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SECTION III.

De l'examen et du jugement.

ART. 113.

Le conseil de guerre se réunit au jour et à l'heure fixés par l'ordre de convocation.

Des exemplaires du présent Code, du Code d'instruction criminelle et du Code pénal ordinaire sont déposés sur le bureau.

Les séances sont publiques, à peine de nullité; néanmoins, si cette publicité paraît dangereuse pour l'ordre ou pour les mœurs, le conseil ordonne que les débats aient lieu à huis clos. Dans tous les cas, le jugement est prononcé publiquement.

Le conseil peut interdire le compte rendu de l'affaire; cette interdiction ne peut s'appliquer au jugement.

Le juge du conseil de guerre n'entre réellement en fonctions qu'au moment où, après avoir reçu sa lettre de convocation, il se présente à l'hôtel du conseil, au jour et à l'heure prescrits (1).

Les membres du conseil de guerre, convoqués à l'avance, se réunissent au jour et à l'heure fixés. Sur le bureau, sont déposés des exemplaires du Code pénal militaire, du Code d'instruction criminelle et du Code pénal ordinaire. Le dépôt de ces lois est nécessaire, car on peut être obligé de recourir à toutes; c'est pour ce motif que la commission du Corps législatif avait demandé le dépôt de la loi qui serait appliquée, s'il s'agissait, par exemple, d'une loi spéciale. Le Conseil d'État n'a point admis cet amende

ment.

Les Codes désignés dans l'article 113 sont à la disposition des juges pendant les débats, pour qu'ils puissent se renseigner sur les articles que l'on peut invoquer de part et d'autre et sur la qualité et la quotité de la peine à intervenir, en cas de condamnation.

M. Foucher fait observer qu'il ne faudrait pas tirer cependant de la présence obligée du Code d'instruction criminelle et du Code pénal sur le bureau du conseil, la conséquence que les juges peuvent toujours y avoir

(1) La tenue indiquée pour siéger est la tenue de service, c'est-à-dire, pour les officiers d'infanterie, le hausse-col; pour ceux des places, les revers apparents; pour les officiers et sous-officiers de cavalerie, la giberne. Les fonctions du juge sont, en effet, un véritable service commandé.

Dans les tribunaux ordinaires, les juges siégent les mains découvertes; mais dans l'état militaire, où la tenue comporte des gants, il est convenable d'en avoir et de les conserver pendaut toute la séance.

Seul des membres du conseil, le commissaire du gouvernement doit rester les mains nues, parce qu'il porte la parole et qu'il est de règle que l'on doit parler sans avoir de gants, comme signe de liberté d'action pour l'accusation aussi bien que pour la défense.

Le commissaire du gouvernement est membre du conseil.

Quoique le conseil ne soit régulièrement constitué qu'avec un greffier, ce dernier n'est pas considéré comme membre; il doit cependant être en tenue régulière. (Manuel du juge au conseil de guerre.)

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recours en l'absence de dispositions spéciales dans la loi militaire. « Ce serait une grave erreur, dit-il; le Code militaire a pour effet, au contraire, d'interdire généralement le recours au Code d'instruction criminelle dans tous les cas où il n'y renvoie pas, et de substituer ses propres prescriptions à celles de cette loi; mais comme, en beaucoup de dispositions, le Code militaire se réfère au Code d'instruction criminelle et au Code pénal, et spécialement à ce dernier pour tous les cas non réprimés par le Code militaire, il y a nécessité de placer ces livres de la loi sur le bureau du conseil (1). »

Les juges doivent trouver aussi du papier et une plume devant eux ; ils ne doivent pas craindre de s'en servir, c'est leur droit, pour prendre des notes et inscrire les faits saillants, car il arrive souvent que lorsque les débats sont longs, la fin de l'affaire a fait oublier le commencement, et que l'enchaînement et la succession des faits se confondent dans la mémoire la mieux exercée.

L'article 113 ordonne que les séances seront publiques. C'est, du reste, le droit commun.

« Cette publicité, dit quelque part M. Guizot, a moins pour objet de faire siéger les juges en présence de quelques hommes, que de mettre la conduite du procès et le jugement eux-mêmes sous les yeux de tous les citoyens ; c'est par là qu'on apprend si les formes ont été respectées ou violées, si le vœu de la loi est rempli, quel esprit a présidé aux débats, sur quelles preuves a eu lieu la condamnation ou l'acquittement. »

La publicité des séances des conseils de guerre est donc de droit, et le Code de 1857 n'a pas maintenu le système de la loi de brumaire, qui avait fixé le maximum de public. Les restrictions de cette loi étaient la conséquence de la guerre. Les conseils siégeaient sous la tente.

Mais que faut-il entendre par la publicité des séances?

Cela signifie que les portes de la salle doivent être complétement ouvertes et l'accès de cette salle permis à tous; lorsque ces conditions sont remplies, il peut n'y avoir personne dans la salle, la séance n'en est pas moins réputée publique aux yeux de la loi. Elle serait également considérée comme publique, lors même que le président aurait été forcé de faire évacuer tout ou partie de la salle.

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation, que la distribution de billets pour assister aux débats est une mesure d'ordre de police qui ne contrarie point la publicité de ces débats; et que la fermeture des portes de l'audience, par mesure de police, alors qu'elle était suffisamment garnie de public, n'est pas une infraction au principe de publicité. Les arrêts sur ce point sont nombreux.

Lorsque la publicité paraît devoir être dangereuse pour l'ordre ou pour les mœurs, le conseil rend un jugement pour ordonner le HUIS CLOS; ce jugement est rendu à la majorité des voix, soit d'office, soit sur les réquisitions du commissaire du Gouvernement, et l'accusé ne peut s'y opposer.

Il a été jugé par la Cour de cassation que le droit donné aux tribunaux de suspendre, en matière criminelle, la publicité des débats, quand cette publicité serait dangereuse pour l'ordre et les mœurs, est l'application d'un

(4) V. Foucher, Commentaire, etc., p. 320.

principe d'ordre public, et n'est subordonné à aucun intérêt; que, dès lors, l'exercice de ce droit est entièrement subordonné à la conscience des magistrats, qui ne sont nullement tenus de consulter l'accusé à cet égard (1).

Malgré le huis clos, le président a le droit de laisser dans la salle les personnes qu'il désigne; mais il ne faut pas abuser de ces permissions, et en tout cas, les portes doivent être fermées.

Le huis clos commence avant ou après la lecture de l'ordre de mise en jugement, mais il doit finir, au plus tard, après que les débats sont clos. Le conseil a le droit de le faire cesser plus tôt, s'il le juge convenable. Il faut alors un nouveau jugement rendu publiquement. Dans tous les cas le jugement doit être rendu publiquement et être inséré, autant que possible, dans le corps même du jugement principal; s'il ne peut l'être, il doit faire l'objet d'un jugement principal (2).

(4) Cass. crim., 6 avril 1854, affaire Raffat; 16 janvier 1855, affaire Frenel. Cette jurisprudence s'appuie, du reste, sur beaucoup d'arrêts.

(2) Instructions ministérielles du 28 juillet 1857.

M. Alla a résumé ainsi, dans son Manuel pratique des tribunaux militaires, ce qui est relatif au huis clos: C'est ordinairement au moment où l'accusé est introduit, et après que son identité a été constatée, que le commissaire du gouvernement propose que les débats aient lieu à huis clos, attendu qu'il a pu se rendre compte, par l'examen du dossier, de l'opportunité de cette me

sure.

Le conseil délibère sur les réquisitions du commissaire du gouvernement et prononce publiquement son jugement.

Aussitôt après, le président fait évacuer la partie de la salle occupée par le public, et prend des mesures pour empêcher que personne n'y rentre sans son autorisation.

S'il survenait dans le cours des débats à huis clos quelque incident qui motivât un jugement, le président ferait rouvrir les portes de l'auditoire, et le prononcerait publiquement, sauf à reprendre ensuite les débats à huis clos.

Il est de jurisprudenco que le huis clos peut être ordonné pour une partie des débats seulement. On peut, en ordonnant le huis clos, autoriser le père ou le frère de l'accusé à rester dans la

salle d'audience.

Dans l'usage, l'entrée de l'audience n'est pas interdite au barreau pendant le huis clos. On peut, pendant la durée du huis clos, autoriser l'introduction dans la salle d'audience, de personnes, même étrangères au barreau, alors surtout qu'il n'y a eu aucune opposition de l'accusé. Il n'y a pas lieu d'interpeller l'accusé de s'expliquer sur le huis clos requis par le ministère public.

Le tribunal qui ordonne le huis clos doit déclarer, à peine de nullité, dans son jugement, que la publicité serait dangereuse pour l'ordre ou les mœurs.

L'arrêt serait nul si le tribunal s'était borné à citer l'article de la loi qui autorise le huis clos. Dans tout débat à huis clos, les arrêts incidents doivent être rendus publiquement, aux termes de l'article 7, § 2, de la loi du 20 avril 1840; il n'y a pas de distinction à établir entre tel ou tel incident ayant un caractère plus ou moins contentieux et intéressant plus ou moins le droit de défense.

JUGEMENT QUI ORDONNE LE HUIS CLOS.

Au nom du peuple français...

Le conseil de guerre permanent de la division militaire, délibérant à huis clos, statuant sur les réquisitions prises en audience publique par le commissaire du gouvernement (ou sur les conclusions du défenseur de l'accuse);

Considérant que la publicité des débats serait dangereuse pour (l'ordre ou les mœurs), déclare à l'unanimité (ou à la majorité de quatre, cinq ou six voix) qu'il y a lieu d'ordonner le huis clos, conformément à l'article 113 du Code de justice militaire, ainsi conçu (transcrire le texte dans le jugement);

En conséquence, le président ordonne que les assistants évacueront la salle d'audience.

NOTE. C'est ordinairement lorsque l'accusé à décliné ses nom et qualités, que le commissaire du gouvernement requiert le huis clos; la disposition de la formule officielle du jugement permet d'intercaler à cet endroit les réquisitions du commissaire et le jugement sur le huis clos. Ainsi, après les réponses de l'accusé sur l'identité, on mettra A ce moment, le commissaire du gouvernement a requis qu'il plaise au conseil ordonner le huis clos, attendu que la publicité des débats serait dangereuse pour l'ordre ou les mœurs.) Le conseil s'est retiré dans la chambre des délibérations; après la délibération, le Conseil est rentré en séance publique et le président a prononcé le jugement suivant : « Considérant (commé ci-dessus). En conséquence, le président a fait sortir a le public de la salle des séances. » Le procès-verbal continue par ces mots : « Le président, après « avoir fait lire par le greffier, etc. »>

Lorsque, pendant le huis clos, il s'élève des incidents donnant lieu à un jugement, ce jugement doit être rendu publiquement, c'est-à-dire que l'on doit ouvrir les portes; on les referme immédiatement après (1).

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Le dernier paragraphe de l'article 113 accorde au conseil la faculté d'interdire le compte rendu de l'affaire, par application de l'article 17 (2o §) de la loi du 17 février 1852, ainsi conçu : ..... Dans toutes affaires civiles, correctionnelles ou criminelles, les Cours ou tribunaux pourront interdire le compte rendu du procès. Cette interdiction ne pourra s'appliquer au jugement, qui pourra toujours être publié. M. Foucher recommande instamment aux conseils de guerre d'user de cette faculté toutes les fois qu'ils penseront que le compte rendu pourrait être dangereux même pour la discipline. Il s'élève avec une sévérité extrême contre la publicité inconsidérée, intempestive, dramatique ou passionnée des débats judiciaires (2). » L'interdiction sera motivée par un jugement qui s'appuiera sur le danger de la publicité du compte rendu. La mesure pourra être prise d'office, sans avoir été requise par le commissaire du gouvernement.

Le dernier paragraphe de l'article 113 doit, de plus, être combiné avec les articles suivants de la loi du 27 juillet 1849 :

Article 10.« Il est interdit de publier les actes d'accusation et aucun acte de procédure criminelle, avant qu'ils aient été lus en audience publique, sous peine d'une amende de cent francs à deux mille francs.

En cas de récidive commise dans l'année, l'amende pourra être portée au double, et le coupable condamné à un emprisonnement de dix jours à six mois. »>

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Article 11. Il est interdit de rendre compte des procès pour outrages ou injures, et des procès en diffamation où la preuve des faits diffamatoires n'est pas admise par la loi.

«La plainte pourra seulement être annoncée sur la demande du plaignant; dans tous les cas, le jugement pourra être publié.

«Il est interdit de publier les noms des jurés, excepté dans le compte rendu de l'audience où le juge aura été constitué;

«De rendre compte des délibérations intérieures, soit des jurés, soit des Cours et tribunaux.

« L'infraction à ces dispositions sera punie d'une amende de deux cents francs à trois mille francs.

En cas de récidive commise dans l'année, la peine pourra être portée au double. »

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(4) « Lorsque, - dit M. Foucher, il s'élève des incidents pendant le huis clos, s'ils donnent lieu à un jugement du conseil, il faut rendre la séance publique, sauf à reprendre le huis clos après la prononciation de ce jugement pour la continuation des débats; mais, si l'incident ne donne lieu qu'à un acte d'instruction dans les limites du pouvoir discrétionnaire du président, ou à un arrêt qui ne porte pas sur un débat contentieux, cette nécessité n'existe pas. Cette distinction est encore sanctionnée par la jurisprudence. En cas de doute, il est toujours plus régulier de prononcer le jugement sur l'incident en audience publique, et la publicité doit toujours être constatée par le jugement, qui, devant le conseil de guerre, tient lieu de procès-verbal des débats. »

M. Foucher rappelle à ce propos l'arrêt du 42 juin 14856 (Cass. crim., affaire Goby), dans lequel se trouve le considérant suivant : « Attendu que, si c'est une règle que tous les arrêts doivent être rendus publiquement, il est également de règle qu'une telle garantie n'est nécessaire qu'au cas où ces arrêts, statuant sur un droit prétendu et contesté, vident un incident contentieux......... » (Commentaire, 324.)

(2) Idem, p. 325.

Les infractions à ces dispositions seront dénoncées par le commissaire du gouvernement au procureur de la République du lieu de la publi

cation.

Nous arrivons aux opérations diverses qui vont avoir lieu pendant la séance. Avant d'entrer dans les détails, il est méthodique d'en connaître l'ensemble. Or, voici, d'après le Manuel du juge au conseil de guerre, quel sera l'ordre de ces opérations.

On introduira l'accusé assisté de son défenseur.

Le greffier donne lecture de la nomination des nouveaux membres du conseil, lorsqu'il y en a, afin que le tribunal soit légalement constitué.

· Le greffier donne lecture, lorsqu'il y a lieu, des remises ou des réductions de peine que le chef de l'État a pu accorder à des militaires condamnés antérieurement par le conseil de guerre.

Le président constate l'identité de l'accusé en lui demandant ses nom, prénoms et qualités.

Le greffier donne lecture de l'ordre de mise en jugement, puis il fait l'appel des témoins et les fait passer de la salle d'audience dans la chambre qui leur est destinée.

Les témoins étant retirés, le greffier donne lecture du rapport du capitaine rapporteur; les juges ne sauraient apporter trop d'attention à cette lecture, car ce rapport leur donne une première connaissance de l'affaire ; c'est un résumé froid et impartial des faits qui ont eu lieu ou qui sont présumés avoir eu lieu.

Aux termes de l'article 315 du Code d'instruction criminelle, visé par l'article 128 du Code de justice militaire, le commissaire du gouvernement a le droit, immédiatement après cette lecture, d'exposer à son tour au conseil les faits reprochés à l'accusé, en se bornant toutefois à la simple exposition des faits, et sans pouvoir encore les apprécier. Mais, en pratique, cela n'a pas lieu ordinairement, et le commissaire du gouvernement se contente de la lecture du rapport qui sert ainsi d'acte d'accusation.

A partir de ce moment, voici la série des opérations :

Interrogatoire de l'accusé.

Audition successive des témoins.

Réquisitoire du commissaire du gouvernement.

Plaidoyer du défenseur.

Réplique de part et d'autre, lorsqu'il y a lieu, mais le défenseur doit toujours avoir la parole le dernier.

Le président déclare que les débats sont clos; il fait retirer l'accusé, et le conseil se rend dans la salle des délibérations.

Lorsque cette salle n'existe pas, le président fait retirer tout le monde, même le commissaire du gouvernement et le greffier, et fait fermer les portes de la salle.

Lecture publique du jugement, mais en dehors de la présence de l'accusé, lorsque le conseil est rentré en séance. Après cette lecture, le président déclare que la séance est levée ou qu'elle continue, s'il y a plusieurs affaires à juger le même jour.

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