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l'approuvèrent quant au fond: mais alors ils se retranchèrent dans la nécessité de sacrifier à l'opinion publique, qui, disaient-ils, condamnait le décret; s'il était conservé, le repos, la confiance, le crédit était compromis... L'Assemblée crut devoir céder à de si puissans motifs.

Ainsi elle revint sur ses deux premières décisions : cette circonstance lui fit perdre en confiance et en respect plus que le pouvoir exécutif ne gagna en considération et en force par le maintien de l'ancien cérémonial. Les modifications admises dans le décret d'hommage à l'Assemblée constituante avaient été l'ouvrage d'une minorité envieuse et turbulente; mais la révocation du second décret fut le résultat de démarches extérieures d'anciens membres du : corps constituant y contribuèrent beaucoup; on délibérait moins dans l'Assemblée qu'autour d'elle; des avis, des billets parvenaient sans cesse du dehors à ses membres; vers la fin de la discussion le bruit se répandit que le roi ne viendrait point à l'Assemblée si le decret n'était pas rapporté; en même temps on vit les tribunes publiques changer totalement la direction de leurs applaudissemens, ce qui déconcerta les partisans du décret au point que l'un d'eux appela l'attention de l'Assemblée sur cette variation; enfin le trouble sc mit parmi les combattans, et la victoire resta aux derniers que les tribunes applaudirent.

Du7.

La municipalité de Paris est introduite à la barre : à la vue de son vénérable chef de nobles sentimens transportent et l'Assemblée et les tribunes; les grands souvenirs qu'il rappelle s'unissent à des vœux purs, et tel est l'effet de la présence de cet illustre citoyen que le touchant accueil qu'il reçoit est à la fois un hommage à ses vertus et un nouveau serment à la patrie M. Bailly est entendu au nom de ses concitoyens.

DISCOURS du maire de Paris à l'Assemblée nationale. (7 octobre 1791.)

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Messieurs, la ville de Paris vient vous offrir les respects

et les hommages de ses nombreux habitans. Nous vous répon

dons que ce peuple défendra la Constitution au péril de sa vie, et au prix de son sang; fidèle à la loi que la nation a diclée, au roi que la loi et les cœurs ont choisi, il se distinguera toujours et par sa soumission à vos décrets et par sa confiance dans votre sagesse.

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» L'avenir vous décernera des éloges et des honneurs mérités nous vous parlerons de nos espérances. Vous vous êtes déclarés Assemblée législative : vous avez rempli un devoir; nous ne vous en louerons pas mais nous vous remercierons du grand exemple donné à tout un peuple; nous vous remercierons de la solennité de la prestation de votre serment. Nous avons vu vos anciens, à l'imitation des temps antiques, porter le livre sacré, exposer la loi devant l'Assemblée inclinée dans un silence respectueux, et l'Assemblée jurer individuellement sur le livre même la fidélité qui lui est due! Qui refusera d'obéir lorsque vous avez obéi? Par cette solennité vous avez institué la religion de la loi : chez les peuples libres et dignes de l'être la loi est une divinité, et l'obéissance est un culte. (Applaudissemens.)

» Vous allez, messieurs, tout réunir et tout concilier. La révolution est consommée; le peuple soupire après le repos; l'Etat est fondé; le peuple demande qu'on en mette les ressorts en action: les deux pouvoirs constitutionnels sont limités; il désire qu'ils se balancent, mais qu'ils se respectent, (Applaudissemens.)

» En nous rappelant à l'union, qui fait la force des peuples libres, vous allez surtout établir la grande union de la nation et du prince que la confiance descende de cette auguste Assemblée et du trône pour remonter à ce trône et à vous par un cercle qui sera celui des prospérités !

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Législateurs, qui n'avez que du bien à faire, nous vous félicitons de l'heureux emploi que les circonstances vous ont réservé! Soyez bénis d'avance de votre ouvrage, et dans les maux que vous allez guérir, en étendant votre vue paternelle sur le royaume, jetez un regard favorable sur la ville de Paris, si courageuse dans les momens de péril, si sage et si calme dans des momens plus difficiles: fière des objets précieux, des hautes destinées qu'elle a portées dans son sein, elle les a conservés, défendus au milieu des troubles et des guerres, secrètes:

que nos ennemis y ont suscités et constamment entretenus; mais ses triomphes et sa gloire lui ont coûté; elle demande de vous, messieurs, une protection qu'elle mérite par les pertes qu'elle a éprouvées, et qu'elle méritera toujours par sa fidélité et son obéissance. » (Longs applaudissemens.)

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Réponse du président.

Messieurs, l'Assemblée nationale aime à entendre l'expression de vos sentimens. La ville qui donna l'exemple d'un saint enthousiasme pour la liberté le donnera sans doute d'un amour ardent et constant pour les lois. Si le peuple se laisse quelquefois égarer par des méchans, sa conscience et sa raison le ramènent toujours à la justice et à la vertu : c'est donc des impressions étrangères qu'il faut le garantir. Il faut environner d'une surveillance active et l'audace de ses ennemis, qui voudraient lui inspirer de vaines terreurs, et l'hypocrisie de ses faux amis, qui le caressent pour le tromper. En vous nommant ses magistrats il vous a choisis pour être ses guides et ses appuis : vous le fûtes, vous le serez, et vous aurez son bonheur pour récompense. »

Le discours et la présence de M. Bailly avaient porté dans les âmes de douces et profondes émotions; le discours et la présence de Louis XVI vont produire de ces élans impé-tueux qui ont leur source dans le besoin d'être confiant...... Un huissier annonce le roi; l'Assemblée se lève, se découvre, et observe en tout le cérémonial décrété par l'assemblée constituante; des cris de vive le roi, des transports unanimes éclatent et se prolongent jusqu'au moment où le monarque prend la parole:

DISCOURS du roi à l'Assemblée nationale. (7 octobre 1791.)

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Messieurs, réunis en vertu de la Constitution pour exercer les pouvoirs qu'elle vous délègue, vous mettrez sans doute au rang de vos premiers devoirs de faciliter la marche du gouvernement, d'affermir le crédit public, d'ajouter s'il est possible à la sûreté des engagemens de la nation, d'assurer à la fois la liberté et la paix, enfin d'attacher le peuple à ses nouvelles lois par le sentiment de son bonheur. Témoins dans vos départemens des premiers effets du nouvel ordre qui vient de s'éta

blir, vous avez été à portée de juger ce qui peut être nécessaire pour le perfectionner, et il vous sera facile de reconnaître les moyens les plus propres à donner à l'administration la force et l'activité dont elle a besoin.

» Pour moi, appelé par la Constitution à examiner, comme représentant du peuple, et pour son intérêt, les lois présentées à ma sanction, chargé de les faire exécuter, je dois encore vous proposer les objets que je crois devoir être pris en considération pendant le cours de votre session.

» Vous penserez, messieurs, qu'il convient d'abord de fixer votre attention sur la situation des finances, pour en saisir l'ensemble et en connaître les détails et les rapports; vous sentirez l'importance d'assurer un équilibre constant entre les recettes et les dépenses; d'accélérer la répartition et le recouvrement des contributions ; d'établir un ordre invariable dans toutes les parties de cette vaste administration, et de préparer ainsi la libération de l'Etat et le soulagement du peuple.

» Les lois civiles paraissent aussi devoir vous occuper essentiellement; vous aurez à les mettre d'accord avec les principes de la Constitution; vous aurez à simplifier la procédure et à rendre ainsi plus faciles et plus prompts les moyens d'obtenir justice; vous reconnaîtrez la nécessité de donner par une éducation nationale des bases solides à l'esprit public; vous encouragerez le commerce et l'industrie, dont les progrès ont tant d'influence sur l'agriculture et sur la richesse de ce royaume; vous vous occuperez de faire des dispositions permanentes pour assurer du travail et des secours à l'indigence.

» Je manifesterai à l'armée ma volonté ferme que l'ordre et la dicipline s'y rétablissent; je ne négligerai aucun moyen de faire renaître la confiance entre tous ceux qui la composent, et de la mettre en état d'assurer la défense du royaume : si les lois à cet égard sont insuffisantes je vous ferai connaître les mesures qui me paraîtront convenables, et sur lesquelles

vous aurez à statuer.

» Je donnerai également mes soins à la marine, cette partie importante de la force publique, destinée à protéger notre commerce et nos colonies.

>>

J'espère que nous ne serons troublés

par aucune agression

du dehors j'ai pris depuis que j'ai accepté la Constitution et je continue de prendre les mesures qui m'ont paru les plus propres à fixer l'opinion des puissances étrangères à notre égard, et à entretenir avec elles l'intelligence et la bonne harmonie qui doivent nous assurer la paix. J'en attends les meilleurs effets; mais cette espérance ne me dispensera pas de suivre avec activité les mesures de précaution que la prudence a dû prescrire.

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Messieurs, pour que vos importans travaux, pour que volre zèle produise tout le bien qu'on doit en attendre, il faut qu'entre le corps législatif et le roi il règne une constante harmonie et une confiance inaltérable. Les ennemis de notre repos ne chercheront que trop à nous désunir; mais que l'amour de la patrie nous rallie, et que l'intérêt public nous rende inséparables.

» Ainsi la puissance publique se déploiera sans obstacle; l'administration ne sera pas tourmentée par de vaines terreurs; les propriétés et la croyance de chacun seront également protégées, et il ne restera plus à personne de prétexte pour vivre éloigné d'un pays où les lois seront en vigueur, et où tous les droits seront respectés.

» C'est à ce grand intérêt de l'ordre que tient la stabilité de la Constitution, le succès de vos travaux, la sûreté de l'Empire, le retour de tous les genres de prospérité.

» C'est à ce but, messieurs, que doivent en ce moment se rapporter toutes nos pensées ; c'est l'objet que je recommande le plus fortement à votre zele et à votre amour pour la patrie.

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Réponse du président.

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Sire, votre présence au milieu de nous est un engagement nouveau que vous prenez envers la patrie. Les droits du peuple étaient oubliés et tous les pouvoirs confondus; une Constitution est née, et avec elle la liberté française. Vous devez la chérir comme citoyen ; comme roi vous devez la maintenir et la défendre. Loin d'ébranler votre puissance, elle l'a affermie; elle vous a donné des amis dans tous ceux qu'on n'appelait autrefois que des sujets.

>> Vous avez besoin d'être aimé des Français, dişiez-vous,

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