence du jugement.

ARRET.

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LA COUR,-sur les conclusions de M. Joubert, avocat général, après en avoir délibéré en la chambre du conseil ;-ATTENDU, sur le premier moyen de cassation, que les articles cítés à l'appui de ce moyen, bien qu'ils accordent au testament olographe la même force exécutoire qu'au testament reçu par un officier public, n'ôtent pas pour cela, au premier de, ces actes, le caractère d'écriture privée, et par conséquent ne font aucun obstacle à ce qu'on puisse vérifier les écriture et signature de la personne à qui on l'attribue, aux termes de l'art. 193 du Code de procédure;-ATTENDU, sur le second, que l'art. 195 du même Code, bien loin de défendre l'emploi simultané de la vérification par experts et de l'enquête par témoins, pour s'assurer de la sincérité d'un écrit privé, autorise au contraire formellement, ce cumul, en disposant qu'un tel écrit pourra être vérifié tant par titres que par experts et par témoins; ATTENDU, sur le quatrième, que les articles invoqués qui saisissent le légataire universel institué par un testament olographe ne disposent que dans la supposition légale de la sincérité dudit testament, et ne font aucun obstacle à ce que cette saisine puisse être contestée et refusée alors que la sincérité du testament est méconnue et soumise à une vérification préalable; — ATTENDU enfin, sur le cinquième, que l'article 196 du Code de procédure n'oblige aucunement les juges à faire mention du refus ou de la négligence des parties de nommer les experts; que la nomination d'office fait suffisamment présumer ce refus ou cette négligence, et qu'ainsi l'arrêt attaqué n'a nullement violé cet article, en nommant les experts, dès-lors qu'il n'est pas justifié que les parties en eussent précédemment nommé; -REJETTE les 1o, 2o, 4 et 5° moyens de cassation; Mais, sur le troisième, Vu l'article 257 du Code de procédure, portant....;-ATTENDU que la disposition de cet article est impérative et générale, qu'elle oblige également les juges et les parties de se renfermer dans le délai qu'elle prescrit; que si l'art. 258 laisse aux juges la faculté de fixer un plus long délai, ce n'est que dans le cas où l'enquête doit être faite dans un lieu distant de plus de trois myriamètres de celui où siége le tribunal, ce qui ne se rencontrait pas dans l'espèce; - ATTENDU qu'on ne peut se prévaloir, relativement au délai dans lequel l'enquête doit être commencée, des art. 278 et 279 du même Code, dont le i. ne s'applique qu'au délai dans lequel l'enquête doit être parachevée, et le second à la prorogation de ce même délai ; — ATTENDU que c'est au mépris de la disposition expresse dudit article 257 que l'arrêt attaqué, en ordonnant une enquête, a fixé à trois mois le délai dans lequel elle devrait être commencée; - CASSE.

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Du 13 novembre 1816.-Section civile.-M. Brisson, président.-M. lė conseiller Boyer, rapporteur. - MM. Odillon-Barrot et Huart-Duparc, avocats.

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