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sont mis en liberté après avoir subi la contrainte pendant la moitié de la durée fixée par le jugement (1). »

D

L'exécution des condamnations à l'amende pouvant être poursuivie par la voie de la contrainte par corps, les conseils de guerre doivent être attentifs à ne pas la prononcer contre les individus notoirement insolvables, mais seulement contre ceux à qui leur position de fortune permet de la payer, afin de ne pas donner occasion de les soustraire au service. C'est pour ce motif que l'article 195 leur permet de la remplacer par l'emprisonnement de six jours à six mois.

Il faut remarquer, d'ailleurs, que cette contrainte par corps est parfaitement distincte de la peine d'emprisonnement qui aura pu être prononcée pour châtier le délit.

Toutes les fois que le juge militaire prononce la peine de l'amende, soit comme peine principale, soit comme peine accessoire, il doit faire de l'emprisonnement appliqué en représentation de l'amende une disposition spéciale, motivée, et déclarer que cet emprisonnement sera subi cumulativement avec la peine principale et indépendamment de celle-ci, cette peine fût-elle l'emprisonnement porté à son maximum de durée.

Il est donc essentiel, pour conserver à chacune des deux peines son véritable caractère et empêcher toute confusion, que les jugements spécifient par des dispositions distinctes le titre auquel chaque peine est prononcée, spécialement quand la peine principale est celle de l'emprisonnement (2).

ART. 196.

Dans les cas prévus par les articles 76, 77, 78 et 79 du présent Code,. le tribunal compétent applique aux militaires et aux individus assimilés aux militaires les peines prononcées par les lois militaires, aux individus appartenant à l'armée de mer les peines prononcées par les lois maritimes, et à tous autres individus les peines prononcées par les lois ordinaires, à moins qu'il n'en soit autrement ordonné par une disposition expresse de la loi.

Les peines prononcées contre les militaires sont exécutées confor

(1) On justifie de son insolvabilité, aux termes de l'article 420 du Code d'instruction criminelle, en présentant 4° un extrait du rôle des contributions constatant qu'on paio moins de six francs, ou un certificat de percepteur de la commune, portant qu'on n'est point imposé; 2o un certificat d'indigence délivré par le maire de la commune du domicile ou par son adjoint, visé par le sous-préfet et approuvé par le préfet du département.

(2) V. Foucher, Commentaire, p. 640, 644.

« 4er CAS.

FORMULE DU DISPOSITIF.

Attendu que le fait dont le nommé..... a été déclaré coupable est prévena et « puni par l'article 224 du Code pénal ordinaire d'une amende de..... à..... Vu l'article 495 du « Code de justice militaire ainsi conçu :

« Le condamne à l'unanimité (ou à la majorité de..... voix) à la peine de six jours de prison en remplacement de l'amende.

. 2° CAS. Le conseil, usant de la faculté exprimée en l'article 195 du Code de justice militaire, ainsi conçu :.

« Condamne à (dire quel nombre de voix) le nommé.. à.. de prison, en remplacement de • l'amende édictée en l'article 464 du Code pénal ordinaire, dont le président vient de donner lec«<ture, et ordonne que cette peine sera subie immédiatement après la peine principale. »>

mément aux dispositions du présent Code et à la diligence de l'autorité militaire.

Il s'agit dans les articles 76, 77, 78 et 79 (1), de la complicité et des complices. Le premier paragraphe de l'article 196 consacre légalement le principe de jurisprudence que chaque individu COMPRIS DANS UNE MÊME POURSUITE et DÉCLARÉ COUPABLE DU MÊME FAIT, soit COMME AUTEUR, soit COMME COMPLICE, doit néanmoins être condamné aux peines portées par la loi qui le régit particulièrement.

Ce principe a été, notamment, expliqué par un arrêt du 19 juillet 1856, dont voici les principaux considérants :

« Attendu qu'il est de droit public, en France, que la législation répressive pour les armées de terre et de mer constitue un corps de lois qui leur est propre, et qui doit demeurer essentiellement distinct et séparé des lois répressives ordinaires; attendu que le caractère tout particulier de la législation pénale militaire tient à la nature même des devoirs sur l'infraction desquels cette législation a disposé;

« Qu'en effet, tous ceux qui sont sous les drapeaux contractent envers le pays (indépendamment de leur obligation générale comme citoyens) des obligations d'un ordre tout spécial, dont l'exact accomplissement importe à la fermeté de la discipline, à l'autorité du commandement, à l'intégrité de l'honneur militaire, en un mot, à la bonne organisation des armées, cette garantie si puissante de la force et de la grandeur des États;

«Attendu que, pour répondre à de tels intérêts, le pouvoir législatif a créé toute une organisation criminelle spéciale, ayant en propre ses Codes répressifs et d'instruction, ses délits et ses peines, ses moyens d'information et ses tribunaux;

Attendu que, si, nonobstant cette grande raison d'indépendance des deux législations criminelles entre elles, on voulait, pour la qualification et la peine d'un délit militaire, lier, par les règles ordinaires de la complicité, le sort d'un complice non militaire au sort d'un auteur principal militaire, il en résulterait que le premier serait tout ensemble et responsable d'une infraction pouvant n'avoir pas pour lui soit de raison d'être, soit de raison d'aggravation, et passible d'une peine dont la nature et la rigueur, expliquées, pour le militaire, par ce qu'il doit au drapeau, seraient, pour le complice, sans explication, puisque, comme intention dans l'ordre moral, comme conséquence dans l'ordre social, comme nécessité de répression dans l'ordre pénal, les faits personnels à chacun d'eux sont essentiellement dissemblables;

Qu'il en résulterait encore que le droit de jouir des circonstances atténuantes, dont le principe, selon l'article 463 du Code pénal, domine toute législation pénale ordinaire, cesserait péremptoirement pour le complice non militaire, puisque le bénéfice de cette disposition n'a point été étendu au Code pénal militaire;

« Qu'il en résulterait enfin, si la peine attachée par la loi spéciale au délit était purement militaire, que les tribunaux correctionnels et les cours

(4) Voir, plus haut, ces articles et leur commentaire.

d'assises seraient placés dans l'alternative ou d'appliquer des peines qui sont hors de leur domaine, ou d'appliquer des peines arbitraires, ou de proclamer, contre l'évidence des faits, l'impunité du prévenu;

<< Attendu que, pour accueillir un tel système, amenant dans son application de telles conséquences, il faudrait que la loi, par une disposition expresse, en eût ainsi ordonné;

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Qu'aucune disposition de ce genre ne se trouve dans la législation spéciale, et que la législation générale, loin de rien ordonner dans ce sens, a, tout au contraire, formellement prescrit, par l'article 5 du Code pénal, de ne point appliquer aux contraventions, délits et crimes militaires, les dispositions dudit Code......

«

La commission ministérielle de 1856 n'avait pas été, toutefois, unanime pour introduire ce principe dans la législation pénale militaire, et plusieurs de ses membres avaient réclamé le maintien de l'unité de peine à l'égard de tous les coupables, soit comme auteurs, soit comme complices. Mais ce système de l'unité de peine n'a pas prévalu, parce que la majorité de la Commission a reconnu qu'en dehors des théories absolues, le législateur devait tenir grand compte des faits et des impressions; qu'un militaire qui transgresse la loi militaire, basée sur la discipline, est plus coupable qu'un individu non militaire, qui n'est pas soumis à cette discipline; qu'il est donc aussi naturel que légitime que le militaire soit puni d'après la loi militaire, et que l'individu de l'ordre civil soit puni par la loi civile; que la qualité de militaire réagit évidemment sur le crime ou le délit de là une aggravation de peine qui ne s'expliquerait pas à l'égard des individus non revêtus de ce titre.

« Il ne serait d'ailleurs pas politique, ajoutait le président de la Commission, en méconnaissant les principes accrédités par la jurisprudence depuis trente ans, d'ajouter à la juridiction la pénalité militaire à l'égard des individus de l'ordre civil; l'article est donc suffisant, sauf à y déroger par de nouvelles exceptions, si celles proposées par le projet ne donnaient pas une pleine et ferme garantie à l'intérêt militaire. Aller au delà, ce serait s'exposer à un danger plus réel que celui dont on se préoccupe; car il faudrait ou affaiblir la discipline en atténuant la pénalité militaire, ou arriver à la disjonction, en s'exposant à voir acquitter d'un côté et condamner de l'autre pour les mêmes faits (1).

Devant le Conseil d'État, comme au Corps législatif, la disposition fut complétement approuvée.

« L'ordre du projet nous conduit à des dispositions relatives à une situation à demi réglée au livre de la Compétence, disait M. Langlais dans son rapport. On se rappelle que, selon les circonstances, le tribunal, soit de droit commun, soit militaire, a compétence pour juger des individus étrangers à sa juridiction habituelle. Tel est le cas, par exemple, où le fait de complicité conduit un militaire devant la juridiction civile. Quelle est la peine qui devra être appliquée ? Le projet tranche la question en disposant que, pour les militaires, la peine sera celle du Code militaire; pour les

(4) Procès-verbal de la séance du 20 mars 4856.

marins, celle de la loi maritime; pour le non-militaire, la peine du Code pénal.

Le même délit, jugé par le même tribunal, sera ainsi puni de peines différentes. Ajoutons qu'elles seront exécutées d'une manière différente encore; le militaire, par exemple, condamné à la peine de mort, sera fusillé. tandis que son complice de l'ordre civil aura la tête tranchée. Cette disposition, qui paraît étrange d'abord, n'est pourtant que la conséquence logique d'un système qui rejette la disjonction. Le projet, d'ailleurs, ne change rien, sous ce rapport, à l'état de choses actuel, et c'est la jurisprudence de la cour de cassation. Même dans l'ordre ordinaire de la complicité, la même peine n'atteint pas toujours tous les coupables du même délit ; et, si la diversité n'est pas aussi radicale, elle est cependant assez tranchée pour faire saisir celle que consacre le projet. »

Le premier paragraphe de l'article 196 doit se combiner avec l'article 268, qui fait exception à la règle générale dans les cas prévus par les articles 251, 252, 253, 254 et 255 du même Code (1).

Les jugements rendus par les tribunaux ordinaires sont exécutés à la diligence de l'autorité militaire. Ainsi, notamment, les militaires condamnés à la peine de mort par un tribunal ordinaire, au lieu d'avoir la tête tranchée, seront fusillés. Il en sera de même de ceux qui auraient été condamnés à une peine afflictive et infamante. Ils seront remis à l'autorité militaire, qui leur fera subir préalablement la dégradation militaire. « Les tribunaux militaires, dit l'Exposé des motifs, devront appliquer aux militaires les peines prononcées par les lois militaires, et ces peines seront exécutées militairement et à la diligence de l'autorité militaire. Ainsi, pour ne citer qu'un exemple, un militaire condamné à la peine de mort par un tribunal ordinaire, au lieu d'avoir la tête tranchée, sera fusillé. La solution sera analogue en ce qui concerne la dégradation militaire, sans qu'on puisse se dissimuler cependant toute la gravité qu'il y aura à voir les tribunaux ordinaires appelés quelquefois à prononcer cette peine dans des circonstances toutes militaires, telles que les cas d'insubordination ou de manquement au devoir militaire. Cet inconvénient, si c'en est un, est une conséquence forcée de la compétence des tribunaux ordinaires en cas de complicité entre des militaires et des citoyens. »

Lors donc qu'un tribunal ordinaire juge un militaire soit comme complice d'un individu non militaire, soit parce qu'il est en congé ou en permission, s'il intervient un jugement de condamnation, l'autorité civile doit, aussitôt que ce jugement est devenu définitif, livrer le condamné à l'autorité militaire, seule chargée de faire exécuter la sentence. Si la peine est correctionnelle, elle est subie dans les établissements militaires; si elle entraîne la dégradation militaire, cette dégradation doit d'abord être exécutée conformément à l'article 193 (2), sauf à remettre ensuite le condamné à l'autorité civile; enfin, si la peine est celle de mort, le condamné doit être fusillé.

La question, dit M. Foucher, peut paraître plus délicate lorsqu'il s'agit

(4) Voir, plus loin, ces articles et leur commentaire. (2) Voir, plus haut, cet article et son commentaire.

de jeunes soldats ou d'engagés volontaires n'ayant pas encore rejoint leurs corps, et qui ne sont justiciables des conseils de guerre que pour les faits d'insoumission, aux termes de l'article 58 (1). A cet égard il faut faire une distinction, dont le point de départ se trouve dans l'article 58 du Code militaire, selon que le crime a été commis avant ou depuis l'instant où ils ont reçu leur ordre de route pour rejoindre leur corps ou leur détachement. Avant cet ordre de route, ils font bien partie du contingent susceptible d'être appelé à l'activité, mais ils ne font pas encore partie intégrante de l'armée; c'est leur ordre de mise en route qui, en leur indiquant le corps auquel ils sont destinés, les appelle sous les drapeaux, les incorpore dans l'armée. Si, dans ce dernier cas, et tant qu'ils n'ont pas rejoint leur corps ou détachement, par une faveur spéciale, on ne les rend justiciables des conseils de guerre que pour le fait d'insoumission, c'est parce qu'ils sont censés ignorer encore les obligations et les sévérités de la loi sous laquelle ils vont se trouver; mais à compter de ce moment ils sont soldats et appartiennent à l'armée, aux termes de l'article 55 du Code militaire (2). La Cour de cassation a toujours considéré l'ordre de rejoindre le corps comme constituant l'incorporation à l'armée.

Si le délit a été commis avant que l'homme faisant partie du contingent ait été appelé à rejoindre son corps, il y a donc lieu de le considérer comme n'étant pas encore incorporé à l'armée et, par conséquent, c'est aux tribunaux ordinaires à faire exécuter le jugement qu'ils ont rendu par la voie civile. Si au contraire le prévenu avait reçu son ordre de mise en route pour rejoindre son corps ou son détachement, il fait partie de l'armée, il y est incorporé, et alors, bien qu'il reste justiciable des tribunaux ordinaires pour tous les délits autres que celui d'insoumission, il doit être remis aux mains de l'autorité militaire, à laquelle il appartient, pour l'exécution du juge

ment.

Mais en doit-il être de même lorsque le militaire est déclaré déserteur ? La question paraît à M. Foucher devoir être résolue affirmativement, car le fait de désertion, loin d'enlever au coupable son caractère de militaire, le lui conserve aussi longtemps que dure cet état, aux termes de l'article 184 du Code (3). Or, dit-il, si la loi militaire abdique son action judiciaire sur ses justiciables naturels dans certains cas, comme dans ceux prévus par l'article 57 (4), ou lorsque les militaires ne sont pas présents sous les drapeaux, et les livre alors à la juridiction ordinaire, elle reprend ses droits aussitôt que cette juridiction a statué sur leur sort, afin de les soumettre préalablement à la dégradation militaire et de les rayer définitivement des contrôles de l'armée, s'ils doivent cesser d'en faire partie par suite de la condamnation qui a été prononcée contre eux, ou, s'ils doivent conserver la qualité de militaire à l'expiration de leur peine, pour la leur faire subir dans un établissement où ils seront maintenus sous les lois et la discipline de l'armée à laquelle ils appartiennent et dans les rangs de laquelle ils re

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