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d'hui possédées par les ayant-droits des anciens seigneurs, n'avaient jamais été partagées pour être défrichées, et qu'en conséquence c'était autant de forêts communales lors de l'invasion.

SECOND CHEF DE CONCLUSIONS.

3057. Pour administrer équitablement la justice en cette matière, les conséquences pratiques qu'il faut tirer de ces faits:

C'est que nous devons éviter de nous montrer aujourd'hui plus terribles dans nos jugemens envers les usagers, que la conquête no le fut dans les spoliations exercées sur leurs ancêtres ;

C'est que, si la longue possession des terres de fiefs a pu en légitimer la propriété dans les mains des successeurs de ceux qui les avaient usurpées, au moins ne faut-il pas que les usagers soient eux-mêmes traités comme des délinquans et des usurpateurs dans la jouissance du peu qu'on avait laissé à leurs pères;

C'est que, dans tous les cas, les droits d'usage dont il s'agit, n'ayant été laissés que pour soutenir et favoriser l'agriculture, il faut dire avec le judicieux Coquille, qu'on ne doit pas régler les usagers si étroitement, comme s'ils tenaient leurs usages de concessions purement. gratuites, et en faveur de leurs personnes. seules.

TROISIÈME CHEF DE CONCLUSIONS.

5058. Les droits d'usages ayant été laissés sur les forêts afin d'attirer des colons dans les terres et d'y favoriser l'agriculture, il en résulte que, pour être admis à en jouir, les divers usagers n'ont d'autre chose à démontrer que l'établissement de leur domicile sur les lieux, lorsque l'existence du droit d'usage n'est pas d'ailleurs généralement contestée. (1)

Ils ne peuvent être astreints à d'autres preuves, puisque la condition naturelle de la concession n'est censée consister que dans cette fixation de domicile et si le propriétaire de la forêt prétend qu'à raison de cette concession il lui est dû quelques redevances non supprimées, c'est à lui à en faire la preuve, puisque du côté de l'usager la cause de son droit se trouve suffisamment établie par la fixation de sa demeure sur les lieux.

<< Mais, dit Fréminville, comme il y a des >> concessions faites dès le temps de l'établis» sement des seigneuries, sur-tout aux habitans » et communautés, il n'est guère possible que » les titres s'en soient conservés entre les mains des habitans: comme ils n'ont pris leur source » que dans des obligations nécessaires et res

(1) Nous verrons plus bas par quel genre de preuve ce droit peut être établi quand l'existence en est généralement déniée.

»pectives, c'est aux seigneurs à rapporter les >> titres des droits qu'ils prétendraient leur être raison de ces usages. » (1)

» dus

pour

CHAPITRE LXXVI.

De la Nature particulière des droits d'usages dans les bois et forêts.

5059. EN considérant le droit d'usage sous le

rapport de sa durée, il y en a trois espèces dont une forêt peut être grevée :

Le droit d'usage-servitude personnelle, qui s'éteint au décès de l'usager, et dont nous avons traité dans les chapitres cinquante-quatre et suivans de cet ouvrage;

Le droit d'usage concédé à quelqu'un, tant pour lui que pour ses descendans, lequel doit durer jusqu'à l'extinction de la postérité du premier concessionnaire, et qui sera le sujet du chapitre suivant;

Enfin le droit d'usage-servitude réelle, qui est le plus ordinaire, et dont nous avons à signaler les caractères dans le présent chapitre.

Il nous serait difficile d'en donner une définition bien précise, sur-tout d'après l'état actuel de notre législation; néanmoins nous croyons qu'on peut dire :

(2) Pratique des terriers, tom. 3, pag. 293.

Que le droit d'usage ordinaire dans les bois et forêts, est un droit mixte, participant toutà-la-fois de la nature du droit d'usage personnel, de celle de la servitude réelle et même en quelque chose du droit de propriété foncière, et qui appartient aux habitans d'une commune en général, ou à certains particuliers seulement, à raison de leur domicile, à l'effet de percevoir, dans la forêt d'autrui, des produits pour leurs besoins, en se conformant aux lois et règlemens imposés à ce genre de propriétés.

Qu'on nous permette de justifier cette espèce de définition, par des développemens appliqués à ses diverses parties.

3060. 1. Nous disons que le droit d'usage dans les forêts participe de la nature du droit d'u sage personnel, dont nous avons traité plus haut; parce qu'ils sont effectivement de natures, semblables, en ce que la mesure de l'un et de l'autre ne doit point excéder celle des besoins de l'usager en sorte que dans le cas de l'un comme dans celui de l'autre, l'usager ne doit percevoir sur le produit du fonds que ce qui est nécessaire à sa consommation sagement réglée, sans rien prendre d'excédant pour le vendre ou le dépenser follement; et lignis ad usum quotidianum.... usurum, non usque ad compendium, non usque ad abusum (1) ; c'està-dire encore que dans le cas de l'une, commę dans celui de l'autre espèce, l'usager est éga

(1) L. 12, § 1, f. de usu et habitat. lib. 7, tit. &

tement obligé de jouir en bon père de famille; que dans l'un et l'autre cas il ne peut ni céder ni louer à un tiers son droit isolément pris; que l'un et l'autre de ces usages constitue un droit réel sur les fonds d'autrui; et que l'un et l'autre sont également immobiliers par l'objet auquel ils s'appliquent.

En un mot ces deux espèces de droits, considérés en eux-mêmes et dans l'objet auquel ils s'appliquent, sont d'une nature absolument identique, et, sous ce point de les règles établies sur l'exercice de l'un, sont parfaitement applicables à la pratique de l'autre.

3061. 2. Nous disons que le droit d'usage dans les bois participe de la nature des servitudes foncières; et cette qualité le distingue essentiellement de l'usage personnel, sous le rapport de leur durée, ou de l'être auquel ils sont dus, puisque le droit d'usage réel est perpétuellement transmissible d'un possesseur à ses successeurs, comme dû au fonds qui est lui-même transmis de l'un à l'autre, tandis que l'usage personnel expire à la mort de l'usager, comme n'étant dû qu'à sa personne.

Ce caractère de servitude foncière est bien positivement imprimé au droit d'usage dans les bois, par plusieurs textes de nos anciennes ordonnances: « Les maîtres ne pourront donner » congé à un homme usager ou coutumier » d'ardoir ( brûler ), ne user de bois ou pâtu» rages autre part qu'au lieu pour raison du» quel il prend et reçoit ledit usage et cou» tume. » Telles sont les expressions de l'ar

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