Page images
PDF
EPUB

seul ménage sous la direction de l'usager qui en est le chef, parce qu'on peut dire que c'est là sa famille.

Cette agrégation comprend donc les époux, les enfans, et leurs domestiques, puisque tous sont soumis au même chef.

C'est ainsi que la veuve à laquelle la loi accorde un droit d'usage sur les provisions qui existent au domicile mortuaire, durant le temps prescrit pour faire inventaire et délibérer, a la faculté d'y prendre pour sa nourriture et celle des domestiques dont elle est le chef (1455). 2776. LE PÈRE de l'usager fait-il aussi partie de sa famille ?

Nous ne le pensons pas. C'est le fils qui appartient au père, et non le père qui appartient au fils; parce que c'est le père et non le fils qui a la qualité de chef. Ainsi, quand la loi déclare que l'usager des fruits d'un fonds ne peut en prendre qu'autant qu'il lui en faut pour ses besoins et ceux de sa famille, il faut en conclure qu'elle exclut les père et mère et autres ascendans à l'égard desquels l'usager ne pourrait pas dire: ils sont ma famille, parce qu'il n'en est pas le chef.

Vainement dirait-on que le fils est obligé de fournir des alimens à son père et autres ascendans; car cette obligation lui étant personnelle, il doit la remplir avec ses propres moyens, et elle n'a rien de commun avec celle qui pèse sur le propriétaire du fonds grevé du droit d'usage.

2777.

Il peut en exiger pour les besoins même

:

des enfans qui lui sont survenus depuis la concession de l'usage. Ces expressions sont générales il n'y a donc point de distinction à faire entre le cas où l'usager aurait déjà été marié lors de la concession du droit d'usage, et celui où il aurait été célibataire et se serait marié depuis. Cette distinction n'étant pas dans la loi, il ne serait pas permis de la faire, et l'on doit dire que l'usager a la faculté de prendre sur le produit du fonds, pour la consommation de ses enfans à quelque époque qu'ils lui soient

survenus.

2778. Mais si ces enfans viennent eux-mêmes à se marier, pourra-t-il donner à son droit d'usage une plus grande extension, et prendre encore, sur les fruits du fonds, ce qui sera nécessaire pour la nourriture de ses gendres et belles-filles?

Nous croyons que non, parce que les gendres et belles-filles n'appartiennent point au beau-père; ils ne sont que ses alliés; et que la loi ne s'occupant que des enfans survenus à l'usager, fait assez entendre qu'elle exclut les simples alliés de la faveur qu'elle n'accorde que pour les enfans.

2779. Il est naturel encore de croire qu'en

parlant des enfans de l'usager, les auteurs du code n'ont porté leur pensée que sur les enfans naturels et légitimes, sans vouloir l'encourager ou l'exciter à une vie déréglée, en lui assurant des moyens de subsistance pour ses enfans illégitimes; ni lui accorder la faculté de rendre plus onéreuse la charge imposée au fonds, en adop

tant des étrangers. En conséquence de quoi nous croyons que l'usager n'aurait pas le droit de prendre sur le produit du domaine ce qui serait nécessaire à la consommation de ses enfans bâtards ou adoptifs; mais on devrait ranger dans la classe des enfans légitimement nés, celui qui aurait été légitimé par un mariage subséquent, parce que cette légitimation est absolument comparable à la survenance d'un enfant légitime.

2780. Nous avons dit que le droit d'usage pouvait être établi sur des fruits civils, et alors il est plus ou moins étendu, suivant qu'il s'agit de le prendre sur des arrérages de rentes foncières payables par des prestations en nature, ou sur des arrérages de rentes constituées en argent, ou enfin sur le prix des baux.

1.o Si un droit d'usage était établi sur les arrérages d'une rente foncière constituée en champart, ou en d'autres termes, sur une rente annuelle de TANT de mesures de blé pour prix de la concession d'une terre à blé; ou sur une rente aux arrérages annuels d'une TELLE quantité de vin, pour prix de la concession d'une terre en vignoble, l'usager n'aurait le droit d'exiger sur l'une ou l'autre de ces espèces de revenus, que la quantité nécessaire à sa consommation en nature, parce que son droit serait renfermé dans l'espèce même du produit sur lequel on l'aurait établi. 2781. 2. Si l'usage avait été accordé sur le revenu d'un bail, il ne devrait toujours être considéré que comme établi sur le domaine amodié, parce

qu'il est, de sa nature, un droit réel affectant le fonds même en conséquence de quoi l'usager n'aurait le droit d'exiger que la quantité du fermage en nature qu'il lui faudrait pour sa consommation, si le bail avait été stipulé pour une certaine quantité annuelle de fruits; et si au contraire le bail avait été stipulé pour un prix annuel payable en argent, on ne devrait toujours à l'usager qu'une partie de ce prix équivalente à ce qu'il lui faudrait pour acheter une quantité de denrée de l'espèce qui serait produite par le fonds, et qui pourrait satisfaire à sa consommation dans cette espèce.

2782. 5. Si le droit d'usage avait été établi sur des fruits civils purement pécuniaires, tels que les arrérages d'une rente constituée, ou même d'une rente foncière, mais payables en argent, alors on ne pourrait plus dire qu'il fût limité dans une espèce plutôt que dans une autre : on ne pourrait pas dire que l'usager n'eût le droit que d'exiger du blé ou du vin pour sa consommation. Dans ce cas, son droit n'étant assigné sur aucun genre de consommation, ni borné à aucune espèce de denrée, correspondrait à tous ses besoins, et aurait toute l'étendue d'une pension alimentaire indéterminée par le titre; laquelle comporte tout ce qui est nécessaire à la nourriture, au vêtement et au logement, parce que ces trois objets sont indispensables à la vie; legatis alimentis, cibaria

CHAPITRE LIX.

Des Charges et Obligations de l'usager.

2784. L'USAGER doit jouir en bon père de famille (627). Cette obligation lui impose, suivant les circonstances, les mêmes devoirs qu'à l'usufruitier et le rend passible des mêmes actions de la part du propriétaire, sur quoi l'on peut voir tout ce que nous en avons écrit au chapitre trente-quatre de cet ouvrage.

La loi assimile encore la cause de l'usager à celle de l'usufruitier en ce qui touche aux garanties et suretés dues au propriétaire de la chose. L'un comme l'autre ne peut entrer en jouissance sans avoir donné caution et fait un inventaire (626).

Ainsi le vendeur et le donateur qui se réservent un droit d'usage sur la chose vendue ou donnée, ne sont soumis à la prestation d'aucun cautionnement, puisque dans ces mêmes cas, celui qui se réserve l'usufruit est dispensé d'en fournir un (601).

Il en est de même du donataire ou du légataire d'un droit d'usage, lorsqu'il est déchargé de cette obligation par une disposition spéciale du testament ou de la donation.

Quant au devoir de faire inventaire, et à la question de savoir si l'usager peut en être dispensé par le testateur, nous croyons encore

« PreviousContinue »