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sortissent les militaires ou autres individus, en raison de leur grade ou de leur position dans une armée composée de plusieurs corps d'armée et de plusieurs divisions ou détachements, elle a été établie ainsi qu'il suit : — Le conseil de guerre d'une DIVISION OU DÉTACHEMENT a compétence sur tous les militaires qui en font partie jusqu'au grade de capitaine inclusivement, ainsi que sur les assimilés des grades correspondants; - Le conseil de guerre du QUARtier général d'un corps d'armée, sur tous les officiers supérieurs de ce corps d'armée jusqu'au grade de colonel inclusivement, et sur tous les militaires ou assimilés attachés à ce quartier général; - Le conseil de guerre du QUARTIER GÉNÉRAL DE L'ARMÉE, sur les militaires et individus attachés au quartier général de l'armée ou non compris dans les divisions, et sur les officiers généraux. Quant aux individus non militaires et cependant justiciables des conseils de guerre aux armées, aux termes des articles 62, 63 et 64, ils sont traduits devant l'un des conseils de guerre les plus voisins du lieu dans lequel le crime ou délit a été commis, ou du lieu dans lequel ils ont été arrêtés. Cette classification s'explique par l'ordre naturel des choses, et elle a l'avantage de fixer la juridiction d'une manière précise, sans laisser aucune place à l'arbitraire. Une seule exception est prévue, et elle concerne les officiers généraux. Lorsque les officiers généraux doivent être mis en jugement, et que le général en chef, soit à raison de leur grade et de la difficulté de composer un conseil de guerre compétent, soit à raison de circonstances particulières, ne peut pas les faire juger sur place, ils sont mis à la disposition du ministre de la guerre, qui convoque, à cet effet, un conseil de guerre dans une des divisions territoriales les plus voisines. Dans les divisions territoriales en état de guerre, les règles sont exactement les mêmes que celles qui sont établies pour les armées. Les circonstances sont identiques, et, s'il pouvait exister quelque doute sur le caractère spécial et défini de cet état de guerre, la législation actuelle suffirait à l'éclaircir. L'état de guerre, suivant la définition donnée par la loi du 10 juillet 1791 (art. 8 et 9) et par le décret du 24 décembre 1811 (art. 52), est déterminé par un décret, ou il peut résulter d'une circonstance imprévue, telle qu'une invasion du territoire, ou des rassemblements de troupes opérés dans un rayon de cinq journées de marche, fixation à laquelle les chemins de fer commandent aujourd'hui de n'attacher qu'une médiocre importance... »

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Le rapport au Corps législatif a reproduit l'économie de ces quatre articles, sans y ajouter d'explication ou de commentaire. Voici, du reste, en tableau synoptique, la classification de la compétence des conseils de guerre. aux armées, compétence qui diffère de celle des conseils de guerre permanents dans les divisions territoriales, en ce que ces derniers ont plénitude de juridiction, selon le grade ou le rang de l'accusé, tandis que les conseils de guerre aux armées n'ont la plénitude de juridiction que pour les crimes et délits en eux-mêmes, mais non pour les personnes.

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4° Conseils de division ou de Infractions imputées aux militaires qui font partie des divisions ou détachements, mais jusqu'au grade de capitaine inclusivement.

détachement.

2. Conseils établis au quartier Infractions imputées : général d'un corps d'armée.

3. Conseils établis au quarlier général de l'armée.

4 Tous les conseils de guerre d'armée. (Mais ne sera saisi qu'un de ceux les plus voisins du lieu de l'infraction ou de l'arrestation du prévenu.)

4° A tous les militaires ou assimiles du corps d'armée, ayant le grade ou le rang d'officiers supérieurs, jusqu'an grade de colonel inclusivement (4);

2° Aux individus militaires ou assimilés qui n'appartiennent pas à une division.

4° La compétence attribuée aux conseils établis au quartier général d'un corps d'armée; mais, cela, dans le cas où le quartier général de corps d'armée ne serait pas pourvu de Conseils (2).

4° Aux individus attachés au quartier général de l'armée;

2o Les infractions im-2° Aux militaires ou assimilés no faisant partie d'aucun des corps d'armée;

putées :

3° Aux officiers généraux de toute l'armée.

Infractions imputées aux individus qui ne sont ni militaires ni ussimilés aux militaires (3).

A propos du no 4 de l'article 67, qui autorise le général en chef, s'il le juge utile, à mettre les officiers généraux inculpés à la disposition du ministre de la guerre, au lieu de les traduire devant un conseil de guerre d'armée, M. Foucher fait observer que cette disposition doit être combinée avec celles des articles 39, 99, 108 et 157 du Code de justice militaire. Ce dernier article donne au général en chef les pouvoirs que la loi accorde au ministre de la guerre dans les divisions territoriales, pour faire informer contre un justiciable des conseils de guerre, et pour convoquer le conseil de guerre; mais, en même temps, l'article 35 dispose qu'en cas d'impossibilité de composer le conseil, le général en réfère au ministre de la guerre. L'article 67 vient donc ajouter une nouvelle exception à celle portée par l'article 35 à la compétence des conseils de guerre aux armées; et cette seconde exception, c'est la volonté du général en chef, qui, selon qu'il le juge opportun, peut ordonner la poursuite immédiate, sauf le cas prévu par l'article 35, ou en référer au ministre de la guerre, s'il croit que le jugement à l'armée dont le général inculpé fait partie pourrait ne pas présenter toutes les garanties que commande la bonne administration de la justice, ou encore ne pas ordonner l'information ou même la convocation du conseil, après l'instruction terminée (4).

Il est bien entendu que lorsque le général en chef met l'officier général inculpé à la disposition du ministre de la guerre, celui-ci conserve toujours

(4) Un corps d'armée se composant toujours de deux divisions au moins, il y a possibilité de composer le conseil de guerre pour juger un colonel. (Rapport au Corps législatif.) (2) Voir, plus haut, l'article 33 et son commentaire.

(3) Voir, plus haut, les articles 3 et 18 du Code, et leur commentaire. Le législateur a voulu laisser une certaine latitude, et permettre de traduire le prévenu non militaire devant l'un des conseils de guerre de l'armée, sans distinguer si ce conseil était un de ceux siégeant au chef-lieu du quartier général de l'armée, ou du corps d'armée, ou de la division, ou du détachement, pourvu qu'il ne fût pas éloigné du lieu même où le crime avait été commis, ou de celui où le prévenu avait été mis sous la main de la justice.

(4) V. Foucher, Commentaire, etc., p. 490 et 191. et 457, et leur commentaire.

Voir les articles 35, 39, 99, 108

le droit d'appréciation que lui accordent les articles 99 et 108, et c'est dans ce sens que l'article 67 doit être interprété (1).

ART. 69.

Les règles de compétence établies pour les conseils de guerre aux armées sont observées dans les divisions territoriales déclarées en état de guerre par un décret de l'Empereur.

Cette disposition a une importance capitale, à raison des circonstances dans lesquelles elle devient applicable, et de la juridiction à laquelle elle soumet alors non-seulement une classe de citoyens, mais tous les citoyens d'une circonscription territoriale. Quand une circonscription de territoire est déclarée en état de guerre, tous les pouvoirs passent à l'autorité militaire. Mais il ne faut pas oublier que l'état de guerre et l'état de siége, — deux situations qui ne doivent pas être confondues, ne suspendent pas l'action des lois. Lors donc que l'état de guerre est déclaré, les conseils de guerre doivent juger les militaires et les citoyens d'après la loi militaire et la loi commune, selon les distinctions qui ont été exposées plus haut (2). D'après le projet primitif, l'état de guerre dans les divisions territoriales devait résulter de l'une des circonstances suivantes :

1o D'un décret du chef de l'État, qui aurait placé la division militaire dans l'arrondissement d'une armée ou d'un corps d'armée déclaré sur le pied de guerre, à dater du jour où ce décret aurait été mis à l'ordre de la division;

20 D'une proclamation de l'autorité militaire annonçant une invasion effectuée sur le territoire de la division, ou la présence d'une armée ennemie à une distance de moins de sept myriamètres de ses limites.

Cette disposition, qui avait pour but de déterminer les circonstances dans lesquelles les divisions territoriales seraient LÉGALEMENT considérées comme étant en état de guerre, était le résumé de la législation, et plus particulièrement des articles 5 et 6 du titre I" de la loi du 10 juillet 1791 et 52 du décret du 24 décembre 1811.

L'article 69, on le voit, a subordonné l'existence de l'état de guerre à la seule émission d'un décret.

On a défini la guerre, en se plaçant au point de vue exclusivement matériel: un état d'hostilités existant entre plusieurs puissances, pendant lequel elles se croient autorisées à faire réciproquement usage entre elles de violences de toute espèce. Considérée au point de vue légal, la guerre ne sera un droit qu'autant qu'elle présentera un état régulier de violences et de destruction, en vue d'un but légitime, et elle continuera à l'être. jusqu'au moment où ce but sera atteint (3).

(4) Voir, plus loin, les articles 99 et 108, et leur commentaire.

(2) Décret du 13 octobre 1863, sur le service dans les places de guerre, tit. IV et V. — Dalloz, Répertoire, vo Organisation militaire, t. XXXIV, 2o partie, no 890, p. 2060.

(3) Heffter, Le droit international public de l'Europe, traduit par M. J. Bergson, édit. 1866, § 143, p. 245 et 216.

Lorsque, dit M. Morin, avant toutes hostilités, il n'y a que certaines mesures qui sont des préparatifs, en vue d'une attaque éventuelle à faire ou à repousser, cela peut tout au plus constituer une cause de guerre, pour l'État se trouvant par là menacé; il ne saurait y avoir d'ores et déjà l'état de guerre, qui donne des droits considérables et crée des devoirs extraordinaires. Les préparatifs pouvant avoir en vue toutes éventualités, celui qui les fait est autorisé à dire qu'il veut seulement montrer sa force pour prévenir une attaque, ou bien qu'il entend préparer sa défense contre - l'attaque qui surviendrait, ce qui est permis à chacun chez soi. Quand il y a des mouvements de troupes déjà exercées, avec concentration sur des points voisins des frontières respectives, c'est le cas de réclamations et d'interpellations, auxquelles il pourra être donné satisfaction autrement que par le sort des combats. S'il ne s'agit que d'augmentation dans le personnel de l'armée ou même que d'organisation militaire sur de nouvelles bases, c'est l'exercice du droit de souveraineté à l'intérieur; l'étranger n'a un droit contraire qu'en ce sens qu'il peut lui-même augmenter ses forces. A plus forte raison, n'y a-t-il pas même cause de guerre dans l'augmentation ou la mise en état des points fortifiés du territoire, puisqu'ici l'exercice du droit de souveraineté territoriale n'est qu'un acte de prudence, pour le cas d'une attaque qui ouvrirait certainement le droit de légitime défense (1).

L'état de guerre est analogue à l'état de siége qui a ses conditions dans le droit public et la législation criminelle de tous les pays civilisés. Pour celui-ci le péril imminent, soit d'hostilité par l'étranger, soit d'insurrection dans une ville ou commune, donne un pouvoir qui ne peut s'exercer que par une déclaration solennelle, selon la constitution politique de la nation; et, à défaut de déclaration formelle du pouvoir compétent, l'état de siége n'a été admis avec ses effets pour l'autorité militaire, même dans les places de guerre ou autres points aussi fortifiés, que lorsqu'il y a investissement par l'ennemi ou les rebelles, à une distance qu'ont dû fixer les lois spéciales c'est l'objet, en France, de lois qui se sont accordées sur ce point, encore bien qu'elles aient été rendues sous des régimes politiques différents (2). La déclaration de l'état de siége, qui donne à l'autorité militaire des pouvoirs pouvant absorber en certains cas ceux des magistrats de l'ordre civil, ne suffit pas pour constituer l'état de siége, même dans les places fortes ou postes militaires à défaut de déclaration spéciale, l'état de guerre n'y existe avec l'état de siége qu'en cas d'attaque au moins imminente à repousser, ce que la loi de l'an y exprime en ces termes: Non-seulement dès l'instant que les attaques seront commencées, mais même aussitôt que, par l'effet de leur investissement par des troupes ennemies, les communications du dehors au dedans et du dedans au dehors seront interrompues à la distance de 3,502 mètres (1,800 toises) des fossés ou des murailles. Si le droit public est si exigeant, alors même qu'il s'agit d'un moyen de défense pour le pays, à plus forte raison, le droit des gens, qui pose des conditions pour la

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(4) Ach. Morin, Lois relatives à la guerre, etc., t. Ier, p. 473 et suiv.

(2) Lois, 40 juillet 1794 et 40 fructidor an v; Déc., 24 décembre 1814; Loi 9 août 1849.

guerre entre nations et qui réprouve les hostilités sans cause juste, doit-il exiger un préalable, avertissant l'adversaire pour sa défense (1).

Il faut reconnaître, toutefois, que la théorie et la pratique du droit des gens n'offrent aucune solution précise sur la question de savoir si une déclaration préalable de guerre est, ou non, nécessaire avant de commencer les hostilités. La raison veut qu'à la veille de se livrer à des actes d'hostilité matérielle, on adresse une déclaration de guerre à la partie adverse avec laquelle on avait entretenu jusque-là des relations d'amitié réciproques. Suivant Wheaton, l'usage moderne est de publier un manifeste dans le territoire de l'État qui déclare la guerre, annonçant l'existence des hostilités et les motifs pour les commencer; mais il n'y a rien d'invariablement déterminé à cet égard (2). Heffter reconnaît que parfois les gouvernements ennemis se sont contentés d'interrompre les relations diplomatiques entre eux, en même temps qu'ils faisaient connaître leurs griefs par des manifestes et d'autres voies de publicité; mais que quelquefois aussi ils ont procédé de fait aux hostilités, sans se prévenir mutuellement par des déclarations (3). L'histoire moderne présente, en effet, de nombreux exemples d'hostilités commises avant que la guerre fût déclarée (4). Certains auteurs enseignent même qu'il n'y a point d'obligation générale et naturelle, pour celui qui le premier entre en guerre, d'annoncer la guerre à l'ennemi, avant d'en venir à des hostilités (5). Les points sur lesquels on est le plus généralement tombé d'accord, sont que le rappel de l'ambassadeur ne constitue pas nécessairement un acte de commencement des hostilités, bien que plusieurs traités aient fait remonter les effets de la guerre à ce moment, et qu'il n'est pas indispensable, d'après la nature des choses, qu'une guerre défensive soit précédée d'une déclaration préalable (6).

M. Ortolan fait observer, avec raison, qu'aujourd'hui l'organisation si bien réglée des communications entre les divers États, la facilité et la multiplicité de ces communications présentent, jusqu'à un certain point, contre une agression subite qui ressemblerait à une surprise, des garanties efficaces. Le changement de l'état de paix à l'état de guerre ne se fait pas, d'ailleurs, sans transition. Il est difficile, pour ne pas dire impossible, que les dispositions hostiles d'une puissance contre une autre n'apparaissent pas de quelque manière, avant qu'elles aient donné lieu à des hostilités réelles. Ces considérations tendent à faire regarder comme moins utiles les déclarations préalables de la guerre. Cependant, malgré ces considérations elles-mêmes, malgré la divergence des opinions des publicistes, malgré les exemples trop fréquents de guerres entreprises ex abrupto, il est vrai de dire que l'usage de déclarer la guerre n'est pas tombé en désuétude, et qu'il est resté une coutume du droit des gens. Mais par ces mots déclaration de guerre, il faut entendre un document authentique sous une forme

(4) Ach. Morin, loc. cit., p. 474, 175.

(2) Wheaton, Éléments du droit international, édit. 1858, t. I, p. 279.

(3) Heffter, Le droit international public de l'Europe. § 120, édit. 1866, p. 226.

(4) De Cussy, Phases et causes célèbres du droit maritime des nations, t. I, p. 182 et 362.

(5) Martens, Précis du droit des gens moderne de l'Europe, § 267.

(6) Voir: Vattel, Le droit des gens, édition annotée par M. Pradier-Fodéré, liv. III, chap. IV, § 54 et suiv., t. II, p. 399 et suiv. Voir aussi les savantes notes de M. Ch. Vergé, sur le para

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graphe plus haut cité du Précis de Martens.

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