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les actes de la procédure criminelle, y compris les jugements. Cet article 78 est ainsi conçu : « Aucune interligne ne pourra être faite; les ratures et les renvois seront approuvés et signés par le juge d'instruction, par le greffier et par le témoin, sous les peines portées en l'article précédent (cinquante francs d'amende contre le greffier, et même, s'il y a lieu, prise à partie contre le juge d'instruction). Les interlignes, ratures et renvois non approuvés, seront réputés non avenus. »

<< Sans doute, fait observer M. Foucher, les conseils de révision ne peuvent tirer toujours les mêmes conséquences que la Cour de cassation de ces infractions aux prescriptions de la loi, puisque, aux termes du paragraphe 4 de l'article 74(1), ils ne peuvent annuler les procédures pour omission ou violation des formes qu'autant que celles-ci sont prescrites à peine de nullité, et que, par conséquent, les omissions de cette nature ne peuvent avoir cet effet que si les mots ainsi retranchés faisaient perdre à l'acte l'un de ses caractères légaux et substantiels; mais, outre que, le plus souvent, l'agent instrumentaire ne saurait distinguer entre les formalités dont le non-accomplissement entraîne cette conséquence fatale et celle où l'irrégularité n'a pas cet effet, comme il importe toujours à la bonne administration de la justice que les prescriptions de la loi soient scrupuleusement accomplies, il est essentiel que ces agents n'en omettent aucune (2). ›

ART. 184.

D

Les dispositions du chapitre 5 du titre VII du livre II du Code d'instruction criminelle, relatives à la prescription, sont applicables à l'action publique résultant d'un crime ou délit de la compétence des juridictions militaires, ainsi qu'aux peines résultant des jugements rendus par ces tribunaux.

Toutefois, la prescription contre l'action publique résultant de l'insoumission ou de la désertion ne commence à courir que du jour où l'insoumis ou le déserteur a atteint l'âge de quarante-sept ans (3).

A quelque époque que l'insoumis ou le déserteur soit arrêté, il est mis à la disposition du ministre de la guerre pour compléter, s'il y a lieu, le temps de service qu'il doit encore à l'État (4).

La prescription, en matière criminelle, a été admise et approuvée par la presque unanimité des législateurs, des publicistes et des criminalistes. Elle repose sur une idée morale et équitable. Suivant Dunod, elle est fondée

(1) Voir, plus haut, l'article 74 et son commentaire.

(2) V. Foucher, Commentaire, p. 539.

(3) Limite d'âge fixée par l'article 44 de la loi du 26 avril 1855. Il est bon de rappeler qu'aux termes de la loi du 16 août 1872 sur le recrutement des armées de terre et de mer, les rengagements ne sont renouvelables que jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans accomplis pour les caporaux et soldats, et jusqu'à l'âge de trente-cinq ans accomplis pour les sous-ofliciers (Art. 51).

(4) L'article 89 de la loi du 29 octobre 1790, sur les tribunaux militaires, s'exprimait ainsi : Les délits militaires qui n'auront pas été dénoncés et poursuivis dans l'espace de dix ans, à compter du jour qu'ils auront été commis, ou dont la poursuite, après avoir été commencée, aura été suspendue pendant le même espace de temps, seront prescrits et ne pourront plus être l'objet ni d'aucune plainte ni d'aucun jugement. »

sur ce que le coupable a possédé l'impunité; mais cette raison, uniquement tirée des principes sur la possession, est loin d'être satisfaisante. Filangiéri a donné pour motif que « rien n'est plus difficile que de se défendre d'une accusation formée un grand nombre d'années après le crime : le temps, en effaçant le souvenir des circonstances qui ont accompagné le délit, ôte à l'accusé tous les moyens de se justifier, et offre à un calomniateur déterminé le voile qui doit couvrir ses impostures. » M. Legraverend a ajouté à cette réflexion que si le crime ou délit n'a point été poursuivi, c'est qu'apparemment l'organe de la société n'avait pu réunir d'indices suffisants de culpabilité et que le temps a dû décupler la difficulté d'avoir des preuves sûres. Quant à l'Exposé des motifs du titre De la prescription, au Code d'instruction criminelle, il a donné pour principale raison que, à l'exemple des vengeances individuelles, la vindicte publique devait aussi oublier les injures faites à la société. Il ajoute, il est vrai, cette autre observation beaucoup plus pratique : « Qui ne sait que pendant le temps exigé pour la prescription, le coupable a été puni par les agitations, les troubles intérieurs de sa conscience, les tourments d'une vie incertaine et précaire? Que si, après ce temps, il n'est pas entièrement délivré de cet état de tortures et d'angoisses intérieures, il mérite du moins d'être affranchi de la peine légale à laquelle il a été condamné, ou, s'il n'y a pas eu de condamnation, d'être à l'abri de toutes poursuites criminelles. Dans le cas de noncondamnation, il y a une autre raison pour ne point agir contre lui, c'est que, après un long laps de temps, il n'est plus aussi facile soit de constater le corps du délit, soit de se procurer des pièces de conviction, soit de trouver des témoins.

Ainsi, le fondement principal de la prescription est, en ce qui concerne la poursuite, dans la difficulté présumée de justifier l'accusation ou d'appuyer la défense sur des preuves encore existantes, et, quant à la peine déjà prononcée par un jugement non exécuté, dans les tortures morales qu'a dù subir le condamné ou dans un généreux oubli de la vindicte publique (1).

La prescription constituant une exception de droit public, peut être invoquée en tout état de cause et, par conséquent, devant le conseil de révision, si elle ne l'a pas été devant le conseil de guerre;

En appel comme en première instance;

Même après la déclaration de culpabilité, en cour d'assises;

Cette exception doit être suppléée d'office, lorsqu'elle n'a pas été proposée;

L'accusé ne peut y renoncer, fùt-il certain d'obtenir un acquittement; mais, en la déclarant constante, les tribunaux peuvent néanmoins apprécier le caractère des faits sur lesquels la poursuite se fonde;

La prescription s'établit non par la prévention, mais par la nature du crime ou du délit reconnu constant. « Ainsi,-dit M. Foucher,―si l'accusé était traduit devant un conseil de guerre pour un fait emportant une peine criminelle, aux termes de l'article 185 du Code militaire, et que le fait dégénérât en un délit puni de peines correctionnelles, conformément à l'article 186,

(4) Achille Morin, Répertoire du Droit criminel, vo Prescription, t. II, p. 536 et 537.

la prescription devrait se compter d'après les dispositions des articles 637 et 638, et non d'après celles des articles 635 et 636; mais si le fait reconnu constant conservait son caractère de crime, et que la peine ne fût abaissée à une peine correctionnelle que par suite de l'admission des circonstances atténuantes, il en serait différemment, parce que cette peine ne serait pas moins portée pour un fait qualifié crime et par conséquent prononcée en matière criminelle (1).

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L'article 184 du Code de justice militaire applique à l'action publique contre les militaires les dispositions du Code d'instruction criminelle relatives à la prescription pour l'action naissant d'un crime ou d'un délit, et celles relatives à la prescription de la peine. A cet égard se reproduisent les distinctions faites par la loi ordinaire entre les crimes, les délits et les contraventions.

S'il n'y a eu ni instruction ni poursuite, l'action publique, suivant que le fait est qualifié par la loi, de crime, délit ou contravention, se prescrit par dix ans, trois ans ou un an, à compter du jour où l'infraction a été commise.

Les peines résultant de jugements rendus en matière criminelle se prescrivent par vingt années révolues à compter de la date du jugement.

En matière correctionnelle, le bénéfice de la prescription est acquis après cinq ans. Pour les contraventions, les peines sont prescrites au bout de deux ans.

Voici les dispositions des articles 635 à 643 du Code d'instruction criminelle, auxquelles se réfère l'article 184 du Code de 1857; mais il faut remarquer que tout ce qui touche à l'action civile et aux condamnations qui en sont la suite, ne trouve pas place dans le Code militaire, puisque les conseils de guerre ne peuvent jamais connaître de l'action civile. Il y a exception toutefois pour les actions civiles sur lesquelles les prévôtés peuvent statuer aux armées (2).

Art. 635. Les peines portées par les arrêts ou jugements rendus en matière criminelle se prescriront par vingt années révolues à compter de la date des arrêts ou jugements.

Néanmoins, le condamné ne pourra résider dans le département où demeuraient, soit celui sur lequel ou contre la propriété duquel le crime aurait été commis, soit ses héritiers directs.

Le gouvernement pourra assigner au condamné le lieu de son do

micile. »

Art. 636. Les peines portées par les arrêts ou jugements rendus en matière correctionnelle se prescriront par cinq années révolues à compter de la date de l'arrêt ou du jugement rendu en dernier ressort; et à l'égard des peines prononcées par les tribunaux de première instance, à compter du jour où ils ne pourront plus être attaqués par la voie de l'appel. »

Art. 637. L'action publique et l'action civile résultant d'un crime de nature à entraîner la peine de mort ou des peines afflictives perpétuelles, ou de tout autre crime emportant peine afflictive ou infamante, se prescri

(4) V. Foucher, Commentaire, p. 544.

(2) Voir, plus haut, les articles 54, 75 et, plus loin, l'article 272, avec leur commentaire.

ront après dix années révolues à compter du jour où le crime aura été commis, si dans cet intervalle il n'a été fait aucun acte d'instruction ni de, poursuite.

S'il a été fait, dans cet intervalle, des actes d'instruction ou de poursuite non suivis de jugement, l'action publique et l'action civile ne se prescriront qu'après dix années révolues, à compter du dernier acte, à l'égard même des personnes qui ne seraient pas impliquées dans cet acte d'instruction ou de poursuite. »

Art. 638. Dans les deux cas exprimés en l'article précédent, et suivant les distinctions d'époques qui y sont établies, la durée de la prescription sera réduite à trois années révolues, s'il s'agit d'un délit de nature à être puni correctionnellement. »

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Art. 639. Les peines portées par les jugements rendus pour contraventions de police seront prescrites après deux années révolues, savoir, pour les peines, prononcées par arrêt ou jugement en dernier ressort, à compter du jour de l'arrêt; et, à l'égard des peines prononcées par les tribunaux de première instance, à compter du jour où ils ne pourront plus être attaqués par la voie de l'appel. »

Art. 640. L'action publique et l'action civile pour une contravention de police seront prescrites après une année révolue, à compter du jour où elle aura été commise, même lorsqu'il y aura eu procès-verbal, saisie, instruction ou poursuite, si dans cet intervalle il n'est point intervenu de condamnation; s'il y a eu un jugement définitif de première instance, de nature à être attaqué par la voie de l'appel, l'action publique et l'action civile se prescriront après une année révolue, à compter de la notification de l'appel qui en aura été interjeté. »

Art. 641. « En aucun cas, les condamnés par défaut ou par contumace, dont la peine est prescrite, ne pourront être admis à se présenter pour purger le défaut ou la contumace. »

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Art. 642. Les condamnations civiles portées par les arrêts ou par les jugements rendus en matière criminelle, correctionnelle ou de police, et devenus irrévocables, se prescriront d'après les règles établies par le Code civil. »

Art. 643. Les dispositions du présent chapitre ne dérogent point aux lois particulières relatives à la prescription des actions résultant de certains délits ou de certaines contraventions. >>

Il s'est élevé, dans la discussion du Code de justice militaire, une question qui était controversée sous la législation précédente, relativement à l'époque où devait commencer à courir la prescription des crimes et délits qui ont un caractère successif, et notamment de l'insoumission et de la désertion. Devait-elle courir du jour où ils ont été commis, ou du jour seulement de l'arrestation ou de la présentation volontaire des prévenus?

La loi de 1857 a résolu la question dans les termes suivants : « La prescription contre l'action publique résultant de l'insoumission ou de la désertion, ne commence à courir que du jour où l'insoumis ou le déserteur a atteint l'âge de quarante-sept ans. La loi a fixé cette limite d'âge de quarante-sept ans, parce que c'était l'âge au delà duquel, d'après la loi du 26 avril 1855 (art. 11), les militaires ne pouvaient plus être conservés sous les drapeaux.

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Sous l'ancienne loi, la jurisprudence décidait que la prescription courait. contre le déserteur du jour où il s'était représenté ou avait été arrêté.

A la suite de la promulgation du Code de justice militaire, une circulaire en date du 24 novembre 1857 avait invité les généraux divisionnaires à prescrire des poursuites judiciaires, par défaut, contre les insoumis et déserteurs qui atteindraient l'âge de quarante-sept ans dans cette position illégale. Le but de cette mesure était de ne pas laisser impuni le délit que commettent les hommes qui se soustraient aux obligations du service militaire; mais l'expérience a démontré que les jugements rendus par défaut contre les insoumis ou déserteurs ayant réussi à échapper, depuis longues années, aux recherches de l'autorité, demeurent, à bien peu d'exceptions près, sans exécution; que par cela même les frais et surtout les écritures considérables qu'ils entraînent restent généralement en pure perte. Le ministre de la guerre a donc pensé qu'il convenait de se borner, dorénavant, à continuer, durant les trois années fixées par l'article 638 du Code d'instruction criminelle, pour la prescription de l'action publique, les investigations précédemment provoquées contre ces hommes et à rayer, à l'expiration de ce délai, des contrôles de la désertion ou de l'insoumission, ceux qui auraient ainsi passé l'âge de cinquante ans révolus.

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L'article 184 ajoute: « A quelque époque que l'insoumis ou le déserteur soit arrêté, il est mis à la disposition du ministre de la guerre pour compléter, s'il y a lieu, le temps de service qu'il doit encore à l'État. »

D'après cette disposition, il semble que l'insoumis et le déserteur doivent être, à tout àge, remis également à la disposition du ministre de la guerre. M. Duvergier pensait que les termes de la loi étaient trop absolus pour qu'on pût admettre une distinction. Ces termes semblaient même avoir été calculés pour exprimer que la prescription n'empêcherait pas la dette du service de subsister. Cependant s'il s'agissait d'une désertion ayant le caractère de crime et pour laquelle l'action publique dure dix années, le déserteur pouvait être âgé de cinquante-sept ans. Il était alors impropre au service. Évidemment le ministre ne pouvait ordonner son incorporation. Cependant le déserteur ne devait pas moins être remis à la disposition de l'administration de la guerre. Mais le ministre n'avait rien à statuer à son égard.

Lorsque les délais de la prescription d'un crime ou d'un délit ont couru sous plusieurs législations successives, la prescription doit être réglée d'après la législation la plus favorable, en ne comptant toutefois le temps écoulé sous l'empire de la loi qui exigeait un plus long délai, que pour une portion réduite d'après le temps composé des deux prescriptions.

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Aux

REGLES PARTICULIÈRES A LA PRESCRIPTION DE L'ACTION PUBLIQUE. termes de l'article 637 du Code d'instruction criminelle, le point de départ de la prescription de l'action publique est la date où le crime ou le délit a été commis. Toutefois, lorsque l'accusé est prévenu de plusieurs chefs d'accusation constituant des crimes ou délits connexes ou successifs, ce n'est qu'à partir du dernier des actes constituant l'un de ces crimes ou délits que la prescription commence pour tous.

La connexité des crimes ou délits suppose plusieurs infractions commises par une seule personne, en différents temps ou lieux, ou par plusieurs indi

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