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quelconque, émané de la puissance qui prétend user contre une autre de son droit d'employer la force des armes, pourvu que ce document soit connu ou censé connu par la puissance à laquelle il s'adresse, avant l'ouverture des hostilités (1).

Il faut distinguer entre la décision et la déclaration, dans le droit de faire la guerre. Décider la guerre, c'est se déterminer à l'entreprendre. Une semblable détermination créant pour les citoyens de dangereux devoirs, et mettant à leur charge un impôt d'argent et de sang, doit, dans les pays où la forme du gouvernement admet la séparation des deux pouvoirs, appartenir à la nation exerçant sa volonté par l'intermédiaire de ses mandataires réunis en assemblée parlementaire. Quant à la déclaration de guerre, ce n'est que la mise à exécution de la décision; par conséquent, elle appartient au chef du pouvoir exécutif comme faisant partie des attributions de ce pouvoir (2).

CHAPITRE III.

Compétence des conseils de guerre dans les communes, les départements et les places de guerre en état de siége.

ART. 70.

Les conseils de guerre dans le ressort desquels se trouvent les communes, les départements et les places de guerre déclarés en état de siége, connaissent de tous crimes et délits commis par les justiciables des conseils de guerre aux armées, conformément aux articles 63 et 64 ci-dessus, sans préjudice de l'application de la loi du 9 août 1849 sur l'état de siége.

Dans les lieux en état de siége, la juridiction des conseils de guerre s'étend :

1o A toutes personnes qui, aux armées, seraient justiciables des conseils de guerre, c'est-à-dire à toutes personnes, même non militaires, auteurs ou complices des crimes et délits militaires;

20 En vertu de la loi du 9 août 1849, article 8, aux auteurs ou complices des crimes et délits contre la sûreté de l'État, contre la constitution, contre l'ordre et la paix publique, quelle que soit leur qualité (3).

(1) Voir: Ortolan, Règles internationales et diplomatie de la mer, édit. 4864, t. II et suiv.; et Pradier-Fodéré, sur Grotius, Le droit de la guerre et de la paix, édit. 1867, t. III, p. 75 et 76, en note.

(2) Pradier-Fodéré, Principes de droit, de politique et de législation, édit. 1869, p. 556

et 557.

(3) Voir, plus haut, le texte de la loi du 9 août 1849, sur l'état de siége. L'article 8 est ainsi congu: «Les tribunaux militaires peuvent être saisis de la connaissance des crimes et délits contre la sûreté de la République, contre la constitution, contre l'ordre et la paix publique, quelle que soit la qualité des auteurs principaux et des complices. >>

M. Victor Foucher rappelle que le projet primitif faisait de l'article 70 deux dispositions distinctes, sous les numéros d'articles 92 et 93.

Article 92. « Les conseils de guerre formés dans les départements et les places de guerre

Les crimes et les délits contre la sûreté de l'Etat comprennent non-seulement la trahison, l'espionnage, l'embauchage, mais aussi ceux de conspiration et de complot, de dévastation et de pillage, prévus et réprimés par le droit public du pays, et spécialement ceux qui font l'objet du chapitre Ier, titre Ier, du Code pénal ordinaire : port d'armes contre la patrie (Art. 75); machinations ou intelligences entretenues avec les puissances étrangères, pour les engager à commettre des hostilités contre la France (Art. 76); machinations ou intelligences avec les ennemis de l'État, à l'effet de faciliter leur entrée sur le territoire et dépendances du pays, ou de leur livrer des villes, forteresses, ports, magasins, arsenaux, vaisseaux, etc. (Art. 77); correspondance avec les sujets d'une puissance ennemie, ayant eu pour résultat de fournir aux ennemis des instructions nuisibles à la situation militaire ou politique de la France ou de ses alliés (Art. 78); divulgation par ceux qui en étaient officiellement dépositaires, du secret d'une négociation ou d'une expédition, lorsque ce secret aura été livré par eux aux agents d'une puissance étrangère ou de l'ennemi (Art. 80); divulgation de plans, par les préposés à leur garde (Art. 81 et 82); recel d'espions (Art. 83); accomplissement d'actes de nature à exposer l'État à une déclaration de guerre, ou des Français à des représailles (Art. 84); attentats et complots dirigés contre le chef de l'Etat (Art. 86 à 90); crimes tendant à troubler l'État par la guerre civile, l'emploi illégal de la force armée, la dévastation et le pillage publics (Art. 91 à 101).

Les crimes contre la constitution sont énumérés dans le chapitre II, titre Ier, livre III, du Code pénal ordinaire, et comprennent les crimes et délits relatifs à l'exercice des droits civiques (Art. 109 à 113); les attentats à la liberté (Art. 114 à 122); la coalition des fonctionnaires (Art. 123 à 126); l'empiétement des autorités administrative et judiciaire (Art. 127 à 131).

Les crimes et délits contre la paix publique sont classés dans le chapitre III du même titre et du même livre du Code pénal ordinaire. Ce sont les crimes de fausse monnaie (Art. 132 à 138); de contrefaçon des sceaux de l'État, des billets de banque, des effets publics, et des poinçons, timbres et marques (Art. 139 à 144); de faux en écriture publique ou authentique et de commerce ou de banque (Art. 145 à 149); de faux en écriture privée (Art. 150 à 152); de faux commis dans les passe-ports, permis de chasse, feuilles de route et certificats (Art. 153 à 162); la forfaiture (Art. 166 à

déclarés en état de siége, connaîtront de tous les crimes et délits commis par des individus justiciables des conseils de guerre d'armée et dans les divisions territoriales en état de guerre. »

Article 93. Ils connaîtront, en outre, quelle que soit la qualité du prévenu, de tous les crimes et délits classés dans le titre II du livre IV du présent Code. »>

Ces articles avaient été combinés de manière à embrasser tous les crimes et délits que les articles 7, 8, 9 et 10 de la loi du 9 août 1849 plaçaient dans les attributions des tribunaux militaires. La commission ministérielle adopta la première disposition; mais, trouvant la compétence de l'article 93 trop étendue, elle la modifia dans les termes suivants :

Article 70. Ils connaissent, en outre, quelle que soit la qualité des prévenus, de tous les crimes et délits prévus par les articles 247, 248, 249, 250, 251 et 252 du présent Code, sans préjudice des dispositions de la loi du 9 août 1849. »

Ce fut lors de la discussion au Conseil d'État, au sein des sections de la guerre et de la marine, que les deux articles furent fondus et rédigés en un seul, dans le but évident de revenir à la compétence proposée par le projet primitif; mais, au lieu de le faire par des dispositions explicites, comme l'étaient les premières rédactions, on voulut y arriver par une simple référence aux articles 62 et 63, devenus 63 et 64, ce qui jette une véritable confusion sur la portée de l'article 70. (Commentaire, etc..., p. 494 et 195.)

168); les soustractions commises par les dépositaires publics (Art. 169 à 173); les concussions commises par les fonctionnaires publics (Art. 174 à 176); la corruption des fonctionnaires publics (Art. 177 à 183); les abus d'autorité contre les particuliers (Art. 184 à 187); les abus d'autorité contre la chose publique (Art. 188 à 191); certains délits relatifs à la tenue des actes de l'état civil (Art. 192 à 195); l'exercice de l'autorité publique illégalement anticipé ou prolongé (Art. 196 à 197); les contraventions propres à compromettre l'état civil des personnes (Art. 199 à 203); les critiques, censures ou provocations dirigées contre l'autorité publique, dans un écrit pastoral (Art. 204 à 206); la correspondance, non autorisée par le gouvernement, des ministres des cultes avec des cours ou puissances étrangères, sur des matières de religion (Art. 207 et 208); la rébellion contre l'autorité publique (Art. 209 à 221); les outrages et violences envers les dépositaires de l'autorité et de la force publique (Art. 222 à 233); le refus d'un service légalement dû (Art. 234 à 236); l'évasion de détenus et le recèlement de détenus (Art. 237 à 248); le bris de scellés et l'enlèvement de pièces dans les dépôts publics (Art. 249 à 256); la dégradation de monuments (Art. 257); l'usurpation de titres ou fonctions (Art. 258 et 259); les entraves au libre exercice des cultes (Art. 260 à 264); les associations de malfaiteurs (Art. 265 à 268); le vagabondage (Art. 269 à 273); la mendicité (Art. 274 à 283); les délits commis par la voie d'écrits, images ou gravures distribués sans noms d'auteur, imprimeur ou graveur (Art. 283 à 289); les associations ou réunions illicites (Art. 291 à 294) (1).

(4) Il faut se rappeler que, conformément à la nature des choses, l'état de siége est un fait préexistant à l'acte qui le proclame, et que, par conséquent, la compétence des conseils de guerre s'étend non-seulement aux faits postérieurs à la déclaration de l'état de siége, mais encore aux faits antérieurs, s'ils se rattachent aux actes qui ont déterminé l'état de siége. Ce principe a été reconnu et consacré par de nombreux arrêts de la Cour de cassation.

Cette Cour a jugé, le 16 novembre 1871 (Ch. crim.), que le fait d'avoir rempli, sans titre, des fonctions publiques, même purement administratives, à la suite d'un mouvement insurrectionnel accompli dans le but de changer ou de détruire le gouvernement, est, avec raison, à cause de la connexité qui le rattache à l'attentat que cette insurrection avait pour but de consommer, qualifié délit contre l'ordre et contre la paix publique, pouvant, par suite, sous le régime de l'état de siége, être déféré aux tribunaux militaires (affaire Peyrouton). Mème décision à l'égard des délits de presse consistant dans une excitation au mouvement insurrectionnel (C. cass., ch. crim., 9 novembre 1874). Voir Dalloz, Recueil périodique, 4872, I, p. 44; et 4874, I, p. 270.

Voici encore un jugement très-récent du Conseil de révision siégeant à Versailles (1872), et qui se rattache au commentaire de l'article 70:

Vu les conclusions du défenseur tendant à l'annulation du jugement du 24 conseil de guerre qui a condamné les nommés Lardet et Chaillet pour coups et blessures volontaires envers des militaires : l'un à deux ans et l'autre à un an de prison, et se fondant sur ce que le fait de coups et blessures volontaires imputés aux délinquants étant réprimé par l'article 344 du Code pénal et se trouvant placé sous la rubrique « crimes et délits contre les particuliers,» rubrique non spécifiée par l'article 8 de la loi du 9 août 1849 sur l'état de siége, le conseil de guerre était sans droit pour connaître de l'infraction reprochée aux prévenus.

Le conseil joint les deux recours et lesdites conclusions et y statuant par un seul et même arrêt;

Vu l'article 70 du Code de justice militaire et la loi organique du 9 août 1849 sur l'état de siége:

Considérant qu'il est de notoriété publique que, depuis la chute de l'insurrection de 1874, des actes de violence et des voies de fait dirigés contre des soldats isolés et même contre des officiers de l'armée se sont produits dans des proportions extraordinaires;

Considérant que, par leur fréquence même, ces attaques contre l'armée sont de nature à troubler l'ordre public;

Considérant qu'aux termes de l'art. 7 de la loi organique sus-visée, aussitôt l'état de siége déclaré, les pouvoirs dont l'autorité civile était revêtue pour le maintien de l'ordre » et de la police» passent tout entiers à l'autorité militaire ;

Qu'aux termes de l'article 8 de la même loi, les tribunaux militaires peuvent être saisis de la

CHAPITRE IV.

Dispositions communes aux trois chapitres précédents.

ART. 71.

Les jugements rendus par les conseils de guerre peuvent être attaqués par recours devant les conseils de révision.

La célérité de la répression, disait M. Langlais, dans son rapport, a été considérée toujours et partout comme une des conditions essentielles de la justice militaire. Ce principe était appliqué dans toute sa rigueur, avant la révolution. Les jugements étaient exécutés dans les vingt-quatre heures, aux termes de l'ordonnance de 1668; et cet usage existe encore en Europe, chez quelques nations, et notamment en Suisse. Le conseil, assemblé en plein air, siége sur des tambours; si le délit est constant, si la peine de mort doit être infligée, une baguette est rompue, symbole fragile d'une existence qui va s'éteindre, et sur l'heure, près de sa fosse entr'ouverte, le condamné tombe sous les balles de ses camarades. — La loi du 19 octobre 1790 conserva la rigueur de l'ancienne législation; mais celle du 29 octobre 1791 admit le pourvoi en cassation. La loi du 16 mai 1792 le supprima; en l'an iv, le 17 germinal, une loi prescrivit de soumettre, avant l'exécution, les jugements à une commission de trois officiers supérieurs, qui étaient chargés d'examiner, dans les vingt-quatre heures, si la sentence était contraire aux lois, tant pour la forme que pour l'application de la peine. La loi du 18 vendémiaire an vi vint établir, dans chaque division militaire, un conseil de révision permanent. »

L'article 71 proclame le principe du recours.

Les jugements rendus par les conseils de guerre peuvent être attaqués par recours devant les conseils de révision.

Les règles relatives à la compétence des conseils de révision se trouvent contenues dans les articles 72, 73 et 74; la question de procédure est traitée dans les articles 120, 122, 141, 143, 144, 145, 159 à 172 et 177.

Les décisions des conseils de révision peuvent, de plus, être déférées à la Cour de cassation, conformément aux articles 80, 81 et 82, dans certains cas que la loi détermine (1).

connaissance des crimes et délits contre l'ordre et la paix publique, quelle que soit la qualité des auteurs principaux et des complices; que, dès lors, les faits à raison desquels les deux demandeurs ont été jugés et condamnés rentrent manifestement dans la catégorie des délits dont la connaissance est attribuée aux tribunaux militaires par les articles 7 et 8 de la loi du 9 août 1849 combinés avec l'article 70 précité et le décret du 7 août 1870 portant la mise en état de siége du département de la Seine;

Par ces motifs, rejette à l'unanimité l'exception d'incompétence proposée par les deux demandeurs;

Attendu, au surplus, que la procédure a été régulièrement faite et que la loi a été bien appliquée aux faits déclarés constants;

Le conseil de révision rejette à l'unanimité le recours formé contre ledit jugement. >>

(4) Voir, plus loin, ces différents articles et leur commentaire.

TITRE II.

COMPÉTENCE DES CONSEILS DE RÉVISION.

ART. 72.

Les conseils de révision prononcent sur les recours formés contre les jugements des conseils de guerre établis dans leurs ressorts.

pronon

Les conseils de révision, dit le rapport de M. Langlais, cent sur les recours formés contre les jugements des conseils de guerre établis dans leurs ressorts; mais de quelle nature sera ce recours? Le conseil de révision aura-t-il le caractère de ce qu'on nomme un tribunal d'appel? L'armée, à aucune époque, n'a joui de ce double degré de juridiction; et on en saisit le motif non-seulement dans la nécessité de cette répression rapide qui est le nerf de la discipline militaire, mais dans la nature même du conseil de guerre. Ce tribunal est, en effet, chargé d'abord de connaître des crimes; or, il n'y a pas d'appel en matière de grand criminel: c'est le principe de droit commun. Le conseil de guerre juge encore en matière correctionnelle, il est vrai; mais il est le tribunal supérieur qui prononce sur les crimes; il a, par la nature de sa composition, le caractère et les attributs du jury; et de là vient que son appréciation du fait est réputée souveraine, comme celle du jury lui-même, à la différence des tribunaux de l'ordre inférieur. Le projet pose donc en principe que les conseils de révision ne connaissent pas du fond des affaires. »

Le ressort de chaque conseil de révision dans les divisions territoriales est fixé par le décret du 18 juillet 1857.

A l'armée, c'est un ordre du général en chef ou du général commandant un corps d'armée qui établit le ressort de chaque conseil de révision, dans les limites prescrites par l'article 38. Dans le cas où il n'a pas été créé de conseils de révision pour les corps d'armée ou dans les divisions, la juridiction sur tous les conseils de guerre appartient au conseil de révision du quartier général de l'armée (1).

ART. 73.

Les conseils de révision ne connaissent pas du fond des affaires.

Les conseils de révision, devant lesquels les condamnés peuvent se pour

(1) Voir, plus haut, les articles 26 et 38, et leur commentaire,

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