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de contrainte prévus par les articles 177 et 179 du Code pénal ordinaire. Dans le cas où la corruption ou la contrainte aurait pour objet un fait criminel emportant une peine plus forte que la dégradation militaire, cette peine plus forte est appliquée au coupable.

S'il existe des circonstances atténuantes, le coupable est puni de trois mois à deux ans d'emprisonnement.

Toutefois, si la tentative de contrainte ou de corruption n'a eu aucun effet, la peine est de trois à six mois d'emprisonnement.

<«< Les délits de corruption des fonctionnaires publics, -disait M. Langlais, dans son rapport au Corps législatif, sont, dans le Code pénal, l'objet de pénalités diverses. Le projet prévoit les mêmes délits, quand ils sont commis dans l'ordre militaire. Tout militaire, tout administrateur ou comptable militaire, coupable d'un des faits de corruption prévus par les articles 177 et 179 du Code pénal, est puni de la dégradation militaire, au lieu de la dégradation civique que prononce le Code.

« Le projet dispose, en conformité du même Code (art. 178) (1), que si la corruption ou la contrainte ont pour objet un fait criminel emportant une peine plus forte que la dégradation militaire, cette peine plus forte est appliquée au coupable. Les circonstances atténuantes sont admises. La tentative de contrainte ou de corruption qui n'a aucun effet, est punie de trois mois à six mois d'emprisonnement; c'est encore la reproduction de la disposition du Code pénal (art. 179). »

Les articles 177 et 179 du Code pénal ordinaire sont ainsi conçus : Art. 177. (Ainsi remplacé par la loi du 13 mai 1863.) « Tout fonctionnaire public de l'ordre administratif ou judiciaire, tout agent ou préposé d'une administration publique, qui aura agréé des offres ou promesses, ou reçu des dons ou présents, pour faire un acte de sa fonction ou de son emploi, même juste, mais non sujet à salaire, sera puni de la dégradation civique, et condamné à une amende double de la valeur des promesses agréées ou des choses reçues, sans que ladite amende puisse être inférieure à deux cents francs.

« La présente disposition est applicable à tout fonctionnaire, agent ou préposé, de la qualité ci-dessus exprimée, qui, par offres ou promesses agréées, dons ou présents reçus, se sera abstenu de faire un acte qui entrait dans l'ordre de ses devoirs.

Sera puni de la même peine tout arbitre ou expert nommé soit par le tribunal, soit par les parties, qui aura agréé des offres ou promesses, ou reçu des dons ou présents, pour rendre une décision ou donner une opinion favorable à l'une des parties.

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Art. 179. (Ainsi remplacé par la loi du 13 mai 1863.) « Quiconque aura contraint ou tenté de contraindre par voies de fait ou menaces, corrompu ou tenté de corrompre par promesses, offres, dons ou présents, l'une des personnes de la qualité exprimée en l'article 177, pour obtenir soit une opinion favorable, soit des procès-verbaux, états, certificats ou estimations contraires à la

(4) CODE PÉNAL. Art. 178. « Dans le cas où la corruption aurait pour objet un fait criminel em portant une peine plus forte que celle de la dégradation civique, cette peine plus forte sera appliquée aux coupables. »

vérité, soit des places, emplois, adjudications, entreprises ou autres bénéfices quelconques, soit tout autre acte du ministère du fonctionnaire, agent ou préposé, soit enfin l'abstention d'un acte qui rentrait dans l'exercice de ses devoirs, sera puni des mêmes peines que la personne corrompue.

Toutefois, si les tentatives de contrainte ou corruption n'ont eu aucun effet, les auteurs de ces tentatives seront simplement punis d'un emprisonnement de trois mois au moins et de six mois, au plus, et d'une amende de cent francs à trois cents francs. >>

L'article 261 du Code de justice militaire modifie les articles 177 et 179 du Code pénal ordinaire sous les trois rapports suivants :

1° Il ne s'applique pas seulement aux fonctionnaires, agents ou préposés d'une administration, et, par conséquent, aux administrateurs ou comptables militaires; il est beaucoup plus étendu : il punit TOUT MILITAIRE

20 Il substitue la dégradation militaire à la dégradation civique; 3o Il supprime l'amende.

Il y a crime de corruption, non-seulement dans le cas où l'acte dont un fonctionnaire s'est abstenu moyennant argent entrait légalement dans l'ordre de ses devoirs, mais aussi dans celui où le fonctionnaire croyait, simulait ou prétendait faussement qu'il était de son devoir de faire l'acte dont il s'est ainsi abstenu. Dans l'un et l'autre cas, en effet, le fonctionnaire abuse de son caractère.

Le capitaine commandant de dépôt de recrutement, bien que ne faisant pas partie du conseil de révision, est un auxiliaire indispensable de ce conseil, auquel il est appelé à fournir des indications sur la taille et l'aptitude militaire des jeunes gens, et doit, en cette qualité, être considéré comme le préposé d'une administration publique, dans le sens de l'article 177 du Code pénal. Dès lors, le fait d'un jeune homme, appelé devant le conseil de révision, d'avoir offert de l'argent à cet officier pour qu'il abuse de ses fonctions auprès de ce conseil à l'effet de le faire réformer, constitue une tentative de corruption, alors même que, par erreur, et surabondamment, il aurait indiqué audit officier un moyen de réforme, — la faiblesse de complexion, par exemple, — autre que ceux qu'il est en position de faire valoir. Et le délit n'est pas couvert par la circonstance que le conscrit a été régulièrement reconnu par le conseil de révision inapte au service militaire, pour une cause autre que celle qu'il cherchait abusivement à faire admettre. Le préjudice dont la loi s'est préoccupé, c'est la démoralisation même du fonctionnaire; et, à ce point de vue, il n'y a aucun compte à tenir de ce que l'acte demandé, abusif ou non, serait ou ne serait pas nécessaire à l'auteur des offres, si d'ailleurs c'est bien un acte rentrant dans les fonctions de celui auquel ces offres sont adressées (1).

Le membre de phrase souligné dans l'article 179 énonce une modification importante apportée au texte du Code pénal par la loi du 13 mai 1863. Le but de cette modification est de traiter le corrupteur à l'égal du corrompu, et de leur faire à tous deux la même situation. L'article 177 du Code pénal déclare coupable non-seulement le fonctionnaire qui agit, mais aussi celui

(4) Cour de Nancy, 34 mai 1869, affaire Nicolas. Dalloz P., 1869, 2, p. 245 et suiv.

qui s'abstient par corruption. L'article 179 du texte de 1810 n'avait pas de disposition dans ce dernier cas, - le cas de l'abstention par corruption, contre le corrupteur. On a vu, en 1863, dans son silence sur ce point, une lacune qu'on a voulu remplir. Ainsi deviendrait absolument exacte, s'il était permis de s'écarter des termes mêmes du texte, en matière pénale, la parole de M. le général Allard, dans l'Exposé des motifs du Code de justice militaire : ...... Ces peines sont définies et prévues par les articles 177 et 179 du Code pénal ordinaire. Dans leur application à la corruption, elles atteignent de la même manière le corrompu et le corrupteur. Les crimes qui, dans cet ordre de faits, s'attaquent au service et à l'administration militaires, peuvent avoir des conséquences si funestes, ils ébranlent tellement l'esprit militaire et la confiance que le soldat doit avoir en ses chefs, qu'ils ne sauraient être punis avec trop de sévérité. »

Il n'y a pas de doute que l'assimilation complète du corrompu et du corrupteur, pour le cas d'action et celui d'abstention par corruption, était dans l'esprit de législateur de 1857; mais la modification nécessaire réalisée en 1863 attend un texte formel pour être appliquée à la législation militaire. Il faut remarquer que l'article 179 du Code pénal s'exprime en termes généraux il comprend tous les actes émanés du fonctionnaire corrompu, sans distinguer ceux qui sont justes en eux-mêmes de ceux qui auraient pour but de favoriser et de consacrer une injustice; les actes, même justes, sont nécessairement compris dans la généralité de ses expressions (1). Le corrupteur est donc punissable alors même que l'acte qu'il sollicite du fonctionnaire est juste; et la nécessité que l'acte soit injuste n'est pas plus exigée à l'égard du corrupteur qu'à l'égard du fonctionnaire corrompu, que l'article 177 du Code pénal déclare formellement punissable, même dans le cas où il s'agit d'un acte juste.

Le fait de tenter de corrompre un fonctionnaire, dans le but d'obtenir de lui qu'il atténue des faits qu'il est chargé de constater, tombe sous le coup de l'article 179 (2).

Il a été jugé par la Cour de Nîmes, qu'on doit considérer les gendarmes comme agents ou préposés d'une administration publique, dans le sens des articles 177 et 179 (3).

La Cour de cassation (chambre criminelle) a jugé que le fait d'avoir provoqué un sous-officier chargé par l'officier d'armement de faire fabriquer des cartouches par les soldats placés sous ses ordres, à détruire une partie des poudres à lui confiées pour en disposer à prix d'argent, tombe sous l'application de l'article 179, § 2, du Code pénal (4).

Le fait d'avoir, par des promesses, dons ou présents, corrompu un fonctionnaire, agent ou préposé d'une administration publique, constitue un crime spécial prévu par l'article 179, et non un fait de complicité du crime prévu par l'article 177 du même Code (5).

Les articles du Code pénal applicables à la complicité resteront toutefois

(4) Cass. crim., 30 septembre 1833, affaire Arnaud. Dalloz P., 1853, 5, p. 444.

(2) Cass. crim., 22 février 1855, affaire Bourilland.

(3) Cour de Nimes, 27 décembre 1852, affaire Pagnol. Dalloz P., 1833, 2, p. 408.
(4) Cass. crim., 15 octobre 1854, affaire Balmès. Dalloz, P., 4883, 5, p. 445.
(5) Cour de Bourges, 34 juillet 4846, affaire Conturon. Dalloz P., 1847, 2, p. 46.

applicables aux individus qui se rendraient spécialement complices soit du crime prévu par l'article 177, soit du crime et du délit qui sont l'objet de l'article 179. M. V. Foucher fait remarquer que ces distinctions sont importantes à observer dans l'exécution du Code militaire, par l'influence qu'elles doivent avoir sur la compétence des juridictions, puisqu'il en résulte que le militaire accusé du crime prévu par l'article 177 restera justiciable des conseils de guerre, et que l'individu non militaire qui aurait corrompu ou tenté de corrompre le militaire, dans les termes de l'article 179, sera justiciable des tribunaux ordinaires (1).

M. Foucher remarque également que l'article 261 du Code de 1857 ne vise pas l'article 180 du Code pénal, qui veut qu'il ne soit jamais fait au corrupteur restitution des choses par lui livrées ni de leur valeur, et qu'au contraire elles soient confisquées au profit des hospices des lieux où la corruption aura été commise (2). « Mais, dit-il, comme les articles 53 et 139 (3) du Code militaire sont des dispositions générales qui prescrivent aux conseils de guerre de prononcer, dans les cas prévus par la loi, la confiscation des objets saisis et la restitution, soit au profit de l'État, soit au profit des propriétaires, de tous objets saisis ou produits au procès comme pièces à conviction, il paraît en résulter l'obligation pour les conseils de guerre d'ordonner la confiscation des choses livrées pour corrompre le fonctionnaire, toutes les fois que ces choses ont été mises sous la main de la justice. Le devoir des rapporteurs est donc de tâcher d'en opérer la saisie dans le cours de l'instruction, lorsqu'elles ne lui ont pas été remises par le fonctionnaire qui les avait reçues. Quant aux restitutions, elles sont de droit, et il y a lieu de les prononcer non-seulement dans ce cas, mais aussi dans ceux prévus par les articles 262, 263, 264 et 265 du Code militaire (4). »

ART. 262.

Est puni d'un an à quatre ans d'emprisonnement tout médecin militaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, et pour favoriser quelqu'un, certifie faussement ou dissimule l'existence de maladies ou infirmités. Il peut, en outre, être puni de la destitution.

S'il a été mû par des dons ou promesses, il est puni de la dégradation militaire. Les corrupteurs sont, en ce cas, punis de la même peine (5).

(4) V. Foucher, Commentaire, p. 844.

(2) CODE PÉNAL. Art. 180. « Il ne sera jamais fait au corrupteur restitution des choses par lui livrées, ni de leur valeur : elles seront confisquées au profit des hospices des lieux où la corruption aura été commise. »>

(3) Voir, plus haut, les articles 53 et 439, avec leur commentaire.

(4) Voir, plus haut, ces articles et leur commentaire. - V. Foucher, Commentaire, p. 841

et 842.

(5) DÉCRET DU 8 FRUCTIDOR AN XIII. Art. 60. « Conformément à la loi du 28 nivôse an vII, tout docteur en médecine ou en chirurgie, tout officier de santé, tout agent de l'administration civile, tout officier ou sous-officier de l'armée, convaincu d'avoir attesté à faux des infirmités ou des incapacités, ou d'avoir, à raison de leurs visites ou fonctions, reçu des présents ou gratifications, soit avant, soit après, seront punis, par voie de police correctionnelle, d'une peine qui ne pourra être moindre d'une année d'emprisonnement, ni excéder deux ans, et, en outre, d'une amende qui ne pourra être moindre de trois cents francs, ni excéder mille francs. Ils seront en

La disposition de cet article est générale. Elle s'applique à tous les actes des médecins MILITAIRES ayant pour objet de certifier faussement ou de dissimuler l'existence de maladies ou d'infirmités, que ces actes aient lieu en matière de recrutement, de réforme, de congé, ou pour tout autre motif, et que ces opinions soient exprimées par écrit ou verbalement. Celui que la loi punit, ce n'est pas le médecin qui donne un certificat par écrit : c'est le médecin qui certifie, n'importe comment, verbalement ou par écrit. En ce qui concerne la pénalité, il y a la distinction suivante à faire:

1o Le médecin n'a-t-il été que complaisant, mais sans avoir été mû par des dons ou promesses?.

(Manquement au devoir professionnel.)

Sa faute est un DÉLIT.

(Un an à quatre ans d'emprisonnement.)

La tentative du fait ne constitue pas un délit.

2o Le médecin a-t-il été mû par des dons on pro- Sa faute est un CRIME.

messes?

.

(Manquement à la probité.)

(Dégradation militaire.)

Il peut y avoir dans ce cas tentative punissable, selon les circonstances de fait, qui seront appréciées par le conseil de guerre. Ces circonstances constitueront soit le crime prévu par l'article 262, soit celui que prévoit l'article 261 (1).

Le second paragraphe de l'article 262 porte que les corrupteurs, dans le cas où le médecin militaire a été mû par des dons ou promesses, seront punis de la même peine, c'est-à-dire, de la dégradation militaire. M. V. Foucher demande si cette disposition s'applique aux corrupteurs quels qu'ils

outre poursuivis, s'il y avait lieu, pour le remboursement, en faveur des hôpitaux, des présents ou gratifications qu'ils auront reçus. »>

LOI DU 24 MARS 1832. Art. 45. « Les médecins, chirurgiens ou officiers de santé qui, appelés au conseil de révision à l'effet de donner leur avis, conformément à l'article 46, auront reçu des dons ou agréé des promesses, pour être favorables aux jeunes gens qu'ils doivent examiner, seront punis d'un emprisonnement de deux mois à deux ans.

Cette peine leur sera appliquée, soit qu'au moment des dons ou promesses ils aient déjà été désignés pour assister au conseil, soit que les dons ou promesses aient été agréés dans la prévoyance des fonctions qu'ils auraient à y remplir.

Il leur est défendu, sous la même peine, de rien recevoir, même pour une réforme justement prononcée. »>

« Cet article,- dit M. V. Foucher, -spécial aux fraudes en matière de recrutement, ne faisait de la corruption de l'homme de l'art qu'un délit, et laissait, par conséquent, impunie la tentative de la part du corrupteur; c'était une lacune que le Code militaire a comblée par les dispositions de ses articles 262 et 270, qui ont restitué à la loi son véritable but, en permettant d'atteindre aussi bien l'agent qui se laisse corrompre que celui qui le corrompt ou tente de le faire, comme le veulent les articles 477 et 179 du Code pénal, dont la loi du 24 mars 4832 sur le recrutement n'avait pas assez tenu compte.» (Commentaire, p. 843.)

LOI DU 27 JUILLET 1872, SUR LE RECRUTEMENT DE L'ARMÉE. Art. 66. « Les médecins, chirurgiens ou officiers de santé qui, appelés au conseil de révision à l'effet de donner leur avis, conformément aux articles 46, 48 et 28, ont reçu des dons ou agréé des promesses pour être favorables aux jeunes gens qu'ils doivent examiner, sont punis d'un emprisonnement de deux mois à

deux ans.

« Cette peine leur est applicable, soit qu'au moment des dons ou promesses ils aient déjà été désignés pour assister au conseil, soit que les dons ou promesses aient été agréés dans la prévoyance des fonctions qu'ils auraient à y remplir.

«Il leur est défendu, sous la même peine, de rien recevoir, même pour une exemption on réforme justement prononcée. »

Art. 67 (2o paragraphe). « Dans le cas prévu par l'article 66, ceux qui ont fait des dons et promesses sont punis des peines portées par ledit article contre les médecins, chirurgiens ou offieiers de santé. »

(4) Voir, plus haut, l'article 264 et son commentaire.

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