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DE

THÉOLOGIE MORALE

LE PREMIER QUI AIT ÉTÉ FAIT SUR CETTE PARTIE DE LA SCIENCE SACRÉE, ET NÉANMOINS CELUI QU'UN PRÊTRE
DEVRAIT AVOIR LE PLUS SOUVENT DANS LES MAINS, APRÈS LES LIVRES SAINTS;

PRÉSENTANT UN EXPOSÉ COMPLET DE LA MORALE CHRÉTIENNE,

CONTENANT UNE RÉGLE DE CONDUITE POUR LES PRINCIPALES CIRCONSTANCES DE LA VIE;

OFFRANT

UN COMPLÉMENT NÉCESSAIRE A TOUTES LES ÉDITIONS DU DICTIONNAIRE
PUREMENT DOGMATIQUE, POLÉMIQUE ET DISCIPLINAIRE
DE BERGIER;

PAR M. L'ABBÉ PIERROT,

Curé de Sampigny, diocèse de Verdun, et ancien professeur de théologie au grand séminaire de cette ville;

SUIVI

D'UN PLAN MÉTHODIQUE DE LA THÉOLOGIE LAISSÉ INÉDIT PAR BERGIER,

D'APRÈS LEQUEL ON PEUT LIRE AVEC SUITE SON DICTIONNAIRE;

AT D UNE HISTOIRE ABRÉGÉE DE LA THÉOLOGIE DEPUIS L'ORIGINE DU MOnde Jusqu'à nos jours.

Publié par M. l'abbé Migne,

ÉDITEUR DE LA BIBLIOTHÈQUE UNIVERSELLE DU CLERGÉ.

OU DES COURS COMPLETS SUR CHAQUE BRANCHE DE LA SCIENCE ECCLÉSIASTIQUE.

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S'IMPRIME ET SE VEND CHEZ J.-P. Migne, Éditeur,
AUX ATELIERS CATHOLIQUES, RUE D'AMBOISE, AU PETIT-MONTROUGE,

BARRIÈRE D'ENFER DE PARIS.
1858

7818

Le Dictionnaire théologique de Bergier se trouve dans la plupart des bibliothèques du clergé. En feuilletant ce savant ouvrage, il n'est pas un ecclésiastique qui n'ait regretté de ne point y trouver la partie morale. Pour satisfaire à cette exigence légitime, nous donnons un dictionnaire de théologie morale, sous le titre de Dictionnaire de théologie morale, servant de complément au Dictionnaire de théologie de l'abbé Bergier.

La plupart des membres du clergé sont tellement occupés des fonctions du saint ministère, qu'ils ne peuvent consacrer un temps bien long à l'étude de la théologie. Ce qu'il leur faut, c'est un manuel où ils puissent trouver en peu de temps, 1° la solution de toutes les difficultés pratiques qu'ils rencontrent dans l'exercice du saint ministère; 2° une réponse péremptoire à toutes les objections que le monde mécréant fait contre certains points de la mora'e évangélique; 3 les matériaux suffisants d'une bonne conférence ecclésiastique.

Nous croyons avoir pourvu à ce triple besoin par notre Dictionnaire de théologie morale. Nous avons essayé de rendre l'ouvrage clair, court et complet. Lorsque les questions ne présentent aucune difficulté, nous nous contentons de citer le texte de la loi, accompagné d'un petit commentaire. Lorsque nous exposons les grands principes de la morale, nous les accompagnons toujours des hautes considérations théologiques et philosophiques, développées par les plus grands maîtres. C'est dans l'exécution de ce plan que nous avons trouvé le moyen de faire un ouvrage court et cependant complet.

INTRODUCTION.

1. Il n'est aucun sujet qui ait plus attiré l'attention des hommes que la morale. Philosophes, législateurs, théologiens de tous les pays, de tous les temps, de toutes les religions, en ont fait l'objet de leurs méditations. Et, en effet, rien au monde n'est plus digne des réflexions du sage; car les mœurs sont les premiers biens des familles et des peuples.

Les bonnes mœurs seules donnent à une nation de la grandeur, de la puissance et de la prospérité. Un empire ne possède de véritable félicité que lorsque la masse de ses citoyens possède cette virilité d'âme qui donne le désir sincère de connaître tous ses devoirs et la force de les accomplir. Les richesses du commerce et de l'agriculture, la magnificence des beaux-arts, les jouissances de la vie ne peuvent sans les mœurs former un Etat florissant. Les nations sans mœurs, amollies par le luxe, énervées par les plaisirs, dégradées par les vices, guidées par l'intérêt personnel, peuvent avoir, par la prospérité matérielle, les apparences d'Etats puissants; mais qu'on pénètre jusqu'à la source de la véritable force, on ne trouve qu'une extrême débilité. Et ici nous en appelons aux enseignements de l'histoire. Elle nous montre par les faits où gît la véritable grandeur. Elle nous fait voir, d'un côté, de petits Etats résistant aux attaques des plus grands empires, s'élevant ensuite par degré et prenant DICTIONN. DE THÉOL. MORAle. 1.

enfin place parmi les premiers peuples du monde; d'un autre côté, elle niet sous nos yeux les plus vastes monarchies, soutenues par des millions de soldats, succombant sous les coups de quelques milliers d'hommes valeureux. D'où vient donc une telle différence? Elle vient surtout de la différence des mœurs. Les grands empires s'étant laissé énerver par les plaisirs et la corruption, ont perdu leurs forces et ont dû succomber. Au contraire, les peuples qui avaient conservé toute l'énergie de la vertu, ont sans cesse grandi, parce qu'ils ont puisé sans cesse dans la vertu une force et un courage toujours renaissant. Tyr et Babylone élevèrent jadis une puissance colossale. Cette puissance. ne reposait pas sur la vertu; elle brilla un instant, comme l'éclair qui éblouit pour rejeter dans des ténèbres plus profondes. La corruption fut leur ruine; le sol même qui avait porté ces villes célèbres sembla rougir de leur crime, il déroba pendant des siècles. le lieu de leur existence. Rome et Lacédémone furent deux grandes cités pendant que ces deux villes eurent des mœurs; toute leur puissance s'est évanouie avec la corruption.

Si du sommet des empires nous descendons dans les familles, nous y recueillons les mêmes enseignements : les trésors immenses s'épuisent, les plus beaux noms se flétrissent, la honte pénètre dans les plus

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nobles maisons, parce que les mœurs des grands se sont corrompues. Le pauvre s'est élevé, le fils de l'artisan s'est assis à côté des rois c'est presque toujours à cause de sa sagesse de la conduite. S'il faut donner aux circonstances leur part dans l'élévation des hommes, il faut aussi confesser que les nouvelles fortunes, honnêtes et stables, sont ordinairement le produit d'une conduite bien réglée.

Ce n'est point assez de faire sentir l'importance de la morale, il faut encore en faire connaître les principes fondamentaux, en rechercher la source, en étudier l'histoire, en exposer les règles. Mais comme tout ce Dictionnaire est consacré à ce dernier point, nous nous contenterons, dans cette introduction, 1 de rechercher le fondement de la saine morale; 2° nous ferons l'histoire de la morale; 3° enfin nous indiquerons les sources où l'on doit puiser la bonne morale

ARTICLE PREMIER.

DE LA BASE FONDAMENTALE DE LA MORALE.

II. Les grands édifices destinés à traverser les siècles doivent être établis sur des fondements inébranlables. La morale doit exister dans tous les temps, chez tous les peuples, résister à toutes les attaques des esprits et des cœurs corrompus: elle doit donc avoir uue base immuable pour défier les temps; un fondement inébranlable pour braver les efforts de ses ennemis. Les sages se sont beaucoup occupés de cette base. Les uns ont essayé d'établir le fondement de la morale en dehors de la Divinité et de la religion. Leurs systèmes ont fait beaucoup de bruit. Nous devons les examiner d'abord, ensuite nous ferons connaître la véritable base de la morale suivant la doctrine chrétienne.

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Systèmes de ceux qui établissent la base de la morale en dehors de la Divinité et de la religion.

III. Séparer la moralo de la religion est pour nous quelque chose de monstrueux; rien cependant ne paraît plus rationnel aux prétendus philosophes de notre siècle. Ils regardent même celte séparation comme une nécessité absolue, et établissent cette nécessité sur l'histoire de la religion.

Confondant la véritable religion avec les cultes les plus faux, ils nous disent: Prenez l'histoire de toutes les religions; lisez-y la multitude des divinités bizarres qui y sont nommées; parcourez les rituels de tous les cultes, les prescriptions de tous les pontifes, les règlements disciplinaires et moraux des muphtis, des saliens, des bramines, des bonzes, des protopapas, des évêques,etc.,etc., tous sont contradictoires, sans cesse variables, pour la plupart ridicules et cruels. Vouloir lier la morale à la religion, c'est donc vouloir lui faire mériter ces tristes qualifications, c'est l'assujettir à toutes les rêveries des imposteurs. Voyez les peuples qui n'ont pas encore été éclairés par une sage philosophie, qui n'ont d'autre principe de morale que leur

religion. Combien leur morale est vile et méprisable ! Qu'elle fait naître de dégoût! D'où vient donc un tel avilissement? Il n'a d'autre cause que l'alliance de la religion et de la morale. Pour rendre celle-ci sainte et pure, il faut la rendre indépendante des croyances religieuses.

Accordons un instant que l'histoire des religions prouve que leur alliance avec la morale a été funeste à celle-ci. Reste toujours la grande question du fondement de la morale, car il lui en faut nécessairement un. Le droit de commander emporte le devoir d'obéir; ces deux idées sont corrélatives. Si la morale a des lois obligatoires, il y a donc une autorité qui en commande l'observation. Quelle est cette autorité? Les systèmes sont nés en foule pour répondre à cette question. Nous allons exposer brièvement les quatre principaux.

1er Système. IV. La raison est le véritable fondement de la morale. Il est inutile, nous disent quelques philosophes, de faire intervenir l'autorité divine pour nous faire pratiquer la vertu et fuir le vice. Nous avons notre raison qui nous fait discerner le bien du mal, et qui nous donne des motifs suffisants pour pratiquer l'un et éviter l'autre : écoutons la raison, et tous nos devoirs seront bien remplis.

Mais quelle est donc cette raison qu'on invoque avec tant de confiance, qu'on préconise comme la règle sûre de toute morale? Est-ce la droite raison en général? Mais c'est une abstraction de notre esprit, la raison n'a d'existence réelle que dans l'être raisonnable; vouloir donner la raison en général pour règle de morale, c'est donner une chimère. Est-ce la raison individuelle? Mais c'est dire à chaque homme : Descends dans ton âme, interroge-la, écoute ses leçons. Tout ce qu'elle te dira est bon, vrai, utile. Le sauvage entendra peut-être au fond de son âme qu'il doit tuer l'ennemi pris à la guerre pour manger sa chair; c'est un acte de vertu. L'assassin qui a secoué tous les remords croit qu'il lui est utile d'assassiner le riche pour s'emparer de sa fortune, sa conscience est tranquille; il est vertueux..... Ces affreuses conséquences nous font reculer d'effroi.

Et d'ailleurs, où s'est-il trouvé un homme qui ait une intelligence assez étendue, une âme assez ferme pour secouer tous ses préjugés d'enfance, pour oublier toutes les mauvaises leçons qu'il a reçues, pour heurter de front toutes les opinions de ceux avec lesquels il est obligé de vivre? Quelques philosophes ont voulu faire parade de ce courage, mais c'est moins la raison que la vanité qui les a conduits. Et d'ailleurs, en voulant s'élever au-dessus de tous les préjugés, ne sont-ils pas tombés eux-mêmes dans les plus graves erreurs? En lisant leurs livres, on ne peut s'empêcher de dire: Sottises pour sottises, autant vaut conserver celles des autres que d'en chercher de plus pernicieuses en

core.

Supposons la raison parfaitement éclairée. Quelle sanction donne-t-elle à ses prescrip

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