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Cour de cassation des 10 juin 1812 et 22 novembre 1813 (1). Nous ferons observer cependant que ce dernier arrêt a été rendu contre les conclusions de M. le procureur général Merlin, qui a pensé que l'adjoint d'un maire, étant le représentant légal de celui-ci, avait un pouvoir suffisant pour recevoir la copie de toutes les significations qui sont faites à la commune. Cet argument a été présenté de nouveau, et avec beaucoup de force, dans l'espèce que nous allons rapporter; mais la Cour de cassation a persisté dans sa première jurisprudence.

Les héritiers de Choiseul se pourvoient en cassation contre un jugement arbitral du 4 brumaire an 2, rendu en faveur de la commune de Reynel. Leur pourvoi est admis par arrêt de la section des requêtes du 12 mai 1813. Ils font signifier cet arrêt à la commune avec assignation devant la section civile. Le maire étant absent, l'huissier laisse la copie de son exploit à l'adjoint qui vise l'original.

La commune de Reynel, représentée par son maire, demande que les héritiers de Choiseul soient déclarés non recevables dans leur pourvoi, attendu que la copie de l'assignation n'a pas été remise à une personne ayant droit de la recevoir,

ARRÊT.

LA COUR,-sur les conclusions de M. Jourde, avocat général,-Vu l'art. 69, n. 5, du Code de procédure ainsi conçu: « Seront assigués, 1.°...2.o;...5.° les communes en la >> personne ou au domicile du maire, et à Paris, en la personne ou au domicile du préfet. » Dans les cas ci-dessus, l'original sera visé de celui à qui copie de l'exploit sera laissée; en »cas d'absence ou de refus, le visa sera donné par le juge de paix, soit par le procureur » du Roi près le tribunal de première instance, auquel, en ce cas, la copie sera laissée;— ATTENDU que cet article exige impérieusement que la signification d'un exploit notifié à une commune soit laissée au maire de cette commune ou à son domicile; que l'original en soit visé par lui, ou, en son absence, par le juge de paix de l'arrondissement ou par le procureur du Roi, près le tribunal de première instance, auquel, en ce cas, il doit en être laissé copie;-ATTENDU que parmi les fonctionnaires désignés en cet article, il n'est fait aucune mention de l'adjoint du maire, et que, dans le silence du législateur à cet égard, il n'est pas dans la puissance de la Cour de reconnaître dans ce dernier fonctionnaire une attribution que la loi elle-même ne lui a pas accordée;-ATTENDU en fait que, dans l'espèce, la signification de l'arrêt, portant admission du pourvoi, a été faite à la commune de Reynel, dans la personne de l'adjoint au maire de cette commune, en l'absence de ce dernier, et que l'original n'en a été visé que par ledit adjoint; d'où il suit que cette signification est irrégulière et nulle, et que n'ayant été suivie d'aucune autre signification régulière dans le délai de la loi, les demandeurs en cassation doivent être déclarés déchus de leur pourvoi, aux termes de l'article 30 du titre 4 de la première partie du réglement de 1738;-DÉCLARE les demandeurs en cassation déchus de leur pourvoi, etc.

Du 10 février 1817.-Section civile. M. Desèze, pair de France, premier président.-M. le conseiller Boyer, rapporteur.MM. Mathias et Gérardin, avocats.

(1) Voyez ce Recueil, vol. de 1812, p. 448, et vol. de 1814, p. 178,

FEMME MARIÉE. — HYPOTHÈQUE LÉGALE. -COLLOCATION.-RENonPURGEMENT. SIGNIFICATION.

CIATION.

Le créancier d'une femme, dont le mari est en faillite, peut-il, quoiqu'il n'existe pas de séparation de biens entre cette femme et son époux, se faire colloquer en son lieu et place, sur le prix d'un immeublé affecté à son hypothèque légale ? Rés. aff.

Lorsqu'une femme vend, solidairement avec son mari, un immeuble appartenant à celui-ci, est-ce seulement en faveur de l'acheteur et non en faveur des autres créanciers du mari, qu'elle est censée renoncer à l'hypothèque légale qu'elle a sur l'immeuble vendu? Rés. aff.

En conséquence, l'acquéreur de cet immeuble qui a un recours à exercer contre la femme, parce qu'il est obligé de payer deux fois le prix de son acquisition, peut-il se faire colloquer sur le prix de l'immeuble vendu au même rang que la femme aurait eu si elle n'eût pas garanti la vente? Rés. aff. L'hypothèque légale d'une femme mariée est-elle purgée lorsque l'acquéreur d'un immeuble affecté à cette hypothèque a signifié le dépôt de son contrat, seulement au procureur du Roi et non à la femme qu'il connaissait, quoiqu'il ait déclaré dans l'acte de signification que ceux qui pourraient avoir hypothèque sur l'immeuble vendu, n'étaient pas connus de lui? Rés. nég.

Le défaut de cette signification est-il une irrégularité substantielle qui puisse être alléguée par le créancier méme qui l'a commise? Rés. aff.

Le 10 octobre 1811, le sieur Hubert et sa femme vendent solidairement au sieur Mazure plusieurs pièces de terre pour le prix de 4,200 fr.

Le sieur Mazure paya cette somme comptant, savoir: 3,000 fr. à ses vendeurs, et le surplus à des créanciers délégués.

Ce n'est qu'après avoir ainsi payé le prix de son acquisition qu'il songea à purger les hypothèques qui pouvaient exister sur les biens.

En conséquence, il fait transcrire son contrat, le signifie à tous les créanciers inscrits; pour purger les hypothèques légales, il le dépose au greffe et notifie ce dépôt au procureur du Roi, en déclarant « que ceux du chef desquels il pourrait être formé des inscriptions, pour raison d'hypothèques légales existantes indépendamment de l'inscription, n'étaient pas connus de lui ». Deux mois se sont écoulés sans qu'il eût été pris aucune inscription du chef de la dame Hubert.

Un ordre est ouvert à la requête du sieur Seret, un des créanciers du sieur Hubert.

Le sieur Mazure s'aperçoit bientôt qu'il existe plusieurs créanciers antérieurs en hypothèque à ceux qui lui avaient été désignés, et qu'il avait remboursés. Obligé de payer deux fois le prix de son acquisition, il pense à exercer son recours contre ses vendeurs solidaires, le sieur Hubert et sa femme.

N.° III.-Année 1817.

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Hubert étant en faillite, n'offrait aucune ressource. Mais sa femme avait des reprises à exercer sur les biens de son mari et une hypothèque légale sur ces biens pour une somme de 29,650 fr.

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Le sieur Mazure demande en conséquence que la dame Hubert soit tenue de comparaître, qu'elle soit colloquée en premier ordre sur le prix des immeubles vendus, et que le montant de sa collocation lui soit délégué pour l'indemniser des pertes qu'il devait éprouver en payant deux fois le prix de son acquisition."

Ces conclusions sont accueillies par jugement du tribunal de première

instance de Péronne du 15 décembre 1812.

La femme Hubert refuse de comparaître à l'ordre. Le sieur Mazure s'y présente lui-même, et renouvelle sa demande en collocation, comme exerçant les droits de sa débitrice.

Les créanciers de la faillite s'y opposant, l'affaire est renvoyée à l'audience.

Le 13 mai 1815, jugement qui rejette les prétentions de Mazure.

Et le 8 août suivant, arrêt confirmatif de la Cour royale d'Amiens, dont les motifs portent en substance, 1°. que la dame Hubert, n'étant point séparée de biens d'avec son mari, aucun de ses créanciers n'était recevable à exercer ses droits; 2.o qu'en vendant l'immeuble dont il s'agit, la femme Hubert avait renoncé à l'hypothèque légale qu'elle avait sur ce bien, et que, n'ayant pas de droit sur la chose, elle ne pouvait en avoir sur le prix; 3.o que le sieur Mazure avait rempli les formalités prescrites par l'art. 2194 du Code civil pour purger son immeuble de l'hypothèque de la dame Hubert; qu'il avait déposé son contrat au greffe du tribunal; qu'il avait signifié ce dépôt au procureur du Roi ; qu'à la vérité il n'avait point fait la même signification à la dame Hubert, mais qu'aux termes de l'avis du conseil d'état, approuvé le 1er juin 1807, cette formalité était inutile, vu qu'il ne connaissait pas, ainsi qu'il l'a déclaré lui-même dans l'exploit notifié au procureur du Roi, les personnes qui pouvaient avoir hypothèque sur l'immeuble; que d'ailleurs l'omission de cette formalité étant son propre fait, ne pouvait être invoquée par lui; que, l'hypothèque de la dame Hubert étant ainsi purgée, aucun de ses créanciers ne peut, non plus qu'elle, s'en prévaloir et se faire colloquer au rang que cette hypothèque aurait pu lui attribuer. Pourvoi en cassation pour violation des articles 1446, 1163 et 2194 du Code civil.

L'arrêt dénoncé, a dit le demandeur, repose sur trois motifs différens qui présentent chacun une contravention particulière à la loi.

Par le premier, la Cour d'appel prétend que le demandeur ne pouvait exercer les droits de la femme Hubert et se faire colloquer à sa place, parce qu'il n'existait pas de séparation de biens entre cette femme et son mari.

Mais pour détruire un pareil argument, il suffit de lire 'article 1446 du Code civil, dont voici les termes : « Les créanciers personnels de la femme » ne peuvent, sans son consentement, demander la séparation de biens. » Néanmoins, en cas de faillite ou de déconfiture du mari, ils peuvent

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» exercer les droits de leur débitrice, jusqu'à concurrence du montant de

» leurs créances. »

Le second motif de la Cour d'appel consiste à dire que la femme Hubert, en vendant solidairement avec son mari, a renoncé nécessairement à l'hypothèque qu'elle avait sur l'immeuble vendu, et qu'ainsi le demandeur ne peut exercer des droits que sa débitrice ne pourrait faire valoir elle-même.

Nul doute que la dame Hubert ne pourrait prétendre contre le demandeur une hypothèque légale sur les biens dont il s'agit, après qu'elle a, elle-même, vendu solidairement ces biens. Sa demande serait évidemment écartée par une exception de garantie. Mais cette exception ne peut profiter qu'au créancier qui a stipulé avec elle.

Il ne faut point, en effet, considérer la vente faite par la dame Hubert comme une renonciation, proprement dite, à son hypothèque légale. Aucun article du Code n'affranchit un immeuble de l'hypothèque d'une femme, parce que cette femme l'a vendu solidairement avec son mari. Ce n'est que par induction, et, comme on l'a dit, par une exception de garantie, que la tranquillité de l'acquéreur est assurée; mais l'hypothèque n'en existe pas moins, et n'en peut pas moins être exercée toutes les fois que la responsabilité personnelle de la femme n'y forme point obstacle. Ainsi prétendre, comme l'a jugé la Cour d'Amiens, que les créanciers du sieur Hubert aient le droit de s'opposer à la collocation de la dame Hubert ou du demandeur qui la représente, quand ils n'ont aucune exception particulière à faire valoir, c'est violer directement l'art. 1165 du Code civil, suivant lequel les conventions n'ont d'effet, qu'entre les parties contractantes.

Ajoutez à cela que le demandeur était le maître, lors de la vente, d'exiger que la dame Hubert renoncât à son hypothèque, et que, s'il ne l'a pas fait, c'est parce que cette hypothèque, qui ne pouvait lui préjudicier, était une sûreté de plus à la garantie qui lui était promise.

Enfin, suivant le dernier motif de l'arrêt dénoncé, l'hypothèque de la dame Hubert est purgée, et par conséquent anéantie.

D'abord, est-il bien vrai que, même en remplissant toutes les formalités voulues par la loi, le demandeur ait pu, contre son propre intérêt, purger l'hypothèque de la dame Hubert? Peut-on croire que ce fut contre luimême qu'il ait agi, et qu'en voulant remplir les conditions que la loi lui imposait pour assurer sa tranquillité, il se soit privé d'un recours et d'une sûreté qu'il avait auparavant.

Un tel système est entièrement contraire aux articles 2181, 2182 et 2183 du Code civil. Il résulte clairement de ces articles que les formalités recommandées à l'acquéreur n'ont pour objet que de purger l'immeuble dans son propre et unique intêret, de manière qu'il ne soit pas inquiété dans la suite. Ce qu'il fait ne profite qu'à lui et ne peut valoir en faveur des tiers. peut être à la fois acquéreur et créancier du vendeur. Comme acquéreur, il aura purgé; comme créancier, il exercera ses droits. La loi n'a pas pu l'entendre autrement; car elle aurait mis l'acquéreur dans le cas de ne pas purger les hypothèques légales, si, en purgeant, il avait dérogé à ses droits, s'il s'était interdit la faculté de les exercer.

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Au surplus, les formalités exigées par l'article 2194, pour purger l'hypothèque de la dame Hubert, n'ont point été remplies.

Suivant cet article, le dépôt du contrat de vente au greffe devait être notifié, tant à la femme elle-même qu'au procureur du Roi, et la première de ces notifications n'a point été faite.

La Cour d'Amiens prétend en vain excuser l'omission de cette formalité, sur le fondement que le demandeur a déclaré, dans la signification faite au procureur du Roi, que les personnes qui pourraient réclamer une hypothèque légale sur les biens vendus n'étaient pas connues de lui.

La Cour d'Amiens a fait ici une fausse application manifeste de l'avis du conseil d'état du 1er juin 1807. Cet avis decide bien que le créancier qui veut purger est dispensé de notifier son contrat aux personnes qui ont droit à l'hypothèque dispensée d'inscription, lorsque ces personnes ne sont pas connues de lui; mais il ne dit point et il ne pouvait pas dire qu'il suffisait, pour être dispensé de cette notification, qu'il déclarât ne pas connaître les personnes que la loi dispense de s'inscrire, lorsque de fait il les connaît. Or, le demandeur pouvait-il ignorer les droits de la dame Hubert, quand il avait traité lui-même avec elle?

Si d'ailleurs il ne lui a pas fait la même signification qu'au procureur du Roi, ce n'est pas, de sa part, une omission involontaire; c'est l'effet d'une mûre réflexion. Il n'a point voulu purger une hypothèque qui pouvait lui être utile, et qui, en aucun cas, ne pouvait lui préjudicier. S'il a pourtant fait une signification au procureur du Roi, c'était pour anéantir toute hypothèque légale, autre que celle de la dame Hubert, qui pouvait frapper les biens vendus.

Ces dernières raisons font voir surtout combien est frivole le dernier motif de l'arrêt dénoncé, qui consiste à dire que le défaut de signification à la dame Hubert du dépôt du contrat n'est qu'un vice de forme qui ne peut étre invoquée par le demandeur comme étant auteur de la procédure.

Le défendeur a répondu à ces moyens, en développant les motifs de l'arrêt dénoncé; mais c'est surtout par le second de ces motifs qu'il a cherché à le justifier.

Uue hypothèque cesse d'exister, a-t-il dit, lorsque celui en faveur duquel elle était établie s'est dessaisi de la double garantie qu'il trouvait dans l'im meuble et dans le prix qui le représente.

Or, c'est là précisément ce qui avait eu lieu dans l'espèce. La femme Hubert, dûment autorisée de son mari, avait garanti le sieur Mazure de tout trouble, éviction et hypothèque sur l'immeuble par lui acquis; et cette garantie, conçue dans les termes les plus généraux, cette garantie, dont l'adversaire a voulu exciper pour se prétendre créancier personnel de la dame Hubert, avait dû au moins produire son effet, relativement à celle qui l'avait stipulée; de telle sorte que, postérieurement à la vente du 10 octobre 1811, la femme Hubert s'était interdit toute action hypothécaire sur l'immeuble qui en était l'objet.

Mais ce n'était pas encore assez.Le dégrèvemeut de l'immeuble n'opérait

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