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<< Nombre de communautés d'habitans, de » villes, bourgs et villages, dit-il, jouissent de » ces droits d'usage, lesquels leur ont été con» cédés et donnés par les seigneurs des lieux, » afin d'attirer et engager par cet avantage » aussi considérable qu'utile, des hommes dans >> leurs seigneuries, ou pour se les conserver, et » les empêcher de quitter s'ils y étaient établis: » Telle est l'origine de ces concessions et de >> >> ces établissemens. »> (1)

Enfin, suivant un magistrat que la France s'honore de posséder encore aujourd'hui, « L'o>> rigine des droits d'usage se présente très-natu>> rellement. Les seigneurs avaient de grands do>> maines, des bois considérables, peu d'habi» tans, et le désir d'en augmenter le nombre. >> Pour y parvenir, le moyen le plus efficace » était d'améliorer la condition de leurs sujets en favorisant l'agriculture.

>>

>> Pour cultiver il faut des bestiaux, il faut » un bâtiment au cultivateur; mais les bestiaux exigent des pâturages; et comment bâtir, >> comment subvenir à mille autres besoins » sans la faculté de couper du bois dans les >> forêts? Les seigneurs se trouvaient donc dans » une espèce de nécessité de permettre à leurs » habitans le pâturage sur les terres de leurs » domaines, et même l'usage de leurs bois; >> et c'est ainsi que la plupart ont fait. » (2)

(1) FRÉMINVILLE, pratique des terriers, chap. 7, des droits d'usage dans les bois, quest. 1, pag. 290. (2) HENRION DE PANSEY, en ses dissertations féodales, eu mot communauté, tom. 1, pag. 440, col. 2.

Nous

Nous pourrions accumuler encore ici beaucoup d'autres citations sur le même objet, mais cela serait d'autant plus inutile que nous ne connaissons aucun auteur qui se soit porté à contredire ce point historique de la matière. 3055. Il y a aussi des communes qui, en vertu de concessions émanées directement des Princes, ont obtenu de même des droits d'usage dans les forêts domaniales qui sont à leur proximité. Enfin, il y en a quelques-unes qui, par l'effet d'anciennes transactions ou d'anciens partages de leur territoire, ont des droits de mème nature à exercer sur des bois et communaux appartenant à d'autres communes; même sur des fonds qui appartiennent aujourd'hui à de simples particuliers qu'on ne voit pas avoir été seigneurs des lieux, et qui ne sont que de simples acquéreurs des fonds primitivement grevés de droits d'usage au profit d'une des communes lorsqu'elle partagea son territoire avec l'autre; mais tout cela prouve seulement que les anciennes concessions plus généralement émanées des seigneurs, ont été accidentellement imitées sur quelques points, par des actes semblables quoique fondés sur d'autres causes.

Mais toutes ces citations, tous ces témoignages historiques seraient aussi déplacés que fastidieux dans un ouvrage comme le nôtre, s'ils ne devaient servir qu'à une vaine ostentatation de recherches et d'érudition, sans nous conduire à des conséquences dont l'utilité se fasse sentir soit dans le développement, soit dans l'application de la science que nous cher

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chons à éclaircir. Un travail aussi stérile ne pouvait être dans notre pensée : nous avons voulu placer au sommet de cette antique origine des usages, le fanal qui doit fixer les regards des magistrats lors de la discussion des débats qui naissent de cette matière; et nous terminerons notre tâche sur ce point, en signalant ici, par des conclusions aussi précises que possible, les écueils qu'on doit éviter pour ne pas s'écarter des avenues de la justice, qui est le port vers lequel toutes nos vues doivent être dirigées.

II y trois espèces de conséquences à tirer de l'ensemble de ces témoignages d'auteurs et des vérités de principe que nous avons établies au chapitre soixante-sept en traitant de la propriété native et originaire des communes.

La première se rapporte aux faits historiques en eux-mêmes: elle a pour but de démontrer avec précision la liaison des événemens auxquels se rattache l'origine du droit d'usage dans les forêts.

La seconde se rapporte aux principes d'équité suivant lesquels la justice doit être administrée dans les débats qui peuvent avoir ces mêmes droits d'usage pour objet.

La troisième enfin se rapporte aux charges dont la concession de l'usage aurait été grevée et qui ne seraient pas supprimées par les lois abolitives de la féodalité.

PREMIER CHEF DE CONCLUSIONS.

3056. Nous avons établi au chapitre soixantesept, et il résulte aussi de la doctrine de Loiseau, ainsi que des autres auteurs et des monumens historiques rapportés ci-dessus, que lors de l'envahissement des Gaules par les Francs, et avant qu'ils s'y fussent emparés des terres pour les ériger en fiefs et en seigneuries, les communes et habitans du pays y étaient propriétaires des bois comme des autres fonds; cependant tous les auteurs enseignent qu'en France les droits d'usage dans les forêts proviennent de la concession des seigneurs or les seigneurs n'auraient jamais pu s'arroger le droit de faire ces concessions, ou de réduire les anciens habitans à la simple qualité d'usagers, qu'autant qu'ils les auraient préalablement dépouillés de la propriété du fonds; donc l'origine des droits d'usage dans les forêts eut pour cause la spoliation des anciens proprié

taires.

Tous les auteurs qui se sont occupés de ce point d'histoire, sont d'une voix unanime pour attribuer l'établissement des droits d'usage dans les forêts, au besoin qu'avaient les seigneurs d'attirer ou de retenir des colons dans leurs terres; tous sont d'accord dans l'expression de ce double motif. Or il n'y aurait eu nul besoin d'attirer ou de chercher à retenir les colons dans les terres, si l'on n'avait pas dépouillé

le peuple conquis: donc ces espèces de concessions supposent le dépouillement des anciens habitans.

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Ainsi, avoir été réduit à la condition d'usager, ou, si l'on veut, avoir reçu cette qualité de la part de l'ancien seigneur, c'est avoir été, par lui ou par ses auteurs, dépouillé de la propriété native ou originaire du fonds; d'où il résulte, en dernière analyse, que lorsqu'une commune a un droit d'usage à exercer sur la forêt d'un ancien seigneur, il est par là et par ce seul fait, invinciblement démontré que c'est elle qui était propriétaire dans les temps anciens; qu'elle le serait encore aujourd'hui si elle n'avait pas été jadis dépouillée par la violence, et qu'il n'y a pas eu véritablement concession d'usage faite à son profit, mais qu'en confisquant la propriété du fonds sur elle, on lui a seulement laissé un reste de participation dans la jouissance.

Cette conséquence est rigoureusement forcée en ce qui concerne les communes :

Parce qu'elles existaient déjà lors de l'invasion, qu'elles sont toujours les mêmes, et qu'elles sont toujours là;

Parce que la Gaule était déjà un pays agricole, dans lequel le partage des terres commence toujours par les cultures, tandis que les forêts restent indivises pour l'usage commun des habitans;

Parce qu'en remontant des effets à leurs causes, il est invinciblement démontré que les grandes masses de bois qui sont encore aujour

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