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ou les assimilés aux militaires est obligatoire pour toutes les juridictions, soit militaires, soit de droit commun.

Le recel des déserteurs n'est pas prévu par l'article 242: il est puni par l'article 4 de la loi du 24 brumaire an vi, ainsi conçu :

Tout habitant de l'intérieur de la République, convaincu d'avoir recélé sciemment la personne d'un déserteur ou réquisitionnaire, ou de l'avoir soustrait d'une manière quelconque aux poursuites ordonnées par la loi, sera condamné, par voie de police correctionnelle, à une amende qui ne pourra être moindre de trois cents francs ni excéder trois mille francs, et à un emprisonnement d'un an. »

Quant au recel des insoumis, il est l'objet de l'article 62 de la loi du 27 juil let 1872, sur le recrutement de l'armée, qui porte: « Quiconque est reconnu coupable d'avoir recélé ou d'avoir pris à son service un insoumis, est puni d'un emprisonnement qui ne peut excéder six mois. Selon les circonstances, la peine peut être réduite à une amende de vingt à deux cents francs;

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Quiconque est convaincu d'avoir favorisé l'évasion d'un insoumis est puni d'un emprisonnement d'un mois à un an;

« La même peine est encore prononcée contre ceux qui, par des manœuvres coupables, ont empêché ou retardé le départ de jeunes soldats.

Si le délit a été commis à l'aide d'un attroupement, la peine sera double;

« Si le délinquant est fonctionnaire public, employé du gouvernement ou ministre d'un culte salarié par l'État, la peine peut être portée jusqu'à deux années d'emprisonnement, et il est, en outre, condamné à une amende qui ne pourra excéder deux mille francs (1). »

L'arrêt suivant, de la Cour de cassation, a très-exactement établi la distinction qui existe entre le recel des déserteurs et celui des insoumis :

...... Attendu que la loi du 24 brumaire an vi, appliquant la même peine aux habitants de l'intérieur, convaincus d'avoir favorisé l'évasion d'un déserteur ou d'un réquisitionnaire, établissait sans doute une assimilation entre deux délits distincts et deux classes différentes d'individus, mais ne les confondait pas sous la même désignation;

« Que cette distinction dans les dénominations se retrouve dans tous les actes législatifs qui ont suivi, jusqu'à la Charte de 1814;

Attendu que les articles 39 et 40 de la loi du 21 mars 1832 (2), comme l'ensemble des articles de cette loi sur le recrutement de l'armée, sont étrangers aux peines encourues par les auteurs ou complices des crimes et délits

(4) Voici quelle était, à cet égard, la disposition de la loi du 24 mars 1832. Art. 40. « Quiconque sera reconnu coupable d'avoir recélé ou d'avoir pris à son service un insoumis sera puni d'un emprisonnement qui ne pourra excéder six mois. Selon les circonstances, la peine pourra être réduite à une amende de vingt à deux cents francs.

Quiconque sera convaincu d'avoir favorisé l'évasion d'un insoumis sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an.

«La même peine sera prononcée contre ceux qui, par des manœuvres coupables, auraient empêché ou retardé le départ des jeunes soldats.

Si le délinquant est fonctionnaire public, employé du gouvernement ou ministre d'un culte salarié par l'Etat, la peine pourra être portée jusqu'à deux années d'emprisonnement, et il sera, en outre, condamné à une amende qui ne pourra excéder deux mille francs.

(2) Nous rappellerons que la disposition de l'article 40 de la loi du 24 mars 1832 est remplacée par celle de l'article 62 de la loi du 27 juillet 1872.

commis contre la discipline de l'armée, et n'ont nullement abrogé les dispositions répressives du crime ou délit de désertion;

• Qu'en effet le mot désertion implique l'abandon du drapeau, et ne peut être appliqué à la classe des réquisitionnaires ou conscrits réfractaires désignés dans les lois antérieures à celle du 10 mars 1818, sur le recrutement de l'armée, ou à la classe des jeunes soldats insoumis, dénommés dans la loi du 21 mars 1832, lesquels n'ont point quitté les rangs de l'armée, mais ont désobéi seulement à la loi qui les appelait au service militaire;

<< Attendu que les articles 39 et 40 de ladite loi du 21 mars 1832 n'ont prévu que le délit d'insoumission ou de complicité de ce délit; que les termes de l'article 39 excluent évidemment toute application de l'article 40, en fait de désertion; et que dès lors ces articles, non plus que les articles 46 et 50 de la même loi, n'ont abrogé l'article 4 de celle du 24 brumaire an vi qu'à l'égard des dispositions relatives aux complices des appelés insoumis; qu'ils laissent subsister les peines contre ceux qui ont favorisé la désertion;

« Qu'ainsi, en décidant le contraire, en n'impliquant au fait d'avoir favorisé l'évasion d'un déserteur que les peines prononcées par la loi du 21 mars 1832, le jugement attaqué a fait une fausse application de cette loi et a violé l'article 4 de celle du 24 brumaire an vi (1).....

D'après le Code autrichien, celui qui conseille à deux ou plusieurs soldats de déserter, alors même que la désertion n'a pas lieu, doit être assimilé au déserteur et, s'il n'est puni de mort, doit être envoyé pour huit ans dans une compagnie de discipline (2).

ART. 243.

Si un militaire reconnu coupable de désertion est condamné par le même jugement pour un fait entraînant une peine plus grave, cette

(4) Cass. crim., 44 juin 1844, affaire Brassac, Reverson et autres.

(2) En Autriche, les individus qui, sans motif suffisant, ne comparaissent pas devant les commissions de classement, devant lesquelles ils sont tenus de se présenter, sont considérés comme réfractaires, et ceux qui ont sciemment contribué à leur disparition sont poursuivis comme complices. Tout réfractaire retrouvé qui ne peut justifier de son absence, lors de l'enquête ouverte à cet effet, est incorporé d'office s'il est reconnu propre au service, et condamné à servir un an de plus dans l'armée active, s'il s'est présenté de lui-même, et deux ans de plus dans le cas contraire. S'il est reconnu impropre au service, il est puni d'un emprisonnement de trois mois au plus dans les pays de la couronne hongroise et dans les confins militaires, et d'une amende de 150 florins (375 fr.), entraînant, en cas d'insolvabilité, un emprisonnement d'un mois seulement, dans les pays représentés au Reichsrath.

Le réfractaire qui ne se présente ou qui n'est arrêté qu'après l'âge de 36 ans révolus, lorsqu'il ne peut justifier qu'il était impropre au service dès l'âge de 20 ans, est puni d'un emprisonnement de six mois au plus dans les pays de la couronne hongroise et les confins militaires, et d'une amende de 1,000 florins (2,500 fr.) entraînant, en cas d'insolvabilité, un emprisonnement de six mois au plus, dans les pays représentés au Reichsrath.

Les complices du réfractaire sont passibles d'un emprisonnement de trois à six mois dans les pays de la couronne hongroise et les confins militaires, et d'une amende de 500 à 1,000 florins (4,250 à 2,500 fr.), ou, en cas d'insolvabilité, d'un emprisonnement de trois à six mois, dans les pays représentés au Reichsrath.

Les individus mariés sans autorisation avant l'âge fixé sont incorporés d'office. Lorsqu'ils sont reconnus impropres au service, ils sont punis d'une amende de 4,000 florins (2,500 fr.), au plus, ou d'un emprisonnement de six mois au plus, en cas d'insolvabilité. Toute personne ayant contribué sciemment à un mariage non autorisé est passible d'une amende de 500 florins au plus, et d'un emprisonnement de trois mois au plus, en cas d'insolvabilité, sans préjudice des pénalités spéciales édictées en cette matière, pour les employés de l'Etat.

Les mutilés volontaires, pour peu qu'ils ne soient pas complétement hors d'état de servir, sont incorporés d'office et punis par une augmentation de deux ans de service actif. Aucune peine n'est édictée contre ceux qui se sont rendus complétement infirmes.

peine ne peut être réduite par l'admission de circonstances atténuantes (1).

Ainsi, le militaire déclaré coupable de désertion à l'intérieur et de vol envers un militaire, doit être condamné à la peine de la reclusion; celui qui est reconnu coupable de désertion à l'intérieur en temps de paix et de bris volontaire de son arme sera condamné à la peine des travaux publics (2). Le législateur a voulu que lorsque la désertion a lieu pour se soustraire au châtiment d'un autre délit ou d'un autre crime, la punition du coupable s'aggravat du fait même de la désertion.

Pour que l'article 243 soit applicable, il faut qu'il soit statué sur le fait de désertion et sur les autres crimes et délits, quand bien même ces crimes ou délits ne se relieraient pas au fait de la désertion, - par un seul et même jugement (3).

CHAPITRE IV.

Vente, détournement, mise en gage et recel des effets militaires (4).

ART. 244.

Est puni d'un an à cinq ans d'emprisonnement tout militaire qui vend son cheval, ses effets d'armement, d'équipement ou d'habillement, des munitions, ou tout autre objet à lui confié pour le service.

Est puni de la même peine tout militaire qui, sciemment, achète ou récèle lesdits effets.

La peine est de six mois à un an d'emprisonnement, s'il s'agit d'effets de petit équipement (5).

(4) LOI DU 45 JUILLET 1829. Art. 2. « Tout militaire qui aura emporté tout ou partie de l'argent de l'ordinaire, ou de la solde, ou des deniers, des effets, des armes, ou emmené un cheval ou des chevaux appartenant à un militaire ou à l'Etat, mais qui ne lui étaient pas confiés pour son service, sera condamné à l'une des peines portées en l'article précédent, suivant les circonstances prévues par ledit article.- Si le militaire mis en jugement a été déclaré, en outre, coupable de désertion, les peines spécifiées en l'article 4er de la présente loi ne pourront jamais être réduites à celle de l'emprisonnement. >>

(2) Alla, Manuel pratique des tribunaux militaires, p. 43, 44.

(3) Voir, plus haut, l'article 435 et son commentaire.

(4) Il y a quatre délits bien distincts prévus chacun par les articles 244, 245, 246 et 247 : 10 Vente d'effets; 2° détournement ou dissipation d'effets; 3o mise en gage d'effets; 4o achat, recel ou prise en gage d'effets militaires.

La vente et la mise en gage ne peuvent offrir aucune difficulté, le délit est parfaitement défini et facile à constater; il n'y a donc qu'à appliquer la loi en faisant attention à la différence de pénalité prononcée lorsqu'il s'agit seulement d'effets de petit équipement.

Il ne faut pas perdre de vue que, par suite d'interprétation ministérielle, les effets d'habillement dont la durée est expirée sont considérés comme effets de petit équipement. Le cas peut se présenter pour un homme dont un effet est dû pendant qu'il est en congé ou à l'hôpital et qui vend cet effet avant de rentrer au corps. (Manuel du Juge au conseil de guerre, p. 214.)

(5) LOI DU 15 JUILLET 1829. Art. 3. « Tout militaire qui aura vendu soit son cheval, soit tout ou partie des effets d'armement, d'équipement ou d'habillement qui lui auront été fournis par l'Etat, sera puni de deux à cinq ans de travaux publics. »

Art. 6. « Tout militaire qui vendra ou mettra en gage, en tout ou en partie, des effets de petit équipement, sera puni de deux mois à un an de prison.

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Le Chapitre 6,- dit l'Exposé des motifs, - relatif à la vente et au détournement des effets militaires, reproduit et complète les dispositions de la loi transitoire du 15 juillet 1829. Il embrasse, dans så généralité, le recel qui n'était pas prévu dans cette loi, tout en se conformant, à l'égard des individus non militaires, à l'interprétation donnée dans les arrêts de la Cour de cassation. »

Le but de la loi de 1829 était d'interpréter les articles 12 et 13 de la section 3 de la loi du 12 mai 1793, dont les dispositions étaient attaquées comme frappées d'abrogation, en raison surtout du silence gardé par le Code du 21 brumaire an v, sur le vol de l'argent de l'ordinaire, celui de la solde, etc. (1).

Il faut entendre par effets militaires les objets que l'État donne aux militaires en leur qualité de soldats; d'ailleurs, au point de vue de l'importance de la peine à appliquer, on doit distinguer selon qu'il s'agit d'effets de grand équipement, comme les chevaux, les armes, les effets d'habillement ou armement, ou d'effets de petit équipement, comme chemises, souliers, etc. Le Code de 1857 s'est approprié les dispositions de la loi du 15 juillet 1829 qui avait édicté des peines contre la vente, le détournement et la mise en gage des effets militaires. Mais cette dernière loi ne portait aucune peine contre le recel des effets militaires, et, d'un autre côté, ne prévoyait pas le cas où l'achat ou la prise en gage de ces effets serait le fait des citoyens non militaires. La loi nouvelle a comblé ces lacunes.

L'article 244 punit de la même manière la vente et l'achat comme le recel des effets militaires par des militaires. Mais pour que l'achat ou le recel constitue un délit, le § 2 de l'article 244 veut que le militaire acheteur ou recéleur ait agi sciemment. Cette condition ne se trouvait pas exprimée dans la loi de 1829. Il paraîtrait que c'est par inadvertance que le mot sciemment ne se trouvait pas dans le texte officiel, et qu'il figurait dans le texte voté par les Chambres.

Par le mot vendre employé dans la loi, on doit comprendre tous les modes d'aliénation, entre autres, l'échange (2).

L'article 244 ne comprend dans ses dispositions que les objets affectés au service des militaires, et qui leur sont donnés par l'État en qualité de militaires. La vente ou mise en gage de tous autres effets ne constituerait pas un délit.

Le 10 octobre 1840, à la suite des désordres de la colonne du général Noirot, le maréchal Kellermann avait proposé à l'Empereur, à Mayenne, le décret suivant:

Tout soldat, de quelque arme qu'il soit, qui vendra ses effets d'habillement ou d'équipement, ses armes et ses cartouches, sera fusillé ainsi que l'acheteur. »

L'article 37 de la loi prussienne est ainsi conçu :

a Quiconque, avec ou sans préméditation, endommage ou vend des objets nécessaires au service, sera puni de prison au plus jusqu'à deux ans. Dans les cas graves, on prononcera le rejet dans la 2 classe. »

(1) Idem.

(2) Cass. crim., Règl. de jug., 25 juillet 1823, affaire Vidal.-Cour de Bruxelles, 2 mars 1832. V..... avait troqué avec un militaire une paire de bottes contre une paire de souliers faisant partie de son équipement; traduit en police correctionnelle, il fut acquitté. Appel. Le ministère public invoque le but de la loi, et soutient que l'échange participe, sous presque tous les rapports, de la nature de la vente. Arrêt.

-

« LA COUR ; Attendu qu'il est suffisamment établi que le prévenu a fait l'acquisition de deux paires de souliers, faisant partie d'effets d'habillement militaire, et ne portant pas les marques de rebut, fait prévu par l'article 6, L. 7 octobre 1834;..... Par ces motifs, faisant droit sur l'appel interjeté par le ministère public, met le jugement dont est appel au néant, etc. »>

Il a été jugé antérieurement à la loi de 1857: 1° que celui qui n'a acheté que des effets bourgeois à des militaires n'est passible d'aucune peine (1); -20 Qu'il n'est pas défendu d'acheter d'un militaire des effets étrangers aux fournitures faites par le gouvernement (2).

L'article 244 distingue pour la peine applicable les effets de grand équipement et ceux de petit équipement. Les effets de grand équipement, d'après l'indication que la loi en donne, sont, nous venons de le dire, le cheval, les effets d'armement, d'équipement ou d'habillement, et autres objets confiés pour le service. Les effets de petit équipement sont les chemises, souliers, cols, pantalons de toile, guêtres, aiguillettes, plumets, pompons, cordons de shako, couvre-giberne, havre-sacs, etc., objets qui tous font partie de la tenue du soldat ou qui lui sont nécessaires pour le service. Ces objets sont payés par le soldat avec une somme dite de première mise que l'État lui alloue dès son arrivée au corps. Ils sont confectionnés dans les ateliers des corps ou achetés par les conseils d'administration; ils doivent être toujours au complet. Pour les renouveler, l'État alloue journellement 10 centimes à chaque sous-officier et soldat; au moyen de la première mise et de l'allocation de 10 centimes, on forme à chaque homme une réserve de 30 à 40 francs, qu'on appelle masse de linge et chaussures. Cette masse doit toujours être tenue à son chiffre réglementaire; tous les trois mois on fait le décompte, et, si elle présente un excédant, le soldat en bénéficie.

C'est ainsi, dit M. Foucher, que l'État a fait intervenir l'intérêt du soldat pour la conservation de ces effets; mais ces effets n'en sont pas moins exigés, n'en ont pas moins une durée réglementaire. Il y a plus; comme il serait impossible, sans les plus graves inconvénients, de laisser chaque soldat s'en fournir, c'est encore l'État ou le corps qui est chargé de les acheter et de les remettre au soldat à mesure qu'il en a besoin pour le service, sauf à en prélever le prix sur sa masse individuelle (3).

Les peines disciplinaires ayant été reconnues insuffisantes pour empêcher les soldats de vendre des objets de petit équipement, la loi de 1829 et celle de 1857 ont dû édicter des peines correctionnelles.

De la généralité des termes de l'article 244, il résulte que cet article doit recevoir son application pour les officiers comme pour les soldats. Lors de la discussion de la loi de 1829, on avait proposé à la Chambre des pairs que la vente d'effets militaires ne fût pas un délit pour les officiers. Les effets de l'officier, disait-on, sont sa propriété particulière; comment pourrait-il donc commettre le délit qu'il s'agit de réprimer? Il fut répondu que si l'officier est ordinairement propriétaire de ses effets, il est des cas où ils sont fournis par le gouvernement et que, par conséquent, il était nécessaire de maintenir l'article dans sa généralité. M. de Peyronnet avait proposé de spécifier qu'il n'y a délit qu'autant que les effets que le soldat met en gage appartiennent à l'État. On verrait plus clairement, disait-il, que la loi ne s'applique pas aux effets qui seraient la propriété particulière soit de l'offi cier, soit des soldats, et qu'elle s'étend à tous les cas où des effets apparte

(4) Cour de Metz, 14 décembre 1849, affaire Besseville.

(2) Cour de Metz, 20 mai 1820, affaire Jehan.

(3) Commentaire, p. 775.

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