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2o Que ces édifices, ouvrages ou autres propriétés aient été à l'usage de l'armée;

3o Que l'incendie ou la destruction par la mine ait été commis volontairement, c'est-à-dire avec intention criminelle: ce qui exclut le cas où la destruction aurait eu lieu par ordre.

Le Code de justice militaire n'a pas cru devoir graduer la peine suivant la distinction admise par le Code pénal ordinaire, qui prononce des peines plus ou moins graves, selon que les bâtiments ou les édifices incendiés ou détruits sont ou non habités, servent ou non à l'habitation des hommes. L'incendie ou la destruction des propriétés immobilières ou mobilières à l'usage de l'armée constitue, en effet, un crime sui generis, qui ne comporte pas ces distinctions.

Les juges militaires devront donc être interrogés par une seule et même question sur toutes les circonstances qui forment les éléments constitutifs du crime.

M. Foucher fait remarquer que si la question était résolue négativement, et si les débats avaient démontré que le fait constituait un des crimes d'incendie ou de destruction prévus par la loi commune, il y aurait lieu de poser des questions aux juges dans les termes du droit commun, comme résultant des débats; mais alors il serait essentiel que l'accusé et son défenseur fussent avertis de la position de ces questions, avant que le conseil de guerre se retirât pour délibérer (1).

L'article 251 et ceux qui le suivent, 251 à 254 (2), ne sont applicables, nous l'avons dit, qu'autant que les objets détruits sont à l'usage de l'armée.

(4) Commentaire, p. 809.

(2) M. Ach. Morin a développé ainsi, dans son ouvrage sur les Lois relatives à la guerre, la pensée qui a inspiré ces différents articles :

« Dans le Code pénal français se trouvent des dispositions diverses qui ne laissent impunie aucune destruction volontaire, quand l'objet est propriété publique, ou privée pour autrui. Suivant les articles 95, 434 et 435, la peine de mort est encourue, savoir pour destruction volontaire par incendie, ou par explosion d'une mine, d'édifices, magasins, arsenaux, vaisseaux ou autres propriétés de l'Etat (sauf la question d'atténuation, s'il n'y a que crime politique); pour pareille destruction, si l'immeuble était propriété privée; pour incendie volontaire de lieux habités ou servant à l'habitation, pour communication du feu à l'un de ces objets et pour tout incendie volontaire ayant occasionné la mort d'une ou de plusieurs personnes qui se trouvaient dans le lieu au moment où il a éclaté. Aux termes des articles 255 et 256 du même Code, la peine de la reclusion est encourue pour destruction de pièces qui étaient dans un dépôt public, avec aggravation en cas de violence envers les personnes; puis il y a des dispositions pénales diverses contre le bris des scellés, la dégradation ou la destruction des monuments, statues et autres objets analogues (art. 249 et 257). La loi du 24 juillet 4845, sur la police des chemins de fer, a étendu la protection pénale, même la plus rigoureuse, aux wagons en gare et aux trains en marche. Enfin une loi récente, que motivaient des destructions imminentes ou commencées, a déclaré punissable comme complice de vol ou recéleur, quiconque concourrait au détournement ou à la destruction, à l'altération ou à la transformation des meubles ou immeubles ainsi menacés.

«Nos lois militaires, outre qu'elles se réfèrent, pour les cas non prévus spécialement, au Code pénal ordinaire, et même aux lois spéciales non abrogées, ont des dispositions à citer également ici. Le Code de justice militaire pour l'armée de terre, du 9 juin 1857, punit de mort tout militaire qui, volontairement, incendie par un moyen quelconque ou détruit par l'explosion d'une mine, un édifice, bâtiment, ouvrage militaire, magasin, chantier, vaisseau, navire ou bateau à l'usage de l'armée (Art. 254); et il punit des travaux forcés à temps tout militaire qui, volontairement, détruit ou dévaste un de ces objets par d'autres moyens que par l'incendie ou l'explosion d'une mine (Art. 252). La peine de mort est encore infligée à tout militaire qui, dans un but coupable, détruit ou fait détruire, en présence de l'ennemi, des moyens de défense, tout ou partie d'un matériel de guerre (Art. 253). Il y a même plus dans le Code de justice militaire pour l'armée de mer, du 4 juin 1858, en ce qu'il punit tout individu, marin ou non, savoir: de mort, pour incendie volontaire par un moyen quelconque, ou pour destruction par l'emploi de matières explosives, d'un vaisseau ou de toute autre embarcation de l'Etat, d'un édifice, ouvrage militaire, magasin, atelier ou chantier appartenant à la marine (Art. 336); des travaux forcés à temps, pour destruction

Le Code pénal ordinaire conserve son empire, s'il s'agit d'objets ou d'édifices qui n'ont pas cette destination.

Voici, avec leur commentaire, les deux articles du Code pénal, dont les conseils de guerre pourront avoir à faire l'application, lorsqu'il ne s'agira pas du crime sui generis prévu par l'article 251 du Code de justice militaire :

Art. 434. (Ainsi remplace par la loi du 13 mai 1863.) « Quiconque aura volontairement mis le feu à des édifices, navires, bateaux, magasins, chantiers, quand ils sont habités ou servent à l'habitation, et généralement aux lieux habités ou servant à l'habitation, qu'ils appartiennent ou n'appartiennent pas à l'auteur du crime, sera puni de mort. »

Quand la maison est habitée ou sert à l'habitation, il y a présomption que l'incendie s'attaque à la vie de l'homme et non pas seulement à la propriété ; il est considéré comme un moyen d'assassinat. Cependant la loi n'exige point qu'il y ait une relation directe entre la volonté et le résultat de l'incendie; elle n'exige point, comme dans le meurtre, que l'agent ait eu la volonté de tuer; elle exige seulement qu'il ait eu l'intention d'incendier une maison habitée; elle fait peser sur lui la responsabilité des résultats possibles de l'incendie. Les deux éléments du crime sont donc d'abord la volonté de mettre le feu, ensuite le fait de mettre le feu à l'un des objets énumérés par la loi. Mais la condition générale qui s'applique à tous ces objets, est qu'ils consistent dans des lieux habités ou servant à l'habitation.

Faut-il comprendre dans les lieux servant à l'habitation, non-seulement les lieux habités, mais leurs dépendances? La jurisprudence a résolu affirmativement cette question. La peine est la même, soit que les objets incendiés appartiennent ou n'appartiennent pas à l'auteur du crime, parce que la loi, dans cette première disposition, a surtout voulu protéger la vie de l'homme.

par d'autres moyens que l'incendie (Art. 337); enfin de mort, pour destruction, en présence de l'ennemi, des moyens de défense, ou d'un matériel de guerre, en tout ou partie (Art. 338). Ces sévérités extrêmes ont paru nécessaires sans dépasser les droits du législateur, parce qu'il n'y a rien de plus important, pour une nation, que les choses essentielles à sa sûreté intérieure et extérieure. Toutes les destructions punies comme crime par les dispositions ci-dessus, lorsqu'il y a volonté de nuire, sont d'une excessive gravité, au double point de vue de la justice morale et de la sécurité publique : car elles impliquent ou malveillance extrême, ou trahison envers le pays, et sont des plus dangereuses pour les richesses nationales ainsi que pour la vie des personnes. Ces dispositions ont le caractère de lois territoriales, non pas seulement comme toute loi pénale applicable même aux étrangers qui commettraient dans le pays l'un des crimes prévus, mais aussi en ce sens qu'elles ont pour but la conservation des propriétés situées sur le territoire français ou sur ses dépendances, et de protéger la vie des personnes qui s'y trouvent, soit habitants, soit simples résidents. Celles qui ne sont pas exclusivement émises contre les militaires français, comme loi militaire spéciale, doivent atteindre tous individus, nationaux ou étrangers, militaires ou civils, qui se sont rendus coupables de telles destructions, parce qu'il s'agit de crimes selon toutes les législations et qu'ils ont été commis dans un pays qui les punit. De tels crimes ne sont pas de ceux qui doivent être réputés politiques et comporter atténuation ou amnistic; car leur mobile et leurs effets désastreux, ainsi que les dispositions pénales, en font des crimes communs, considérés comme tels dans les lois de tous pays civilisés. Un seul d'entre eux pourrait profiter du principe, récemment posé, de l'abolition de la peine de mort en matière politique c'est celui de destruction, par incendie ou explosion d'une mine, de certaines propriétés de l'Etat, lequel serait à punir par application de l'article 95 du Code pénal ordinaire. La raison déterminante serait que cette disposition, qui prévoit un tel crime distinctement des autres sur l'incendie et la destruction des édifices, a cu en vue un attentat politique et se trouve au nombre de celles dont la rubrique et la place dans le Code les ont fait modifier par la loi de 1850, appliquant ce principe. Tous les autres crimes de destruction sont, incontestablement, de ceux qu'on appelle communs et dont l'énormité justific les sévérités de la loi pénale, vis-à-vis de tous coupables. » (Tome II, p. 30 et suiv.)

« Sera puni de la même peine quiconque aura volontairement mis le feu, soit à des voitures ou wagons contenant des personnes, soit à des voitures ou wagons ne contenant pas des personnes, mais faisant partie d'un convoi qui en contient. »

Quand les wagons sont remplis de voyageurs, et qu'enchaînés les uns aux autres ils forment ces masses mobiles qui transportent des milliers de personnes, ils peuvent être assimilés aux édifices habités, avec autant de raison que les bateaux et les navires dont parle le paragraphe précédent. Quand ils sont vides ou qu'ils ne contiennent que des marchandises, ils méritent la même protection que les bateaux ou magasins qui ne sont pas habités ou qui ne servent pas à l'habitation.

« Quiconque aura volontairement mis le feu à des édifices, navires, bateaux, magasins, chantiers, lorsqu'ils ne sont ni habités ni servant à l'habitation, ou à des forêts, bois taillis ou récoltes sur pied, lorsque ces objets ne lui appartiennent pas, sera puni de la peine des travaux forcés à perpétuité. »

La gravité de la peine est fondée sur la nature du crime, qui peut produire d'incalculables dommages. Ce qu'il faut remarquer surtout dans ce paragraphe, outre l'élément de la volonté sans lequel il n'y a point de crime, c'est l'énumération restrictive des objets qui s'y trouvent indiqués. Ce n'est qu'à ces objets que la loi a voulu assurer la garantie de la peine qu'elle prononce, à raison du dommage que leur incendie peut occasionner.

« Celui qui, en mettant ou en faisant mettre le feu à l'un des objets énumérés dans le paragraphe précédent et à lui-même appartenant, aura volontairement causé un préjudice quelconque à autrui, sera puni des travaux forcés à temps; sera puni de la même peine celui qui aura mis le feu sur l'ordre du proprié– taire. »

• Quiconque aura volontairement mis le feu, soit à des pailles ou récoltes en tas ou en meules, soit à des bois disposés en tas ou en stères, soit à des voitures ou wagons chargés ou non chargés de marchandises, ou autres objets mobiliers et ne faisant point partie d'un convoi contenant des personnes, si ces objets ne lui appartiennent pas, sera puni des travaux forcés à temps. »

Il faut entendre ici par récoltes tous fruits ou productions utiles de la terre qui, séparés de leurs racines ou de leurs tiges, par le fait du propriétaire ou de celui qui le représente, sont laissés momentanément dans les champs, jusqu'à ce qu'ils soient enlevés et enfermés dans un lieu où ils peuvent être particulièrement surveillés.

• Celui qui, en mettant ou en faisant mettre le feu à l'un des objets énumérés dans le paragraphe précédent et à lui-même appartenant, aura volontairement causé un préjudice quelconque à autrui, sera puni de la reclusion; sera puni de la même peine celui qui aura mis le feu sur l'ordre du propriétaire.

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• Celui qui aura communiqué l'incendie à l'un des objets énumérés dans les précédents paragraphes, en mettant volontairement le feu à des objets quelconques appartenant soit à lui, soit à autrui, et placés de manière à communiquer ledit incendie, sera puni de la même peine que s'il avait directement mis le feu à l'un desdits objets.

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« Dans tous les cas, si l'incendie a occasionné la mort d'une ou de plusieurs per– sonnes se trouvant dans les lieux incendiés au moment où il a éclaté, la peine sera la mort. »

Art. 435. La peine sera la même, d'après les distinctions faites en l'article précédent, contre ceux qui auront détruit, par l'effet d'une mine, des édifices, navires, bateaux, magasins ou chantiers. »

La peine différera donc suivant que les objets détruits appartiendront ou n'appartiendront pas à l'agent, suivant que les lieux seront ou ne seront pas habités, suivant que la mine aura causé tels ou tels effets. Ajoutons qu'il n'y aura point de crime si l'explosion n'a pas eu lieu volontairement.

Quant à la position des questions, en matière de crimes d'incendie prévus par le Code pénal ordinaire, le fait d'incendie volontaire de l'un des objets déterminés par l'article 434 devra former la question principale, et les faits de maison habitée, servant à l'habitation, de dépendance de maison habitée, constitueront des circonstances aggravantes.

ART. 252.

Est puni des travaux forcés à temps tout militaire qui volontairement détruit ou dévaste, par d'autres moyens que l'incendie ou l'explosion d'une mine, des édifices, bâtiments, ouvrages militaires, magasins, chantiers, vaisseaux, navires ou bateaux à l'usage de l'armée.

S'il existe des circonstances atténuantes, la peine est celle de la reclusion, ou même de deux à cinq ans d'emprisonnement, et, en outre, de la destitution, si le coupable est officier.

Cet article prévoit la destruction ou la dévastation, par d'autres moyens que l'incendie ou l'emploi de matières explosives,

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C'est l'article 437 du Code pénal ordinaire, ainsi conçu, qui lui a servi de base:

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Quiconque, volontairement, aura détruit ou renversé, par quelque moyen que ce soit, en tout ou en partie, des édifices, des ponts, digues ou chaussées, ou autres constructions qu'il savait appartenir à autrui, ou causé l'explosion d'une machine à vapeur, sera puni de la reclusion et d'une amende qui ne pourra excéder le quart des restitutions et indemnités, ni être au-dessous de cent francs.

<< S'il y a eu homicide ou blessures, le coupable sera, dans le premier cas, puni de mort, et, dans le second, puni de la peine des travaux forcés à temps. >

La loi pénale ordinaire et l'article 252 du Code de justice militaire, ne déterminent pas les moyens de destruction employés. Ils incriminent et punissent toutes les voies de fait, pourvu qu'elles aient détruit, dévasté ou renversé, pourvu qu'elles aient eu pour but la ruine des édifices, etc., lors même que cette ruine n'aurait été que partielle. Le mot dévastation, qui

s'étend rarement à la totalité de l'édifice ou de l'ouvrage, inséré dans l'article 252 du Code de 1857, montre que le législateur militaire a eu également en vue la destruction ou la dévastation partielle.

M. Foucher recommande de poser les questions relatives au crime prévu par l'article 252 dans des termes analogues à celles qui concernent le crime que réprime l'article 251, parce que ce crime est encore d'une nature spéciale, sui generis (1).

M. Alla demande si le simple bris de carreaux de vitre constitue le fait de dévastation prévu par l'article, ou bien s'il ne constitue que le délit de destruction de clôture prévu par l'article 456 du Code pénal (2).

Jusqu'à ce jour, les conseils de guerre ont admis généralement, et avec raison, suivant nous, cette dernière interprétation, surtout en présence de la gravité de la peine édictée en l'article 252, qui laisse supposer que les dégâts doivent avoir une importance relative.

ART. 253.

Est puni de mort, avec dégradation militaire, tout militaire qui, dans un but coupable, détruit ou fait détruire, en présence de l'ennemi, des moyens de défense, tout ou partie d'un matériel de guerre, des approvisionnements en armes, vivres, munitions, effets de campement, d'équipement ou d'habillement.

La peine est celle de la détention, si le crime n'a pas eu lieu en présence de l'ennemi.

L'article 253 a pour objet la conservation des objets composant le matériel ou les approvisionnements de l'armée, qu'il veut garantir contre les pensées de lâcheté ou de trahison qui peuvent provoquer leur destruction.

Pour être atteint par cet article, il faut avoir détruit ou fait détruire des moyens de défense, tout ou partie d'un matériel de guerre, des approvisionnements en armes, vivres, munitions, des effets de campement, d'équipement ou d'habillement, c'est-à-dire le matériel ou les approvisionnements de l'armée en général (3).

Il faut, de plus, que cette destruction ait eu lieu dans un but coupable et non par nécessité, comme cela peut arriver quelquefois dans une guerre, pour empêcher que le matériel ou les approvisionnements ne tombent entre les mains de l'ennemi ou qu'ils n'embarrassent les mouvements de l'armée.

(4) V. Foucher, Commentaire, p. 844. - Voir, plus haut, l'article 254 et son commentaire. (2) Alla, Manuel pratique des tribunaux militaires, p. 297.-Voici l'article 456 du Code pénal : « Quiconque aura, en tout ou en partie, comblé des fossés, détruit des clôtures, de quelques maté riaux qu'elles soient faites, coupé ou arraché des haies vives ou sèches; quiconque aura déplacé o supprimé des bornes ou pieds corniers, ou autres arbres plantés ou reconnus pour établir les limites entre différents héritages, sera puni d'un emprisonnement qui ne pourra être au-dessous d'un mois ni excéder une année, et d'une amende égale au quart des restitutions et des dommagesintérêts, qui, dans aucun cas, ne pourra être au-dessous de cinquante francs. >>

(3) Il ne s'agit pas ici de la destruction d'un objet isolé d'armement ou d'équipement. — Voir, plus loin, l'article 254 et son commentaire.

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