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ART. 120.

Dans les cas prévus par les articles 115, 116 et 119 du présent Code, le jugement rendu, le greffier en donne lecture à l'accusé et l'avertit du droit qu'il a de former un recours en révision dans les vingt-quatre heures. Il dresse procès-verbal, le tout à peine de nullité.

Le jugement rendu dans les cas prévus par les articles 115, 116 et 119 (1) a le caractère d'un jugement rendu sur le fond, et non d'un simple jugement d'incident.

Si l'article 120 ne rappelle pas l'article 118, c'est parce que ce dernier article n'a trait qu'à des mesures d'ordre et de police, prises par le président seul, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, comme directeur des débats et comme ayant la police de l'audience (2).

La lecture des jugements rendus en vertu des articles 115, 116 et 119 doit être donnée par le greffier; c'est aussi le greffier qui doit avertir le condamné de la faculté de former son recours en révision.

La lecture et l'avertissement ne seront pas donnés en présence du commissaire du gouvernement (3).

Le greffier dressera procès-verbal.

Ce procès-verbal énoncera les jour, heure et lieu où la notification s'est faite, les nom et qualité du greffier ou commis-greffier, la mention que la lecture du jugement a été faite dans tout son texte, la constatation de l'avertissement du droit de recourir en révision. Il sera signé par le greffier instrumentaire et par le condamné. Si ce dernier ne peut ou ne veut signer, mention en sera faite au procès-verbal.

Lorsque la notification se fera à la prison où sera détenu le condamné, elle aura lieu en présence du directeur ou du greffier de la prison, lequel devra signer le procès-verbal, qui constatera leur présence.

Le point de départ du délai de vingt-quatre heures pour former le recours en révision sera l'expiration du jour où la lecture du jugement aura été faite au condamné (4).

ART. 121.

Le président fait lire par le greffier l'ordre de convocation, le rapport prescrit par l'article 108 du Code, et les pièces dont il lui paraît nécessaire de donner connaissance au conseil; il fait connaître à l'accusé le crime ou le délit pour lequel il est poursuivi; il l'avertit que la loi lui donne le droit de dire tout ce qui est utile à sa défense; il avertit aussi le défenseur de l'accusé qu'il ne peut rien dire contre sa conscience ou

(4) Voir, plus haut, les articles 445, 146 et 149, avec leur commentaire.

(2) Les ordonnances du président ne sont pas des jugements.

(3) Différence avec l'article 144. Voir, plus loin, cet article et son commentaire. Dans le cas de l'article 120 visant les articles 145, 146 et 149, le législateur a voulu, avec raison, éviter de placer de Douveau le prévenu en face d'un membre du conseil.

() Voir, plus loin, l'article 143 et son commentaire.

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contre le respect qui est dû aux lois, et qu'il doit s'exprimer avec décence et modération.

Nous avons déjà vu que lorsque les membres du conseil de guerre ont pris leurs places respectives, le président déclare que la séance est ouverte et ordonne que l'accusé soit introduit.

Il ordonne ensuite au greffier de lire : 1° l'ordre de nomination des nouveaux juges, s'il y a lieu;

20 L'ordre de mise en jugement.

Cette lecture terminée, le président interroge l'accusé sur ses nom, prénoms, âge, lieu de naissance, profession avant d'entrer au service, sur son dernier domicile, son grade et le corps auquel il appartient. Si l'accusé refuse de répondre, il est passé outre (1).

L'identité de l'accusé étant ainsi constatée, le président fait lire par le greffier la liste des témoins qui doivent être entendus, soit à la requête du commissaire du gouvernement, soit à la requête de l'accusé. Il fait ensuite sortir les témoins de l'audience et les fait placer dans la salle d'attente qui leur est destinée, en prenant des mesures pour qu'ils n'en sortent que lorsqu'ils seront appelés à déposer. Le président peut aussi donner des ordres pour que les témoins ne causent pas entre eux du sujet de l'affaire. L'accusé ou le commissaire du gouvernement peuvent s'opposer à l'audition d'un témoin qui n'aurait pas été notifié vingt-quatre heures à l'avance. Le conseil statue sur cette opposition (2).

C'est ici que se place la lecture du rapport. Cet acte a dû être rédigé avec le plus grand soin, puisqu'il tient lieu d'acte d'accusation, et mentionner toutes les circonstances de la cause, tant à charge qu'à décharge, à l'égard du prévenu. C'est, en un mot, le résumé exact de toute l'information. Par cette lecture, le conseil se trouvera éclairé, au début du débat, sur les circonstances principales du fait qu'il est appelé à juger.

Après la lecture du rapport, vient celle des pièces dont le président ju gera nécessaire ou utile de donner connaissance au conseil. Le Code de 1857 donne, à cet égard, un large pouvoir d'appréciation au président. « Le choix des pièces, - dit M. Foucher, a une réelle importance, et le président doit y procéder par un examen préalable du dossier, première condition pour bien diriger le débat, surtout dans les affaires compliquées ou qui seraient d'une solution délicate. Laisser lire sans nécessité toutes

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(4) Voir, plus haut, l'article 447 et son commentaire.

(2) CODE D'INSTRUCTION CRIMINELLE. Art. 345. « Le procureur général exposera le sujet de l'accusation; il présentera ensuite la liste des témoins qui devront être entendus, soit à sa requête, soit à la requête de la partie civile, soit à celle de l'accusé.

« Cette liste sera lue à haute voix par le greffier.

<< Elle ne pourra contenir que les témoins dont les noms, profession et résidence auront été notifiés, vingt-quatre heures au moins avant l'examen de ces témoins, à l'accusé, par le procureur général ou la partie civile, et au procureur général par l'accusé; sans préjudice de la faculté accordée au président par l'article 269.

« L'accusé et le procureur général pourront, en conséquence, s'opposer à l'audition d'un témoin qui n'aurait pas été indiqué ou qui n'aurait pas été clairement désigné dans l'acte de notification. «La Cour statuera de suite sur cette opposition. »>

Art. 316 « Le président ordonnera aux témoins de se retirer dans la chambre qui leur sera destinée. Ils n'en sortiront que pour déposer. Le président prendra des précautions, s'il en est besoin, pour empêcher les témoins de conférer entre eux du délit et de l'accusé, avant leur déposition. ▾

les pièces de la procédure, comme cela se pratiquait antérieurement, serait tout à la fois accuser une négligence regrettable dans l'accomplissement des devoirs qu'imposent les fonctions si graves et si importantes de président d'une juridiction criminelle, jeter souvent de la confusion dans l'esprit des juges, et, par la perte de temps qui en serait la conséquence, détourner ou fatiguer l'attention du conseil, avant même que le débat oral soit commencé (1) ».

Parmi les pièces qui seront lues, il faut ranger la plainte, les expertises, les descentes de lieux et toutes autres pièces constatant des faits ou des appréciations que le débat oral peut quelquefois ne pas reproduire.

Quand la lecture des pièces est terminée, le président dit à l'accusé :

Il résulte des pièces qui viennent d'être lues que vous êtes accusé (ou prévenu lorsque c'est un délit) de (spécifier le crime ou délit). Je vous préviens que la loi vous donne le droit de dire tout ce qui est utile à votre défense (2) ›.

Cette indépendance de parole donnée à l'accusé, dans l'intérêt de la liberté de sa défense, ne doit pas dégénérer en abus, et si l'accusé sort, en usant de ce droit, des bornes d'une défense légitime, il appartient au président de l'y faire rentrer (3).

Le président dit aussi au défenseur de l'accusé :

Javertis le défenseur qu'il ne peut rien dire contre sa conscience ou contre le respect dû aux lois, et qu'il doit s'exprimer avec décence et modération (4) ».

Si le défenseur s'écartait de la modération et de la décence, il appartiendrait encore au président de le rappeler à ses devoirs. En cas de persistance, de la part du défenseur, le conseil statuerait souverainement sur l'incident.

Aussitôt après ces lectures et les avertissements donnés à l'accusé et à son défenseur, l'interrogatoire commencera.

ART. 122.

Aucune exception tirée de la composition du conseil, aucune récusation, ne peuvent être proposées contre les membres du conseil de guerre, sans préjudice du droit pour l'accusé de former un recours en révision, dans les cas prévus par l'article 74, no 1, du présent Code (5).

L'article 122 décide que l'accusé n'a pas le droit de récuser un ou plusieurs de ses juges, lors même que le conseil ne serait pas légalement constitué; il ne peut que se pourvoir en révision. Le but de cette disposition.

(4) Voir Foucher, Commentaire, etc., p. 348.

(2) D'après le second paragraphe de l'article 349 du Code d'instruction 'criminelle, après la déposition de chaque témoin, a l'accusé ou son conseil pourront dire, tant contre lui que contre son témoignage, tout ce qui pourra être utile à la défense de l'accusé. »

(3) La jurisprudence n'a jamais varié sur ce point.

(4) CODE D'INSTRUCTION CRIMINELLE. Art. 344. « Le président avertira le conseil de l'accusé qu'il ne peut rien dire contre sa conscience ou contre le respect dù aux lois, et qu'il doit s'exprimer avec décence et modération. »>

(5) Voir, plus haut, cet article et son commentaire.

est facile à saisir on n'a pas voulu qu'un accusé puisse, par l'intermé diaire de son avocat, discuter publiquement sur la position d'un juge qui est toujours son supérieur ou au moins son égal en grade; il lui est, du reste, toujours supérieur quant à la position.

Aucune récusation,- dit l'Exposé des motifs, -ne peut être prononcée par l'accusé contre un membre du conseil de guerre. La loi militaire et le caractère de permanence du conseil ne sauraient admettre une faculté qui serait aussi contraire à la discipline qu'à la dignité du juge, et qui, dégénérant promptement en abus, n'aboutirait qu'à un scandale et n'ajouterait rien aux garanties qu'offre la bonne composition des conseils de guerre; l'accusé n'en conserve pas moins le droit de recours contre un jugement qui le frapperait et qui serait vicié, soit parce que le conseil n'aurait pas été légalement composé, conformément aux articles 10, 11 et 12 du projet de Code, soit parce qu'on aurait méconnu les causes d'incompatibilité prévues par l'article 24. Le recours en révision assure, dans ces différents cas, toute garantie désirable à l'accusé. »

De son côté, le rapporteur, M. Langlais, a justifié ainsi cette disposition: La faculté de récusation est écrite dans le droit commun; le projet la supprime devant les conseils de guerre. Cette disposition a été déterminée par des considérations qui touchent à la hiérarchie et à la dignité du juge militaire. La récusation ne tarderait pas à dégénérer en abus. La garantie de l'accusé, c'est le conseil de révision qu'il pourra saisir, si le conseil de guerre a été composé de juges ne remplissant pas les conditions exigées par la loi. '»

Les lois anglaises ne présentent pas sur ce point des dispositions nettement définies; de là un embarras véritable pour le juge. C'est ainsi que deux des auteurs anglais les plus estimés, sir James et Adye, soutiennent, l'un que le droit de récusation est absolu, l'autre que ce droit n'existe pas pour la justice militaire. Il nous suffira de dire, pour faire comprendre cette incertitude, que le plus souvent la loi anglaise ne détermine pas la peine et veut seulement que le coupable soit puni à la discrétion de la Cour martiale ». Un écrivain anglais, Phillips, a écrit: « J'ai entendu soutenir que la sagesse de notre système judiciaire reposait sur l'obscurité de nos lois, et que si le crime et le châtiment étaient trop clairement définis, les malfaiteurs profiteraient de la précision qu'on aurait donnée aux définitions et porteraient la licence précisément jusqu'au terme que la loi aurait fixé..... »

L'article 436 du Code militaire italien reconnaît à l'accusé le droit de récuser ses juges. « ... Le défenseur devra signaler les causes de récusation des juges ou les objections contre les témoins à charge........... ›

En Prusse, l'accusé a le droit de présenter des objections contre la composition du conseil; il est statué immédiatement sur ses réclamations.

ART. 123.

Si l'accusé a des moyens d'incompétence à faire valoir, il ne peut les proposer devant le conseil de guerre qu'avant l'audition des témoins. Cette exception est jugée sur-le-champ.

Si l'exception est rejetée, le conseil passe au jugement de l'affaire, sauf à l'accusé à se pourvoir contre le jugement sur la compétence, en même temps que contre la décision rendue sur le fond.

Il en est de même pour le jugement de toute autre exception ou de tout incident soulevé dans le cours des débats (1).

Tout moyen d'incompétence ne peut être proposé au conseil qu'avant l'audition des témoins, c'est-à-dire de suite après la lecture du rapport du capitaine rapporteur. C'est pour empêcher l'accusé de pouvoir agir à sa guise, selon que les débats tournent pour ou contre lui. Dans ce cas, on entend d'abord le défenseur dans le développement de ses moyens, car c'est l'accusé qui devient demandeur; on entend ensuite le commissaire du gouvernement qui discute ces moyens, s'il y a lieu; tous deux déposent leurs conclusions écrites sur le bureau, et cette exception est jugée sur-le-champ à la majorité des voix.

Si elle est rejetée, on passe immédiatement au jugement sur le fond de l'affaire, mais il reste toujours à l'accusé le droit de se pourvoir contre le jugement de compétence ainsi que contre le jugement sur le fond; il peut même aller jusqu'en Cour de cassation, dans certains cas, pour la question de compétence.

On agit de même chaque fois qu'il se présente pendant la séance une exception ou un incident donnant matière à jugement.

Si l'accusé n'a pas proposé son moyen d'incompétence devant le conseil de guerre, ou s'il est déclaré non recevable par le tribunal pour n'avoir pas agi en temps utile, il pourra néanmoins en faire l'objet de son recours en révision, et même d'un pourvoi en cassation, s'il y a lieu (2).

M. Foucher fait remarquer que l'incompétence dont il est parlé dans l'article 123 est celle résultant de la qualité du justiciable, ou du crime ou du délit, mais qu'elle ne saurait procéder de la fausse composition du conseil, qui fait l'objet de l'article précédent, et que l'article 74 a soin de ne pás confondre avec le moyen tiré de l'incompétence, dont il fait un paragraphe distinct du premier (3).

(4) CODE D'INSTRUCTION CRIMINELLE. Art. 293. (Ainsi modifié : Loi du 10 juin 1853.) « La demande en nullité ne peut être formée que contre l'arrêt de renvoi et dans les quatre cas suivants : -4 Pour cause d'incompétence; 2o Si le fait n'est pas qualifié crime par la loi ; 3o Si le ministère public n'a pas été entendu ; 4 Si l'arrêt n'a pas été rendu par le nombre de juges fixé par la loi. »

Art. 301. (Ainsi modifié : Loi du 10 juin 1853.) « Nonobstant la demande en nullité, l'instruction est continuée jusqu'aux débats inclusivement. Mais, si la demande est faite après l'accomplissement des formalités et l'expiration du délai qui sont prescrits par l'article 296, il est procédé à l'ouverture des débats et au jugement. La demande en nullité et les moyens sur lesquels elle est fondée ne sont soumis à la Cour de cassation qu'après l'arrêt définitif de la Cour d'assises.

« Il en est de même à l'égard de tout pourvoi formé, soit après l'expiration du délai légal, soit pendant le cours du délai après le tirage du jury, pour quelque cause que ce soit. »

CODE DE PROCÉDURE CIVILE. Art. 472. « Toute demande en renvoi sera jugée sommairement, sans qu'elle puisse être réservée ni jointe au principal. >>

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(2) L'exception d'incompétence demeure ouverte à l'accusé, disait M. Langlais; doit être posée avant l'audition des témoins. C'est la disposition du droit commun. L'exception est jugée sur-le-champ. Lorsqu'elle est rejetée, le conseil passe au jugement de l'affaire. L'accusé a le droit de se pourvoir contre le jugement sur la compétence, en même temps que contre la décision rendue sur le fond. Le conseil de révision pourrait, d'ailleurs, être saisi de cette question d'incompétence, alors même que l'accusé ne l'aurait pas agitée devant le conseil de guerre. »

(3) V. Foucher, Commentaire, etc., p. 354. — Voir, plus haut, l'article 74.

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