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des conseils de guerre; il n'est fait exception que pour les crimes ou délits que ces militaires peuvent commettre dans l'exercice des fonctions de la police judiciaire et dans la constatation des contraventions en matière administrative (art. 59).

L'article 60 règle d'une manière précise à quel tribunal appartient la priorité des poursuites contre un militaire prévenu de plusieurs crimes ou délits qui le rendent passible et d'un tribunal militaire et d'un tribunal ordinaire.

La compétence des conseils de guerre reçoit naturellement aux armées, dans les divisions territoriales en état de guerre, dans les communes et les places de guerre en état de siége, une extension en rapport avec ces situations exceptionnelles. Cette extension, du reste clairement définie, résulte des lois en vigueur, et spécialement de la loi du 9 août 1849, sur l'état de siége.

La faculté donnée à tout justiciable des conseils de guerre de se pourvoir en révision a été maintenue, et les pouvoirs des conseils de révision sont restés ce qu'ils ont été jusqu'à ce jour.

Le titre III qui règle la compétence des prévôtés, n'a besoin que de quelques explications; il faut observer seulement que le Code, en donnant aux prévôtés juridiction pour connaître de toute infraction dont la peine n'excède pas six mois d'emprisonnement et 200 francs d'amende, entend parler de la peine édictée par la loi contre l'infraction et non de la peine que le juge pourrait appliquer alors que la loi déterminerait un maximum plus élevé. De même, en autorisant les prévôts à statuer sur les demandes en dommages-intérêts jusqu'à 150 francs, la loi a entendu parler du chiffre de la somme demandée, et non de celle allouée par le juge (art. 75).

Le titre IV, qui est relatif à la compétence en cas de complicité, tout en maintenant, en ce qui touche l'attribution de juridiction, les distinctions consacrées par la jurisprudence, y apporte quelques dérogations; ainsi le conseil de guerre devient compétent alors même que les complices militaires ne seraient pas ses justiciables à raison de leur position au moment du crime ou du délit (art. 77), et il en est de même toutes les fois que des étrangers se trouvent mis en cause avec des justiciables du conseil de guerre.

Les articles 78 et 79 règlent la compétence et la juridiction, en ce qui concerne les crimes et délits commis, soit à bord des vaisseaux, soit dans l'enceinte des ports militaires et établissements maritimes, de complicité par des militaires et des marins.

L'article 80 interdit le pourvoi devant la Cour de cassation contre les jugements des conseils de guerre et de révision aux individús que la loi a déclarés formellement justiciables de ces tribunaux, ainsi que le proclame l'article 77 de la loi du 27 ventôse an viii, et à ceux qui, sur le territoire ennemi, sont auteurs ou complices de crimes prévus par

le Code de justice militaire, ou encore à ceux qui, en France, mais en présence de l'ennemi, sont étrangers ou prévenus de crimes qui touchent à la sûreté de l'armée. Dans ces divers cas, le jugement est exécutoire dans les vingt-quatre heures à partir de l'expiration du délai fixé pour le recours en révision ou de la réception du jugement qui a rejeté le recours (art. 145 et 146).

Le Code maintient au contraire la faculté de se pourvoir en cassation en faveur des citoyens français non militaires, ou non assimilés aux militaires, tout en la réduisant au cas d'incompétence. Dès que la compétence de la juridiction est reconnue, tout ce qui touche à la procédure, à la régularité des formes et à l'application des lois, ne saurait, en effet, relever que du conseil de révision.

Le livre III traite de la procédure; il ne fait que consacrer, pour la recherche et la constatation des crimes et délits, les mesures prescrites par la législation antérieure; mais la poursuite ne peut commencer sans qu'il en ait été référé au général de division, auquel est dévolu le droit d'ordonner ou de refuser l'information.

Dans le cas où vous jugerez qu'il n'y a pas lieu de donner suite à la plainte, vous aurez à motiver votre décision, en faisant connaître si c'est faute de gravité, de précision des faits articulés, ou parce que ces faits ne constitueraient ni crime ni délit; enfin vous remarquerez que, dans le modèle de formules qui vous est envoyé, on se sert de ces mots: en l'état, parce que, s'il survenait de nouveaux renseignements de nature à modifier votre première opinion, vous auriez le droit et le devoir de faire reprendre les poursuites.

Vous aurez, en outre, dans le cas où vous ne donneriez pas suite à la plainte, à me rendre compte de vos décisions.

Les états mensuels et nominatifs des refus d'informer, qui sont adressés au ministère de la guerre, en ce qui concerne le délit de désertion, devront également comprendre désormais les refus d'informer que le général commandant la division aura cru devoir prononcer pour quelque fait que ce soit.

Dans les cas où le droit d'appréciation de la plainte est réservé au ministre de la guerre, vous aurez à me transmettre, avec votre avis motivé, les rapports, actes ou procès-verbaux qui vous auraient été adressés.

Vous remarquerez qu'en ce qui concerne la marche à suivre pour saisir le commissaire impérial et le rapporteur des pièces et documents qui doivent servir de base à l'instruction, et pour les formalités de toute nature qu'il peut y avoir à remplir au cours de cette instruction, le nouveau Code ne fait que consacrer législativement le mode de procéder suivi depuis que le Code d'instruction criminelle sert de guide à la juridiction militaire, en l'absence de loi spéciale.

Cependant, contrairement à ce que prescrivait l'article 12 de la loi du 13 brumaine an v, le premier acte de l'instruction doit être l'inter

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rogatoire de l'accusé, sauf à lui faire subir des suppléments d'interrogatoire si la découverte de la vérité l'exige.

Lorsque l'instruction est terminée (art. 108), le rapporteur transmet les pièces et son avis au commissaire impérial, lequel les adresse immédiatement, avec ses conclusions, au général commandant la division, qui prononce sur la mise en jugement.

Cette disposition vous confère encore un droit d'appréciation sur lequel je ne saurais trop appeler votre sollicitude, en raison des graves intérêts qui s'y rattachent, tant pour les personnes que pour l'ordre public.

Vos décisions devront être motivées comme dans le cas prévu par l'article 99, et, quand vous déciderez qu'il n'y a pas lieu de convoquer le conseil, vous aurez à m'en rendre compte. Lorsqu'il m'appartiendra de statuer directement, vous aurez soin de m'envoyer, avec votre avis motivé, les pièces de la procédure, ainsi que le rapport du juge d'instruction et l'avis du commissaire impérial.

L'ordre de mise en jugement une fois donné, la notification qui doit en être faite à l'accusé, trois jours avant la réunion du conseil de guerre, est, en procédure militaire, une formalité nouvelle, que le commissaire impérial ne devra pas négliger de remplir. C'est à ce moment aussi que cet officier doit avertir l'accusé que, s'il n'a pas fait choix d'un défenseur (art. 109), il lui en sera nommé un d'office. C'est encore à ce moment que le défenseur doit être admis à communiquer avec l'accusé et peut prendre au greffe communication des pièces (art. 112).

Les présidents des conseils de guerre ne se trouvant pas toujours sur les lieux, il est important, pour éviter toute perte de temps et pour faciliter l'exécution de l'article 109, que ces officiers désignent d'avance les personnes réunissant les conditions de l'article 110, parmi lesquelles seront pris les défenseurs d'office, afin que le commissaire impérial, en avertissant l'accusé de son droit de choisir un défenseur, puisse, si l'accusé n'a pas usé de cette faculté, lui indiquer immédiatement le défenseur ainsi désigné par le président.

Toutes les dispositions relatives à l'examen et au jugement, ainsi qu'à la police de l'audience, sont calquées, soit sur la loi ancienne, soit sur le Code d'instruction criminelle; elles ne sauraient, par conséquent, soulever de difficulté.

Ici, cependant, se trouve résolu un point de droit qui a quelquefois divisé les conseils de guerre je veux parler de la disposition de l'article 115, d'après laquelle tout militaire qui se rend coupable envers le conseil ou l'un de ses membres de voies de fait, ou d'outrages ou menaces par propos ou gestes, est passible des peines prononcées contre ces mêmes crimes ou délits commis envers des supérieurs pendant le service.

Rien n'a été changé en ce qui concerne la comparution de l'accusé devant le conseil de guerre et les mesures à prendre à son égard s'il refuse de comparaître, si ce n'est que la loi nouvelle a étendu aux conseils de guerre les pouvoirs accordés aux juridictions de droit commun pour la répression des crimes et délits qui peuvent se commettre aux audiences et pour garantir le respect dû aux magistrats. Rien non plus n'a été modifié en ce qui touche les jugements sur les exceptions et les moyens d'incompétence, les dépositions des témoins et l'interrogatoire de l'accusé, les réquisitions du commissaire impérial et la défense. Toute cette partie des débats, et tout ce qui a rapport à la délibération des membres du conseil, au prononcé du jugement, à la lecture qui doit en être faite à l'accusé, ne fait que reproduire des règles depuis longtemps en pratique et qui découlent du Code d'instruction criminelle. et de la loi du 9 septembre 1835.

Il importe de remarquer seulement que, d'après les articles 124, 133 et 134, les jugements sur les exceptions, les moyens d'incompétence et les incidents sont rendus à la majorité des voix, à la différence des questions sur la culpabilité et l'application des peines, qui ne peuvent être résolues contre l'accusé qu'à la majorité de cinq voix contre deux, comme le prescrivait la loi du 13 brumaire an v.

L'article 132 précise l'ordre dans lequel les questions doivent être posées par le président; il est essentiel que cet ordre soit exactement suivi, afin que chaque question présente un sens complet, sans cependant tomber dans le vice de complexité.

La première question doit porter sur le fait principal, en spécifiant les éléments constitutifs de l'infraction.

Chaque circonstance aggravante doit ensuite être l'objet d'une question spéciale, de manière que l'accusation tout entière soit purgée, et, s'il y a plusieurs chefs d'accusation, le même ordre doit être suivi pour chacun d'eux.

Ainsi, dans une accusation de voies de fait envers un supérieur pendant le service ou à l'occasion du service, la question principale pourrait être ainsi posée :

N..... est-il coupable de voies de fait envers N..... (nom et grade), son supérieur?

La deuxième question serait celle-ci : Ces voies de fait ont-elles été commises pendant le service ou à l'occasion du service?

Lorsque la loi autorise l'admission des circonstances atténuantes, le président du conseil doit poser la question; máis le jugement ne doit en faire mention qu'autant que la majorité l'a résolue en faveur de l'accusé, et, dans ce cas, le jugement doit la constater en ces termes : à la majorité, il y a des circonstances atténuantes en faveur de.....

L'attention toute particulière du président, du commissaire impérial et du greffier doit se porter sur l'article 140, qui détermine la forme

du jugement et spécifie les diverses mentions qui doivent y être constatées.

Aux termes de cet article, le jugement est tout à la fois la décision sur le fond et le procès-verbal d'audience.

Il ne peut reproduire ni les réponses de l'accusé, si ce n'est celles faites aux questions qui ont pour but de constater son identité (voir art. 117), ni les dépositions des témoins.

Il doit énoncer, à peine de nullité : 1° les noms et grades des juges; 2o les nom et prénoms, âge, profession et domicile de l'accusé; 3o le crime ou le délit pour lequel l'accusé a été traduit devant le conseil de guerre; 4° la prestation de serment des témoins; 5° les réquisitions du commissaire impérial; 6° les questions posées au conseil, les décisions et le nombre des voix, en se conformant aux dispositions des articles 132, 133 et 134; 7° le texte de la loi appliquée; 8° la publicité des séances ou la décision qui a ordonné le huis clos; 9° la publicité de la lecture du jugement faite par le président.

Les formules de jugement que je vous adresse sont rédigées de manière que toutes les mentions exigées à peine de nullité soient fidèlement consignées.

On devra se rappeler que les débats seuls peuvent avoir lieu à huis clos, lorsque le tribunal croit devoir l'ordonner dans l'intérêt de l'ordre et des mœurs, et que, par suite, la lecture des pièces dont parle l'article 121 du Code, et les avertissements qu'il prescrit, doivent se faire publiquement, ainsi que la lecture de tout jugement, soit sur les incidents, soit sur le fond (art. 136). Il faut encore observer que le huis clos doit être ordonné par jugement du conseil et non par simple décision du président (art. 81 de la constitution du 12 novembre 1848).

Quant aux décisions qui peuvent être rendues sur les moyens d'incompétence et les autres incidents, elles doivent énoncer le fait qui y a donné lieu, les conclusions des parties, les réquisitions du ministère public, les moyens de défense présentés par l'accusé, et enfin le jugement motivé du conseil.

Dans le cas où le cadre de la formule ne permettrait pas d'insérer toutes ces mentions, il suffira d'y indiquer l'incident au moment où il se produit, en ajoutant qu'il y a été statué par jugement séparé, lequel est joint et annexé au présent; et alors le jugement séparé doit reprendre l'intitulé du jugement principal, indiquer la publicité de l'audience, se terminer par la même formule et être signé de la même manière que le jugement principal, en mentionnant qu'il y sera annexé comme en faisant partie.

Le Code maintient le délai de vingt-quatre heures pour se pourvoir en révision; seulement ce délai ne court plus à partir de la lecture du jugement, mais bien de l'expiration du jour où cette lecture a été faite au condamné.

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