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la même manière qu'il eût prescrit celui de propriété, s'il lui avait été légué ? Pourquoi le même genre de possession serait-il capable d'acquérir la propriété, quand il est appliqué au fonds, tandis qu'il serait incapable d'acquérir le droit d'usage quand il est appliqué à ce droit que l'usager possède également pour lui-même ?

CHAPITRE LVI.

Sur quelles Choses le droit d'usage peut étre établi.

2755. Le droit d'usage peut être établi sur toutes

les espèces de choses mobilières ou immobilières, fongibles ou non fongibles, dont la jouissance peut être de quelque utilité pour l'usager.

Celui qui a été établi sur des animaux, donne à l'usager le droit de les employer aux travaux et services auxquels ils sont propres par leur espèce. Sed et si boum armenti usus relinquatur; omnem usum habebit, et ad arandum, et ad cætera ad quæ boves apti sunt.

Lorsqu'il n'est établi que sur des meubles l'usager n'a que la faculté de les employer à son service personnel, sans pouvoir les louer à d'autres, encore qu'il s'agisse d'objets que les propriétaires aient coutume de louer, puisque la loi (631) interdit généralement à l'usager, la faculté de louer les choses dont il a l'usage; ce qui néan

(1) L. 12, §. 3, ff. de usu et habit., lib. 7,

tit. 8.

moins doit être entendu avec quelques tempéramens que nous indiquerons plus bas.

Il est sans contredit que le droit d'usage établi sur une chose, porte aussi sur les objets qui n'en sont que les accessoires. Qu'ainsi l'usager d'un fonds a le droit d'exercer les servitudes actives qui y sont inhérentes, et de se servir des objets qui ont été attachés à son service par le propriétaire.

2756. Si l'on a légué l'usage d'une quantité ou une masse déterminées de choses fongibles, comme de l'argent, des grains, des liqueurs, ou autres objets qu'on fait consister dans le nombre, le paids ou la mesure, ce n'est qu'un droit d'usufruit constitué en d'autres termes; quæ in usufructu pecuniæ diximus, vel cæterarum quæ sunt in abusu, eadem et in usu dicenda sunt, Nam idem continere usum pecuniæ, et usumfructum, et Julianus scribit et Pomponius libro octavo de stipulationibus (1). Dans ce cas, l'usager, comme l'usufruitier, devient propriétaire de la chose, par la délivrance qui lui en est faite; mais à la charge d'en restituer autant, en égale bonté et valeur à la fin de sa jouis

sance.

Nous disons d'une quantité ou d'une masse déterminées; car si l'on n'avait pas légué l'usage d'une telle quantité ou d'une telle masse, mais seulement un usage à prendre sur une masse ou une provision quelconque, l'usager qui n'en au

(1) L. 5, S. 2, ff. de usufruct. earum rerum

tit. 5.

TOM VI.

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lib. 7,

rait pris que pour sa consommation, ne devrait rien restituer, parce que la charge de rendre ne doit tomber que sur un capital et non sur la jouissance même : c'est ainsi que la veuve dont nous avons parlé dans la section précédente, n'est obligée à aucune restitution pour ce qu'elle a usé sur les approvisionnemens qui étaient dans le ménage lors du décès de son mari. 2757. Si un droit d'usage avait été légué sur des créances exigibles, l'usager, après avoir fourni caution, aurait le droit d'en toucher le remboursement, parce que pour pouvoir se servir d'un capital il faut l'avoir reçu, et il en serait de ce cas-là comme de celui où l'on aurait légué l'usage d'une somme égale aux capitaux des créances, ce qui serait la même chose que si l'on en avait donné l'usufruit.

Si les créances grevées du droit d'usage produisaient des intérêts, l'usager aurait le droit de les toucher annuellement, jusqu'au remboursement des capitaux.

Il résulte de là que les titres des créances qui sont en masse et en totalité soumises à un droit d'usage, doivent être remis à l'usager, comme ils doivent être remis à l'usufruitier dans le cas du legs d'usufruit; que l'un comme l'autre est tenu d'en assurer le recouvrement autant que possible, soit en prenant ou renouvelant les inscriptions hypothécaires, soit en agissant, à temps utile, pour interrompre la prescription contre les débiteurs, et pour les forcer au paiement avant qu'ils ne soient tombés en état d'insolvabilité.

2758. Mais s'il paraissait par les termes dans lesquels le legs se trouverait conçu, que la volonté du testateur n'a été d'établir le droit d'usage que comme une délibation à prendre annuellement sur les intérêts des créances, ou arrérages de rentes, l'usager n'aurait plus, comme l'usufruitier, le droit de toucher l'intégralité des capitaux qui seraient remboursés par les débiteurs; parce qu'on ne lui aurait légué, sur un produit de fruits civils, qu'une somme annuelle proportionnée à ses besoins renaissant annuellement; il n'aurait droit à la totalité des fruits, qu'autant que la totalité lui serait nécessaire toutes les années.

CHAPITRE LVII.

Comment le Droit d'usage doit-il être exercé?

2759. La manière dont l'usage doit être exercé

dérive surtout des caractères qui sont propres à ce droit. C'est dans sa nature même qu'il faut rechercher son mode d'exécution, parce que l'effet doit toujours correspondre à sa cause.

Considéré dans l'objet auquel il s'applique, l'usage est un droit réel en vertu duquel l'usager a une jouissance acquise sur le fonds pour y percevoir en nature, la totalité ou une partie des fruits.

Considéré dans son étendue, par rapport à la

personne qui en est revêtue, l'usage est nécessairement sans bornes fixes, puisque, sous ce point de vue, il n'a pas d'autre mesure que celle des besoins de l'usager qui sont perpétuellement variables.

Considéré dans son étendue par rapport au produit du fonds, on ne pourrait pas non plus en déterminer perpétuellement la mesure par une quotité fixe de ce produit, parce que les récoltes ne sont pas toujours également riches.

Si, une année, le fonds a produit une récolte abondante, on devra en distraire d'abord et par prélèvement la quotité reconnue nécessaire à la consommation de l'usager, parce qu'il doit être servi de préférence en sa qualité de légataire particulier, et le surplus seulement restera au propriétaire.

Si, une autre année, le fonds n'a produit que ce qu'il faut à l'usager, le propriétaire n'aura rien à percevoir ou retenir sur la récolte que ses impenses de labour et le montant des impôts.

Si enfin le fonds n'a rien produit, ou n'a pas produit tout ce qui serait nécessaire à l'usager, celui-ci n'aura rien ou n'aura que peu, et sera sans recours contre le propriétaire parce qu'il n'a qu'un droit réel à exercer sur la chose même.

Il résulte de là que toutes les fois que le maximum du produit d'un immeuble peut excéder ce qu'il faut pour couvrir l'exercice du droit d'usage, et qu'il n'y a eu aucun traité qui ait opéré quelques novations dans les droits des parties, l'usager et le propriétaire sont nécessairement associés dans la jouissance du même fonds,

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