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toujours les mêmes; que tout est resté, à cet égard, dans l'état où il était auparavant; et cela ne pourrait être autrement, puisque l'arrêté dont nous recherchons la juste application, n'a ordonné aucune nouvelle mise d'aménagement, aucunes nouvelles distributions ni extensions, soit dans les quarts en réserves, soit dans les assiettes en usances, et qu'en conséquence il se réfère entièrement à l'état de choses préexistant.

Cela étant ainsi, comment pourrait-on dire qu'un arrêté qui ne statue que sur ce qui était préexistant, sans rien ajouter qui touche au fond de la chose, eût cependant créé un aménagement qui n'existait pas ? Comment pourraiton dire qu'en partant uniquement du régime préexistant dans les bois, il en eût tout-à-coup établi un semblable sur des terrains qui ne sont point en nature de forêts et dont il ne s'occupe pas? Comment, nonobstant cet arrêté, ne serait-il permis aux habitans de couper dans les broussailles de leurs parcours communaux, que d'après la marque des agens forestiers, lorsqu'en fait il est avéré que jamais il n'y a eu d'assiettes en usances, assises sur ces terrains, et qu'en droit il n'est pas moins constant que les agens forestiers ne peuvent marquer et baliver que conformément aux divisions de coupes et aménagemens qu'ils trouvent établis? 5027. L'administration, LA GARDE et la surveillance en sont confiées aux mêmes agens; c'est ici qu'on aperçoit le seul changement opéré par cet arrêté. Auparavant les communes étaient tenues d'établir des gardes particuliers pour

la conservation de leurs bois: aujourd'hui elles sont débarrassées de ce soin, puisque les gardes forestiers établis pour la conservation des bois de l'Etat doivent étendre leurs fonctions sur ceux des communes, sauf tout salaire compétent.

Suivant la loi du 29 septembre 1791, comme encore suivant l'article 4, section 1, de la loi du 10 juin 1793, les bois des communes étaient déjà soumis aux règles d'administration décrétées pour les forêts nationales, et déjà la conservation en était confiée à l'agence forestière: il ne restait plus qu'une nouvelle mesure à établir par voie de conséquence; or, tout en déclarant le droit préexistant, l'arrêté du 19 ventôse a établi cette mesure en plaçant aussi sous la surveillance des gardes forestiers, les bois des communes. Voilà tout et absolument tout ce que cet arrêté a introduit de nouveau.

Mais comment pourrait-on conclure de-là que les prés-bois qui n'ont jamais été destinés qu'à servir principalement de parcours au bétail, sont aujourd'hui transformés en bois aménagés en coupes régulières dans lesquelles il n'est pas permis d'entrer ni de prendre les menus bois, sans le permis de l'administration forestière, qui elle-même n'a pas seulement le droit d'y étendre ses visites?

Nous croyons avoir clairement démontré, par le rapprochement de toutes les lois qui régissent la matière, que tant qu'aucun règlement de coupe n'a été établi, par le gouver nement, sur les communaux prés-bois, les habitans des communes doivent y conserver leur

libre usage à la prise des menus bois qui y croissent, comme au parcours pour leurs bestiaux, et que ce mode de jouissance est nécessairement licite et légal, puisque les lois veulent qu'il soit maintenu jusqu'à ce qu'il ait été changé par un acte positif du Gouvernement intervenu pour chaque localité, sur la demande des communes elles-mêmes.

3028. Nous opposerait-on que la doctrine que nous professons paraît trop peu favorable à la conservation des bois, et qu'ainsi elle est contraire aux principes d'économie publique?

A cela nous répondrions que nous ne devons voir autre chose que la loi, et que les tribunaux doivent lui être subordonnés comme nous; que si l'état actuel de notre législation sur ce point était imparfait, ce pourrait être un motif d'en provoquer la réforme, mais non une raison suffisante pour ne pas s'y conformer tant qu'elle existe;

Nous répondrions qu'en fait d'économie publique, il ne faut pas voir seulement la conservation des bois et forêts; mais qu'il faut voir aussi, et voir sur-tout ce qu'exigent les besoins des cultivateurs, qui sont ceux de l'agriculture;

Nous répondrions qu'en fait d'administration rurale, rien ne peut être absolu, parce que tout doit être régi suivant ce qu'exigent les besoins des localités, ou que du moins les besoins des localités doivent toujours être consultés et entrer en considération, pour modifier la règle qui finirait par devenir absurde si elle était trop absolue; et que c'est peut-être sur la régie des bois que cette vérité se fait le mieux sentir.

En effet, quoique le bois soit une chose de première nécessité, et qu'ainsi la conservation des forêts soit de la plus haute importance dans le système de l'économie publique, néanmoins, quand il s'agit de l'intérêt des localités, l'on ne peut méconnaître une grande différence entre cet objet de nos consommations, et les autres denrées nécessaires à la vie.

Qu'un département manque de sel, de vin, ou de blé, tandis qu'un autre en est abondamment pourvu, les moyens les plus ordinaires de transport sont suffisans pour établir aussitôt l'équilibre entre les deux pays: nulle disette ne sera sentie; une légère différence dans le prix suffira pour rendre l'abondance générale. Mais qu'un pays de montagnes, éloigné des routes et des rivières flottables, soit couvert de bois, le superflu de cette denrée y restera en permanence, nonobstant les besoins qui s'en feront sentir ailleurs. Ici le système de conservation absolue, sans être utile aux autres contrées deviendra funeste aux habitans dont les ressources consistent principalement dans les bestiaux pour lesquels il faut des parcours qu'on ne trouve que dans les communaux prés-bois, et où il n'en restera bientôt plus, si l'on cesse d'y couper les menus bois dont ils se revêtissent annuellement.

Ces observations suffisent pour mettre, dans toute son évidence, la haute sagesse du décret du 9 brumaire an 13, en ce qu'il veut que l'ancien mode de jouissance des terrains communaux soit maintenu tant qu'il n'y a pas été dé

rogé par des règlemens de haute administration, rendus en pleine connaissance de cause et sur la demande des conseils municipaux qui sont les premiers juges de ce qui peut être le plus utile aux habitans des lieux.

CHAPITRE LXXIV.

De l'état actuel de la législation française sur les bois de particuliers, et des usages et servitudes qui sont établis sur ces bois pour cause d'utilité publique.

3029.

L'ORDONNANCE de 1669 avait, par les diverses dispositions du titre 26, soumis, même les bois de particuliers, à une partie du régime établi pour ceux de l'Etat et des communes.

Les bois taillis des particuliers, comme ceux des communes, ne pouvaient être exploités qu'à l'âge de dix ans (1).

On devait réserver, dans les uns comme dans les autres, seize baliveaux par arpent de taillis, et dix par arpent de futaies (2).

Les coupes devaient être faites à la cognée et à fleur de terre comme dans les bois royaux (3).

Il était défendu aux possesseurs des bois de hautes futaies de les vendre ou faire exploiter, sans en avoir averti l'administration de la ma

(1) Voy. l'art. 1.

(2) Ibidem.

(3) Même article comparé à l'art. 42 du titre 15.

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