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une division réglementaire en sections ou comités appropriés chacun à une besogne gouvernementale ou administrative déterminée.

9. C'est sous le règne de Louis XIV et par les soins de Colbert que le Conseil d'Etat reçut enfin l'organisation définitive qu'il conserva jusqu'aux derniers jours de la monarchie. Richelieu, par les ordonnances du 12 octobre 1622 et du 1er juin 1624, avait fait dominer dans la composition du conseil l'élément laïque et juridique, et créé un véritable corps de conseillers d'État, limité et divisé en classes d'ordinaires semestres et de quatrimestres; mais les troubles de la Fronde n'avaient pas permis à son œuvre de subsister. Les règlements du 1er mai 1567, du 15 septembre 1661 et du 9 janvier 1673 la reprireent et la développèrent.

A la tête du Conseil du roi était placé le chancelier ou le garde des sceaux, quand le chancelier ne détenait pas les

sceaux.

Le Conseil était formé des ministres d'État, des secrétaires d'État, des conseillers d'État ordinaires de semestre et de maîtres des requêtes.

Il comprenait le Conseil d'État ou de cabinet, où assistaient le roi et les ministres d'État. Il s'y traitait les plus secrètes et importantes affaires de la paix, de la guerre, des alliances et tout ce qui avait trait au corps de l'État en général.

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Le Conseil des dépêches, établi en 1617, où siégeaient le roi, les membres du Conseil d'État, les secrétaires d'État et le chef du conseil royal. Ils connaissaient des plus importantes affaires du dedans du royaume, regardant les grandes maisons, les communautés régulières et séculières (les villes), de celles pour l'expédition desquelles des lettres patentes du roi étaient nécessaires; enfin des privilèges. des officiers des maisons royales.

Le Conseil des finances, créé en 1661, ou étaient le roi, le chancelier, trois conseillers et des intendants de finances dont le nombre a varié. Il examinait toutes les affaires de finances.

Enfin le Conseil des parties ou conseil privé. Il pouvait être présidé par le roi, mais celui-ci était presque toujours rem

placé par son fauteuil devant lequel on plaçait une table couverte par un tapis de velours vert. A défaut du roi, le Conseil était dirigé par le chancelier. Il comptait 21 conseillers d'État ordinaires, dont trois d'église, trois d'épée, douze conseillers semestre, le contrôleur général, deux intendants, le doyen des maîtres des requêtes ayant rang de conseiller, les quatre doyens de quartier des maîtres des requêtes ayant rang de conseiller pendant trois mois de l'année, et les maîtres des requêtes.

Le Conseil des parties était un véritable tribunal, dont la compétence s'étendait à toutes les affaires soumises au roi par requêtes, à toutes celles qui ne concernaient que des particuliers comme évocations sur parentés, règlements de juges, cassations d'arrêts de cour et même du Conseil, évocations, dénis de justice; enfin il vérifiait l'exécution des édits.

Les conseillers d'État opinaient et délibéraient quand le roi était absent; ils opinaient seulement en sa présence. Ils siégeaient assis et couverts.

Les maîtres des requêtes, qui étaient qualifiés de conseillers du roi, en ses conseils (1), remplissaient le rôle de rapporteurs; ils siégeaient debout et découverts et ne délibéraient que dans les affaires qu'ils rapportaient. Ils exerçaient, en outre, une juridiction spéciale, connue sous le nom de requêtes de l'hôtel, par opposition aux requêtes du Palais, et assistaient le chancelier dans le service du sceau. Ils faisaient partie, en même temps que des conseils du roi, du parlement et du Grand Conseil. Leur nombre, qui était sous Louis IX de deux seulement, s'était élevé à la fin du XVIIIe siècle à plus de quatre-vingts.

Près du Conseil d'État existaient plusieurs compagnies d'officiers publics: des inspecteurs généraux des domaines de la Couronne, des avocats aux conseils, des greffiers et des .huissiers.

(1) Il ne faut pas confondre les titres de conseillers d'Etat et de conseillers du roi en ses conseils avec celui de conseiller du roi, qui était attribué à un grand nombre d'offices, dont quelques-uns de fort minime importance.

10. La constitution des conseils du roi, telle qu'elle avait été organisée par l'ordonnance de 1673, existait à peu près intégralement en 1789. On avait seulement ajouté aux Conseil privé des dépêches des finances et d'État, le conseil ou comité intime de la guerre formé du roi, du secrétaire d'État de la guerre, des quelques ministres d'État et de membres du Conseil de la guerre appelés au Conseil intime. Dans F'intervalle, un conseil de commerce créé le 29 juin 1700, après avoir fonctionné comme section du Conseil d'État, avait été réuni en 1787 au Conseil des finances.

. Le Conseil du roi avait des fonctions politiques, législatives, administratives et juridiques. M. de Vidaillan, dans les deux yolumes qu'il a consacrés à son histoire, a relevé les princi pales ordonnances qu'il a délibéré et a raconté les actes no, tables auxquels il a pris part. Cette étude spéciale ne saurait nous intéresser. Qu'il suffise de dire que le Conseil du roi réunissait incontestablement dans l'ancienne monarchie la plupart des attributions actuellement placées entre les mains des chambres législatives, du gouvernement, du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation, en faisant remarquer seulement que les délibérations qu'il prenait étaient, en droit, sinon en réalité, purement consultatives. Le roi, en son Conseil, ou après avoir entendu son Conseil, légiférait, ordonnait et jugeait.

11. L'Assemblée constituante de 1789, qui devait faire table rase de toutes les anciennes constitutions du royaume, ne pouvait respecter le Conseil d'État. Déjà, après les premiers actes de l'Assemblée, le Conseil avait subi, par les ordres du roi, de profondes modifications. Un règlement du 9 août 1789 avait réuni en un seul conseil les conseils du cabinet des dépêches du commerce et des finances. Le roi décidait que désormais toutes les nominations auxquelles jusqu'alors il s'était réservé de pourvoir directement seraient faites en Conseil d'État. Un conseil de contentieux des départements, formé de quatre conseillers d'État et de quatre maîtres de requêtes, devait statuer sur les affaires contentieuses administratives. Il n'était pas touché au conseil privé.

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12. Mais la loi des 27 novembre-1er décembre 1790, en créant

la Cour de cassation, enleva au Conseil des parties toutes ses attributions en matière juridique civile ou criminelle. Et celle des 27 avril-25 mai 1791, porta le dernier coup aux conseils du roi en donnant le titre de Conseil d'État et toutes les fonctions administratives et contentieuses au conseil des ministres, chargés d'assister le roi.

13. La Constitution consulaire du 22 frimaire an VIII devait rétablir et réorganiser le Conseil d'État. L'article 52 le constituait et le chargeait, sous la direction des Conseils, de rédiger les projets de loi et les règlements d'administration publique, et de résoudre les difficultés qui s'élèveraient en matière administrative.

Les détails de l'institution furent fixés par un arrêté du 5 nivôse an VIII. Le Conseil d'État était composé de trente à quarante membres, qui se formaient en assemblée générale et se divisaient en sections des finances, de législation civile et criminelle, de la guerre, de la marine et de l'intérieur.

L'assemblée générale était présidée par le premier consul ou l'un des consuls ; les sections par l'un des consuls ou un conseiller d'État.

Les ministres pouvaient prendre part, mais sans voix délibérative, aux travaux de l'assemblée générale et des sections.

Les principales attributions du Conseil consistaient dans la préparation des lois et des règlements d'administration publique. Les règlements étaient approuvés par les consuls; les projets de loi envoyés au Tribunat et au Corps dégislatif, et la discussion était soutenue par les conseillers d'État désignés à cet effet.

En outre, le Conseil devait prononcer sur les conflits pouvant s'élever entre l'administration et les tribunaux civils, et sur les affaires contentieuses dont la décision avait été remise par la loi du 27 avril, 25 mai 1791 au conseil des ministres.

Enfin le Conseil était chargé de développer le sens des lois, 'sur le renvoi qui était fait par les consuls des questions qui leur étaient présentées. Cette attribution lui donnait un véritable pouvoir législatif indirect. En effet, les avis du Conseil, une fois approuvés par le premier consul et publiés au Bulletin

des lois, avaient force de loi s'ils n'avaient pas été attaqués dans les dix jours pour inconstitutionnalité (1).

14. Le Conseil d'État était devenu, en fait, le principal corps de l'État. Ses fonctions ne cessèrent de s'accroître pendant le Consulat et l'Empire. L'article 75 de la Constitution de l'an VIII le chargea de statuer sur les demandes formées à l'effet d'obtenir l'autorisation de poursuivre, devant les tribunaux, les agents du gouvernement autres que les ministres. La loi du 18 germinal an X lui confia le soin de statuer sur les recours pour abus en matière ecclésiastique; le décret du 11 juin 1806 l'appela à connaître des affaires de haute police administrative, c'est-à-dire de prononcer sur la conduite des fonctionnaires déférés à son examen, et à juger de la validité des prises maintenues. La loi du 16 septembre 1807 lui donna le droit de préparer les décrets interprétatifs des lois dans le cas où un arrêté de la Cour de cassation n'avait pas ramené les tribunaux à une même explication d'un texte législatif.

15. En même temps que se développaient les pouvoirs du Conseil d'Etat, son personnel s'accroissait et se modifiait. L'arrêté du 5 nivôse an VII n'avait composé le Conseil que de conseillers au nombre de trente à quarante. L'arrêté du 7 fructidor an VII divisa les services en deux catégories : celle du service ordinaire et celle du service extraordinaire; ces derniers n'avaient qu'un titre qui ne les appelait pas à délibérer au Conseil. Parmi les membres du Conseil en service ordinaire, certains étaient chargés de la direction des grands services publics, les uns participaient aux travaux de sections; d'autres ne prenaient part qu'aux discussions des assemblées générales.

Les ministres, qui n'avaient à l'origine que voix consultative, obtinrent voix délibérative par le sénatus-consulte du 18 fructidor an X.

Aux conseillers d'État en service ordinaire et aux ministres,

(1) L. 22 frimaire an VIII, art. 38, 40, 42, 44.

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