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QUATRIÈME QUESTION.

2947. Doit-on encore, comme dans le cas de la question précédente, porter par-devant les tribunaux les contestations qui seraient élevées entre les habitans des diverses sections d'une commune, sur le fait de la jouissance de certains communaux au produit desquels ils prétendraient avoir droit privativement ou à l'exclusion les uns des autres ?

Posons plus spécialemement l'espèce :

Par un décret d'administration publique le gouvernement a réuni deux communes en une seule; ou bien il a incorporé un hameau ou une section de commune à une autre commune : aujourd'hui il s'agit de savoir si, par suite de cette incorporation, les biens communaux, bois ou autres qui étaient auparavant privativement possédés par les diverses portions de la municipalité ainsi composée, ne doivent plus faire qu'une seule masse également acquise en jouissance à tous les membres composant la nouvelle commune, et si, en conséquence, tous ces habitans doivent être indistinctement admis au partage du produit de cette masse; ou si, au contraire, ces diverses portions d'habitans ne doivent pas, nonobstant leur agrégation en une seule municipalité, conserver chacune, à l'exclusion des autres, la jouissance particulière de ces anciens communaux ; et là-dessus se présente encore la question de savoir quelle doit

être l'autorité compétente pour statuer sur les contestations élevées à ce sujet?

Lorsque les habitans de plusieurs hameaux, sections de communes ou villages, se trouvent réunis en une seule municipalité, et qu'ils ne sont pas d'accord sur les droits que les uns prétendent avoir, à l'exclusion des autres, de jouir de certains communaux où de percevoir l'affouage qui se délivre dans certains cantons de bois, ils ne peuvent émettre une semblable prétention qu'en soutenant aussi que la corporation particulière qui forme leur section communale, est, exclusivement aux autres, propriétaire du communal en parcours ou de la forêt affouagère. Cela ne peut être autrement entendu, car la propriété consistant dans le droit de jouir et de disposer de la chose (544), et les fruits du fonds n'appartenant qu'au propriétaire par droit d'accession (547), il en résulte nécessairement que quiconque se prétend exclusivement en droit de jouir ou de percevoir les fruits du fonds, émet par-là même et par cela seul la prétention de s'en faire déclarer propriétaire à l'exclusion de tous autres : c'est donc véritablement un droit de propriété qui se trouve être l'objet de la contestation, et dès-lors le litige ne saurait être compétemment porté que pardevant les tribunaux ordinaires.

Ainsi, lorsqu'une section de commune se croit fondée en droit pour revendiquer exclusivement la jouissance d'un communal, ou l'affouage d'un canton de bois; comme encore lorsqu'une commune veut exclure du partage de ses as

siettes en usance, ou de la jouissance de ses anciens communaux, les habitans d'un hameau ou de quelques métairies qui ont été nouvellement réunis à sa municipalité par acte du gouvernement, ce n'est qu'en justice ordinaire que ces demandes doivent être formées; elles ne peuvent concerner le pouvoir administratif qu'en ce qui touche à l'obtention de l'autorisation nécessaire aux communes pour plaider; et si, par erreur, les demandes de cette nature étaient soumises à l'administration, celle-ci devrait, à raison de son incompétence ratione materiæ, renvoyer les parties par-devant les tribunaux.

C'est ainsi que la question a été décidée par divers arrêts du Conseil d'Etat, l'un du 20 septembre 1809 (1), un second du 7 avril 1810 (2), et un troisième du 10 décembre 1817 (3).

(1) Voy. au recueil de la jurisprudence du Conseil

d'Etat, par SIREY, tom. 1, pag. 311.

(2) Tom. id., page 389.

(3) Tom. 4, page 225.

CHAPITRE LXXII,

Des Bois nationaux sous le rapport des droits d'usages dont ils peuvent être grevés, et des droits de servitudes qui, pour leur avantage, sont imposées sur les fonds voisins.

Nous avons à examiner, dans ce chapitre :

1.o Ce qui concerne les droits d'usages dont les forêts nationales peuvent être grevées;

2.o Ce qui concerne les servitudes, qui pour l'utilité de ces forêts sont imposées sur les fonds

voisins.

SECTION 1.

Des droits d'usages dont les forêts nationales peuvent être grevées.

2918. En traitant du droit d'usage-servitude personnelle dont il est question dans le code civil, nous avons vu qu'il consiste dans la faculté de percevoir sur le fonds d'autrui une partie du produit proportionnelle aux besoins de l'usager.

On sent que cette faculté peut être appliquée au produit d'un bois comme à celui de tout autre héritage, et alors il y a droit d'usage établi sur une forêt.

Nous nous contenterons, quant à présent, de rappeler ici cette simple notion du droit d'usage

généralement pris, parce qu'elle est suffisante pour l'intelligence de tout ce que nous avons à dire jusqu'à ce que nous arrivions au chapitre dans lequel nous donnerons une plus ample définition du droit d'usage dans les bois, spécialement considéré.

L'exercice des droits d'usages dans les bois nationaux ne présente, quant au fond, que peu de difficultés, sous le rapport du contentieux, parce qu'il est soumis à des règlemens dans lesquels tout est prévu pour la plus exacte conservation des forêts, et que cette partie de la fortune publique est aujourd'hui confiée à une administration active et pleine de zèle, dont les agens sont présens par-tout pour faire exécuter ces règlemens.

Les grandes questions contentieuses dont nous aurons à nous occuper plus bas, sont presque toutes relatives au droit d'usage dans les forêts privées qui, pour la plupart, formaient une partie notable du patrimoine des anciens seigneurs, et qui appartiennent aujourd'hui à leurs héritiers ou ayant-cause.

Cependant nous devons parler d'abord des bois de l'Etat, et même de ceux des communes, sous le rapport des usages qui s'y exercent, soit parce que c'est là une partie de la matière que nous avons à traiter, soit parce que nous aurons à analyser dans la suite un très-grand nombre de dispositions législatives touchant les usages établis sur ces deux genres de forêts.

Nous ne nous occuperons, quant à présent, que du principe de l'établissement des droits

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