Ici les bois de Romainville Couronnent ce vallon fertile (1) Dont le sol n'a jamais trompé, Et qui n'oppose à la rapine Que l'églantier et l'aube-epine, Seul rempart du nouveau Tempé.
Mais le dien léger d'Idalie Me ramène à ce bois charmant Où l'infortune de Pavie
M'offre un antique monument (2). Mille chars dans ces routes sombres Se croisant sous leurs vertes ombres, Y promènent mille beautés; Tous les papillons de Cythère Y suivent d'une aile légère Ces cœurs par Zéphyre emportés.
Est-ce l'art magique d'Armide Qui te suspend à ces coteaux, Toi qui fais d'un cours si rapide Descendre l'ombrage et les eaux (3) ? Que de cascades bondissantes Tombent en nappes blanchissantes Et s'engouffrent dans ces bassins ; Tandis que l'écume élancée De l'onde par l'onde pressée Rejaillit au front des sápins!
Hébé plus fraîche et moins ornée Plaît mieux que l'augusté Junon; Versailles, ta pompe étonnée Cède aux graces de Trianon : Oui, tes fastucuses merveilles Epuisèrent les doctes veilles Des arts sonm's à tes desirs; Louis te combla de largesses: Tu me présentes des richesses,
Et mon cœur cherche des plaisirs.
(1) Les Prés Saint-Gervais.
(2) Le château de Madrid, actuellement détruit.
Frais bocages de Morfontaines,
Que vos aspects sont gracieux ! Que de vos routes incertaines Le dédale est mystérieux ! Qu'avec plaisir loin des orages Tu prépares ces doux ombrages; Et que tes jours y seront purs, Toi, par qui la Seine vengée, D'nn vil obstacle dégagée, Coule avec gloire dans nos murs!
Que de l'arbre cher à Dodone Navarre soit toujours paré! L'Iton coule, erre, fuit, bouillonne Sous le feuillage révéré.
Je te con acre à la mémoire, Noble asile qui dus t1 gloire (1) Aux charmes de tes belles eaux!) Viens avec tes roches hautaines, Tes bois, tes cygnes, tes fontaines, Décorer mes riches tableaux.
Toi qui m'inspires et m'appelles, Tu ne seras point oublié, Beau lieu (2) si cher à nos Apelles, Plus cher encore à l'amitié!
Je ne vois plus ta roue humide Blanchir un cylindre rapide
De la dépouille des guérets; Mais garde bien le nom champêtre Que te donna ton premier maître, Utile esclave de Cérès.
Laisse au faste qui se ruine Gâter la nature à grands frais; De ta simplicité divine Conserve les touchans attraits: Ces vieux saules ridés par l'âge, Ces ponts cachés sous le feuillage, Ces bords aux contours ondoyans, Où la Seine, embrassant tes îles, Se plaît sous les voûtes mobiles De tes ombrages verdoyans.
(1) Fontainebleau. (2) Moulin-Joli.
Je voulois chanter sur ma lyre Ermenonville et Chantilly, Mais le printemps vient de sourire Dans les bocages de Marly: Epris de ses graces nouvelles, Mon cœur y vole sur les ailes Et de Zéphyre et de l'Amour. Que j'aime ces légers portiques Couronnés de ces bois antiques, Que respectent les feux du jour !
Vénus n'est plus dans Amathonte, Vénus habite ces jardins; L'Olympe céderoit sans honte Au charme de ces lieux divins. Là, quand la paisible Diane, Promenant son char diaphane, De ses feux argente les airs, Des Nymphes la troupe folâtre Danse, et foule d'un pied d'albâtre L'émeraude des tapis verts.
Toujours sur ces rives fleuries Les Graces cueillent leurs bouquets; Toujours les tendres rêveries Sont errantes dans ces bosquets; Des fleurs l'haleine parfumée, Le doux bruit de l'onde animée, Tout rend ces bords délicieux : L'oeil s'y plaît, le cœur y soupire; C'est ici que j'aimai Delphire!... Muse, couronne ces beaux lieux.
Par M. LE BRUN, de l'Institut.
Faits en voyant le Tableau d'une Scène de Déluge; par M. Girodet.
D'HORREURS et de beautés quel sublime mélange D'un peuple transporté captive ici les yeux? Le divin Raphaël et le fier Michel-Ange, Pour animer la toile, ont-ils quitté les cieux ?
Quoi ! le tendre pinceau qui, sous d'épais feuillages, Des amours, du sommeil traça l'aimable accord (1), M'offre des élémens les combats, les ravages,
Et les tristes mortels luttant contre la mort?
Tableau touchant, affreux, dont l'aspect m'épouvante, Qui fais couler mes pleurs, qui séduis mes regards, J'éprouve en te voyant, et la pitié charmante, Et la douce terreur que je demande aux arts!
Poursuis, cher Girodet: rival de la naturé, Suis d'Homère immortel le vol audacieux; Vénus, ainsi qu'à lui, te prêta sa ceinture, Et, comme lui, tu peins les Héros et les Dieux.
J. B. DE SAINT-VICTOR.
LISE, malgré sa perfidie,
Toujours me plaît;
C'est que Lise fut mon amie,
Mais l'ame, qui fut enchaînée Des nœuds d'amour,
Point n'efface dans une année Trace d'un jour.
Voudrois oublier l'infidelle,
La voudrois fuir;
Mais mon dépit me la rappelle En souvenir.
Cherchai dix fois une autre belle Pour m'attacher.
Dix fois me retrouvai près d'elle Sans la chercher.
Lise m'aima plus d'une année
Si tendrement!
Elle a failli l'infortunée
Un seul moment....
(1) Tout le monde connoît le beau tableau d'Endymion, de M. Girodeţ,
Pour ce moment faut que j'oublie Tant doux attraits
En délaissant plaintive amie A tout jamais.
Non; dis-moi : « Ne suis point coupable, » Toujours t'aimai,
>> Mon inconstance est une fable,» Je le croirai,
Ai vu pourtant Lise infidelle....
C'est une erreur.
Ah! mes yeux, laissez-moi, près d'elle,
Croire à mon cœur !
LA VEILLE, LE JOUR ET LE LENDEMAIN,
CES trois mots nous offrent l'emblême
De la course agile du temps: Des Dieux la sagesse suprême Ainsi partagea nos instans; Notre vie, hélas ! est pareille Au jour ténébreux ou serein; De ce jour l'enfance est la veille, La vieillesse, le lendemain.
La veille, amour vit d'espérance; Le jour, amour est satisfait; Le lendemain vient en silence Le souvenir og le regret. Le desir fatigué sommeille.... Amans, tel est votre destin: Vous êtes plus heureux la veille Que le jour et le lendemain !
Damis, avant le mariage, Paroft tendre, empressé, soumis.
Le jour vient; dès qu'hymen l'engage, On ne reconnoît plus Damis;
Amour s'endort, soupçon s'éveille.
D'où vient ce changement soudain ?.......
C'est qu'il étoit ainant la veille,
Qu'il est époux le lendemain.
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