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CHAPITRE III.

Dispositions communes aux deux chapitres précédents.

ART. 42.

Lorsque des armées, corps d'armée ou divisions actives sont formés dans les divisions territoriales, les conseils permanents de guerre et de révision qui s'y trouvent déjà organisés, connaissent de toutes les affaires de la compétence des conseils de guerre et de révision aux armées, tant que des conseils d'armée n'ont pas été créés conformément aux chapitres I et II du présent titre.

Les troupes peuvent être formées en armée, corps d'armée ou divisions, durant la paix ou sur le territoire français. Dans cette condition, il est inutile de recourir aux dispositions que les articles précédents spécifient pour des circonstances exceptionnelles. Les tribunaux militaires permanents suffisent à tous les besoins.

Cet article présente aujourd'hui une importance plus grande, une application plus fréquente qu'au moment où la loi a été votée. La formation en corps d'armée permanents a, en effet, été adoptée comme base d'une mobilisation plus rapide.

CHAPITRE IV.

Des conseils de guerre dans les communes, les départements et les places de guerre en état de siége.

ART. 43.

Lorsqu'une ou plusieurs communes, un ou plusieurs départements ont été déclarés en état de siége, les conseils de guerre permanents des divisions territoriales dont font partie ces communes ou ces départements, indépendamment de leurs attributions ordinaires, statuent sur les crimes et délits dont la connaissance leur est déférée par le présent Code et par les lois sur l'état de siége.

Le siége de ces conseils peut être transféré, par décret impérial, dans l'une de ces communes ou dans l'un de ces départements.

Il s'agit ici de l'état de siége qui peut être déclaré dans les parties du territoire en dehors des places de guerre (1).

L'article 66 de l'Acte additionnel qux Constitutions de l'Empire portait

(4) Pour les places de guerre, voir l'article suivant.

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qu'aucune place, aucune partie du territoire, ne pourrait être déclarée en état de siége, que dans le cas d'invasion de la part d'une force étrangère ou de troubles civils. Dans le premier cas, la déclaration devait être faite par un acte du gouvernement; dans le second cas, elle ne pouvait l'être que par la loi. Toutefois si, le cas arrivant, les Chambres n'étaient pas assemblées, l'acte du gouvernement déclarant l'état de siége devait être converti en une proposition de loi dans les quinze premiers jours de la réunion des Chambres. La Constitution du 4 novembre 1848 s'est bornée à dire (art. 106) qu'une loi déterminera les cas dans lesquels l'état de siége pourra être déclaré, et réglera les formes et les effets de cette mesure. Cette loi a été celle du 9 août 1849 (1). Conformément à ces dispositions, l'Assemblée nationale pouvait seule déclarer l'état de siége. Dans le cas de prorogation de

(1) Voici le texte de la loi du 9 août 1849, sur l'état de siége :

CHAPITRE PREMIER.

-

Des cas où l'état de siége peut être déclaré.

ART. 1r. L'état de siége ne peut être déclaré qu'en cas de péril imminent pour la sécurité intérieure ou extérieure.

CHAPITRE II. - Des formes de la déclaration de l'état de siége.

2. L'Assemblée nationale peut seule déclarer l'état de siége, sauf les exceptions ci-après. — La déclaration de l'état de siége désigne les communes, les arrondissements ou départements auxquels il s'applique et pourra être étendu.

3. Dans le cas de prorogation de l'Assemblée nationale, le président de la République peut déclarer l'état de siége, de l'avis du conseil des ministres. Le président, lorsqu'il a déclaré l'état de siége, doit immédiatement en informer la commission instituée en vertu de l'article 32 de la Constitution, et, selon la gravité des circonstances, convoquer l'Assemblée nationale. La prorogation de l'Assemblée cesse de plein droit lorsque Paris est déclaré en état de siége. L'Assemblée nationale, dès qu'elle est réunie, maintient ou lève l'état de siége. 4. Dans les colonies françaises, la déclaration de l'état de siége est faite par le gouverneur de la colonie. Il doit en rendre compte immédiatement au gouvernement.

5. Dans les places de guerre et postes militaires, soit de la frontière, soit de l'intérieur, la déclaration de l'état de siége peut être faite par le commandant militaire, dans les cas prévus par la loi du 10 juillet 1794 et par le décret du 24 décembre 1814. Le commandant en rend compte immédiatement au gouvernement.

6. Dans le cas des deux articles précédents, si le président de la République ne croit pas devoir lever l'état de siége, il en propose sans délai le maintien à l'Assemblée nationale.

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7. Aussitôt l'état de siége déclaré, les pouvoirs dont l'autorité civile était revêtue pour le maintien de l'ordre et de la police passent tout entiers à l'autorité militaire. L'autorité civile continue néanmoins à exercer ceux de ces pouvoirs dont l'autorité militaire ne l'a pas dessaisie.

8. Les tribunaux militaires peuvent être saisis de la connaissance des crimes et délits contre la sûreté de la République, contre la Constitution, contre l'ordre et la paix publique, quelle que soit la qualité des auteurs principaux et des complices.

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9. L'autorité militaire a le droit: -4° De faire des perquisitions, de jour et de nuit, dans le domicile des citoyens; 2o D'éloigner les repris de justice et les individus qui n'ont pas leur domicile dans les lieux soumis à l'état de siége; 3° D'ordonner la remise des armes et munitions, et de procéder à leur recherche et à leur enlèvement; -4° D'interdire les publications et les réunions qu'elle juge de nature à exciter ou à entretenir le désordre.

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10. Dans les lieux énoncés en l'article 5, les effets de l'état de siége continuent, en outre, en cas de guerre étrangère, à être déterminés par les dispositions de la loi du 10 juillet 1794 et du décret du 24 décembre 1811.

14. Les citoyens continuent, nonobstant l'état de siége, à exercer tous ceux des droits garantis par la Constitution dont la jouissance n'est pas suspendue en vertu des articles précédents.

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12. L'Assemblée nationale a seule le droit de lever l'état de siége, lorsqu'il a été déclaré ou maintenu par elle. Néanmoins, en cas de prorogation, ce droit appartiendra au président de la République. - L'état de siége, déclaré conformément aux articles 3, 4 et 5, peut être levé par le président de la République, tant qu'il n'a pas été maintenu par l'Assemblée nationale. - L'état de siége, déclaré conformément à l'article 4, pourra être levé par les gouverneurs des colonies, aussitôt qu'ils croiront la tranquillité suffisamment rétablie.

13. Après la levée de l'état de siége, les tribunaux militaires continuent de connaître des crimes et délits dont la poursuite leur avait été déférée.

l'Assemblée, le Président de la République pouvait le déclarer, de l'avis du conseil des ministres, mais à la condition d'en informer immédiatement la commission parlementaire, et, selon la gravité des circonstances, de convoquer l'Assemblée nationale (Art. 2 et 3). Dans les places de guerre et postes militaires, la déclaration de l'état de siége pouvait être faite par le commandant militaire, à la charge d'en rendre compte immédiatement au gouvernement (Art. 5). La Constitution de 1852 conférait au chef de l'État le droit de déclarer l'état de siége dans un ou plusieurs départements, sauf à en référer au Sénat dans le plus court délai. Le Sénat pouvait annuler la déclaration. Le pouvoir de l'Empereur est passé au Gouvernement de la Défense nationale. Le droit de déclarer l'état de siége a appartenu, depuis, au Président provisoire de la République, sous le contrôle de l'Assemblée nationale (1).

Quand une circonscription territoriale une ou plusieurs communes, un ou plusieurs départements a été déclarée en état de siége, les conseils de guerre permanents de la division territoriale dont font partie les communes ou les départements déclarés en état de siége, deviennent, de plein droit, compétents pour connaître de tous crimes ou délits dont la connaissance leur est déférée par la loi militaire et par la loi sur l'état de siége (2). C'est pour rendre plus prompte et plus efficace leur action, que leur siége peut être transféré par décret dans l'une de ces communes ou dans l'un de ces départements.

Il y a plusieurs remarques à faire, à propos de cet article 43:

1. Les conseils de guerre permanents des divisions territoriales cessent d'avoir juridiction dans le rayon de l'armée, partout où s'établissent, et aussi longtemps que subsistent les conseils d'armée. Ces derniers sont seuls compétents dans l'arrondissement de l'armée active (3);

2o Même après la levée de l'état de siége, les tribunaux militaires continuent de connaître des crimes et délits dont la poursuite leur avait été déférée (4);

3o L'état de siége est un fait préexistant à la déclaration qui le constitue : d'où la conséquence que les crimes et délits même antérieurs à cette décla

(1) Voir Pradier-Fodéré, Précis de droit administratif, 7o édition, 1872, p. 346 et suiv. - Les dispositions de la loi du 10 juillet 1794 et du décret du 24 décembre 4844, auxquelles il est fait allusion dans la loi de 4849, sont les suivantes :

L'article 14 du titre Ier de la loi du 40 juillet 1794, porte que « les places de guerre et postes militaires seront en état de siége, non-seulement dès l'instant que les attaques seront commencées, mais même aussitôt que, par l'effet de leur investissement par des troupes ennemies, les communications du dehors au dedans et du dedans au dehors seront interceptées à la distance de dix-huit cents toises des crêtes des chemins couverts. L'état de siége, - ajoute l'article 12,-ne cessera que lorsque l'investissement sera rompu, et, dans le cas où les attaques auraient été commencées, qu'après que les travaux des assiégeants auront été détruits, et que les brèches auront été réparées et mises en état de défense. » Aux termes de l'article 53 du décret du 24 décembre 1814, « l'état de siége est déterminé par un décret de l'Empereur, ou par l'investissement, ou par une attaque de vive force, ou par une surprise, ou par une sédition intérieure, ou enfin par des rassemblements formés dans le rayon d'investissement, sans l'autorisation des magistrats. Dans le cas d'une attaque régulière, l'état de siége ne cesse qu'après que les travaux de l'ennemi ont été détruits et les brèches mises en état de défense. Dans ces différents cas, les fonctions et les obligations des commandants d'armes sont soumises aux règles établies ci-après..... >>

(2) Voir, plus loin, le texte de l'article 70 et son commentaire.

(3) L'article 43 doit être combiné avec les articles 33 et suivants. (Voir aussi l'article 64 et son commentaire).

(4) Article 13 de la loi du 9 août 1849 sur l'état de siége.

ration, doivent tomber sous le coup de la juridiction militaire qui se substi tue aux tribunaux ordinaires (1).

Ces deux dernières règles sont fondées sur les inconvénients qu'il y aurait à laisser statuer de manière différente, et avec des conséquences légales distinctes, sur des crimes identiques commis dans les mêmes circonstances et inspirés par les mêmes passions (2).

ART. 44.

Il est établi deux conseils de guerre dans toute place de guerre en état de siége.

La formation de ces conseils est mise à l'ordre du jour de la place. Leurs fonctions cessent dès que l'état de siége est levé, sauf en ce qui concerne le jugement des crimes et délits dont la poursuite leur a été déférée.

Les places de guerre en état de siége étant fermées et devant pouvoir se suffire à elles-mêmes, chacune d'elles devra être pourvue de deux conseils, afin qu'il y ait toujours un conseil pour connaître des affaires jugées par l'autre et annulées par le conseil de révision (3).

Bien que les simples postes militaires puissent être déclarés en état de siége séparément des villes ou des places, ils ne sauraient comporter l'établissement des juridictions spéciales autorisées par cet article. Elles y seraient, en effet, organisées d'une manière insuffisante.

Il n'y a de places de guerre ou de postes militaires constitués, que les localités déclarées telles par la loi et classées dans des tableaux spéciaux. L'article 44 doit être combiné avec l'article 50 (4).

ART. 45.

Les membres des conseils de guerre établis dans les places de guerre en état de siége sont nommés et remplacés par le gouverneur ou le commandant supérieur de la place, qui, à défaut de militaires en activité, peut les prendre parmi les officiers et les sous-officiers en non-activité, en congé ou en retraite. Dans ce cas, ils prêtent, entre les

(4) Jurisprudence de la Cour de cassation. (2) V. Foucher, Commentaire, p. 117. Dans les places en état de siége, les conseils de guerre prussiens sont composés de cinq membres, deux juges civils, désignés par le président du tribunal civil, et trois officiers désignés par le commandant militaire de la localité. Les officiers doivent être au moins du grade de capitaine; en cas d'insuffisance d'officiers de ce grade, il y est suppléé par d'autres du grade immédiatement inférieur.

Si une place investie est privée de juges civils, le commandant militaire les remplace par des membres du conseil municipal. En l'absence de tout juge civil, un auditeur est nommé membre civil du conseil de guerre.

(3) Voir, pour la mise en état de siége des places de guerre, les articles 44 et 12, titre Ier, de la loi du 10 juillet 1794, l'article 53 du décret du 24 décembre 1814 et l'article 5 de la loi du 9 août 1849, reproduits plus haut dans les notes du commentaire de l'article précédent. Tandis que, dans les parties du territoire autres que les places de guerre, l'état de siége ne doit résulter que d'un décret, dans les places de guerre il peut résulter d'un fait matériel qui saisit immédiatement de pouvoirs exceptionnels le gouverneur de la place. Voir plus loin l'article 70 et son commentaire.

(4) Voir, plus loin, le texte de cet article et son commentaire.

mains du commandant supérieur, le serment prescrit par l'article 25 du présent Code.

S'il ne se trouve pas dans la place un nombre suffisant d'officiers des grades exigés pour la formation des conseils, il y est suppléé par des officiers et sous-officiers des grades inférieurs les plus rapprochés.

Les conseils établis dans les places de guerre en état de siége ne peuvent être astreints aux formalités ordinaires, car le feu de l'ennemi, la maladie éclaircissent à chaque instant les rangs des défenseurs; en outre tous les combattants sont nécessaires, et y il aurait quelque chose d'excessif à priver des officiers de l'honneur de commander leurs soldats. De là cette disposition de l'article 45 qui reconnaît au commandant de la place le droit de prendre les juges parmi les officiers et sous-officiers en nonactivité, en congé ou en retraite, parmi les non-combattants, en un mot. Il va de soi que le gouverneur est seul juge de l'utilité d'adopter cette mesure si la place qu'il commande contient beaucoup d'officiers, sa résolution ne sera pas la même que si le nombre des défenseurs est trèsrestreint.

Les officiers en réforme ne peuvent être admis à faire partie du conseil, cette position étant la conséquence d'infirmités incurables ou de mesures disciplinaires.

Avant de descendre au grade inférieur, le gouverneur ou commandant supérieur de la place devra épuiser les officiers du grade requis en non-activité, en congé ou en retraite.

ART. 46.

Les articles 3, 4, 5, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 22, 23 et 24 du présent Code sont applicables aux conseils de guerre établis dans les places de guerre en état de siége.

Les articles auxquels il est renvoyé sont applicables aux conseils de guerre établis dans les places de guerre en état de siége, sauf les dérogations qui résultent de l'article 45 pour la composition de ces conseils (1).

CHAPITRE V.

Des conseils de révision dans les communes, les départements et les places de guerre en état de siége.

ART. 47.

Lorsqu'une ou plusieurs communes, un ou plusieurs départements ont été déclarés en état de siége, chaque conseil de révision permanent

(4) Voir, plus haut, le texte et le commentaire de ces articles.

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