Page images
PDF
EPUB

l'absence illégale de l'officier et sa désertion n'existe que pour la désertion à l'intérieur, et qu'elle ne se retrouve plus dans les dispositions qui prévoient la désertion à l'étranger ou à l'ennemi (1).

Nous avons aussi fait l'observation que pour la désertion à l'étranger la loi ne considère plus le temps de service du coupable; qu'elle ne fait plus de distinction entre le temps de paix ou de 'guerre ; qu'elle ne distingue pas davantage si la désertion provient de l'abandon du corps ou de ce qu'on ne l'a pas rejoint à l'expiration du congé ou de la permission (2).

SECTION IV.

Désertion à l'ennemi ou en présence de l'ennemi.

ART. 238.

Est puni de mort, avec dégradation militaire, tout militaire coupable de désertion à l'ennemi (3).

ART. 239.

Est puni de la détention tout déserteur en présence de l'ennemi (4).

Le Code de 1857 fait une distinction entre la désertion à l'ennemi et celle qui a lieu en présence de l'ennemi. La première est punie de la peine de mort. La loi du 12 mai 1793, celle du 21 brumaire an v et l'arrêté des consuls du 19 vendémiaire an XII édictaient la même pénalité.

La désertion en présence de l'ennemi n'était prévue par aucune de ces législations. Le Code la punit de la détention.

« Les transfuges, désertant à l'ennemi, - dit M. Ach. Morin, - commettent une trahison que ne saurait autoriser ni même excuser le droit des gens moderne, puisque c'est la violation d'un devoir sacré; et la trahison sera double, si l'ennemi obtient du déserteur des renseignements pouvant lui servir contre leur pays aussi ce crime a-t-il toujours été puni de mort par la loi militaire, qui même parfois a voulu un supplice infamant. Le Code de justice militaire français porte: Art. 238. « Est puni de mort, avec dégradation militaire, tout militaire coupable de désertion à l'ennemi. » Pour les définitions, il se réfère virtuellement aux articles 2 et 3 de la loi du 12 mai 1793 ainsi conçus Sera réputé déserteur à l'ennemi, et comme

(4) Voir, plus haut, l'article 233 et son commentaire.

(2) Voir, plus haut, l'article 235 et son commentaire.

(3) M. de la Pervanchère a proposé à l'Assemblée nationale les deux modifications suivantes : «Est puni de mort avec dégradation militaire, tout militaire coupable de désertion à l'ennemi et aux rebelles armés ou non armés.

* Est puni de la détention tout déserteur en présence de l'ennemi et de rebelles armés ou non armés (a). (4) Id.

(a) Voir, plus haut l'article 205 et son commentaire

1

tel puni de mort, tout militaire ou autre individu attaché à l'armée ou à sa suite qui, sans ordre ou permission par écrit de son supérieur, aura franchi les limites fixées par le commandant de la troupe dont il fait partie, sur les côtés par lesquels on pourrait communiquer à l'ennemi. Sera également réputé déserteur à l'ennemi, et puni de mort, tout militaire ou autre individu attaché à l'armée et à sa suite, qui sortira d'une place assiégée ou investie par l'ennemi sans en avoir obtenu la permission par écrit du commandant de la place (1). »

L'article 1er de cette loi de 1793, reproduite par la loi du 21 brumaire an v, portait que tout militaire qui passerait à l'ennemi sans une autorisation par écrit de ses chefs, serait puni de mort.

C'est dans ces trois articles qu'il faut chercher les caractères et la définition de la désertion à l'ennemi.

Est donc déserteur à l'ennemi :

1o Le militaire ou autre individu attaché à l'armée ou à sa suite, qui, sans ordre, ou sans permission écrite de son supérieur, franchit les limites fixées par le commandant de la troupe sur les côtés par lesquels on pourrait communiquer avec l'ennemi;

2o Celui qui, militaire ou autre attaché à l'armée ou à sa suite, sort d'une place assiégée ou investie par l'ennemi, sans permission écrite du commandant de place.

Est déserteur en présence de l'ennemi, celui qui franchit les limites sur d'autres côtés que ceux où l'on peut communiquer avec l'ennemi; celui qui sort d'une place non encore assiégée ni investie, mais qui va l'être.

Les juges militaires devront s'inspirer de la définition donnée par la loi du 12 mai 1793, reprise et développée par la loi du 21 brumaire an v, pour résoudre la question de savoir si la désertion a eu lieu à l'ennemi ou en présence de l'ennemi. Mais le crime sera suffisamment constaté quand le fait aura été reconnu constant dans les termes de l'article 238. Il suffira de poser la question ainsi : « N..... est-il coupable d'avoir déserté à l'ennemi? » et, dans le cas de l'article 239: « N..... est-il coupable d'avoir déserté en présence de l'ennemi? »

D'après le Code autrichien, la désertion à l'ennemi est punie par la pendaison; dans tous les autres cas où ce crime entraîne la peine de mort, le coupable est passé par les armes.

Cette peine est infligée à tout soldat qui déserte au moment où il doit être traduit devant un conseil de guerre.

Le déserteur, dans les cas où il n'y a pas lieu à condamnation à mort, perd jusqu'à son retour tout droit à sa fortune; il n'est pas apte à recevoir un héritage. Si son absence ne dure pas plus de six mois, il a une année de service a faire en plus; si le temps d'absence est plus long, deux ans.

Ajoutons que les déserteurs et les transfuges nationaux capturés au milieu des rangs ennemis, s'étant rendus coupables du crime de porter les armes contre leur patrie, perdent tout droit d'être traités comme prisonniers et d'invoquer le bénéfice des lois de la guerre. Un usage universellement consacré les exclut de tout échange et les rend justement passibles des péna

(1) Ach. Morin, Les Lois relatives à la guerre, T. Ier, p. 256.

lités dont la législation de leur pays frappe le crime odieux qu'ils ont commis (1).

SECTION V.

Dispositions communes aux sections précédentes.

ART. 240.

Est réputée désertion avec complot toute désertion effectuée de concert par plus de deux militaires.

Cet article et les suivants s'occupent de la désertion avec complot et de la peine applicable dans ce cas. Leurs dispositions sont conformes à celles des lois des 12 mai 1793, 21 brumaire an v, et des décrets du 23 ventôse an xi, du 8 vendémiaire an xiv et du 2 février 1812.

La désertion, disait M. Langlais, au Corps législatif, - ne s'est offerte jusqu'ici que comme un fait isolé; raais elle peut être effectuée à la suite d'un complot entre plusieurs militaires. Le délit puise évidemment dans ces circonstances un caractère de gravité qui a été saisi par toutes les législations. La loi du 21 brumaire an v, l'arrêté du 19 vendémiaire an xì, le décret du 23 ventôse an xi, le décret du 8 vendémiaire an xiv et le décret du 2 février 1812 le frappent toujours de la peine de mort, quand il s'agit de la désertion à l'ennemi et souvent de la même peine, lorsque la désertion a lieu à l'intérieur.

« Le projet dispose que toute désertion, effectuée de concert par plus de deux militaires, est réputée désertion avec complot.....

Ainsi donc, pour qu'il y ait désertion avec complot, il faut :

1° Qu'il y ait eu désertion concertée;

2o Entre plus de deux militaires ;

3o Que la désertion ait été effectuée.

S'il y avait eu seulement concert sans que l'absence illégale ait été effectuée, il pourrait y avoir provocation à la désertion, tentative de trahison, tentative de révolte, selon les circonstances: il n'y aurait pas désertion avec complot (2).

(4) Calvo, Le Droit international théorique et pratique, édition française, t. II, p. 442 et 143. On ne lira pas sans intérêt l'ordre du jour suivant à la Grande armée, à la suite d'un rapport du maréchal Macdonald :

« Tout soldat qui quitte ses drapeaux, trahit le premier des devoirs.

• En conséquence, Sa Majesté ordonne :

a Art. 4. Tout soldat qui quitte ses drapeaux sans cause légitime sera décimé. A cet effet, aussitôt que dix isolés seront réunis, les généraux commandant les corps d'armée les feront tirer au sort, et en feront fusiller un.

« Art. 2. Le major général est chargé de l'exécution du présent ordre.

Bautzen, le 6 septembre 1813.

(2) Voir, plus loin, l'article 242 et son commentaire.
M. de la Pervanchère a proposé la modification suivante :

« NAPOLÉON. »

« Est puni de mort le coupable de désertion avec complot en présence de l'ennemi et de rebelles armés ou non armés. L'Assemblée nationale, dans la séance du 3 juillet 1872, a adopté la prise en

Est puni de mort:

ART. 241.

1o Le coupable de désertion avec complot en présence de l'ennemi; 2o Le chef de complot de désertion à l'étranger.

Le chef de complot de désertion à l'intérieur est puni de cinq ans à dix ans de travaux publics s'il est sous-officier, caporal, brigadier ou soldat, et de la détention s'il est officier.

Dans tous les autres cas, le coupable de désertion avec complot est puni du maximum de la peine portée par les dispositions des sections précédentes, suivant la nature et les circonstances du crime ou du délit (1).

L'article 240 a défini la désertion avec complot; l'article 241 en règle la pénalité, d'après : 1o la part prise par chaque coupable; 2o les circonstances dans lesquelles la désertion a eu lieu.

Les peines édictées par cet article sont :

4. Pour le coupable de désertion avec complot, en présence de l'ennemi........... LA MORT. 2o Pour le chef de complot de désertion à l'étranger..... LA MORT (2).

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

Que faut-il entendre par chef de complot?

Les articles 5 et 6 de la loi du 21 brumaire an v s'exprimaient ainsi : Art. 5. Tout militaire ou autre individu employé à l'armée et à sa suite,

considération de la proposition de M. de la Pervanchère, ayant pour objet 4° de modifier la redaction de plusieurs articles du Code de justice militaire; de préciser et de fortifier les pénalites applicables aux militaires qui pactiseraient, les jours d'émeute à l'intérieur, avec des rebelles armés ou non armés. Ce vote n'implique cependant pas, d'après le règlement de la Chambre, l'adoption définitive de la proposition de M. de la Pervanchère. Renvoyée à la commission parlementaire de l'armée, elle devra encore être l'objet d'une délibération de la commission, d'un rapport à la Chambre et enfin d'un vote de l'Assemblée. Ce n'est qu'après avoir triomphé de ces diverses épreuves, qu'elle aura force de loi. Néanmoins, la prise en considération donne une certaine probabilité à l'adoption de la proposition; mais ce n'est qu'un symptôme, rien de plus. Cette observation s'applique également aux articles 205, 206, 209, 210, 213, 217, 233, 239 et 241. (1) La loi du 12 mai 1793 ne s'occupait de la désertion avec complot que pour punir plus sévè rement le chef de complot ou pour indiquer ceux des coupables qui devaient être considérés comme tels; ces dispositions étaient également seules retenues par la loi du 24 brumaire an v; l'arrêté du 49 vendémiaire an XII déclarait chefs de complot ceux qui étaient ainsi qualifiés par la loi de l'any, et punissait de mort tout chef de complot sans distinguer entre les diverses espèces de désertion; le décret du 23 ventôse an XIII réputait chef de complot tout militaire, ou autre individu employé à la suite de l'armée, convaincu d'avoir excité ses camarades à déserter, soit à l'ennemi, soit à Pétranger, soit à l'intérieur, et le punissait de mort; le décret du 8 vendémiaire an XIV étendait les dispositions relatives au chef de complot au plus âgé des coupables et les rendait communes aux employés à la suite de l'armée, comme le faisait déjà le décret de l'an X11; enfin un décret du 2 février 1812 déclarait chef de complot tout officier qui participait à la désertion, et ce décret autorisait les conseils de guerre à prononcer la peine de mort contre les principaux instigateurs, en refusant à officier le bénéfice de l'article 7 de la loi de l'an v, qui exemptait de poursuite le révélateur d'un complot de désertion. En dehors de ces dispositions, Tarrêté du 49 vendémiaire an xi faisait seulement de la désertion non individuelle une circonstance aggravante. (V. Foucher, Commentaire, p. 764.)

(2) L'article 244 ne s'occupe pas du chef de complot de désertion A L'ENNEMI, la peine de mort étant déjà encourue pour crime de DESERTION A L'ENNEMI ou de DÉSERTION AVEG COMPLOT EN PRÉSENCE DE L'ENNEMI.

qui sera convaincu d'avoir excité ses camarades à passer chez l'ennemi, sera réputé chef de complot et puni de mort, quand même la désertion n'aurait point eu lieu. »

«

Art. 6. Lorsque des militaires auront formé le complot de passer à l'ennemi, et que le chef du complot ne sera pas connu, le plus élevé en grade des militaires complices, ou, à grade égal, le plus ancien de service, sera réputé chef de complot et puni comme tel.»

D'après ces deux articles, le chef de complot était présumé, et c'était celui qui avait excité ses camarades, ou qui devait, par son grade supérieur ou, à grade égal, par l'ancienneté de son service, s'interposer pour empêcher la désertion.

Le Code de 1857 ne reproduit plus cette définition ni cette présomption; la qualification de chef de complot ne résultera donc plus, de plein droit, du grade ou de l'ancienneté du service; mais ces circonstances pourront encore être prises en considération par les juges militaires, pour les guider dans leur appréciation.

La loi de 1857 s'écarte encore de l'ancienne législation, en ce qu'il faut que la désertion AIT ÉTÉ EFFECTUÉE, pour qu'il y ait désertion avec complot (1).

ART. 242.

Tout militaire qui provoque ou favorise la désertion est puni de la peine encourue par le déserteur, selon les distinctions établies au présent chapitre.

Tout individu non militaire ou non assimilé aux militaires, qui, sans être embaucheur pour l'ennemi ou pour les rebelles, provoque ou favorise la désertion, est puni par le tribunal compétent d'un emprisonnement de deux mois à cinq ans (2).

L'article 242 réprime à la fois le fait de provoquer à la désertion, et celui de la faciliter, que le délit soit commis par un militaire, par un assimilé, ou par tout autre individu. S'il est commis par un militaire ou par un assimilé, la peine est celle dont est frappée la désertion; si l'auteur du délit est un citoyen non militaire et non assimilé, la peine est de deux mois à cinq ans de prison.

Le second paragraphe qui concerne tous autres individus que les militaires

(4) Voir, plus haut, l'article 240 et son commentaire.

(2) Le fait de provoquer à la désertion, de la faciliter, de recéler un déserteur, tous ces actes. dit M. V. Foucher, qui tendent à soustraire un soldat à l'Etat, ont toujours été l'objet des

sévérités de la loi.

Une ordonnance du 22 juillet 1666 punissait du fouet l'habitant qui cherchait à enlever un déserteur à la force armée; celle du 2 juillet 1746 appliquait à ce fait la peine de mort. Le seul acte de donner passage aux déserteurs était également puni d'une amende par les anciennes ordonnances, qui rendaient les communes solidaires.

Les ordonnances des 17 juin 1676 et 1er juillet 1728 punissaient de la potence l'habitant qui provoquait à la désertion; l'ordonnance du 17 septembre 1776 le condamnait à dix ans de gène, et la loi du 4 nivôse an iv en neuf années de détention. Le fait de faciliter la désertion était puni par la loi du 24 brumaire an v de deux ans de gêne, et par celle du 24 brumaire an vi d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 300 à 3,000 francs; l'emprisonnement pouvait même être prononcé pour deux ans, si le coupable était fonctionnaire public. (V. Foucher, Commentaire, p. 766.)

« PreviousContinue »