Page images
PDF
EPUB

l'ordre des préséances est réglé par des dispositions et des usages particuliers.

63. Les conseillers d'Etat en service ordinaire ou extraordinaire et les maîtres des requêtes, en quittant leurs fonctions, peuvent être nommés conseillers ou maitres des requêtes honoraires (1). Les conseillers et les maîtres des requêtes honoraires font-ils partie du Conseil ?

Nous n'hésitons pas à nous prononcer pour la négative. L'honorariat n'attribue aucune fonction à celui qui en est revêtu. Donné à titre honorifique à celui qui en est revêtu, il constitue un simple lien de souvenir entre celui-ci et les membres du corps auquel il a appartenu.

64. Les membres du Conseil d'Etat sont répartis entre les diverses sections du Conseil pour être, chacun, attaché à une section déterminée et prendre part à ces travaux. Tous les trois ans, il peut être procédé à une nouvelle répartition des conseillers d'Etat et des maîtres des requêtes entre les diverses sections. Cette répartition est faite par décret du président de la République en ce qui concerne les conseillers d'Etat, et par arrêté du ministre de la justice, sur la proposition du vice-président et des présidents de section, en ce qui concerne les maîtres des requètes.

En dehors des époques fixées pour le roulement, les conseillers d'Etat ne peuvent être déplacés par décret du président de la République que sur leur demande et de l'avis du vice-président du Conseil d'Etat..

Chaque année, au 15 octobre, le ministre de la justice arrête, sur la même proposition, la répartition des auditeurs entre les sections.

65. Le gouvernement, avons-nous dit plus haut, peut appeler à prendre part aux séances de l'assemblée ou des sections, avec voix consultative, les personnes que leurs connaissances spéciales mettent en mesure d'éclairer la discussion (2). Le gou

(1) L. 24 mai 1872, art. 7.
(2) L. 24 mai 1872, art. 14.

vernement use assez souvent de la faculté qui lui est donnée. D'un autre côté, il est de pratique et de jurisprudence constante au Conseil que l'assemblée générale ou les sections peuvent, d'office, convoquer les fonctionnaires ou les particuliers pour leur demander les éclaircissements dont elles croient avoir besoin. Il est évident que la délégation du gouvernement et la convocation du Conseil ou des sections ne sauraient donner aux fonctionnaires et aux personnes convoqués aucun droit de participer, par leur vote, aux décisions.

De même, la délégation ou la convocation ne sauraient être permanentes; elles doivent être spéciales à une affaire déterminée, et renouvelées chaque fois que le concours du fonctionnaire ou de la personne appelée est jugé nécessaire. Le Gouvernement, pas plus que le Conseil, ne saurait étendre par une délégation ou une convocation permanente le nombre des membres que la loi admet à prendre part d'une façon constante aux délibérations du Conseil d'Etat. Les délégations ainsi faites ont lieu par décret quand le délégué doit assister à l'assemblée générale du Conseil, par arrêté ministériel quand il doit prendre part aux travaux de la section.

SECTION II.

DES CONSEILLERS D'ÉTAT EN SERVICE ORDINAIRE.

66. Le partage des conseillers d'État en service ordinaire et en service extraordinaire a été fait, pour la première fois, par un arrêté du 7 fructidor an VIII; maintenu et érigé en règle par un décret du 11 juin 1806, il n'a cessé depuis lors de subsister sous des noms différents. (Voy. no 46.)

Les conseillers d'Etat en service ordinaire, avons-nous dit déjà, sont choisis par le gouvernement, personnellement, pour prendre part à tous les travaux du Conseil. Leur nombre et le mode de nomination a souvent varié.

La loi du 19 juillet 1845 avait fixé le nombre des conseillers d'Etat à 30; porté à 40 par celle du 3 mars 1849, à 50

[blocks in formation]

par la Constitution de 1852, il a été réduit à 22 par la loi du 24 mai 1872 et reporté à 32 par celle du 13 juillet 1879 (1).

67. Les conseillers d'Etat en service ordinaire exerçant sur toutes les branches des administrations publiques une surveillance générale, et pouvant être appelés à donner au gouvernement, sur toutes questions, des avis motivés, on comprend que leur choix ne soit pas attribué exclusivement à un ministre; aussi la loi exige-t-elle que leur nomination soit délibérée en conseil des ministres et signée par le président de la République (2). En conséquence, les décrets de nomination portent le libellé suivant : Le Président de la République, sur le rapport du Garde des sceaux, président du Conseil d'Etat, le Conseil des ministres entendu, etc., est nommé conseiller d'Etat en service ordinaire.

68. Les conseillers d'Etat doivent être àgés de trente ans accomplis. Aucune autre condition n'est déterminée. Sous la Restauration, on exigeait que les conseillers d'Etat fussent ou eussent été revêtus de l'un des titres suivants: maître des requêtes, pair de France, député, ambassadeur ou ministre plénipotentiaire, grand maître de l'Université, archevêque ou évêque, membre de la Cour de cassation, premier président, procureur général ou président à la Cour des comptes, premier président ou procureur général d'une cour royale, officier général des armées de terre ou de mer, directeur général, préfet. On a pensé que l'on ne pouvait pas limiter le choix du Gouvernement et qu'on lui devait laisser la liberté de prendre dans toutes les situations de la vie sociale les hommes les plus aptes à remplir une fonction aussi importante, et ne pas en ouvrir la porte à quelques carrières administratives seules en la fermant à toutes les autres.

69. Mais quoique la loi n'ait pas, en dehors de la condition d'âge, imposé des règles au choix du gouvernement, les

[ocr errors]

(1) L. 13 juillet 1879, art. 1. Ces trente-deux conseillers sont le vice-président du conseil, cinq présidents de sections, vingt-six conseillers.

(2) L. 25 février 1875, art. 4

nécessités mêmes du gouvernement et de l'administration ont établi des traditions; et c'est ainsi qu'il a été d'usage, à peu près constant, depuis 1830, de ne prendre les conseillers d'Etat que parmi les maîtres des requêtes, les officiers généraux des armées de terre et de mer, les directeurs généraux et les directeurs d'administrations centrales, les préfets, les inspecteurs généraux et les ingénieurs en chef des mines et des ponts et chaussées, les inspecteurs généraux de l'Université et les anciens membres des assemblées délibérantes. Autant qu'il a été possible, on a toujours cherché à composer le corps des conseillers d'Etat: en premier lieu, d'un groupe d'anciens maîtres des requêtes, qui ont pris, dans leur participation aux travaux du Conseil, cette science juridique et administrative spéciale, indispensable au fonctionnement utile de l'institution, et, en second lieu, d'anciens hauts fonctionnaires et d'anciens officiers généraux, mûris dans la pratique des affaires, choisis successivement dans les diverses branches de l'administration et dans les divers corps de l'armée, de façon à représenter les traditions, les besoins et l'expérience particuliers à chacun des divers services publics.

70. Les conseillers d'Etat, comme tous les fonctionnaires et les magistrats administratifs, peuvent être révoqués de leurs fonctions; mais la loi a voulu que leur révocation fût entourée de certaines garanties. L'inamovibilité ne peut leur appartenir; mais il est de l'intérêt bien entendu du gouvernement et de l'administration de leur assurer une indépendance absolue. Il ne faudrait pas que l'on pût attribuer une mesure aussi grave au caprice ou à l'arbitraire d'un ministre; aussi la loi a-t-elle exigé que leur révocation soit entourée de Certaines formes qui amènent la prudence et la réflexion, et a-t-elle demandé qu'un décret individuel scit rendu par le président de la République, sur l'avis du conseil des mi-nistres. Nous ne sachions pas, du reste, qu'un conseiller d'Etat ait jamais été révoqué. Si, à certaines époques et par suite de nécessités politiques telles qu'en ont amené les changements de gouvernement de 1815, de 1830, de 1848, de 1851 et de 1870, ou si par une conséquence des lois de réorganisation du Conseil telles que celles qui sont intervenues

le 24 mai 1872 ou le 13 juillet 1879, une grande partie des conseillers en fonctions ont dû les abandonner pour les céder à de nouveaux conseillers, ces mesures générales, explicables par les circonstances où elles se sont produites, n'ont pas revêtu le caractère disciplinaire, et n'ont pas été considérées comme une mesure pouvant porter atteinte à l'indépendance soit du corps, soit des membres qui le composent.

71. Mais les conseillers d'Etat peuvent être admis à faire valoir leurs droits à la retraite. La mise à la retraite d'un fonctionnaire public n'a, en elle-même, aucun caractère blessant pour la dignité ou l'indépendance de celui qui en est l'objet. La loi, qui n'a point admis de limite d'âge pour la cessation de fonctions des conseillers d'Etat, ne pouvait faire une obligation au gouvernement de conserver les siennes à un individu que l'âge ou les infirmités ont rendu incapable, en fait, de les remplir.

Le conseiller admis à faire valoir ses droits à la retraite ne peut exiger les droits ouverts aux fonctionnaires par la loi du 9 juin 1853; il ne peut se réclamer que des dispositions de celle du 22 août 1790 et du décret du 13 septembre 1806 (1).

72. Sans être révoqué ni mis à la retraite, un conseiller d'Etat peut-il être suspendu? La loi du 24 mai 1872 (art. 3) contient les dispositions suivantes : « Les conseillers d'Etat peuvent être suspendus, pour un temps qui ne pourra pas excéder deux mois, par décret du président de la République, et pendant la durée de la suspension, le conseiller suspendu sera remplacé par le plus ancien maitre des requêtes. L'Assemblée nationale est, de plein droit, saisie de l'affaire par le décret qui a prononcé la suspension, à l'expiration du délai; elle maintient ou révoque le conseiller d'Etat. Cette dispositien a été implicitement abrogée, ainsi que l'article tout entier, par l'article 4 de la loi du 25 février 1875, qui donne au président de la République, sous certaines conditions, le droit de révocation seul. Il résulte,

[ocr errors]

(1) L. du 9 juin 1853, art. 32

« PreviousContinue »