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puisque l'un doit toujours y prendre ce qu'il lui faut pour sa consommation, et que l'autre doit toujours emporter le surplus.

$760. Quant au fait de la culture et pour savoir lequel des deux doit être admis à l'exercer de préférence, lorsqu'on ne s'accorde pas à l'exécuter en commun, les lois ne renfermant aucune disposition positive sur ce point, nous croyons que cette question doit être décidée en faveur de celui dont les droits de jouissance sont le plus étendus, et qu'en conséquence c'est à lui que les soins de l'exploitation du fonds doivent être plutôt confiés, parce qu'il est naturel que la prépondérance des droits qui sont plus forts, l'emporte sur des intérêts qui sont moindres : ce qui néanmoins ne doit recevoir d'application que sous les modifications qui seront indiquées ciaprès.

2761. Il faut remarquer aussi que le droit d'usage légué sur un fonds; porte non-seulement sur ce qui est immeuble par sa nature, mais encore sur tous les accessoires dont le fonds peut être garni ou qui y ont été placés par le propriétaire, pour le service de l'exploitation du fonds; et qu'ainsi l'usager doit avoir droit au service des animaux et ustensiles aratoires qui avaient été attachés par le testateur à son domaine, parce qu'ils font partie du tout sur lequel le droit d'usage a été établi (1).

Par la même raison, s'il y a des bâtimens construits pour le service et l'exploitation du

(1) Vid. l. 16, ff. de usu et habit., lib. 7, tit. 8.

fonds, l'usager doit en avoir la jouissance, soit pour y habiter quand c'est lui qui exploite; soit pour y héberger et serrer la portion des récoltes qui lui revient, lors même qu'il n'y habite pas. (1)

Ces notions générales étant une fois bien entendues, il ne sera pas difficile de concevoir comment le droit d'usage doit être exercé dans les différentes positions où les parties peuvent se

trouver.

2762. 1.0 S'il est reconnu que le fonds sur lequel un droit d'usage est établi, ne doit produire, année commune, qu'une quantité de fruits tout au plus suffisante pour satisfaire aux besoins de l'usager, la possession entière doit lui en être abandonnée, comme s'il en était usufruitier; et tant que durera cet état de choses, l'usager jouissant seul, restera aussi seul assujetti aux frais de culture, aux réparations d'entretien et au paiement des contributions, comme l'usufruitier (635).

Néanmoins, dans ce cas-là même ses droits sont encore loin d'être identiques avec ceux d'un usufruitier, parce qu'ils n'en ont pas la fixité. Ce n'est toujours, en effet, qu'un droit d'usage qu'il exerce, parce qu'on ne lui a pas légué autre chose, et que nous supposons qu'on n'ait point opéré de novation dans ses droits, par un abandon à forfait de la jouissance du fonds : il n'aura donc toujours qu'un droit dont les émolumens sont essentiellement bornés à ce qu'il lui

(1) L. 10, S. 4, ff. eod.

faut pour ses besoins et ceux de sa famille : si donc il arrive une année d'abondance qui élève le produit du fonds bien au-delà; si sur-tout une diminution survenue dans sa famille opère chez lui un décroissement de besoin, l'état de choses en contemplation duquel toute la jouissance du fonds lui avait été remise, n'existant plus, il n'y aurait plus de cause pour qu'il la retînt tout entière, et le propriétaire qui ne doit souffrir que la délibation de ce qui est nécessaire aux besoins de l'usager, serait nécessairement en droit de percevoir le surplus; d'où il résulte qu'il ne peut cesser d'avoir intérêt à surveiller la culture de l'usager, et qu'il conserve toujours le droit de venir sur le fonds pour recueillir dans les bâtimens qui y sont attachés, la portion des récoltes qui peut lui rester, et d'y habiter à cet effet, encore que l'exploitation entière en ait été remise à l'usager. Venire planè proprietarium ad fructus percipiendos magis dicendum est: et per tempora fructuum colligendorum, etiam habitare illic posse admittendum est. (1)

Néanmoins si le produit du fonds ne s'étendait au-delà des besoins de l'usager que par suite des améliorations qu'il y aurait faites, il ne devrait être soumis à aucune réduction, parce qu'on ne pourrait lui enlever le fruit de ses propres travaux.

2765. 2. Lorsqu'année commune, le fonds doit produire notablement au-delà de ce qu'il faut pour satisfaire aux besoins de l'usager, les

(1) L. 12, ff. de usu et habit., lib. 7, tit. 8.

droits que le propriétaire a dans la jouissance, sont nécessairement prépondérans, puisqu'ils se rattachent aux soins d'administration que le maître doit avoir de sa chose : c'est donc à lui que doit naturellement appartenir la culture du fonds; à la charge de délivrer annuellement à l'usager, et en nature, la quotité des fruits qui doit lui revenir, comme s'il s'agissait du paiement d'un legs annuel de revenus. Néanmoins il ne faut pas perdre de vue que l'usage est un droit réel dans la chose, et qu'il ne change pas de nature par la circonstance que le fonds sur lequel il est établi reste entre les mains du propriétaire pour être cultivé par celui-ci, d'où il résulte que dans ce cas-là même on ne pourrait en défendre l'accès à l'usager, et que le propriétaire qui lui tient lieu de fermier, ne pourrait l'empêcher de s'y rendre pour surveiller sa culture, et y séjourner tant qu'il ne le molesterait pas mal à propos; inque eo fundo hactenùs ei morari licet, ut neque domino fundi molestus sit, neque his per quos opera rustica fiunt, impedimento sit. (1)

2764. Mais si cette indivision de jouissance donnait lieu à des plaintes ou à des difficultés entre les parties, seraient-elles fondées l'une et l'autre provoquer un partage pour la faire cesser?

à

Il est possible que l'usager ait à se plaindre de ce que le propriétaire cultive mal le fonds, et n'en soigne pas convenablement les récoltes, et sur-tout de ce que la terre arable n'est pas en

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semencée des graines ou céréales qui conviennent

à sa nourriture.

Il est possible aussi que le propriétaire trouve que l'usager est trop exigeant.

Enfin, quoique réunis par un intérêt commun, ils peuvent être moralement divisés par beaucoup d'antipathie l'un pour l'autre : faudrat-il donc qu'ils soient forcés à se voir perpétuellement exposés à des querelles entre eux, sur la division annuelle du produit d'une jouissance commune ?

Nous ne le pensons pas. Nous croyons au contraire qu'on doit leur accorder l'action en partage, parce que la règle suivant laquelle personne ne peut être tenu de rester dans l'indivision, est générale, et que nous ne connaissons aucune disposition particulière, dans nos lois, qui en excepte le cas où il s'agit d'une jouissance commune entre l'usager et le propriétaire: et ce qu'il faut bien observer, c'est que cette règle est un décret d'ordre public, nécessaire au maintien de la paix entre les citoyens; Julianus scribit, æquissimum esse, quasi communi dividundo judicium dari. Cur enim, inquit, ad arma et rixam procedere patiatur prætor, quos potest jurisdictione sua componere (1)? Il n'y aurait donc pas de raison de repousser l'action en partage demandé par l'une ou l'autre des ties, si le fonds soumis au droit d'usage était susceptible d'un démembrement de jouissance particulière qui serait assignée à l'usager; mais

(1) L. 13, §. 3, ff. de usufr., lib. 7, tit. 1.

par

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