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Samedi 23 novembre 1816.)

(N°. a39. )

Confessions d'un homme qui se reproche d'étranges erreurs, et fait d'étranges aveux; par B. P. (1).

Il n'y a que trop de gens en France qui ont à se reprocher d'étranges erreurs, et qui, s'ils étoient sincères, feroient d'étranges aveux. Mais ces aveux répugnent à leur orgueil, et, loin d'être disposés à se reprocher leurs erreurs, ils semblent, au contraire, en tirer vanité. Ainsi nous avons vu depuis deux ans des hommes beaucoup trop fameux publier des écrits, non point pour confesser leurs torts ou leurs crimes, non point pour fléchir, par leur repentir, la justice divine, ou pour désarmer la justice humaine par quelque satisfaction; mais, au contraire, pour recourir à d'impudentes apologies; pour affecter le langage de l'innocence et de la vertu; pour donner arrogamment des conseils, lorsqu'ils n'auroient dû ouvrir la bouche que pour demander grâce. Ils parloient de leur honneur, tandis qu'ils n'auroient dû parler que de leur honte; se félicitoient de la noblesse de leurs sentimens, lorsque tout rappeloit la bassesse de leur conduite; et se prétendoient purs et irréprochables, quand il existoit encore mille témoins de leurs cruautés et de leurs rapines. Ainsi nous avons vu plus récemment encore, dans des procès qui n'ont eu que trop d'éclat, des hommes qui avoient trahi leur souverain et déchiré leur patrie, vanter aussi leur honneur, jurer

(1) Brochure in-8°. A Laval, chez la veuve Portier. Tome X. L'Ami de la Religion et du Roi.

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même sur leur honneur, se targuer de leur fidélité, et alléguer leurs efforts pour empêcher la guerre civile, quand ils la fomentoient de tous leurs soins. Tout le langage étoit interverti. On appeloit mal ce qui est bien, et bien ce qui est mal; et, dénaturant toutes les notions, altérant tous les principes, les personnages les plus décriés par la part qu'ils avoient prise à la révolution, ajoutant l'hypocrisie et l'orgueil au souvenir de leurs excès passés, se paroient encore des livrées de la vertu, et mentoient à leur conscience et aux autres, eu revendiquant avec hauteur l'estime qu'ils avoient mérité de perdre, et qu'ils ne faisoient rien pour reconquérir.

M. B. P. n'est sûrement pas de ce nombre, et quoiqu'il se confesse de beaucoup d'erreurs, nous ne le croyons pas aussi coupable qu'il sembleroit l'être. Ses Confessions ne sont qu'un cadre et une espèce de fiction imaginée apparemment pour faire sentir à d'autres leurs erreurs. C'est un exemple et une leçon qu'il donne à des gens qui en auroient assez de besoin. Il suppose donc qu'il a adopté sur divers points les doctrines perverses enfantées ou propagées dans le dernier siècle, et il expose les raisons qui l'ont désabusé. Ainsi il rappelle les erreurs qui ont été enseignées sur la religion, sur la philosophie, sur les révolutions, sur la souveraineté du peuple, sur la légitimité, sur le clergé, sur les idées libérales, etc. Il y a cinquante articles en tout, en comptant un supplément d'une quarantaine de pages. Malheureusement ces espèces de chapitres, commençant et finissant toujours à peu près par les mêmes formules, présentent une monotonie désagréable. L'auteur a les meilleures intentions, et professe d'excellens principes. Mais il ne les rend pas

par

attrayans pour ses lecteurs; et la répétition des mêmes tournures et de la même ironie finit n'être pas très-plaisante. Nous croyons que M. B. P. cût mieux atteint son but en choisissant un autre cadre, ou en le variant avec plus d'art. Ce n'est pas assez, quand on écrit, de raisonner juste; il faut encore attacher et plaire. C'est le seul moyen d'être lu, et par conséquent utile.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

ROME. S. S. a nommé les nouveaux cardinaux de Simeoni, Quarantotti, Georges Doria, Ercolani et San Severino, membres de différentes congrégations.

-Lemarquis François Nunez Vergueiro, garde noble de S. S., chargé de porter la barrette de cardinal à Mer. Caleppi, nonce à la cour de Portugal, arriva le 16 juin à Rio-Janeiro. Le roi fixa le 23 pour le jour où il donneroit en cérémonie la barrette au nouveau cardinal, qui fut conduit avec pompe au palais, dans les voitures de la cour, et reçu avec de grands honneurs. Le roi posa la barrette sur la tête de Mer. Caleppi, qui répondit par un discours où il exprimoit sa reconnoissance. On remarque dans tous les détails de l'étiquette observés en cette occasion, que la cour de Portugal y témoigne des égards particuliers pour la dignité de cardinal, et un attachement non équivoque pour le prélat qui occupe depuis si long-temps chez elle la place de nonce du saint Siége.

Le 11 octobre, mourut, dans la maison professe des Jésuites, Joachim Pla, ancien Jésuite espagnol, né au diocèse de Tortose en 1745. Il s'étoit mis en route pour Civita-Vecchia, dans le dessein de retourner dans sa patrie, et de se réunir à ses frères; mais, surpris par

une maladie grave, il fut obligé de revenir sur ses pas. On le transporta à Rome, où il succomba au bout de peu de jours. Son goût l'avoit porté à la bibliographie et à l'étude des langues étrangères. Il devint successivement sous-bibliothécaire à Ferrare, professeur de chaldéen à Bologne, et directeur de la bibliothèque Barberini à Rome. Léopold l'appela à Florence, et se servit de lui pour la traduction des manuscrits arabes; et l'illustre Tiraboschi le déclara un des plus habiles polyglottes de l'Italie. Il a laissé en manuscrit un Essai sur l'ancienne langue provençale, que l'on dit plein de recherches et d'érudition. Il étoit aussi vertueux que savant, et sa piété, sa douceur, l'innocence de ses mœurs, lui concilièrent partout le respect et l'attachement de ses confrères comme des gens du monde. La connoissance des langues ne lui avoit point fait négliger les études ecclésiastiques, et encore moins la pratique des vertus d'un bon religieux.

On écrit de Cologne que M. l'évêque de Jéricho est venu dans cette ville; que le 21 septembre il a fait dans l'ancienue cathédrale une ordination de soixante prêtres et de cent diacres, et qu'il a administré le sacrement de Confirmation à plus de dix mille personnes.

PARIS. Nous espérions annoncer plutôt la conclusion des affaires ecclésiastiques. Mais le gouvernement n'a encore rien publié à cet égard; et quelle que soit notre impatience, elle doit céder aux motifs qui retardent cette publication si désirée. D'ailleurs, la nouvelle que nous avons donnée précédemment n'a point été démentie. On est d'accord sur le fond, et la convention principale paroît arrêtée. On ne négocie plus, dit-on, que sur des accessoires moins importans, et dont la discussion, il faut l'espérer, ne sera pas longue. Qui voudroit retarder une conclusion de cette nature, par un attachement intempestif à quelques prétentions, lesquelles doivent céder en ce moment surtout à de plus grands intérêts! La reli

pas

gion qui souffre, l'Eglise qui gémit de cruelles divisions, appellent une coopération franche et prompte de tous ceux qui, par leur rang et leurs places, peuvent accélérer la paix; et il est consolant de penser que le zèle et la piété du Pontife, du Prince et des évêques, nous répondent également de leur désir de terminer cette affaire. Mais toute négociation se complique d'une infinité de détails qui nous échappent à nous autres qui, placés dans la foule, ne pouvons saisir l'ensemble des considérations, des motifs, des rapports, des intérêts d'après lesquels doivent se déterminer les puissances. Nous trouvons quelquefois lent ce qui cependant marche assez vite. Reportons-nous aux longues négociations qui suivirent les brouilleries de Louis XIV avec Innocent XI. Ce Pape étoit mort le 12 août 1689, et quoique le Roi se fût relâché sur quelques points, il n'y eut d'accommodement sous Alexandre VIII, qui mourut le 11 février 1691. La négociation, qui ne dépendoit que du choix de quelques expressions, traîna pourtant en longueur; elle fut reprise sous Innocent XII, successeur d'Alexandre; il y eut plusieurs projets de lettre, qui sont rapportés dans les Opuscules de Fleury (publiés par M. Emery) (1). L'adoption définitive d'un de ces projets souffrit des difficultés, et ce ne fut qu'après bien des rédactions, des changemens de mots, des modifications, des discussions, que l'on convint d'une lettre, qui fut envoyée, le 14 septembre 1693, au Pape, avec une autre de Louis XIV. Ainsi, les différends ne furent terminés qu'au bout de quatre ans, et cependant il ne s'agissoit guère que d'une lettre. Sans doute que la paix ne tardera pas si long-temps pour nous. Nous avons du moins cette confiance que s'il n'étoit question, comme sous Louis XIV, que d'un acte de déférence, des évêques qui ont fourni tant de preuves de leur attachement à

(1) Voyez aussi les OEuvres du chancelier d'Aguesseau, t. XIII, P. 418.

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