Page images
PDF
EPUB

clusions ou réquisitions prises, il en résulte un contentieux qui ne peut être vidé que par un jugement (1).

Une remarque essentielle à faire, c'est que l'intérêt du condamné est son seul droit à attaquer les décisions de la justice; son recours en révision ne peut jamais avoir pour conséquence d'aggraver sa position judiciaire; il ne peut être admis à se pourvoir contre son propre intérêt (2).

Le condamné ne saurait donc former un recours utile en se fondant, par exemple, sur ce qu'on aurait admis des circonstances atténuantes en sa faveur;

Sur ce qu'on lui aurait infligé une peine trop indulgente;

Sur ce qu'on aurait prononcé d'une manière collective sur les circonstances atténuantes à l'égard de plusieurs accusés, la décision intervenue leur ayant été favorable;

Sur ce qu'il y aurait eu erreur commise dans la citation de la loi pénale, si la peine prononcée avait été, d'ailleurs, la même que celle portée par la loi applicable;

Sur ce qu'il y aurait eu irrégularité dans la solution des questions sur un chef d'accusation, si la peine appliquée était justifiée par une réponse claire et complète sur un autre chef (3).

Dans ces différents cas, le condamné n'aurait pas d'intérêt à se plaindre, et, par conséquent, ne serait pas recevable à recourir en révision.

(4) Voir Foncher, Commentaire, etc., p. 208.

(2) Il n'appartient qu'au ministère public et au garde des sceaux, dans les limites de leurs attributions respectives, de faire réformer, soit dans l'intérêt de la vindicte publique, soit dans le seul intérêt de la loi, les décisions qui y sont contraires. Voir, plus loin, les articles 81 et 82, et

leur commentaire.

(3) Ces solutions sont consacrées par la jurisprudence de la Cour de cassation.

[blocks in formation]

1° Sur les vivandiers, vivandières, cantiniers, cantinières, blanchisseuses, marchands, domestiques et toutes personnes à la suite de l'armée en vertu de permissions;

2° Sur les vagabonds et gens sans aveu;

3. Sur les prisonniers de guerre qui ne sont pas officiers.

Elles connaissent, à l'égard des individus ci-dessus désignés, dans l'étendue de leur ressort :

1o Des infractions prévues par l'article 271 du présent Code;

2o De toute infraction dont la peine ne peut excéder six mois d'emprisonnement et deux cents francs d'amende, ou l'une de ces peines;

3o Des demandes en dommages-intérêts qui n'excèdent pas cent cinquante francs, lorsqu'elles se rattachent à une infraction de leur compétence.

Les décisions des prévôtés ne sont susceptibles d'aucun recours.

Nous avons vu plus haut (1) que les prévôtés sont une institution essentiellement militaire, créée uniquement pour l'état de guerre, et dont l'action ne commence qu'au moment où l'armée opère sur le territoire étranger. Leur justice est sommaire; leur juridiction s'étend sur tout le territoire occupé par l'armée belligérante; elle s'exerce sans appareil, et le plus souvent en plein champ.

Au point de vue des personnes, les prévôtés ont juridiction sur les individus à la suite de l'armée (2), sur les vagabonds et gens sans aveu, et sur les prisonniers de guerre qui ne sont pas officiers, population généralement nomade, mobile, qu'il faut pouvoir saisir et au besoin punir instantané

ment.

Sont vagabonds ou gens sans aveu, « ceux qui n'ont ni domicile certain, ni moyens de subsistance, et qui n'exercent habituellement ni métier ni

(4) Voir, plus haut, les articles 4, 51, 52 et, plus loin, les articles 173 et 474, avec leur commentaire.

(2) Voir, plus haut, l'article 62, no 3 et son commentaire.

profession (1). Le vagabondage consiste principalement dans l'habitude d'errer à l'aventure, sans avoir une habitation pour y trouver un abri quotidien; peu importe un domicile d'origine ou tout autre domicile de droit, s'il n'y avait pas résidence de fait. Mais, dès qu'il y a domicile certain et connu, l'état de vagabondage ne résulte pas du fait seul d'errer ou de mendier. Dans la désignation de « prisonniers de guerre qui ne sont pas officiers », il faut comprendre et les militaires proprement dits, et les assimilés aux militaires n'ayant pas rang d'officiers, aux termes des cartels d'échange.

Sous le rapport des infractions, les prévôtés connaissent des contraventions de police et de discipline (2), des faits pour lesquels la loi prononce une peine de six mois d'emprisonnement et une amende de 200 francs (3); elles condamnent à des dommages-intérêts qui ne dépassent pas 150 fr. L'article 75, en donnant aux prévôtés juridiction pour connaître de toute infraction dont la peine n'excède pas six mois d'emprisonnement et 200 fr. d'amende, entend parler de la peine édictée par la loi contre l'infraction, et non de la peine que le juge pourrait appliquer, alors que la loi déterminerait un maximum plus élevé. De même, en autorisant les prévôts à statuer sur les demandes en dommages-intérêts jusqu'à 150 francs, il a entendu parler du chiffre de la somme réclamée, et non de celle allouée par le juge (4).

Quant à l'attribution aux prévôts du droit de connaître des demandes en dommages-intérêts n'excédant pas 150 francs, elle est remarquable, car c'est le seul cas où la justice militaire connaisse d'une action civile; mais il est rigoureusement nécessaire que la demande en dommages-intérêts se rattache à une infraction de la compétence des prévôtés. De pareilles demandes ne pourraient être formées devant ces juridictions en dehors de ces infractions; et même se rattachant à ces infractions, elles devraient ètre déclarées non recevables, si elles avaient été formées par la partie lésée après le jugement sur le délit.

Les décisions des prévôtés ne sont susceptibles d'aucun recours. Cette interdiction de tout appel ou recours s'explique par le peu d'importance de la peine, par les circonstances de l'état de guerre et surtout par la nécessité d'une répression rapide.

Nous verrons plus loin que les formes de procédure devant les prévôtés sont d'une grande simplicité. Ces juridictions sont saisies par le renvoi que leur fait l'autorité militaire ou par la plainte de la partie lésée. Dans le cas de flagrant délit, ou même en cas d'urgence, elles peuvent procéder d'office. Les prévenus sont amenés devant le prévôt, qui juge publiquement. Le jugement est exécutoire sur minute (5).

Ce sont les termes de l'article 270 du Code pénal. L'article 4er de la déclaration du roi du 5 février 4734, définissait les vagabonds: « Ceux qui, n'ayant ni profession, ni métier, ni domicile certain, ni bien pour subsister, ne peuvent être avoués, ni faire certifier leur bonne vie et mœurs par personne digne de foi. >>

(2) Art. 274. Voir, plus loin, cet article et son commentaire. Les généraux commandant les divisions peuvent condamner à deux mois, à titre de punition disciplinaire.

(3) On voit par là que la juridiction des prévotés n'atteint que les délits d'un ordre secondaire. Toute infraction dont la peine excéderait les limites fixées dans le n° 2 du second paragraphe de l'article 75, ne saurait être, de la part du prévôt, que l'objet d'une plainte au général, qui, s'il y avait lieu, traduirait le prévenu devant un conseil de guerre.

(4) Circulaire du ministre de la guerre, du 28 juillet 1857.

(5) Voir les articles 473 et 474, et leur commentaire.

TITRE IV.

COMPÉTENCE EN CAS DE COMPLICITÉ.

ART. 76.

Lorsque la poursuite d'un crime, d'un délit ou d'une contravention, comprend des individus non justiciables des tribunaux militaires et des militaires ou autres individus justiciables de ces tribunaux, tous les prévenus indistinctement sont traduits devant les tribunaux ordinaires, sauf les cas exceptés par l'article suivant ou par tout autre disposition expresse de la loi.

Cet article et les trois autres articles qui le suivent, règlent la compétence en cas de complicité. Cette partie de la législation met en présence des pouvoirs en quelque sorte rivaux; elle a donné naissance, dans tous les temps, à de très-graves questions. Lorsque des délits sont commis par des justiciables de juridictions différentes, chaque tribunal doit-il garder son justiciable? Faut-il, au contraire, les poursuivre tous devant le même; et dans ce cas, quel est le tribunal qui doit être saisi?

La concurrence peut s'établir, de plus, soit entre le tribunal exceptionnel et celui de droit commun, soit entre deux juridictions spéciales, s'il s'agit, par exemple, d'un délit commis par des marins et par des militaires de l'armée de terre.

C'est un principe constant, en France, que tous les prévenus d'un même délit doivent être traduits devant un même tribunal ne continentia causæ dividatur; voilà la maxime, qui est vieille comme le droit criminel; elle a été respectée par l'ancienne monarchie, par la révolution, par l'empire, par la restauration; elle a pour elle la raison, le droit et le temps.

La variété des tribunaux était infinie sous l'ancien régime. Les gens de cour, les gens d'église, les gentilshommes, les manants et les roturiers avaient chacun leurs juridictions et leurs priviléges de juges. On comptait des juridictions royales, des juridictions ecclésiastiques, des juridictions seigneuriales, des juridictions universitaires; et cependant jamais ce qu'on appelle la disjonction n'y fut admise. On préférait donner la prédominance tantôt à tel ou tel tribunal, tantôt à telle qualité; imaginer au besoin l'évocation à un juge supérieur, la procédure conjointe entre les divers juges réunis.

Les lois postérieures à la révolution sont venues confirmer ce principe fondamental.

Le Code du 3 brumaire an iv ordonne, dans son article 234, qu'on juge en même temps tous les délits connexes. Le conseil des Cinq-Cents pro

clame la même maxime dans la loi de germinal an iv. La loi du 24 messidor an iv porte, dans ses considérants: «Que l'intérêt public et l'intérêt particulier de chaque accusé ont également consacré cette maxime inviolable que tous les accusés d'un même délit doivent être jugés par le même tribunal..

Le gouvernement essaya, en 1837, de faire brèche à ce principe; mais la loi fut rejetée par la Chambre des députés, après une discussion solennelle.

а

Le même tribunal à donc compétence sur les prévenus d'un même délit voilà le droit sur lequel se fonde la loi criminelle; mais sera-ce le tribunal de droit commun; sera-ce le conseil de guerre qui aura juridiction? La logique conduirait à saisir tantôt l'un, tantôt l'autre, selon que le militaire. serait complice ou auteur principal: car c'est une maxime que tout prévenu de complicité doit être jugé par le même tribunal que le principal accusé; mais la question a paru dominée par cette seconde maxime, que nul ne doit être distrait de ses juges naturels. Or, le militaire est citoyen avant d'être soldat; le juge d'épée, c'est le juge exceptionnel; et, dans ce conflit de deux juridictions, la justice spéciale fléchit devant la justice ordinaire; l'intérêt militaire devant la prééminence de la puissance civile; c'est le citoyen qui entraîne le militaire avec lui devant ses propres juges, en cas de complicité.

La législation a beaucoup varié, sous ce dernier rapport. Le principe que le complice civil attire le militaire devant sa juridiction n'était celui ni de la loi du 29 octobre 1790, ni de la loi du 16 mai 1792, ni de la loi du 3 pluviôse an п, ni de la loi du deuxième jour complémentaire de l'an ; mais il est la base de celle du 19 octobre 1791, de la loi du 22 messidor an iv, dont les articles 1 et 2 étaient ainsi

conçus :

Art. 1. Nul délit n'est militaire, s'il n'a été commis par un individu qui fait partie de l'armée; tout autre individu ne peut jamais être traduit, comme prévenu, devant les juges délégués par la loi militaire.

Art. 2. Si, parmi deux ou plusieurs prévenus du même délit, il y a un ou plusieurs militaires et un ou plusieurs individus non militaires, la connaissance en appartient aux juges ordinaires.

C'est le principe de la loi de messidor qui a été consacré par le Code de 1857. L'article 76 pose la règle que, s'il y a complicité entre un militaire et un individu non militaire, la connaissance du crime, du délit ou de la contravention appartient aux tribunaux ordinaires. Ici la loi militaire, quelque atteinte qu'elle en pût recevoir, et en présence d'une disjonction inadmissible à raison des dangers et des contradictions qui pourraient en résulter, devait s'abaisser devant la juridiction commune. Conformément au droit ordinaire, la juridiction la plus élevée sera saisie : le tribunal correctionnel s'il s'agit d'un simple délit, la Cour d'assises s'il s'agit d'un crime emportant une peine afflictive et infamante.

Il n'y a d'exception à ce principe général que dans le cas où, à raison de la nature et des circonstances du crime ou du délit, l'individu nón militaire deviendrait justiciable des conseils de guerre. Dans ce cas, ces conseils.

« PreviousContinue »