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prendront leur service. On a objecté contre ce système qu'il était à craindre que, dans ce cas, la peine ne fût pas subie conformément aux prescriptions du jugement de condamnation; cette crainte ne saurait prévaloir, parce qu'il ne pourrait en être ainsi qu'en supposant que l'autorité militaire voudrait soustraire le condamné à l'exécution d'un jugement qui commande l'obéissance et qui est rendu au nom même de la nation. La seule différence dans le mode d'exécution doit résulter des règlements qui régissent les établissements civils ou militaires (1) (2).

ART. 197.

Dans les mêmes cas, si les individus non militaires et non assimilés aux militaires sont déclarés coupables d'un crime ou d'un délit non prévu par les lois pénales ordinaires, ils sont condamnés aux peines portées par le présent Code contre ce crime ou ce délit.

(4) V. Foucher, Commentaire, p. 646, 617, 618 et 649.

(2) La Cour de Bourges a rendu, le 6 juillet 1874, un arrêt duquel il résulte que le complice non militaire d'un crime ou délit commis par des militaires, peut et doit être jugé séparément, lorsque, au moment de l'instruction dirigée contre lui, il reste seul poursuivi, les délinquants militaires ayant déjà passé en jugement devant le conseil de guerre et se trouvant sous le coup d'une condamnation devenue définitive. Et, en pareille situation, si le fait incriminé est un vol simple de munitions appartenant à l'Etat, c'est devant le tribunal correctionnel que le complice non militaire doit être traduit, bien que, dans le cas de poursuite simultanée, l'affaire soit, à raison de la peine criminelle édictée contre les militaires, de la compétence des Cours d'assises. (Affaire Besson. Dalloz P., 4874, 42, p. 35.)

La chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu, le 22 août 1872, un arrêt de cassation sur le pourvoi du sieur Jean Deguette, et d'où résultent les points suivants :

I. La qualité de militaire est constitutive et non aggravante du crime de vol, par un militaire, d'effets militaires appartenant à l'Etat; elle ne doit donc pas faire l'objet d'une question distincte, comme si elle constituait une circonstance aggravante.

Le complice par recel n'est, dès lors, pas fondé à se plaindre de ce qu'une question unique a été posée au jury, comprenant et le fait principal du vol et la circonstance qu'il a été commis par un militaire.

II. Dans le cas où le Code militaire ne s'explique pas sur la complicité d'un non-militaire et ne détermine pas la peine à prononcer contre lui, l'article 496 du Code de justice militaire dispose que la Cour d'assises appliquera contre ce non-militaire les peines du droit commun.

Cette disposition comprend la qualification du fait aussi bien que la pénalité; dans l'espèce, sa portée a échappé à la Cour d'assises de la Seine.

En effet, le vol d'effets militaires appartenant à l'État, par un militaire, est aggravé par la qualité de militaire de l'auteur du vol; cette aggravation lui est personnelle et ne réagit en rien sur les complices non militaires.

Et dans le silence du Code militaire, en ce qui concerne ces derniers, il y a lieu, aux termes de l'article 196 précité, de s'en référer au Code pénal ordinaire, tant pour la qualification que pour la pénalité.

Or, ce fait qui constitue un crime pour le militaire ne constitue qu'un simple délit pour le nonmilitaire; le complice, dans l'espèce, n'était dès lors passible que de la peine édictée par l'article 404 du Code pénal, combiné avec les articles 59 et 60 qui prévoient la complicité du vol. Par suite, c'est à tort que le jury a reconnu des circonstances atténuantes en faveur du complice non militaire; la Ĉour d'assises seule était compétente, puisqu'il ne s'agissait que d'un délit.

Cette erreur de droit, consacrée par arrêt de la Cour d'assises, a évidemment nui à l'accusé; en faisant état des circonstances atténuantes reconnues par le jury, alors qu'il s'agissait d'un délit, la Cour d'assises a méconnu son droit personnel de les reconnaître; elle a été entraînée par suite à prononcer une peine d'un à cinq ans d'emprisonnement, comme s'il s'était agi d'un crime atténué par le jury, au lieu d'user de la faculté de la descendre au-dessous d'une année dans le cas où elle aurait admis elle-même des circonstances atténuantes.

Ce n'est pas le cas dès lors de faire application de l'article 444 du Code d'instruction criminelle, quoique la peine de quatre années d'emprisonnement prononcée puisse l'être de nouveau par la Cour de renvoi; cette peine, en effet, repose sur une erreur de droit qui a entraîné la libre appréciation de la Cour d'assises.

Toutefois, les peines militaires sont remplacées, à leur égard, ainsi qu'il suit :

1° La dégradation militaire prononcée comme peine principale, par la dégradation civique;

2o La destitution et les travaux publics, par un emprisonnement de un à cinq ans.

Cet article prévoit le cas où un individu non militaire serait déclaré coupable d'un crime ou d'un délit non prévu par les lois pénales ordinaires. Comme il ne faudra pas laisser ce fait sans répression, le tribunal ordinaire appliquera la peine du Code pénal militaire.

La dégradation civique sera substituée à la dégradation militaire, et l'emprisonnement à la destitution et aux travaux publics. Les peines remplacées sont, en effet, des peines militaires, qui seraient inapplicables dans l'ordre civil.

« La portée de cette disposition, disait M. Langlais, a besoin d'être bien précisée. Elle se réfère d'abord aux cas de complicité, prévus par les trois premiers articles du titre IV, au livre II de la Compétence. Voilà une restriction. L'article 266 (devenu l'article 268) (1) du projet montre en outre quels sont, en général, les délits qui ne sont pas prévus par la loi ordinaire; ce sont les délits énumérés depuis l'article 249 jusques et y compris l'article 253 (2); ces dispositions protégent la propriété de l'armée et les éléments de sa force matérielle. Le projet dispose avec netteté que les complices, même civils, sont punis de la peine militaire, et renvoie à la disposition que nous examinons pour la substitution de celles des peines qui sont inapplicables à l'ordre civil.

Les délits qui pourraient encore motiver l'application de l'article 196, après cette catégorie, seraient bien peu nombreux; car c'est l'esprit de l'article que la qualité de militaire ne peut jamais être considérée, pour le complice civil, comme une circonstance soit qui aggrave le délit, soit qui l'enlève à sa juridiction. C'est encore l'esprit de l'article que le délit qui appelle la peine militaire n'ait pas son similaire dans la loi générale; car, si le délit est prévu par la loi commune, c'est la peine commune qui doit être appliquée au complice civil. La voie de fait, par exemple, d'inférieur à supérieur, peut être un fait de la plus haute gravité pour le militaire; mais on devrait prononcer la peine du Code pénal pour le complice civil. Rẻduite à ces termes, la disposition du projet a paru à votre commission une sage prévoyance du législateur.

D

ART. 198.

Lorsque des individus non militaires ou non assimilés aux militaires sont traduits devant un conseil de guerre, ce conseil peut leur faire application de l'article 463 du Code pénal ordinaire.

(4) Voir, plus loin, cet article et son commentaire. (2) Voir, plus loin, cet article et son commentaire.

Nous avons vu plus haut, dans l'article 134 (1), que la faculté pour le juge d'accorder le bénéfice des circonstances atténuantes par application de l'article 463 du Code pénal, a été introduite dans le Code militaire de 1857; mais qu'il faut distinguer, selon qu'il s'agit des citoyens appartenant à l'ordre civil, ou de militaires ou assimilés aux militaires.

Pour les condamnés non militaires, l'article 198 de la loi de 1857 déclare, d'une manière générale, que le conseil de guerre peut faire l'application de l'article 463 du Code pénal. Si le justiciable peut être distrait de sa juridiction propre, dit à ce sujet le rapport, il n'est jamais privé du bénéfice de ses lois particulières.

D

Les peines prononcées par le Code de justice militaire sont, pour quelques cas, appliquées à des délinquants non militaires par les tribunaux ordinaires. Comme la faculté de l'atténuation n'est pas mentionnée dans les dispositions qui édictent ces peines, des tribunaux avaient pensé qu'il n'y avait pas lieu de faire application de l'article 463 du Code pénal. C'est une erreur; les dispositions dont il s'agit ne figurent dans le Code militaire que par occasion, et leur véritable place serait dans le Code pénal ordinaire. Si elles avaient pu y être classées, aucun doute ne s'élèverait sur l'application de l'article 463.

Un arrêt de la Cour de Lyon a jugé, le 9 mars 1869,-nous le rappelons, - que le bénéfice des circonstances atténuantes peut être accordé à l'individu étranger à l'armée qui a acheté en délit des munitions de l'État, même dans le cas où la loi refuse ce bénéfice au militaire coupable d'avoir vendu ces marchandises (2).

ART. 199.

Les dispositions des articles 66, 67 et 69 du Code pénal ordinaire, concernant les individus âgés de moins de seize ans, sont observées par les tribunaux militaires ordinaires.

S'il est décidé que l'accusé a agi avec discernement, les peines de la dégradation militaire, de la destitution et des travaux publics, sont remplacées par un emprisonnement d'un an à cinq ans dans une maison. de correction.

Lorsque le prévenu ou accusé est âgé de moins de seize ans, ce qui arrive pour le jugement des enfants de troupe, et pour le jugement des mineurs, qui, dans l'état de guerre et dans l'état de siége, peuvent devenir justiciables des conseils de guerre, l'article 199 déclare qu'on suivra la règle des articles 66, 67 et 69 du Code pénal ordinaire. La question de savoir si le coupable a agi avec discernement doit être, par conséquent, posée. Le Code militaire a encore établi cette règle dans son article 132 (3). • Le projet de Code, disait l'Exposé des motifs, contient, dans son article 197 (devenu 199), une disposition nouvelle relative aux individus âgés de moins

(4) Voir, plus haut, cet article et son commentaire.

(2) Dalloz P., 1869, 2, p. 80.

(3) Voir, plus haut, l'article 432 et son commentaire.

de seize ans, qui seraient traduits devant les conseils de guerre. Cette disposition s'applique principalement aux enfants de troupe et à ces enfants des villes qui, dans l'état de guerre ou de siége, et dans les cas prévus par le Code, sont saisis par la juridiction militaire. Les peines prononcées par les articles 66, 67 et 69 du Code pénal ordinaire leur sont appliquées, en se conformant à la distinction établie quant à la perpétration des faits avec ou sans discernement. Le président du conseil de guerre devra, dans ce cas, poser aux juges cette question. L'accusé a-t-il agi avec discernement?» Les articles 66, 67 et 69 du Code pénal ordinaire sont ainsi conçus :

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Art. 66. Lorsque l'accusé aura moins de seize ans, s'il est décidé qu'il a agi sans discernement, il sera acquitté; mais il sera, selon les circonstances, remis à ses parents ou conduit dans une maison de correction, pour y être élevé et détenu pendant tel nombre d'années que le jugement déterminera, et qui toutefois ne pourra excéder l'époque où il aura accompli sa vingtième année. »

Art. 67. S'il est décidé qu'il a agi avec discernement, les peines seront prononcées ainsi qu'il suit :

<< S'il a encouru la peine de mort, des travaux forcés à perpétuité, de la déportation, il sera condamné à la peine de dix à vingt ans d'emprisonnement dans une maison de correction.

<< S'il a encouru la peine des travaux forcés à temps, de la détention ou de la reclusion, il sera condamné à être renfermé dans une maison de correction, pour un temps égal au tiers au moins et à la moitié au plus de celui pour lequel il aurait pu être condamné à l'une de ces peines.

«Dans tous les cas, il pourra être mis, par l'arrêt ou le jugement, sous la surveillance de la haute police pendant cinq ans au moins et dix ans au plus.

S'il a encouru la peine de la dégradation civique ou du bannissement, il sera condamné à être enfermé, d'un an à cinq, dans une maison de correction. »

Art. 69. Dans tous les cas où le mineur de seize ans n'aura commis qu'un simple délit, la peine qui sera prononcée contre lui ne pourra s'élever au-dessus de la moitié de celle à laquelle il aurait pu être condamné s'il avait eu seize ans. »

Dans ce dernier cas, la loi n'a pas fixé de minimum autre que celui de l'article 40 du Code pénal, six jours, afin de laisser plus de latitude aux juges.

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Si l'accusé a moins de seize ans, le président pose au Conseil la question suivante: « L'accusé a-t-il agi avec discernement? » Il est bien entendu que cette question n'est posée que si le prévenu a été déclaré coupable du fait qui lui était imputé.

Si le Conseil déclare qu'il n'a pas agi avec discernement, il prononce donc l'acquittement du prévenu, sauf à ordonner que l'enfant sera remis à ses parents ou conduit dans une maison de correction pour y être élevé pendant un temps qui ne peut aller au delà de sa 20 année.

Si l'accusé est reconnu avoir agi avec discernement, il lui est fait application de l'article 67 du Code pénal ordinaire, s'il a encouru une peine afflictive et infamante.

Dans les trois cas spécialement prévus par le dernier paragraphe de cet article, les coupables sont punis d'un emprisonnement de un an à cinq ans.

La question de discernement est générale, en ce sens qu'elle doit être posée en faveur de l'enfant de moins de seize ans, en toute matière.

Elle ne peut être résolue contre l'accusé qu'à la majorité de cinq voix contre deux, comme celle qui concerne le fait principal (1).

M. Foucher fait remarquer que le Code militaire ne se réfère pas à l'article 68 du Code pénal, qui ordonne que le mineur âgé de moins de seize ans soit toujours traduit devant le tribunal correctionnel s'il n'y a pas de complice au-dessus de cet âge, et si le crime dont il est accusé n'emporte pas la peine de mort, des travaux forcés à perpétuité, de la déportation ou de la détention, parce que le conseil de guerre est appelé à connaître de tous les crimes et délits de la compétence de la juridiction militaire. Cependant, dit-il, la jurisprudence, en considérant comme simple délit tous les crimes commis par les mineurs âgés de moins de seize ans, pour lesquels la loi les renvoyait directement en police correctionnelle, en avait tiré la conséquence que l'action publique devait se prescrire par trois ans et non par dix. C'était une interprétation favorable que permettait sans doute l'article 68, malgré les termes de l'article 637 du Code d'instruction criminelle (2)'; mais, dès l'instant que cet article n'est pas applicable aux conseils de guerre, la prescription des crimes et délits de la compétence de ces conseils n'est réglée que par les principes posés en l'article 184 du Code militaire (3).

ART. 200.

Les peines prononcées par les tribunaux militaires commencent à courir, savoir :

Celle des travaux forcés, de la déportation, de la détention, de la reclusion et du bannissement, à partir du jour de la dégradation militaire;

Celle des travaux publics, à partir du jour de la lecture du jugement devant les troupes.

Les autres peines comptent du jour où la condamnation est devenue irrévocable. Toutefois, si le condamné à l'emprisonnement n'est pas détenu, la peine court du jour où il est écroué.

(4) Voir, plus haut, l'article 133 et son commentaire.

(2) CODE D'INSTRUCTION CRIMINELLE. Art. 637. « L'action publique et l'action civile résultant d'un crime de nature à entraîner la peine de mort ou des peines afflictives perpétuelles, ou de tout autre crime emportant peine afflictive ou infamante, se prescriront après dix années révolues, à compter du jour où le crime aura été commis, si dans cet intervalle, il n'a été fait aucun acte d'instruction ni de poursuite.

«S'il a été fait, dans cet intervalle, des actes d'instruction ou de poursuite non suivis de jugement, l'action publique et l'action civile ne se prescriront qu'après dix années révolues, à compter du dernier acte, à l'égard même des personnes qui ne seraient pas impliquées dans cet acte d'instruction ou de poursuite. »

(3) Voir, plus haut, l'article 484 et son commentaire.

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