Page images
PDF
EPUB

2.o Les biens hermes désignés sous les diverses dénominations indiquées dans les lois rappelées ci-dessus, et que l'art. 64 de la loi du 3 frimaire an 7 (1) nous signale par leur nature, en disant que ce sont les fonds qui, par la qualité inférieure de leur sol, ou par d'autres circonstances naturelles, ne peuvent servir que de simples pâturages, tant qu'ils n'ont pas été défrichés ou améliorés par la main de l'homme. C'est par rapport à cette espèce d'usage que les habitans y ont exercé et auquel ces fonds sont seulement propres, que les lois ont reconnu qu'ils devaient faire partie du domaine communal.

C'est encore par ce principe d'universalité de domaine communal en ce qui touche aux terres hermes, et aussi pour favoriser l'agriculture, en donnant aux habitans plus de moyens d'entretenir leurs bestiaux, que l'art. 66 de la loi de frimaire précitée permet aux particuliers propriétaires de terres vaines et vagues ou marais, d'y renoncer au profit des communes dans le territoire desquelles ces fonds sont situés, au moyen de quoi l'art. 109 veut que ce soit la commune elle-même qui reste soumise au paiement des impôts qui seront dus à raison des héritages de cette nature et ainsi abandonnés, et cela en vertu des rôles qui seront mis en recouvrement pour l'avenir.

Une preuve que le droit de propriété des terres vaines et vagues, tel qu'il a été reconnu et proclamé au profit des communes, par les lois de 1792 et 1795, n'a reçu depuis aucune at

(1) Voy. au bullet. 243, n.o des lois 2197, 2.a série.

teinte, résulte bien positivement d'un avis du Conseil d'Etat du 28 juin 1808, approuvé le 17 juillet suivant.

Il s'agissait d'obtenir du Gouvernement la confirmation d'une transaction passée le 14 mai 1806, entre la commune d'Ouville, arrondissement de Coutances, département de la Manche, et le sieur Saint-Michel, ci-devant seigneur d'Annoville, par laquelle celui-ci proposait de céder à la commune ses prétendus droits de propriété et d'usage sur les trois quarts des landes et terrains vagues d'Ouville, et se réservait le quart restant, franc et exempt de toute servitude, usage et parcours : sur quoi,

<«< Considérant, 1.o que, d'après l'art. 8, sec» tion 4, de la loi du 10 juin 1793, la possession >> paisible et quadragénaire ne suffit pas pour » constater les droits de propriété en faveur » des ci-devant seigneurs ;

>> 2.° Que le sieur d'Annoville ne justifie d'au>> cun titre primordial et légitime qui constate » ses droits de propriété des landes et terrains >> vagues d'Ouville;

» 3.° Que par conséquent la commune en » doit être regardée, aux termes de la loi, comme >> seule légitime propriétaire;

» 4.o Enfin, que quand le droit d'une com>> mune n'est pas douteux, ii n'y a pas lieu à >> transaction:

» Est d'avis, 1.o que la transaction passée le » 14 mai 1806, entre la commune d'Ouville et >>> le sieur Saint-Michel d'Annoville, soit regardée

>> comme non avenue;

» 2.° Que la commune d'Ouville continuera » à posséder, ou prendra possession des lan» des et terrains. vagues existant dans son en» ceinte;

» 3.° Que le présent avis soit inséré au bulle» tin des lois (1). »,

C'est ainsi que bien postérieurement à la pro mulgation du code civil, le Gouvernement a reconnu lui-même que les droits proclamés au profit des communes, par les lois de 1792 et 1795, doivent leur rester acquis.

2857.

LE

CHAPITRE LXVIII.

Du Triage.

JE mot triage s'emploie dans deux sens différens; tantôt pour indiquer une certaine étendue de forêts, tantôt pour désigner un ancien droit seigneurial.

C'est dans la première de ces acceptions que ce mot est pris, lorsqu'en parlant d'une forêt divisée en plusieurs parties qui sont destinées à être successivement mises en coupes réglées, on donne à chacune de ces tranchées le nom de triage.

Ce n'est point là le triage dont il s'agit ici. Le triage dont nous entendons parler consiste dans le droit qu'avaient les seigneurs de faire distraire à leur profit la tierce partie des biens:

(1) Voy. au bullet. tom. 9,. pag, 23′,4.o série.

communaux situés dans l'étendue de leur seigneurie.

Nous disons des biens communaux, car le triage ne s'exerçait que sur les fonds possédés toute propriété par les communes et lorsqu'il ne s'agissait que de simples droits d'usage par elle exercés sur la propriété d'autrui, ce n'est pas par la voie du triage, mais bien par celle de l'aménagement ou du cantonnement, qu'on pouvait, comme on le peut encore aujourd'hui, modifier ou intervertir leur droit de jouissance, ainsi que nous l'exposerons plus bas.

Le droit de triage seigneurial étant aujourd'hui supprimé, nous ne devons pas nous en occuper longuement: cependant comme il figure encore au rang des antécédens dont la connaissance n'est pas sans utilité pour la parfaite intelligence des matières qui seront traitées plus bas, nous avons cru devoir en parler ici, et c'est ce que nous ne ferons que très-succinctement.

L'exercice du triage seigneurial n'avait d'abord pris naissance que par les arrêts des cours de parlement, qui, à des époques déjà bien antérieures à l'ordonnance de 1669, s'étaient mis dans l'usage de l'adjuger aux seigneurs qui le demandaient, dans les provinces où l'on avait admis la maxime nulle terre sans seigneur. La démonstration de cette verité résulte des articles 7 et 8 d'un édit de 1667, dont nous parlerons encore plus bas, et où l'on voit que tout en abolissant les triages adjugés depuis 1630, comme ayant eu lieu dans des temps de troubles, Louis XIV avait seulement déclaré qu'il y aurait révi

que

sion, par-devant commissaires, de ceux qui avaient été adjugés par les cours dans les temps antérieurs. Cela nous démontre deux choses; l'une, les cours de justice avaient déjà admis, par leur jurisprudence et depuis long-temps, l'exercice de ce droit au profit des seigneurs : l'autre, que déjà aussi l'on méditait dans le conseil de ce Prince, le projet de l'ordonnance des eaux et forêts qui devait, deux ans après, établir en droit commun et pour tous les seigneurs, l'exercice du triage dont plusieurs avaient antérieurement obtenu l'adjudication, à leur fit, par les cours de justice; car s'il en avait été autrement, le Roi ne se serait pas contenté d'en ordonner la révision, il les aurait révoqués comme les autres.

pro

Quant aux provinces de franc-alleu, Dunod nous atteste que cette jurisprudence n'y avait pas encore pénétré. « Quoiqu'on refuse dans » le royaume, dit-il, le partage des pâtis com>> muns, aux communautés et habitans; l'on y >> a admis depuis long-temps, les seigneurs à >> demander une part des pâturages et commu>>nes, lorsqu'ils sont tenus d'eux à titre gratuit; >> cette jurisprudence ne s'était pas introduite >> en Franche-Comté avant que l'ordonnance » de 1669 y fût publiée. L'on n'y estimait pas >> que les seigneurs eussent, en cette qualité, >> un droit particulier à la propriété des com>>munaux qui sont censés appartenir aux com>>munautés et ne pas provenir des seigneurs » dans les pays de franc-alleu, tel qu'est le

« PreviousContinue »