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La déclaration reçue doit être lue publiquement (1). Cette disposition a pour objet de ne pas permettre de distraire de la direction du service public auquel il est attaché le membre du Conseil dont le témoignage est demandé.

101. Lorsque le conseiller d'Etat est tenu de déposer devant le tribunal du lieu de sa résidence, son témoignage doit être reçu selon certaines formes : le conseiller doit être reçu à la porte principale du palais de justice, introduit dans le parquet et placé sur un siège particulier; il doit être reconduit de la même manière.

102. Dans les villes où ils ont leur résidence, les présidents du Conseil d'Etat et les conseillers chargés d'un service public peuvent se refuser à témoigner devant le tribunal, sous la condition de déclarer qu'ils sont empêchés par la nécessité du service. Leur témoignage est, en ce cas, reçu en leur domicile, aux jours et heures arrêtés d'accord avec le juge chargé de le recevoir.

103. Les conseillers d'Etat sont-ils protégés contre les attaques inconsidérées des parties par des dispositions particulières de nos lois? La question est fort délicate. Les membres du Conseil d'Etat n'ont jamais été au nombre des fonctionnaires auxquels s'appliquait autrefois l'article 75 de la constitution de l'an VIII; ils n'ont jamais été compris par les textes parmi les magistrats de l'ordre judiciaire couverts par les articles 479 et 482 du Code d'instruction criminelle. Ils ont toujours été assimilés par les lois constitutionnelles aux membres du Sénat et de la Chambre des pairs, ou de la Chambre des députés. L'article 70 de la constitution du 22 frimaire an VIII s'exprime ainsi : « Les délits personnels emportant peine afflictive ou infamante commise par un membre soit du Sénat, soit du tribunat, soit du Corps législatif, soit du Conseil d'Etat sont poursuivis devant les tribunaux ordinaires, après qu'une délibération du corps auquel le prévenu appartient a autorisé

(1) L. 20 thermidor an IV; 1812.

C. Ins. crim., art. 504; - D. 4 mai

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cette poursuite. Cette disposition n'a jamais été abrogée expressément. Subsiste-t-elle encore? La question ne peut s'élever à l'égard du tribunat qui a disparu à la chute de l'Empire, du Sénat et du Corps législatif qui n'ont point été, remplacés par le Sénat et la Chambre des députés actuels : en outre, les lois constitutionnelles de la République ont établi à l'égard des membres de ces deux assemblées des garanties particulières qui forment la législation actuelle à leur égard et qui les protègent efficacement. Mais en ce qui concerne le Conseil d'Etat, la question est infiniment plus douteuse. D'une part, en effet, le Conseil d'Etat n'a jamais cessé d'exister, et, d'autre part, toutes les lois, toutes les constitutions postérieures à la constitution du 22 frimaire an VIII ont gardé le silence sur la mise en jugement de ses membres. En outre, l'article 121 du Code pénal de 1832, Code pénal en vigueur, déclare coupables de forfaiture les magistrats qui ont provoqué, donné ou signé une ordonnance ou un mandat tendant à la poursuite personnelle ou accusation d'un membre du Conseil d'Etat, sans les autorisations prescrites par les lois de l'Etat. L'affirmative à ne prendre que les textes semble donc certaine (1). Mais en 1870, est intervenu le décret du 19 septembre qui, abrogeant l'article 75 de la Constitution de l'an VIII, déclare abrogées, également toutes autres dispositions des lois générales ou spéciales ayant pour objet d'autoriser les poursuites dirigées contre les fonctionnaires publics de tout ordre. Si les conseillers d'Etat étaient des fonctionnaires, le décret du 19 septembre ne laisserait pas d'incertitude. Mais nous l'avons dit, les membres du Conseil d'Etat n'ont pas été assimilés à des fonctionnaires, dans le sens propre de ce mot; et la Cour de cassation par une jurisprudence aujourd'hui bien établie, a décidé que le décret de 1870 ne s'appliquait pas aux magistrats. Peut-on dire, dès lors, qu'il se réfère aux membres du Conseil d'Etat, c'est-à-dire aux membres du

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(1) En ce sens, Dalloz, Rép. v° MISE EN JUGEMENT, no 27; Mangin, Action publique, no 244; Faustin Hélie, Instruction criminelle, p. 243

et suiv.

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troisième grand corps d'Etat. Ainsi que le dit un avis du 14 germinal an VIII, le Conseil de l'Etat est placé par la Constitution à côté du gouvernement, considéré comme pouvoir exécutif; il en est l'instrument nécessaire, en considérant le gouvernement comme ayant l'initiative et la proposition des lois, et comme faisant à cet égard partie intégrante du pouvoir législatif.

La question, du reste, n'a point encore été examinée par les tribunaux aucun membre du Conseil d'Etat, en exercice de fonctions, n'ayant, depuis l'an VIII, été l'objet de poursuites criminelles ou correctionnelles.

104. En matière civile, et contre des instances civiles, les conseillers d'Etat n'ont aucune garantie constitutionnelle; ils peuvent être assignés directement, sauf, si le fait à raison duquel le procès est engagé, constitue un acte administratif, à exiger que le préfet élève le conflit. Mais, en tous cas, quel que soit le cours du litige, les conseillers d'Etat sont compris au nombre des hauts fonctionnaires et des magistrats que la chancellerie, en vertu du pouvoir disciplinaire qu'elle exerce sur les officiers ministériels, ne permet pas de mettre en cause, sans un avertissement préalable officieux adressé à eux et au chef de la compagnie ou du corps auquel ils sont attachés. Ce n'est pas pour créer un privilège que cette disposition réglementaire a été prise, mais afin d'éviter des instances dont le scandale pourrait rejaillir sur la compagnie ou le corps lui-même. Si les particuliers ont toujours le droit d'engager telle action qu'ils jugent convenable d'intenter contre tout haut magistrat ou fonctionnaire, les officiers ministériels ne sont tenus de prêter leur concours que lorsqu'ils ont été commis régulièrement à cet effet ils ont la faculté, et dès lors, la discipline judiciaire veut qu'ils aient le devoir, lorsque cette commission d'office n'est pas intervenue d'en référer préalablement au haut magistrat, ou au haut fonctionnaire menacé et aux supérieurs hiérarchiques de celui-ci s'il en a.

105. Les conseillers d'Etat peuvent porter un uniforme qui a été déterminé.

Ils peuvent également porter des insignes dont la forme a été arrêtée par décret.

SECTION III.

DES CONSEILLERS D'ÉTAT EN SERVICE EXTRAORDINAIRE.

106. Nous avons expliqué plus haut, no 45 et suiv., en quoi consistait ce que l'on nomme le service extraordinaire. Celuici ne comprend que des conseillers d'Etat.

Leur nombre, fixé par la loi du 24 mai 1872, à quinze, a été élevé, par celle du 13 juillet 1879, à dix-huit.

Ils sont nommés par décret du Président de la République.

107. Les conseillers en service extraordinaire sont choisis à raison de leur situation administrative; ce sont des chefs des administrations centrales; ils perdent donc leur titre de plein droit, dès qu'ils cessent d'appartenir à l'administration active (1). Ils ne le perdent pas cependant lorsqu'ils changent simplement de situation active (2).

108. Ils doivent être âgés de plus de trente années. L'article 6 de la loi du 24 mai 1872 ne distingue pas, en effet, entre le service extraordinaire et le service ordinaire.

109. Les conseillers d'État en service extraordinaire sont choisis, avons-nous dit, en raison de leurs fonctions administratives actives. Dans presque tous les ministères on nomme les titulaires de directions déterminées et il en devrait toujours être ainsi. Malheureusement des questions personnelles, des revendications motivées par des considérations d'amourpropre ont trop souvent arraché à la faiblesse gouvernemen

:

(1) L. 24 mai 1872, art. 5.

(2) M. Camescasse, directeur des affaires communales et départementales, nommé préfet de police n'a pas cessé d'être conseiller d'Etat en service extraordinaire; il en a été de même de M. Pallain, directeur au ministère des finances, nommé directeur général des douanes.

tale des nominations qui n'étaient pas justifiées par l'importance ou la nature des services dirigés par les fonctionnaires désignés. Les conseillers en service extraordinaire sont les porte-paroles et les représentants ordinaires des ministres et des administrations civiles au Conseil d'État, on devrait donc ne prendre que les chefs de services dont les affaires ont coutume d'être soumises à l'examen du Conseil d'État, ou en faveur desquels une supériorité administrative aurait été établie par les ordres du ministre (1).

110. Le service extraordinaire donne incontestablement aux titulaires qui sont choisis, une suprématie honorifique et effective sur les autres chefs des services du même ministère. Les conseillers prennent rang, en effet, à ce titre, après les conseillers d'État en service ordinaire, et jouissent de tous les droits et privilèges honorifiques de ces derniers. En outre, ils représentent le ministère auquel ils appartiennent devant le Conseil d'État, et peuvent seuls prendre part aux votes émis, à l'exclusion des fonctionnaires qui peuvent avoir été délégués par le Ministre ou le Président de la République pour soutenir un projet déterminé.

(1) Si l'on suit les traditions du Conseil et celles des ministères, abstraction faite des nominations occasionnelles ou personnelles qui ont pu se produire, voici quels sont les chefs de service le plus souvent titulaires.

Dans tous les ministères le secrétaire général quand cette fonction a été établie.

Justice Affaires civiles.

Intérieur : Administration communale et départementale, Assistance publique, Cultes.

Instruction publique Enseignement primaire et enseignement secondaire.

Finances Enregistrement et Domaines, Douanes, Contributions indirectes, Contributions directes, Comptabilité générale, Mouvement de Fonds.

Agriculture Agriculture, Forêts.

Commerce Commerce, Intérieur, Postes, Colonies.

Travaux publics: Chemins de fer, Routes, Navigation et Mines.

Affaires étrangères Service politique.

Guerre

Marine

Etat-Major, Comptabilité générale et Contrôle.

Comptabilité générale et Contrôle.

Ces services sont, on le voit, au nombre de plus de dix-huit C'est au gouvernement qu'il appartient de faire le choix

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