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c'est dire par là même qu'il s'agissait de fonds possédés en toute propriété par les communes auxquelles on en demandait le partage.

Sur l'appel émis de la sentence qui avait adjugé le triage au sieur de la Motte-Hodancourt, voici l'arrêt qui fut rendu au parlement de Paris le 14 août 1649 : la Cour, réformant cette sentence, « a maintenu et gardé, maintient » et garde les maire et échevins, et la com>>>munauté des bouchers de Troyes, conjoin» tement avec les habitans de Sancey et Bre>> viade et autres dénommés audit arrêt, en » la possession et jouissance des usages et pá» turages sis au territoire dudit Sancey et » Breviade, et d'y faire mener paître leurs >> bestiaux fait défense de les y troubler. »

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On voit par là que MORNAC avait bien raison de signaler les expressions usages et pâturages communs, comme synonymes de biens communaux, et que c'est ainsi qu'on l'avait toujours entendu au parlement de Paris, quæ semper in hoc senatu admissa sunt. 2895. L'édit d'Henri IV dont nous venons de rapporter le texte, a été suivi d'une ordonnance de 1659 et d'un édit de 1667, l'une et l'autre portés par Louis XIV pour relever aussi les communes des aliénations par elles faites de même en temps de troubles ou de détresse; et toujours l'on voit que les mots usages ou usages des communes y sont employés comme synonymes des mots biens communaux.

L'ordonnance ou déclaration de 1659 a eu pour objet spécial la réintégration des com

munes de la Champagne dans les fonds par elles aliénés durant les guerres qui avaient eu lieu sur les frontières de l'est du royaume. Elle est conçue dans les termes suivans:

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« A ces causes, de l'avis de notre conseil où » étaient la reine notre très-honorée dame et » mère, plusieurs princes de notre sang et autres >> grands et notables personnages; avons ordonné » et ordonnons par les présentes signées de notre >> main, que les habitans des paroisses et com» munautés de la généralité de Châlons, ren>>treront de plein droit et de fait, sans aucune » formalité de justice, dans les usages, bois >> communaux et autres biens par elles aliénés >> depuis vingt ans, pour quelque cause et oc»casion que ce puisse être. >>

Il est visible que le mot usages est employé, dans cette déclaration, comme ceux de bois et communaux, pour désigner les propriétés dont les aliénations étaient révoquées, et cette vérité est hors de tout doute, à vue du texte suivant qui statue sur le même objet, pour l'avenir.

>> Voulons qu'à l'avenir nos anciennes or>> donnances soient observées, et que lesdites >> communautés ne puissent aliéner leurs usages, >> sinon en conséquence de nos permissions et » décrets de justice, lorsque les cas le requer>> ront. SI DONNONS en mandement, etc. » etc. (1) »

(1) Voy. cette déclaration rapportée pag. 12 du traité de FRÉMINVILLE, sur le gouvernement des biens et affaires des communes.

Ici le mot usages est seul, et bien certaine nement il est employé pour désigner les propriétés foncières des communes car le Roi défend par là de faire à l'avenir de aliénations semblables à celles qu'il déclare être révoquées dans la première partie de son ordonnance.

Remarquons que, dans ces lois dont la première remonte au-delà de deux siècles, les Princes ne se sont exprimés que dans les termes déjà consacrés par l'usage ancien de notre langue; car c'est toujours par les mots les mieux connus et dont le sens a été le mieux promulgué, que le législateur doit s'expliquer pour être bien entendu : il n'y a donc pas moyen de dire que ce sont là des expressions vicieuses et qui n'appartiennent qu'à l'idiome vulgaire.

2896. L'édit de 1667 eut pour objet de réintégrer les communautés de tout le royaume dans les fonds par elles aliénés depuis 1620. Nous y voyons toujours le même langage et les mêmes. expressions employées pour désigner les biens communaux; c'est-à-dire que le mot usages y est aussi positivement employé pour désigner les propriétés foncières des communes. Mais comme on y trouve un passage dans lequel ce même mot ne se rapporte qu'au droit d'usage-servitude; et comme notre projet est, autant que nous le pourrons, de ne rien laisser à désirer sur cette importante dissertation, nous croyons devoir présenter ici l'analyse entière de cette loi, en remettant sous les yeux du lecteur tous les textes qui ont quelques rapports à notre sujet, avec les observations convenables sur chacune

de ses parties, même à commencer par le préambule.

« Louis, etc., etc., entre les désordres causés » par la licence de la guerre, la dissipation des >> biens des communautés a paru des plus grands: » elle a été d'autant plus générale que les sei>> gneurs, les officiers et les personnes puissantes, >> se sont aisément prévalus de la faiblesse des >> plus nécessiteux; que les intérêts des com>>munautés sont ordinairement les plus mal sou>> tenus, et que rien n'est davantage exposé que » ces biens, dont chacun s'estime le maître. En » >> effet, quoique les usages et communes appar>> tiennent au public, à un titre qui n'est ni » moins favorable, ni moins privilégié qui celui >> des autres communautés, qui se maintiennent » dans leurs biens par l'incapacité de les aliéner, » sinon en des cas singuliers et extraordinaires » et toujours à faculté de regret ; néanmoins >> l'on a partagé ces communes, chacun s'en » est accommodé selon sa bienséance, et pour >> en dépouiller les communautés l'on s'est servi » de dettes simulées et abusé pour cet effet des >> formes plus régulières de la justice. »

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Henri IV, dans son édit de 1600, avait désigné les biens communaux par la dénomination d'usages communs; ces mêmes biens sont appelés simplement usages dans la déclaration de 1659 ici on les appelle usages et communes; mais il est visible que jusque-là et nonobstant ces diverses nuances dans les expressions, toutes s'entendent également de la propriété des biens

Communaux,

Il n'en est pas de même dans le passage qui va suivre, le mot usage n'y est plus employé que pour indiquer un droit de servitude; mais il faut bien remarquer aussi qu'il n'y est employé qu'avec des termes restrictifs propres à faire sentir le sens d'exception que le législateur a voulu attacher en cet endroit.

y

2897. « AUSSI ces communes qui avaient été con» cédées par forme d'usage seulement, pour

demeurer inséparablement attachées aux ha»bitations des lieux, pour donner moyens aux » habitans de nourrir des bestiaux et de ferti»liser leurs terres par les engrais, et plusieurs » autres usages ayant été aliénés, les habitans, » étant privés des moyens de faire subsister » leurs familles, ont été forcés d'abandonner » leurs maisons, etc., etc. »

L'expression aussi, employée par transition du premier passage à celui-ci, fait assez voir qu'il va y être question d'un nouveau sujet; et effectivement cette seconde partie du préambule de l'édit se réfère aux simples droits d'usages que les seigneurs, qui s'étaient emparés des terres, avaient seulement laissés aux colons pour les fixer dans leurs seigneuries après la conquête des Gaules. Louis XIV, voulant rétablir les communes dans tous les biens qu'elles avaient perdus ou aliénés, devait aussi, et par une conséquence nécessaire de sa bienveillance, les réintégrer dans la jouissance de leurs droits d'usages sur les fonds d'autrui.

Mais ce qu'il faut bien remarquer, c'est que l'édit ne s'exprime pas sur ce point, comme sur

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