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Le défenseur est admis à faire la déclaration de pourvoi, qui peut être reçue, soit par le greffier du conseil, soit par l'agent principal de l'établissement dans lequel est détenu le condamné (art. 141 et 143). Le droit de se pourvoir, que l'article 12 de la loi du 18 vendémiaire an vi conférait au commissaire impérial, est restreint par le nouveau Code aux cas prévus par les articles 409 et 410 du Code d'instruction criminelle, c'est-à-dire que ce droit ne peut être exercé par le commissaire impérial que dans l'intérêt de la loi, ou pour fausse application de la peine, ou encore lorsque l'absolution du condamné a été motivée sur la non-existence d'une loi pénale qui pourtant existerait.

En ce qui concerne le recours en révision et le pourvoi en cassation, le Code introduit des dispositions dont vous comprendrez facilement toute l'importance pour la bonne et prompte administration de la justice; aux termes des articles 81, 123, 147, le recours en révision contre les jugements d'incompétence ou d'incidents n'empêche pas de continuer les débats et de passer au jugement de l'affaire, sauf à statuer sur le recours en même temps que sur la décision au fond, et le pourvoi en cassation ne peut être intenté que dans les trois jours qui suivent la notification de la décision du conseil de révision, ou, s'il n'y a pas eu recours en révision, dans les trois jours qui suivent l'expiration du délai accordé pour l'exercer.

Une faculté, dont vous apprécierez également l'importance, vous est laissée par l'article 150: c'est celle de faire suspendre l'exécution du jugement, à la charge seulement d'en rendre compte immédiatement au ministre de la guerre.

Comme cela s'est fait jusqu'à présent, il devra être sursis à l'exécu tion de toute condamnation à la peine capitale prononcée par les conseils de guerre des divisions territoriales.

En ce qui concerne les condamnations prononcées en Algérie et hors du territoire français, on devra continuer à se conformer aux dispositions de l'ordonnance du 1er avril 1842 (1).

La procédure établie pour les conseils de guerre dans les divisions en état de paix n'a été modifiée, en ce qui touche les conseils de guerre aux armées, dans les divisions territoriales en état de guerre, et dans les communes, les départements et les places de guerre en état de siége, qu'en ce qui touche certaines dispositions, et alors que ces modifications étaient commandées par une situation tout à fait exceptionnelle.

(1) Article 1er de l'ordonnance du 1er avril 1842 :

Aucune exécution à mort, par quelque juridiction qu'elle ait été ordonnée, ne pourra avoir lien, dans toute l'étendue des possessions françaises en Algérie, qu'autant qu'il nous en aura été reada compte et que nous aurons décidé de laisser un libre cours la justice.

■ Toutefois, dans le cas d'urgence extrême, le gouverneur général pourra ordonner l'exécution, a la charge de faire immédiatement connaître les motifs de sa décision à notre ministre secrétaire d'Etat de la guerre, qui nous en rendra compte.

Ce pouvoir, attribué au gouverneur général, ne pourra, dans aucun cas, ètre délégué. »

Le titre II, qui règle la procédure devant les conseils de révision, a généralement consacré les errements suivis jusqu'à ce jour. Toutefois, à la différence de ce qui se pratiquait en cas d'annulation, on pourra ne recommencer la procédure qu'à partir de l'acte annulé, de telle sorte que, quand la déclaration de culpabilité est maintenue et que l'annulation n'est prononcée que pour fausse application de la loi, le renvoi devant un autre conseil de guerre n'a pour objet que l'application de la peine légalement encourue à raison des faits reconnus constants par le premier conseil de guerre.

La procédure devant les prévôtés se trouve résumée en deux articles qui ne comportent aucune observation.

Des dispositions empruntées au Code d'instruction criminelle ont été introduites dans la procédure militaire pour les jugements par contumace et par défaut; elles viennent combler une lacune de la législation militaire et en même temps compléter ce que la jurisprudence de la Cour de cassation n'avait pu qu'imparfaitement réglementer.

Le Code de justice militaire s'approprie également les dispositions du droit commun relatives à la reconnaissance de l'identité d'un individu condamné par un conseil de guerre, et au mode de procéder, dans le cas où un second jugement est annulé par les mêmes motifs que le premier.

Il rend encore applicables à la justice militaire les dispositions du Code d'instruction criminelle, relatives à la prescription, mais il introduit une disposition nouvelle en ce qui concerne l'insoumission et la désertion; il les couvre par une prescription qu'il fait courir du jour où l'insoumis ou le déserteur a atteint l'âge de quarante-sept ans (limite d'âge fixée par l'article 11 de la loi du 26 avril 1855).

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Le livre IV, qui traite de la pénalité, se divise en deux parties bien distinctes dans la première, il définit les peines et règle leurs effets; dans la seconde, il classe et définit les infractions qu'il entend réprimer, et indique la sanction pénale dont il les atteint, en laissant aux tribunaux militaires à appliquer à tous les crimes ou délits qu'il n'a pas prévus les peines portées par les lois pénales ordinaires (art. 267).

Tout en maintenant le principe de l'admission de circonstances atténuantes pour les crimes et délits dérivant du droit commun, le nouveau Code ne l'étend aux infractions militaires qu'autant qu'il n'y a pas danger à laisser exposer devant le conseil des doctrines qui auraient pour conséquence d'affaiblir le respect dû au commandement, et ce n'est que dans les cas où cette admission est autorisée par une disposition expresse du Code, que la question des circonstances atténuantes peut être posée.

La loi nouvelle s'est attachée à supprimer l'infamie dont la loi qu'elle remplace stigmatisait certains actes qui ne sauraient impliquer l'idée du déshonneur. C'est ainsi qu'elle a supprimé la peine des fers pour

fait d'insubordination, et a voulu que la peine de mort n'eût un caractère infamant qu'autant qu'elle serait accompagnée de la dégradation militaire.

Jusqu'à ce jour aucune disposition législative, ni même réglementaire, n'avait déterminé, d'une manière précise, les formalités constitutives de la dégradation militaire; l'article 190 a comblé cette la

cune.

Du reste, il ne vous échappera pas qu'aux termes de l'article 187 du Code, tout condamné, sans distinction (militaire, assimilé, ou autre individu), qui doit subir la peine de mort prononcée contre lui par jugement définitif d'un conseil de guerre, est fusillé, et que, d'après l'article 196, il doit en être de même des militaires et assimilés aux militaires condamnés par les tribunaux ordinaires, puisque cet article prescrit que les peines prononcées contre les militaires soient exécutées conformément aux dispositions du Code de justice militaire et à la diligence de l'autorité militaire.

Quant au mode d'exécution, le législateur ayant cru devoir s'abstenir de le déterminer et laisser ce soin à l'autorité militaire supérieure, on aura à se conformer aux prescriptions suivantes, qui étaient insérées dans la loi du 12 mai 1793 et sont d'ailleurs en usage:

« Il sera commandé quatre sergents, quatre caporaux et quatre fusiliers, les plus anciens de service pris à tour de rôle dans la troupe du prévenu, autant que faire se pourra, sinon toujours dans la troupe présente sur les lieux où l'exécution devra se faire.

« On placera ces douze militaires sur deux rangs. Ce sont eux qui seront chargés de faire feu sur le coupable quand le signal leur en sera donné par l'adjudant.

« L'exécution se fera sur une place indiquée à cet effet, en présence de la troupe du prévenu, lorsqu'elle sera sur le lieu, qui sera rangée en bataille et sans armes, sinon, en présence de la troupe qui aura fourni les tireurs.

« Il y aura toujours un des juges du tribunal qui aura appliqué la loi présent à l'exécution.

« Il sera commandé un piquet de cinquante hommes en armes, pour conduire le coupable au lieu de son exécution; la gendarmerie sera également commandée, quand il y en aura; l'un et l'autre seront chargés, sous les ordres du commandant, de veiller au maintien de l'ordre et de la police qui doivent régner dans ces sortes d'exécutions. »

Comme la peine des fers, celle du boulet a disparu; cette dernière, bien qu'elle fût rangée au nombre des peines correctionnelles, assujettissait le condamné à un régime tel que l'opinion générale s'y méprenait, en présence surtout de l'appareil redoutable qui accompagnait son exécution.

Si le Code ne renferme aucune disposition spéciale sur la récidive,

12 INSTRUCTIONS RELATIVES A L'EXÉCUTION DU NOUVEAU CODE DE JUSTICE MILITAIRE. alors que par son article 202 il prévoit la tentative et la complicité, c'est que le législateur a entendu maintenir l'état de choses actuel, sauf pour le cas de désertion (art. 232 et 236), c'est-à-dire ne faire encourir les effets de la récidive qu'autant que le fait qui a motivé la première condamnation serait une infraction de droit commun, aux termes du dernier paragraphe de l'article 56 du Code pénal ordinaire.

Vous remarquerez encore que le livre IV renferme plusieurs dispositions qui sont obligatoires, même pour les juridictions de droit commun telles sont celles qui répriment la tentative des délits spéciaux prévus par les articles 41, 43, 44 et 45 de la loi sur le recrutement de l'armée, ce que ne faisait pas cette loi, lacune que répare le Code dans son article 270.

L'achat et le recel des effets militaires n'étaient pas non plus suffisamment punis par les lois anciennes, qui remontaient à 1793, et ce n'était qu'avec le secours de la jurisprudence que ces délits pouvaient quelquefois être atteints. Le Code fait cesser toute incertitude sur l'interprétation des textes, en les remplaçant par des dispositions nouvelles (art. 247).

Vous n'oublierez pas que la partie pénale du nouveau Code doit être lue aux troupes le premier samedi de chaque mois, conformément aux règlements en vigueur.

Vous trouverez enfin, jointe à ces instructions, une série de formules des principaux actes de la procédure devant les tribunaux militaires; bien que ces formules n'aient plus la force obligatoire de celles contenues dans l'arrêté du Directoire exécutif du 8 frimaire an vi, vous devez veiller à ce qu'elles soient rigoureusement observées, puisque, en s'en écartant, on risquerait de donner lieu à des cas de nullité. Veuillez m'accuser réception de la présente dépêche.

Recevez, général, l'assurance de ma considération la plus distinguée.

Le Maréchal de France, Ministre secrétaire d'État
au département de la guerre,

VAILLANT.

SUR LE

CODE DE JUSTICE MILITAIRE

LIVRE PREMIER.

DE L'ORGANISATION DES TRIBUNAUX MILITAIRES.

Dispositions préliminaires.

ART. 1er.

La justice militaire est rendue: 1. Par des conseils de guerre; 2o Par des conseils de révision.

Des prévôtés sont établies aux armées dans les cas prévus par le présent Code.

Les tribunaux militaires sont des juridictions spéciales pour les armées de terre, chargées de juger dans des formes particulières, selon les cas : 1o les crimes et délits militaires; 2o les crimes et délits communs imputés à des militaires ou à des personnes dont la position les fait assimiler aux militaires; 3o certains crimes et délits et certains individus, dans des circonstances extraordinaires (1).

Ils sont de trois sortes : 1o les conseils de guerre; 2o les conseils de révision; 3o les prévôtés (2).

(1) Achille Morin, Répertoire général et raisonné du Droit criminel, vo Tribunaux militaires, t. II, p. 776.

(2) En Prusse, la justice militaire est rendue:

4 Par l'auditoriat général (juridiction suprême chargée de trancher toutes les questions litigieuses);

29 Par les tribunaux de corps d'armée, de division et de régiment;

3. Par les tribunaux de garnison;

4° Par les tribunaux d'étape qui ne fonctionnent qu'en temps de guerre.

Il y a, pour l'armée prussienne, deux sortes de juridictions : la juridiction supérieure et la uridiction inférieure.

La juridiction supérieure s'étend à tous les crimes et délits :

4 Des officiers et des employés militaires supérieurs;

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