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3066. 5. Nous disons que l'usage est le droit de percevoir des produits, parce que le droit d'usage dans les forêts, généralement considéré, peut comprendre non-seulement la faculté d'y couper du bois, mais encore celle d'y envoyer le bétail au parcours, et généralement d'y prendre ou percevoir tous les émolumens qui peuvent donner aux habitans du lieu plus de moyens de les aider dans leur

culture.

Nous disons enfin pour leurs besoins, ce qui ne doit pas être entendu en ce sens que l'usager puisse toujours obtenir ce qui est nécessaire à sa consommation; mais seulement que, dans aucun cas, il ne peut prendre au-delà: car il faut bien remarquer que le droit d'usage, comme celui d'usufruit, ne doit être exercé que salvá rei substantia; qu'en conséquence il ne serait pas permis aux usagers d'épuiser la forêt, sous le prétexte que tout le bois qu'elle produit ne serait pas même suffisant à l'étendue de leurs besoins. L'obligation que la loi leur impose de jouir en bons pères de famille, s'opposerait à ce qu'ils pussent en. mésuser, même en ce cas, et les ramenerait à prendre moins, d'après l'aménagement qui devrait être réglé, pour ne couper annuellement à leur profit que ce que la forêt pourrait fournir sans la dégrader.

CHAPITRE LXXVII.

Du Droit d'usage qui aurait été concédé à quelqu'un, tant pour lui que pour ses descendans.

3067. Il serait contraire à l'essence de l'usu

L

fruit de vouloir en rendre le droit transmissible

à perpétuité; on ne pourrait lui imprimer cette qualité sans le faire dégénérer en une autre espèce ce ne serait plus un simple droit d'usufruit qu'on aurait établi, mais plutôt un droit de superficie, qui est un droit de propriété en vertu duquel celui qui en est revêtu peut, à perpétuité, percevoir tous les fruits du fonds, quoique le sol lui-même ne lui appartienne pas.

Il n'en est pas de même du droit d'usage; comme l'usager n'absorbe pas tous les fruits du fonds, il peut être rendu perpétuel sans dégénérer en une autre espèce, puisqu'il n'opère qu'une co-jouissance avec le propriétaire.

Il n'y a donc rien de contraire à l'essence du droit d'usage de le rendre perpétuel dans sa durée, et il est effectivement tel toutes les fois qu'il se trouve attaché au service de quelques fonds, comme cela arrive le plus ordinairement quand il s'agit d'usages établis sur les bois.

Or, on sent que si le droit d'usage peut être rendu perpétuel dans sa durée, il peut, à

plus forte raison, être rendu transmissible aux descendans du premier usager, dont la postérité, quelque longue qu'on puisse la supposer, doit néanmoins finir un jour, ce qui nous ramène à l'espèce indiquée dans le titre de ce chapitre.

Mais quoique la perpétuité du droit d'usage ne soit pas contraire à son essence, elle est néanmoins contraire à sa nature, parce que, devant être toujours mesuré sur les besoins de la personne, il doit être naturellement personnel, et doit par conséquent s'éteindre naturellement au décès de la personne.

Il résulte de là que tout titre par lequel on aurait établi un droit d'usage au profit de quelqu'un et de sa famille ou de ses descendans, doit, dans le doute, recevoir une interprétation rigoureuse, pour en borner plutôt que pour en étendre la durée, soit parce qu'il doit naturellement s'éteindre au décès de chaque usager, soit encore parce qu'il est un droit de servitude toujours moins favorable que la liberté du fonds.

5068. Le droit d'usage dont nous traitons ici n'est qu'un droit de servitude personnelle, puisqu'il n'est établi qu'en contemplation de l'usager et de sa postérité, sans être attaché à la possession d'un héritage.

Comme servitude personnelle, il ne peut ni directement ni indirectement être aliéné par l'usager; et en cela il diffère essentiellement de l'usage servitude-réelle qui suit le fonds

dominant entre les mains de quiconque vient à l'acquérir.

Comme servitude personnelle encore, il s'évanouit par la mort de l'usager décédé sans postérité, ou par l'extinction de sa descendance.

Mais quoique servitude personnelle, il est transmissible aux descendans du premier usager, puisqu'ayant été établi pour eux tous, c'est là sa condition; et de là il résulte que, pour pouvoir en profiter, il n'est pas nécessaire que ceux qui y sont appelés, aient déjà été conçus au moment de la concession quand il est établi par acte entre-vifs, ou au moment du décès du testateur, quand c'est par testament qu'il est établi; cela n'est pas nécessaire, puisque c'est par voie de transmission d'une génération à l'autre qu'il est successivement acquis aux divers usagers, par la force d'une vocation graduelle qui est ici considérée comme valablement stipulée ou acceptée par le premier cessionnaire, pour lui et pour toute sa descendance.

Comme servitude personnelle, ce droit n'est activement inhérent à aucune maison particulière ; à aucune habitation déterminée; à l'exploitation d'aucune métairie; ni à la culture d'aucune terre, puisqu'il n'a été uniquement établi qu'en faveur d'une série de personnes se succédant les unes aux autres : néanmoins nous croyons que, pour être admis à l'exercer, il faut avoir sa résidence sur les lieux, ou dans le voisinage de la forêt qui en est grevée :

que ce soit dans la commune sur le territoire de laquelle la forêt est située, ou dans une commune voisine, peu importe; mais toujours faut-il une résidence à proximité, puisque, d'une part, c'est toujours un droit d'usage qui ne peut être cédé ni loué à un autre, et qu'en conséquence l'usager doit en jouir par lui-même; et que, d'autre part, les émolumens qui en sont le produit doivent être pris sur le fonds même et ne sont pas de nature à être portables dans le lointain : de tout quoi il faut conclure que lors de sa constitution, celui qui l'a légué, ou les parties qui l'ont stipulé sont présumées avoir eu l'intention que les usagers auraient une résidence à proximité de la forêt, pour pouvoir jouir de leurs droits, et que c'est là une condition tacitement voulue par les constituans et à laquelle l'exercice de l'usage cst subordonné.

3069. Pour être admis à jouir de ce droit, il ne suffit pas d'en' reproduire le titre constitutif, il faut encore que le réclamant prouve qu'il est un des descendans du premier usager, parce que ce n'est qu'à ce moyen qu'il peut démontrer et qu'on peut être assuré que le titre lui est applicable.

Et encore il faut voir si le droit n'aurait pas été, à l'égard du réclamant, périmé par le nonusage pendant trente ans. A la vérité tant que le père est jouissant, la prescription ne peut pas courir au préjudice des enfans pour lesquels le droit n'est pas encore ouvert; mais après son décès, si quelques-uns des enfans seu

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