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courage civil, et que la justice aura en eux des ministres aussi éclairés et aussi consciencieux que l'armée des chefs habiles et expérimentés.

En un mot, cette faculté d'appréciation n'est autre que celle donnée, par le droit commun, au ministère public pour l'ordre de poursuite, au juge instructeur après l'information; et, loin d'être une dérogation à ce droit, elle en est l'application à la justice militaire, maintenue par la jurisprudence de la Cour de cassation, avec cette garantie de plus que le général commandant aura, pour s'éclairer sur le mérite de l'information, l'avis du juge instructeur et du ministère public.

Si l'on y ajoute l'obligation pour les généraux de motiver leurs décisions de non-lieu et d'en rendre compte au ministre de la guerre, chef responsable de l'armée, il faudra bien reconnaître que la mesure, ainsi dégagée . des préventions dont elle était devenue l'objet par l'animation même du débat, ne peut produire que de bons résultats.

Les généraux commandant les divisions doivent motiver leurs décisions. Lorsqu'ils ont jugé d'abord qu'il n'y a pas lieu de donner suite à la plainte, ils conservent le droit et ils ont le devoir de faire reprendre les poursuites, s'il survenait de nouveaux renseignements de nature à modifier leur première opinion.

Quand ils ne donnent pas suite à la plainte, ils doivent rendre compte de leur décision au ministre de la guerre.

Les états mensuels et nominatifs des refus d'informer adressés au ministère de la guerre, en ce qui concerne le fait de désertion, doivent également comprendre les refus d'informer que le général commandant la division aura cru devoir prononcer pour quelque fait que ce soit (1).

La décision de non-lieu doit être jointe à la plainte et demeurer aux archives de la division.

Le général la notifie ou fait notifier celle du ministre à qui de droit, selon les circonstances.

La faculté d'accorder ou de refuser l'ordre d'informer est l'exercice d'un pouvoir personnel au général commandant la division. Il ne peut le déléguer à aucun de ses subordonnés.

Lorsque l'inculpé est colonel, officier général ou maréchal de France, et que l'ordre d'informer doit être donné par le ministre de la guerre, c'est par l'intermédiaire des généraux commandant la division que doivent être transmis au ministre les procès-verbaux et les plaintes concernant ces officiers supérieurs, généraux et dignitaires de l'armée. Le général doit, dans ce cas, joindre son avis motivé à l'envoi de ces pièces (2).

Le droit de donner ou de ne pas donner l'ordre d'informer appartient directement au général ou au ministre, selon les circonstances. Leurs décisions ne sont sujettes à aucun recours, sauf au ministre à réclamer l'avis du général, s'il le juge convenable, ou à donner, s'il y a lieu, sur les décisions rendues par les généraux, des instructions pour les ramener à un usage mieux entendu de leurs attributions (3).

(4) Voir, plus haut, les instructions ministérielles du 28 juillet 4857.

(2) Idem.

(3) Victor Foucher, Commentaire, etc., p. 282.

Le deuxième conseil de révision siégeant à Versailles a rendu, le 8 juillet 4872, un jugement qui

ART. 100.

L'ordre d'informer pour chaque affaire est adressé au commissaire impérial près le conseil de guerre qui doit en connaître, avec les rapports, procès-verbaux, pièces, objets saisis et autres documents à l'appui.

Le commissaire impérial transmet immédiatement toutes les pièces au rapporteur.

La juridiction militaire est saisie par l'ordre d'informer. L'instruction commence avec la transmission des pièces au rapporteur.

Cette transmission doit avoir lieu dans les vingt-quatre heures au plus tard. Elle doit être constatée par une pièce spéciale datée et signée par le commissaire du Gouvernement.

Ce dernier peut, en transmettant les pièces au rapporteur, faire des réquisitions sur les mesures d'instruction à prendre pour arriver à la découverte de la vérité (1).

M. Foucher recommande d'établir au greffe de chaque conseil de guerre

développe certains principes exposés à propos de l'article 99. Il résulte de ce jugement que le général commandant la division a seul l'initiative des poursuites pour la répression des crimes et des délits devant les conseils de guerre. Que, spécialement, le fait par un conseil de guerre de condamner un prévenu pour un fait d'escroquerie quand, par l'ordre d'informer émanant du général, il a été originairement inculpé d'avoir pris part à l'insurrection parisienne, constitue un excès de pouvoir et un cas de nullité du jugement. C'est devant le général qu'il faut renvoyer le prévenu pour les faits nouvellement découverts contre lui, le conseil ne pouvant pas statuer d'office à cet égard, quand bien même le rapporteur aurait conclu à l'examen, par le conseil, de ces faits nouvellement articulés par lui et précisés dans l'ordre de mise en jugement.

Voici le texte de ce jugement: « Attendu qu'aux termes de l'article 99 du Code de justice militaire, la poursuite des crimes et des délits ne peut avoir lieu, à peine de nullité, que sur un ordre d'informer donné par le général commandant la division;

« Qu'il a seul l'initiative de toute poursuite; que c'est devant lui qu'il faut renvoyer l'accusé pour faits nouvellement découverts;

« Qu'il résulte des dispositions législatives des articles 408 et 109 dudit Code, que l'ordre d'informer est une formalité indispensable en l'absence de laquelle un ordre de mise en jugement ne peut légalement produire aucun effet ;

«Attendu que, dans l'espèce, l'accusation portée sur l'ordre d'informer donné contre le nommé Bermant était celle: « D'avoir pris part à l'insurrection parisienne; »

« Attendu qu'il résulte de l'examen des pièces du dossier que le rapporteur du sixième conseil, au lieu de diriger l'information sur le fait ainsi précisé, a porté ses investigations sur le crime de subornation de témoins, ainsi que le constate le mandat d'amener établi le 4 avril 4872;

« Qu'il résulte, en outre, que la subornation exercée sur des témoins qui devaient déposer dans une affaire qui se rattachait à l'insurrection, n'a été commise qu'après le rétablissement de l'ordre; « Considérant, dès lors, que ce fait est indépendant de toute participation à l'insurrection;

« Attendu que le rapporteur du sixième conseil, abandonnant le chef d'accusation de subornation de témoins, a conclu dans son rapport à la mise en jugement du nommé Bermant, pour escroquerie ;

«Attendu que le délit d'escroquerie ne rentre pas non plus dans la catégorie des faits mentionnés dans l'ordre d'informer;

<< Attendu qu'en instruisant des faits sur lesquels il n'y avait pas d'ordre d'informer, le rapporteur a commis un excès de pouvoir et violé les dispositions de l'article 99 du Code de justice militaire:

«Par ces motifs,

« Le conseil annule à l'unanimité l'information suivie contre le nommé Bermant et le jugement intervenu en vertu du numéro 4 de l'article 74 du Code de justice militaire;

Renvoie l'accusé avec le résidu de la procédure devant le 5 conseil de guerre de la première division militaire;

« Renvoie également devant le général commandant la première division militaire, pour la rédaction d'un nouvel ordre d'informer, conformément aux articles 467 et 470 du Code de justice militaire. »

(4) Voir, plus loin, l'article 407 et son commentaire.

un registre sur lequel on constatera l'arrivée des pièces et leur transmission par le commissaire du Gouvernement.

Ce registre, régulièrement tenu et portant des numéros d'ordre, pourra servir à indiquer les diverses phases d'une affaire jusqu'au moment où le conseil se trouve entièrement dessaisi.

La tenue de ce registre lui paraît, avec raison, résulter des formalités exigées par l'article 168 du Code (1), puisque cet article ordonne que, en cas d'annulation du jugement d'un conseil de guerre, la décision du conseil de révision qui prononce cette annulation soit transcrite sur les registres du conseil de guerre, indépendamment de la mention en marge du jugement (2).

ART. 101.

Le rapporteur procède à l'interrogatoire du prévenu.

Il l'interroge sur ses nom, prénoms, âge, lieu de naissance, profession, domicile, et sur les circonstances du délit; il lui fait représenter toutes les pièces pouvant servir à conviction, et il l'interpelle pour qu'il ait à déclarer s'il les reconnaît.

S'il y a plusieurs prévenus du même délit, chacun d'eux est interrogé séparément, sauf à les confronter, s'il y a lieu.

L'interrogatoire fini, il en est donné lecture au prévenu, afin qu'il déclare si ses réponses ont été fidèlement transcrites, si elles contiennent la vérité et s'il y persiste. L'interrogatoire est signé par le prévenu et clos par la signature du rapporteur et celle du greffier.

Si le prévenu refuse de signer, mention est faite de son refus.

Il est pareillement donné lecture au prévenu des procès-verbaux de l'information (3).

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Le concierge de la maison de justice militaire est requis d'extraire et de faire conduire sous bonne et sûre escorte, au greffe du e conseil de guerre, pour être interdans ladite maison de justice,

rogé

Le

puis réintégré

nommé

Le chef de l'escorte est personnellement responsable d
réintégration dans ladite maison de justice.

susnommé

jusqu'à

Le Rapporteur,

Les articles 15, 16, 17 et 18 de la loi du 13 brumaire an v étaient ainsi

conçus :

Article 15. Après avoir constaté le corps et les circonstances du délit et reçu la déposition des témoins, il interrogera le prévenu sur ses nom, prénoms, age, lieu de naissance, profession et domicile, et sur les circonstances du délit; s'il y a des preuves matérielles du délit, elles seront représentées au prévenu pour qu'il ait à déclarer s'il les reconnaît. »

a

Article 16. S'il y a plusieurs prévenus du même délit, chacun d'eux sera interrogé séparément.

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Article 17. L'interrogatoire fini, il en sera donné lecture au prévenu, afin qu'il déclare si ses réponses ont été fidèlement transcrites, si elles contiennent vérité, et s'il y persiste; auquel cas il signera. S'il ne peut ou ne veut signer, il en sera fait mention, et l'interrogatoire sera clos par la signature du rapporteur et celle du greffier. Il sera pareillement donné lecture au prévenu du procès-verbal d'information.»

Article 18. Les interrogatoires et réponses des prévenus du même délit seront inscrits de suite sur un seul et même procès-verbal et séparés seulement par leurs signatures et celles du rapporteur et du greffier. »

Le Code d'instruction criminelle, de son côté, dit en son article 93 : « Dans le cas de mandat de comparution, le juge d'instruction interrogera de suite; dans le cas de mandat d'amener, dans les vingt-quatre heures au plus tard. >

L'article 101 du Code de justice militaire se rapproche de la disposition du Code d'instruction criminelle, en voulant que le prévenu soit interrogé aussitôt qu'il est mis sous la main de la justice. Il s'éloigne de la loi du 13 brumaire an v, en ne faisant point de l'interrogatoire du prévenu le dernier acte de l'information.

Si le prévenu n'est point à la disposition du rapporteur, ce dernier peut, bien entendu, commencer par toute autre mesure d'instruction, par exemple, par l'audition des témoins (1).

Les interrogatoires et réponses des prévenus du même délit ne seront plus inscrits, comme le voulait l'article 18 de la loi de brumaire an v, sur

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un seul et même procès-verbal. Il sera fait de chaque interrogatoire comme de chaque déposition une pièce séparée (1).

Comme il doit être donné lecture au prévenu des procès-verbaux de l'information, cette formalité, combinée avec la disposition qui place l'interrogatoire du prévenu au début de la procédure, rend nécessaire un deuxième interrogatoire à la fin de l'information.

ART. 102.

Le rapporteur cite les témoins par le ministère des agents de la force publique et les entend; il décerne les commissions rogatoires et fait les autres actes d'instruction que l'affaire peut exiger, en se conformant aux articles 73, 74, 75, 76, 78, 79, 82, 83 et 85 du Code d'instruction criminelle.

Si les témoins résident hors du lieu où se fait l'information, le rapporteur peut requérir, par commission rogatoire, soit le rapporteur près le conseil de guerre, soit le juge d'instruction, soit le juge de paix du lieu dans lequel ces témoins sont résidants, à l'effet de recevoir leur déposition.

Le rapporteur saisi de l'affaire peut également adresser des commissions rogatoires aux fonctionnaires ci-dessus mentionnés, lorsqu'il faut procéder hors du lieu où se fait l'information, soit aux recherches prévues par l'article 89 du présent Code, soit à tout autre acte d'instruction (2).

On appelle commission rogatoire l'acte de délégation qui devient nécessaire soit pour faciliter une instruction, soit pour obtenir un document ou un indice qui manquerait sans cela, lorsque le magistrat chargé d'une instruction ne peut en faire lui-mème tous les actes, pour cause d'éloignement, ou à raison des limites de sa juridiction ou de son ressort.

(4) Cette disposition a pour objet de prévenir la confusion qui pourrait avoir lieu dans les pièces de la procédure écrite, si l'un des prévenus venait à être mis hors de cause.

(2) LOI DU 43 BRUMAIRE AN V. Art. 43. « Après avoir reçu la plainte, le rapporteur recevra la déposition des témoins; s'il y a des preuves matérielles du délit, il les constatera. Les témoins signeront leurs déclarations; s'ils ne savent signer, il en sera fait mention.

Dans le cas où les témoins refuseraient de déposer ou de signer leurs dépositions, il sera passé outre à l'interrogatoire du prévenu. »

• Cette disposition, dit M. Foucher, était la soule que renfermât cette loi sur l'audition des témoins pendant le cours de l'instruction et même devant les conseils de guerre, dont l'instruclign, se ressentant encore des principes de l'ancien droit criminel, admettait pour les débats de l'audience les dépositions reçues par écrit, puisque les articles 25, 26, 27 et 28 de cette même loi, relatifs aux formes à suivre devant le conseil, ne parlent plus de l'audition des témoins, mais bien de celle de la partie plaignante, et prescrivent seulement la lecture des procès-verbaux d'information. Le deuxième paragraphe de cet article avait encore cela de remarquable, qu'il semblait admettre que les témoins pouvaient se refuser à déposer devant le conseil de guerre sans que ceux-ci pussent les contraindre à le faire.

Cet article n'était même applicable qu'aux témoins se trouvant dans la place où siégeaient les conseils de guerre; car, pour ne pas enlever les militaires à leur service, la loi du 18 pluviose an 11 prescrivait que la déposition des témoins hors la place fût reçue par commission rogatoire, et que ces dépositions fussent considérées comme orales devant les tribunaux, à moins que ceux-ci, par décision motivée, ne jugeassent la présence des témoins nécessaire aux débats. » (Commentaire, etc., p. 288.)

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