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riser l'exagération des taxes au préjudice des parties. En conséquence, elle punit la perception non de ce que les agents savaient ne leur être pas dû, mais de ce qu'ils savaient n'être pas dû (1).

Tandis que l'article 174 du Code pénal ordinaire distingue entre le cas où la concussion émane d'un fonctionnaire et celui où elle est le fait d'un simple commis ou préposé de fonctionnaire, l'article 263 du Code de justice militaire ne fait aucune distinction. Est puni des travaux forcés à temps tout militaire, tout administrateur ou comptable militaire qui s'est rendu coupable des crimes prévus par l'article 174... Ainsi donc, sauf toujours modération en cas d'admission de circonstances atténuantes, condamnation aux travaux forcés à temps, pour tout concussionnaire, qu'il soit auteur ou complice, quelle que soit sa qualité, pourvu seulement qu'il soit militaire, administrateur ou comptable militaire.

D

Le fait seul de recevoir ce qui n'est pas dû, sans l'exiger, constituant le crime de concussion, un chef de poste qui recevrait un salaire pour mettre en liberté ou pour ne pas arrêter un individu qu'il devrait garder ou arrêter, serait donc concussionnaire; il en serait de même d'un supérieur qui se ferait remettre une somme d'argent pour ne pas infliger de peine à son subordonné; ou d'un geôlier ou concierge qui percevrait un nombre de journées supérieur à celui qui lui serait dû, ou qui réclamerait soit des détenus, soit de l'administration, au delà de ce que prescrivent les règlements.

L'article 175 du Code pénal ordinaire porte que « tout fonctionnaire, tout officier public, tout agent du gouvernement, qui, soit ouvertement, soit par actes simulés, soit par interposition de personnes, aura pris ou reçu quelque intérêt que ce soit dans les actes, adjudications, entreprises ou régies dont il a ou avait, au temps de l'acte, en tout ou en partie, l'administration ou la surveillance, sera puni d'un emprisonnement de six mois au moins et de deux ans au plus, et sera condamné à une amende qui ne pourra excéder le quart des restitutions et des indemnités, ni être au-dessous du douzième.

Il sera de plus déclaré à jamais incapable d'exercer aucune fonction publique.

« La présente disposition est applicable à tout fonctionnaire ou agent du gouvernement qui aura pris un intérêt quelconque dans une affaire dont il était chargé d'ordonnancer le paiement ou de faire la liquidation. »

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Cet article punit l'immixtion des fonctionnaires dans les entreprises ou affaires qu'ils sont chargés de surveiller. Il considère qu'il y a abus de pouvoir dans le seul fait de cette immixtion, quel qu'ait été son résultat. Le délit, car, d'après le Code pénal ordinaire, c'est un délit, réside tout entier dans le fait du fonctionnaire d'avoir pris un intérêt quelconque dans les entreprises dont il avait la surveillance, ou dans les affaires qu'il était chargé d'ordonnancer ou de liquider. C'est cet intérêt pris qui constitue l'abus de pouvoir, l'abus de la confiance publique, car, par qui l'intérêt public sera-t-il garanti, s'il ose y associer le sien? Il trahit la confiance de l'État dans son intérêt privé. C'est le seul fait de la participation du fonctionnaire que la loi punit, parce que cette participation, même isolée de toute pensée frauduleuse, est non-seulement une violation du devoir du fonction

(4) Boitard, Leçons sur les Codes pénal et d'instruction criminelle, édition 4863, p. 272.

naire, mais encore une violation pleine de périls, puisqu'elle conduit par une pente rapide soit au monopole, soit à l'injustice.

L'article 263 du Code de justice militaire punit cette immixtion des travaux forcés à temps, sauf toujours la modération dans le cas d'admission de circonstances atténuantes, et pourvu que le coupable soit militaire, administrateur ou comptable militaire.

M. Foucher fait remarquer que, pour que ce crime soit constitué, il faut que l'intérêt existe au moment où s'exerce l'action du fonctionnaire ou de l'agent ; car, si cet intérêt, existant antérieurement, avait cessé à l'instant où l'agent a eu à administrer ou à surveiller l'entreprise, la régie ou l'adjudication, ou avant que par ses fonctions il ne dût être chargé d'en ordonnancer le paiement ou de la liquider, on ne pourrait voir un crime dans un intérêt pris dans de semblables conditions. Il en serait de même si l'intérêt n'avait été pris qu'après que l'action du fonctionnaire aurait cessé d'exister, alors que ses nouvelles fonctions n'y feraient pas obstacle (1).

ART. 264.

Tout militaire, tout administrateur ou comptable militaire, qui, hors les cas prévus par l'article précédent, trafique, à son profit, des fonds ou des deniers appartenant à l'État ou à des militaires, est puni d'un emprisonnement de un an à cinq ans.

« Le projet, — disait M. Langlais, dans son rapport, —— prévoit la prévarication du militaire, de l'administrateur ou comptable militaire qui, hors les cas de soustraction et de concussion, réprimés par les dispositions précédentes, trafique, à son profit, des fonds ou des deniers appartenant à l'État ou à des militaires; il prononce la peine d'un an à cinq ans d'emprisonnement. La loi du 12 mai 1793 (Art. 22 et 23, Titre 1, section iv), et celle du 21 brumaire an v (Art. 2, Titre VII), étaient plus rigoureuses. >

Il s'agit spécialement, dans cet article, du trafic fait par un militaire, un administrateur ou un comptable militaires, de fonds, de deniers, de billets de banque, de mandats, d'effets actifs, de bons du Trésor, qu'il détient, en y substituant des monnaies, des deniers ou des titres différents qui, ayant bien la valeur nominale de ceux qui lui ont été remis, n'ont pas cependant le même cours. Le délit résulterait du placement, même momentané, au profit du comptable ou de l'administrateur, des fonds ou deniers qui lui sont remis, à moins qu'il n'y soit autorisé par les règlements; car ce placement peut porter préjudice soit à l'État, soit aux militaires auxquels les fonds ou les deniers appartiennent, en compromettant leur disponibilité et quelquefois le capital. Ce que la loi militaire a voulu, c'est que l'argent ou les valeurs remises à un militaire, ou à un administrateur, ou à un comptable, et qui appartiennent à l'État ou à des militaires, fussent entre ses mains un dépôt dont il ne pût faire d'autre usage que celui que les règlements leur destinent (2). Pour qu'il y ait lieu d'appliquer l'article 264, il faut que le coupable soit

(1) Commentaire, p. 860.

(2) V. Foucher, Commentaire, p. 860 et 864.

un militaire ou un administrateur militaire, ou un comptable militaire ; il faut, de plus, qu'il ait trafiqué, et que ce trafic ait été fait à son profit. Cette dernière circonstance sera l'un des éléments de la question principale de culpabilité à soumettre au conseil de guerre.

ART. 265.

Est puni de la reclusion tout militaire, tout administrateur ou comptable militaire qui falsifie ou fait falsifier des substances, matières, denrées ou liquides confiés à sa garde ou placés sous sa surveillance, ou qui, sciemment, distribue ou fait distribuer lesdites substances, matières, denrées ou liquides falsifiés.

La peine de la reclusion est également prononcée contre tout militaire, tout administrateur ou comptable militaire qui, dans un but coupable, distribue ou fait distribuer des viandes provenant d'animaux atteints de maladies contagieuses, ou des matières, substances, denrées ou liquides corrompus ou gâtés.

S'il existe des circonstances atténuantes, la peine de la reclusion est réduite à celle de l'emprisonnement d'un an à cinq ans, avec destitution si le coupable est officier (1).

(4) LOI DU 24 BRUMAIRE AN V, TITRE VII. Art. 5. « Tout munitionnaire ou boulanger de l'armée qui sera convaincu d'avoir altéré ses farines par l'introduction de matières étrangères ou évidemment malfaisantes, ou d'en avoir introduit d'une qualité inférieure à celle fournie par les administrations, sera puni de cinq ans de fers. »

Art. 7. « Tout munitionnaire ou boulanger de l'armée convaincu d'infidélité dans le poids des rations de pain sera puni de deux ans de fers, et condamné à une amende quadruple du prix des rations de pain par lui fournies dans la même distribution. »

Art. 8. a Tout munitionnaire chargé de la fourniture et distribution de la viande aux armées, convaincu d'avoir fourni et distribué des viandes dont le débit est prohibé par les règlements de police, sera puni de trois ans de fers.

«S'il a abattu et débité des animaux attaqués de maladies contagieuses, il sera pani de vingt ans de fers.

«Dans l'un et l'autre cas, il sera condamné au remplacement des viandes réprouvées. » Art. 9. Tout munitionnaire chargé de la fourniture et distribution de la viande aux armées, qui aura débité et distribué des viandes gâtées ou corrompues, sera puni de trois mois de prison, et de six mois si le fait provient de sa négligence. Dans l'un et l'autre cas, il sera condamné au remplacement, à ses frais, de la viande réprouvée. »>

Art. 10. « Tout munitionnaire chargé de la fourniture et distribution de la viande aux armées, qui sera convaincu d'avoir distribué à faux poids, sera puni de deux ans de fers et condamné à une amende quadruple du prix des viandes par lui débitées dans la même distribution. »

Art. 44. Tout munitionnaire de légumes et fourrages, qui sera convaincu d'avoir, par défaut de soin, laissé gâter ou avarier ces objets, sera puni de six mois de prison et condamné au remplacement des quantités dépéries par sa faute. »

Art. 12. a Tout distributeur de légumes ou fourrages, à l'armée et dans les places en état de siége, convaincu d'infidélité dans la mesure ou dans le poids des rations, sera puni de deux ans de fers. »

CODE PÉNAL. Art. 423. « Quiconque aura trompé l'acheteur sur le titre des matières d'or ou d'argent, sur la qualité d'une pierre fausse vendue pour fine, sur la nature de toutes marchandises; quiconque, par usage de faux poids et de fausses mesures, aura trompé sur la quantité des choses vendues, sera puni de l'emprisonnement pendant trois mois au moins, un an au plus, et d'une amende qui ne pourra excéder le quart des restitutions et dommages-intérêts, ni être audessous de cinquante francs.

« Les objets du délit, ou leur valeur, s'ils appartiennent encore au vendeur, seront confisqués; les faux poids et les fausses mesures seront aussi confisqués, et de plus seront brisés.

Le tribunal pourra ordonner l'affiche du jugement dans les lieux qu'il désignera, et son insertion intégrale ou par extrait dans tous les journaux qu'il désignera, le tout aux frais du condamné. »

Art. 433. « Quoique le service n'ait pas manqué, si, par négligence, les livraisons et les travaux ont été retardés, ou s'il y a eu fraude sur la nature, la qualité ou la quantité des travaux ou

M. le général Allard s'exprimait ainsi dans l'Exposé des motifs :

‹ Parmi ces crimes, il faut surtout distinguer ceux qui touchent à l'alimentation du soldat, tels que la falsification des denrées et la distribution des substances corrompues ou gâtées. Ces abominables crimes, dont les effets sont d'altérer la santé des troupes et de les rendre incapables de résister aux fatigues et aux privations qui leur sont imposées, sont le plus souvent commis, en temps de guerre, parce que les coupables opèrent alors sur des masses d'hommes et que les profits qu'ils ont en vue sont plus considérables. Comptant dans des moments difficiles sur une surveillance moins active et sur un désordre qu'ils favorisent au besoin, ils se livrent, pour faire réussir leurs projets, à des fraudes et à des machinations indignes, et dont le résultat définitif peut être de jeter le découragement dans les rangs de l'armée, et, par suite, de compromettre le succès des opérations.

Des exemples, malheureusement nombreux depuis soixante ans, prouvent que de tels actes, de quelque part qu'ils viennent, ne sauraient être réprimés trop rigoureusement. Aussi l'article 263 (265) prononce-t-il la peine de la reclusion, qui pourra, suivant le cas, être tempérée par l'admission des circonstances atténuantes. »

Plusieurs remarques doivent être faites sur cet article. D'abord, c'est que l'article 265 ne s'applique qu'aux militaires, administrateurs ou comptables militaires qui ont falsifié ou fait falsifier des substances, matières, denrées ou liquides confiés à leur garde ou placés sous leur surveillance. Il laisse, par conséquent, en dehors de sa disposition, les cantiniers, vivandiers, fournisseurs des régiments, justiciables des conseils de guerre soit à cause de leur qualité de militaires, soit dans les cas prévus par l'article 62 (1), quant aux fraudes qu'ils pourraient commettre dans leur commerce. Les marchandises que livrent ces cantiniers, vivandiers ou fournisseurs ne sont pas, en effet, confiées à leur garde, ou placées sous leur surveillance: elles leur appartiennent en propre, et s'ils trompent soit sur la qualité, soit sur la quotité, soit sur la nature de ces marchandises, ils sont punissables d'après la législation de droit commun, c'est-à-dire, d'après les articles 423 et 433 du Code pénal ordinaire et les lois des 27 mars 1851 et 5 mai 1855.

La seconde observation porte sur les termes des deux premiers paragraphes de l'article 265 du Code de justice militaire. Dans le premier paragraphe, la peine de la reclusion est édictée contre tout militaire, tout administrateur ou comptable militaire qui falsifie ou fait falsifier des substances, etc., et le rédacteur de l'article n'ajoute pas le mot sciemment, ou les mots dans un but coupable, qu'il emploiera en parlant de la distribution des substances, matières, denrées, liquides falsifiés, des viandes provenant d'animaux atteints de maladies contagieuses ou des matières et liquides corrompus ou gâtés. C'est que la falsification emporte avec elle l'intention de fraude.

main-d'œuvre ou des choses fournies, les coupables seront punis d'un emprisonnement de six mois au moins et de cinq ans au plus, et d'une amende qui ne pourra excéder le quart des dommages-intérêts, ni être moindre de cent francs. Dans les divers cas prévus par les articles composant le présent paragraphe, la poursuite ne pourra être faite que sur la dénonciation du gou

vernement. »

Voir, plus haut, en note, dans le commentaire de l'article 258, le texte de la loi du 27 mars 1854, rendue applicable aux boissons par la loi du 5 mai 1855.

(4) Voir, plus haut, l'article 62 et son commentaire.

Dans la seconde partie du premier paragraphe, au contraire, et dans le paragraphe deuxième, l'article 265 parle de ceux qui ont sciemment distribué ou fait distribuer les denrées ou liquides falsifiés, et de ceux qui, dans un but coupable, ont distribué ou fait distribuer des viandes, d'autres denrées ou des liquides corrompus ou gâtés. Cette circonstance devait être précisée, car on conçoit que le distributeur pourrait ne pas avoir connaissance de l'origine ou de la corruption de ces denrées ou liquides, et, dans ce cas, la distribution qu'il en aurait faite ou fait faire ne saurait être incriminée.

Les mots sciemment et dans un but coupable se rapportent à la distribution: il s'agit du militaire, de l'administrateur, du comptable militaires qui ont distribué ou fait distribuer les denrées ou liquides falsifiés, gâtés ou corrompus, en connaissance de cause, et pour bénéficier de cette fraude; mais il n'est pas question de l'intention de nuire à la santé des hommes ou des animaux. Cette intention, si, par hasard, elle existait, constituerait un crime différent : il y aurait là une pensée meurtrière et un acte criminel d'un caractère autrement grave, qui ne tomberaient pas sous le coup de l'article 265. Cet article ne distingue pas, pour graduer la pénalité quant à la falsification et à la distribution de denrées falsifiées, entre le cas où cette tromperie est nuisible à la santé des hommes et des animaux, et celui où elle est inoffensive au point de vue de la santé. Dans l'un et l'autre cas, la fraude est un crime, et la peine est la reclusion, sauf mitigation, s'il existe des circon stances atténuantes.

Les questions à poser au conseil de guerre devront suivre les termes mêmes de l'article 265, sans qu'il soit besoin de faire connaître, par exemple, à l'aide. de quelies substances la falsification a eu lieu la culpabilité sera établie par la réponse affirmative du conseil de guerre aux questions conçues d'après les termes de l'article. La Cour de cassation a, en effet, jugé plusieurs fois que la vente ou mise en vente de denrées falsifiées est légalement punie, dès que le juge reconnaît qu'il y a eu altération au moyen de mixtions, encore bien que la nature des substances entrées dans le mélange n'ait pu être déterminée (1).

Le conseil de guerre reconnaissant comme constant le fait de la falsification ou de la distribution frauduleuse, n'est pas tenu d'indiquer dans la condamnation les éléments de la fraude : il suffit qu'il en constate l'existence.

CHAPITRE XI.

Usurpation d'uniformes, costumes, insignes, décorations et médailles.

ART. 266.

Est puni d'un emprisonnement de deux mois à deux ans, tout militaire qui porte publiquement des décorations, médailles, insignes, uniformes ou costumes français, sans en avoir le droit.

(4) Voir, par exemple, un arrêt du 9 novembre 1855, rendu par la Chambre criminelle, dans Dallóz, Recueil périodique, 1855, 1, P. 441.

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