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laquelle il est permis aux contractants de se débattre. Il n'y a pas de lésion, ni conséquemment d'injustice, lorsque les contractants se renferment dans les limites du prix, summum et du prix minimum. Au mot PRIX, nous fixons ces limites. Selon les lois de la conscience, tout ce qui excède le juste prix est une injustice qui oblige à restitution. La justice humaine ne pouvait se montrer aussi sévère que la loi de la conscience, les procès auraient été trop multipliés. Aussi la loi n'admet d'action pour cause de lésion que dans certains contrats et à l'égard de certaines personnes dans certains contrats tels que ceux de vente (Cod. civ. art. 1674), et dans les partages (Art. 887). Voy. LÉSION, PARTAGE, VENTE, RESCISION; à l'égard de certaines personnes, telles que les femmes mariées, les mineurs, les interdits. Voy. ces mots.

ARTICLE II.

De la capacité des parties contractantes. 17.Donnons d'abord les dispositions du Code. 1123. Toute personne peut contracter, si elle n'en est pas déclarée incapable par la loi. (C. 1594, 1925, 2222.)

1124. Les incapables de contracter sont : les mineurs (C. 388, 483 s.; P. 406); les interdits (C. 502, 513); les femmes mariées, dans les cas exprimés par la loi (C. 217 s. 1538); et généralement tous ceux à qui la loi a interdit certains contrats. (C. 25.)

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1125. Le mineur, l'interdit et la femme mariée ne peuvent attaquer, pour cause d'incapacité, leurs engagements, que dans les cas prévus par la loi. Les personnes capables de s'engager ne peuvent opposer l'incapacité du mineur, de l'interdit ou de la femme mariée, avec qui elles ont contracté. (C. 225, 1338, 1926.)

L'essence de la convention consistant, comme nous l'avons vu, dans le consentement, il s'ensuit qu'il faut être capable de consentir, et par conséquent avoir l'usage de la raison, pour être capable de contracter. Il est donc évident que les enfants en bas âge, les insensés pendant leur folie, ne peuvent contracter par eux-mêmes; mais ils le peuvent par le ministère de leurs tuteurs ou curateurs. (Voy. ces mots.)

Il est évident que l'ivresse, lorsqu'elle va jusqu'à faire perdre la raison, rend la personne qui est en cet état incapable de contracter.

Les corps, les communautés, les fabriques, etc., étant personnes civiles, ne peuvent conIracter par eux-mêmes, mais ils le peuvent par le ministère de leurs administrateurs.

Il y a des personnes qui, étant par la nature capables de contracter, en sont rendues incapables par la loi civile; le législateur a cru devoir enlever à ces personnes la capacité civile, parce qu'il a pensé avec raison qu'elles n avaient pas un discernement suffisant pour contracter. Ces incapacités sont d'ailleurs fondées sur un motif d'ordre public. Voy. MINEURS.

Nous avons rapporté ci-dessus les incapacités reconnues par notre Code. En traitant

des personnes qu'elles concernent, nons donnerons les développements désirables.

ARTICLE III.

De l'objet et de la matière des contrats. 18. Voici les dispositions du Code :

1126. Tout contrat a pour objet une chose qu'une partie s'oblige à donner, ou qu'une partie s'oblige à faire ou à ne pas faire. (C. 1101, 1108.)

1127. Le simple usage ou la simple possession d'une chose peut être, comme la chose même, l'objet du contrat. (C. 625 s. 631, 1709 s.)

1128. Il n'y a que les choses qui sont dans la commerce qui puissent être l'objet des conventions. (C. 538, 540, 1598, 2226.)

1129. Il faut que l'obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce. La quotité de la chose peut être incertaine, pourvu qu'elle puisse être déterminée.

1130. Les choses futures peuvent être l'objet d'une obligation. On ne peut cependant renoncer à une succession non ouverte, ni faire aucune stipulation sur une pareille succession, même avec le consentement de celui de la succession duquel il s'agit. (C. 791, 1600.)

Il ne peut y avoir de convention qu'il n'y ait un objet qui en soit la matière. L'objet d'une convention peut être une chose proprement dite que le débiteur s'oblige à livrer; ou un fait que le débiteur s'oblige de faire ou de ne pas faire (Art. 1126). Non-seulement les choses mêmes peuvent être l'objet d'une obligation, le simple usage d'une chose, ou la simple possession de la chose, en peut être l'objet, comme cela a lieu dans les contrats de prêt, de nantissement, etc. (Art. 1127).

Il n'y a que les choses qui sont dans le commerce qui peuvent être l'objet des obligations. Il est évident qu'on ne peut s'enga ger à donner une église, une route, une rivière (Art. 1128). Les choses comme les droits de souveraineté, les droits contraires à l'indépendance de personnes, sont hors de

commerce.

Il faut encore que l'objet ait une certaine détermination, qu'il soit déterminé quant à l'espèce et qu'on puisse en déterminer la qualité. Si on vendait une chose en général, on pourrait s'acquitter en donnant un grain de sable. Si on vendait du blé, du vin, on pourrait donner un grain de blé ou une goutle de vin. La raison nous dit que de pareilles conventions sont nulles et ridicules. Il faut donc que l'espèce soit déterminée, et la quantité déterminable (Art. 1129). Ainsi on peut s'engager à indemniser des pertes éprouvées, parce qu'on peut les déterminer.

Les choses même futures peuvent être l'objet des conventions. Les traités d'assurance regardent communément les choses futures. Le droit romain et notre droit apportentuneexception; c'est concernant les succes sions: on ne peut renoncer à une succession ouverte, ni faire une pareille stipulation sur une pareille succession, même avec le consentement de celui de la succession duquel il s'agit.

Non-seulement les choses qui appartiennent au débiteur peuvent être l'objet de son obligation, mais même celles qui ne lui appartiennent pas: lorsqu'il s'est obligé de les donner, il est obligé de les racheter de ceux à qui elles appartiennent, pour les donner à celui à qui il les a promises.

ARTICLE IV.

De la cause

19. Dispositions du Code:

1131. L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet. (C. 1235.)

1132. La convention n'est pas moins valable, quoique sa cause n'en soit pas exprimée.

1133. La cause est illicite quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes mœurs ou à l'ordre public. (C. 6, 686, 900, 1172, 1833.)

Tout engagement doit avoir une cause honnête. Dans les contrats intéressés la cause de l'engagement que contracte l'une des parties est ce que l'autre partie lui donne, ou s'engage de lui donner, ou le risque dont elle se charge. Dans les contrats de bienfaisance, la libéralité que l'une des parties veut exercer envers l'autre est une cause suffisante de l'engagement qu'elle contracte envers elle. Mais lorsque l'engagement n'a pas de cause ou une cause fausse, il est nul (Art. 1131). Ainsi, un homme se croyant par erreur débiteur d'une somme, s'engage à la donner, c'est un engagement sans cause,qui est nul. Toutefois, il n'est pas nécessaire que la cause soit exprimée dans le contrat, il suffit qu'elle existe (Art. 1132). Quand même il y en aurait une fausse indiquée, dès lors qu'il y en a une réelle, la convention subsiste (Cour cass., 8 juillet 1807).

-

La cause illicite annulle aussi les conventions. Ainsi, l'engagement de nuire à un tiers, de se battre en duel, de faire des actions contraires aux bonnes mœurs, de livrer à l'ennemi les portes d'une ville, sont des engagements complétement nuls. On a fait une faute en les contractant, c'en serait une plus grande de les exécuter. Après l'exécution, le creancier n'est pas tenu d'accomplir sa promesse, parce que le crime ne peut faire acquérir de droit, et que ce serait favoriser les grands coupables. Si le créancier a volontairement payé après le crime commis ce qui était convenu, Pothier pense qu'il n'a plus le droit de le répéter selon les lois du for de la conscience. il est vrai, dit-il, que la loi naturelle et la loi civile accordent la répétition de ce qu'on a payé sans le devoir, lorsque le payement a été fait par erreur: on suppose en ce cas que le payement a été fait sous une espèce de condition qu'il y aurait lieu à la répétition, au cas qu'on découvrit que la chose n'était pas due. Quoique cette condition n'ait pas été formelle, elle était virtuelle. Elle est conforme à la disposition de la volonté en laquelle était celui qui a payé: l'équité, qui ne permet pas

de profiter de l'erreur d'un autre pour s'enrichir à ses dépens, fait supposer cette condition; mais on ne peut faire une pareille supposition dans l'espèce dont il s'agit : celui qui paye le fait avec une parfaite connaissance de la cause pour laquelle il paye; il ne peut par conséquent retenir aucun droit pour répéter la chose dont il s'est exproprié volontairement et avec une parfaite connaissance de cause. Voy. PROMESSE.

CHAPITRE II.

DE L'INTERPRÉTATION DES CONVENTIONS. 20. Dispositions du Code:

1156. On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties coatractantes, plutôt que de s'ar êter au sens littéral des termes. (C. 1175, 1602, 2048).

1157. Lorsqu'une clause est susceptible de deur sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec le quel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun.

1158. Les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat.

1159. Ce qui est ambigu s'interprète par ce qui est d'usage dans le pays où le contrat est passé.

1160. On doit suppléer dins le contrat les clau es qui y sont d'usage, quoiqu'elles n'y soient pas exprimées. (C. 1135 s.)

1161. Toutes les c'auses des conventions s'inter prètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier.

1162. Dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé, et en faveur de celui qui a contracté l'obligation. (C. 1602.)

1165. Quelque généraux que soient les termes dans lesquels une convention est conçue, elle e comprend que les choses sur lesquelles il parad que les parties se sont proposé de contracter. ( 2048 s.)

1164. Lorsque dans un contrat on a exprimé un cas pour l'explication de l'obligation, on n'est pas censé avoir voulu par là restreindre l'étendue que l'engagement reçoit de droit aux cas non exprimes.

Les termes des conventions peuvent être obscurs, certaines conditions peuvent n'être pas suffisamment expliquées; de là nait la nécessité d'interpréter les conventions. Le Code a emprunté à Pothier des règles éminemment sages, qui sont tirées du droit romain.

Pour apprecier l'intention des parties contractantes, il faut moins s'arrêter aux mots qu'au sens, prendre en considération la nalure de l'affaire, les circonstances dans lesquelles les parties ont contracté, les motifs qui les ont déterminées. Il ne faut pas s'arrêter à l'écorce, il faut pénétrer l'esprit, juger les choses d'après l'équité, l'usage ou la loi. Ainsi, une personne loue une ferme pour neuf ans, pour la somme de mille francs; elle ne s'est pas suffisamment expliquée, si c'est mille francs pour les neuf ans ou par chaque année. On voit la valeur de la ferme, on consulte l'usage, et on en conclut la nature de l'obligation résultant de cette convention. Les règles données par le Code sont claires; elles sont plutôt des conseils donnés aux juges que des règles rigou

reuses; l'affaire est abandonnée à leur sagesse.

CONVERSION.

Voy. APOSTASIE, BAPTÊME, ORDINATION.
COOPÉRATION.

1. S'il y a des actions qui nous sont propres et que nous faisons nous-mêmes, il y en a d'autres que nous ne faisons pas immédiatement, mais seulement par le ministère des autres, ou auxquelles nous coopérons en les faisant avec eux. Lorsque nous y coopérons efficacement, en les commandant, les conseillant, ou de toute autre manière, elles nous appartiennent réellement et nous sont imputables.

2. S'il est très-important de connaître quel les sont nos actions personnelles dont nous sommes responsables, il ne l'est pas moins de pouvoir distinguer dans les œuvres du prochain celles qui nous sont imputables. C'est pourquoi nous établirons d'abord les principes généraux de l'imputabilité des acles d'autrui. Mais comme cette imputabilité n'a pas toujours la même extension, il faut aussi des règles pour en mesurer l'étendue. Enfin, il y a souvent du dommage à réparer par suite de ces actions. Pour ne point diviser la matière, nous serons encore forcés de traiter de la réparation du dommage causé au prochain par la coopération.

ARTICLE PREMIER.

Principes généraux de l'imputabilité des actes d'autrui.

3. C'est un principe d'équité naturelle que personne ne peut être responsable d'un acte s'il n'y a eu aucune part. C'est donc dans la Cause d'une action qu'il faut chercher les principes de l'imputabilité des actes produits par la coopération. Or, cette cause peut être cause principale ou cause égale, ou cause subalterne. Ces différentes causes peuvent être positives ou négatives. Une cause est principale, quand on a droit de lui imputer une action plus même qu'à celui qui l'a faite. Un maitre commande un assassinat à son domestique il en est la cause principale.

en

4. Une cause est égale quand, soit comme principale, soit comme subalterne, elle coucourt également avec une autre cause, sorte qu'on puisse en attribuer le succès à l'une et à l'autre. Deux généraux se dévouent dans un combat; ils ont la même valeur; ils marchent ensemble; ils sont tous deux causes égales du succès de la bataille.

5. Une cause est subalterne, quand elle agit sous la direction et l'impulsion d'une cause principale. Tel est un serviteur qui exécute les ordres de son maître.

6. Une cause est positive, quand elle coopère activement, soit par action ou par conseil, à une œuvre. Elle est négative, lorsqu'elle ne s'oppose pas à une action à laquelle elle devrait s'opposer.

7. Une cause peut coopérer à l'action ellemême, ou seulement aux préparatifs de l'action. Lorsqu'elle coopère à l'action elle

même, elle a sa part de responsabilité, soit en bien, soit en mal, selon que l'action est bonne ou mauvaise,

8. Si elle coopère seulement aux préparatifs de l'action, et qu'elle ne fasse pas l'action elle-même, est-elle responsable de l'action? v. g. Un serviteur donne une épée à son maître qui va se battre en duel; est-il coupable du crime du duel? Il est certain que s'il ne sait à quoi peuvent servir ces préparatifs, que s'il peut les juger bons aussi bien que mauvais, il ne peut avoir aucune responsabilité de l'acte qu'il ignore. Mais s'il connaît ou au moins s'il soupçonne par des motifs graves à quoi tendent ces préparatifs, il est indubitable que s'il fait ces préparatifs dans le dessein d'aider son maître dans ses

projets, il en est responsable. Mais il ne faudrait pas toujours en juger ainsi, si, repoussant l'acte du fond de son cœur, il ne travaillait aux préparatifs que par nécessité.

9. Dans la règle que nous avons donnée, nous avons mis les mots par nécessité : c'est que la loi qui proscrit la coopération, aussi bien que les autres lois, n'oblige pas toujours, lorsqu'on ne peut l'accomplir sans de graves inconvénients. Mais, pour que la responsabilité de la coopération à une action mauvaise ne puisse avoir lieu, il faut :

1° Que l'acte que l'on fait soi-même pour coopérer au péché d'autrui ne soit pas un de ces actes essentiellement mauvais qu'on ne peut faire pour aucune cause. Ainsi un homme veut faire déshonorer une femme par l'un de ses esclaves; il ordonne à celuici, sous peine de la mort, de violer cette femme. L'esclave doit plutôt subir la mort que de consentir au viol, parce que la loi qui l'interdit est une de ces lois qui défendent une chose qu'on ne peut faire pour rien au monde. Au contraire, ce maître ordonne à son esclave, sous peine de la mort, de voler un objet de médiocre valeur appartenant à autrui, l'esclave pourrait le prendre. En effet, la loi naturelle nous dit que le propriétaire serait irraisonnable s'il ne consentait pas à être dépouillé d'un objet de médiocre valeur pour sauver la vie à son semblable. Mais, comme on le voit, il faut :

10. 2 Qu'on ait une cause juste et proportionnée à la coopération accordée, eu égard à la nature de l'action mauvaise et à la manière plus ou moins prochaine, plus ou moins efficace, dont on concourt à l'exécution de cette action. Plus notre coopération est prochaine, plus elle est efficace, plus aussi la cause qui nous excuse doit être · On voit donc grave (Lig., lib. 11, n. 59). que la nature de la cause doit être plus grave, si la loi qui interdit l'action est plus importante. C'est dans l'exposition des devoirs en particulier, et en traitant de certains états, que nous pourrons entrer dans des détails qui feront mieux sentir la cause qui peut être suffisante pour excuser certaines coopérations.

ARTICLE II.

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De l'étendue de l'imputabilité de l'action

d'autrui dans le cas de la coopération, et
de l'obligation de réparer le dommage qui
peut en résulter.

11. Il doit être compris que nous n'entendons parler ici que de la coopération efficace que quelqu'un a eue sur les actions d'autrui. Il peut en pensée, en désir, l'avoir aidé; il peut avoir souhaité avec la plus vive ardeur que le prochain réussisse dans son entreprise criminelle, dans ses procès injustes; mais s'il ne lui a pas prêté un secours efficace, il est évident que, quoique devant Dieu il soit coupable de toute la mauvaise action du prochain, l'action elle-même, telle qu'elle a été faite, considérée comme acte produit, ne lui est imputable qu'autant qu'il a eu sur son existence une influence efficace. Ainsi, un ennemi va ravager la propriété de son ennemi; il en voit d'autres qui en font autant que lui; il s'en réjouit intérieurement, mais il n'a aucune influence sur ce qu'ils font. Quoique coupable d'une injustice de pensée, il ne l'est pas de l'injustice exécutée par les personnes, car il n'est pour rien dans leur action; il ne répond donc que du tort qu'il cause personnellement. Nous avons réuni ici la mesure de l'imputabilité en fait de coopération avec la mesure de l'obligation de restituer, parce que celle-ci repose sur celle-là. En posant les principes par rapport à l'une, nous tirerons les conséquences par rapport à l'autre.

12. Nous ne pouvons établir la mesure de l'imputabilité et de la réparation des dommages en matière de coopération, qu'en exposant les différents modes de coopération. Saint Thomas en compte neuf, qui sont renfermés dans ces vers

Jussio, consilium, consensus, palpo, recursus, Participans, mulus, non obstans, non manifestans. On contribue à un dommage positivement, 1 quand on le commande, jussio; 2° lorsqu'on le conseille, consilium; 3° quand on y influe par son suffrage et le consentement ou l'approbation qu'on y donne, consensus; 4° lorsque, par ses flatteries, railleries, reproches ou autres paroles de cette nature, on a été cause qu'un péché a été commis, palpo; 5° lorsque, par la retraite qu'on a donnée à un voleur connu pour tel, on a été cause de son larcin, ou de ce qu'il n'a pas restitué ce qu'il avait pris, recursus; 6° quand on a eu part à la chose mauvaise, ou qu'on a aidé à la faire, participans. C'est ainsi que l'enseigne saint Thomas (2-2, q. 62, art. 7). Trois autres sortes de personnes contribuent négativement à une mauvaise action : 1° Celui qui se tait, et qui, en parlant, peut empêcher le crime, mutus; 2° celui qui ne s'y oppose pas, qui peut et qui doit s'y opposer, non obstans; 3° celui qui ne déclare pas le coupable, non manifestans (1).

13. Les auteurs ne considèrent guère ces différents modes de coopération que par rapport à la justice. Ils les exposent certaine

(1) Non semper ille qui non manifestat latronem, tenetur ad restitutionem, aut qui non obstat, vel qui

ment d'une manière trop restreinte, car ces modes de coopération peuvent être employés en toute espèce de matières. On peut donner un ordre, un conseil concernant un vice impur aussi bien qu'à l'égard d'une injustice. Cependant, parce que les matières de justice sont de très-grande importance, à la suite des théologiens qui nous ont précédé, nous nous renfermerons dans les matières de justice. Mais les principes que nous poserons seront si clairs, qu'ils s'appliqueront comme d'eux-mêmes à toute espèce de cas imputable. ble. Nous parlerons d'abord de la responsabilité de chacune de ces neuf causes; ensuite nous ferons connaître l'ordre dans lequel elles doivent révarer le dommage qu'elles ont causé

§ 1r. De ceux qui commandent le dommage.

14. L'ordre de causer du dommage au prochain peut être explicite ou implicite. Il est explicite, quand il est donné en termes exprès ou positifs; il est tacite, quand on comprend que c'est le désir de celui qui le prescrirait, s'il l'osait, positivement. Ainsi, un roi, un grand seigneur manifeste en présence de ses serviteurs le désir d'être délivré d'un ennemi, sans ordonner de le mettre à mort. Son désir, par lui-même de nature à influencer la volonté de l'un de ses subordonnés, en porte un à exécuter l'objet de ce désir. C'est là un commandement tacite. Sur ce fondement, on a regardé saint Thomas de Cantorbéry comme ayant été assassiné par Henri II, roi d'Angleterre, qui était principal auteur de l'assassinat.

15. Personne ne doute que celui qui commande une action ne soit obligé à réparer, préférablement à tous les autres, le domma ge qui en résulte, parce qu'il en est la cause principale. Il faut supposer que le commandementait influé sur la détermination de la cause exécutrice; car s'il n'avait nullement influé, il n'y aurait pas de responsabilité: v. g., un seigneur rencontre un homme armé qui va tuer un de ses ennemis : Je venais, lui ditil, t'ordonner de commettre cet assassinal; je te commande de le faire. Son ordre n'ayant nullement influé sur la cause exécutrice, il ne peut être responsable de l'exécution

Il peut arriver des désagréments, des pertes, des condamnations à celui qui s'est chargé de l'exécution d'un crime; il peut être condamné à l'amende; il peut perdre un membre dans l'action. Celui qui a donné l'ordre du crime est-il obligé de réparer le dommage que le coopérant éprouve? Les théologiens distinguent. Ils disent que, quand il a employé la violence, il devient respon sable de toutes les pertes qu'éprouve celui qui se soumet à son commandement; mais qu'il n'est tenu à rien, si celui-ci a spontanément exécuté ses ordres. Telle est la decision de Vogler, Bouvier, Gousset, Logerat, etc.

Quand celui qui a donné l'ordre l'a revoqué à temps et de manière à détruire toul non reprehendit, sed solum quando incumbit alicu ex officio. S. Thom., 2-2, q. 62, art. 7, ad. 3

l'effet de son commandement, il n'en est plus responsable; mais s'il ne l'avait pas rétracté suffisamment, ou que ses ordres et ses conseils eussent laissé des traces qui ont déterminé l'action, il serait certainemen! responsable.

§ 2. De ceux qui conseillent un dommage.

16. Ceux qui donnent des conseils concernant une affaire peuvent avoir une grande influence sur le succès de cette affaire. Ces conseils peuvent être de plusieurs sortes. Les uns, connaissant le but qu'on se propose, peuvent enseigner les moyens de réussir; il est certain que cette cause est responsable de la part du dommage qu'elle peut avoir causé. Une personne a l'intention de voler vingt francs; on lui conseille d'en prendre 200, qu'on lui apprend être déposés dans tel lieu. Si le vol se fait à la même personne, il y a augmentation de 180 francs, et conséquemment coopération effi

cace sur cette somme.

La rétractation de ce conseil, ne détruisant pas l'effet qu'il a produit, ne pourrait détruire la part d'imputabilité.

D'autres, ne sachant si telle action est juste ou injuste, permise ou défendue, consultent un avocat, un curé, en un mot une personne chargée par état de les diriger. Le conseil qu'ils leur donnent est contraire à la justice; ils sont tenus de réparer le dommage, s'ils ont agi avec connaissance de cause ou par suite d'une ignorance grossière, parce que leur décision a influé ou était de nature à influer e ficacement sur le dommage causé au prochain. Si un bon homme, qui n'est point chargé par office de donner des conseils, s'était contenté de dire: Ceci me paraît juste, nous ne pensons pas qu'il fut tenu à restituer, parce que dans sa position il n'était pas tenu d'en savoir davantage.

§ 3. De ceux qui ont consenti au domn:age.

17. Le consentement donné à une action peut avoir une grande influence sur cette action, comme il peut aussi n'en avoir aucune. Lorsque sans le consentement l'action ne se serait pas faite, il est constant qu'on en assume la responsabilité par le consentement. Si, au contraire, l'action ne se serait pas moins faite sans le consentement, il faut examiner si l'action s'est faite au nom de ceux qui ont consenti ou non. Si elle ne s'était pas faite en leur nom, et que le consentement n'ait eu aucune influence sur elle, il n'y a aucune responsabilité; cela est évident. Mais si l'action s'était faite au nom de celui qui a consenti, il y a plus de difficulté. Dans un tribuna!, on va aux voix ; la majorité des juges s'est prononcée pour une injustice. Un membre se dit : Le mal est fait; je vais opiner comme les autres pour ne pas faire d'opposition. Le dommage est-il réellement imputable à ce juge? Non, disent les uns; il n'a pu être cause efficace, puisque le mal était fait..Oui, disent les autres, parce que la sentence a été portée en son nom, ct ce n'était ni le premier ni le dernier vote

qui consacrait l'injustice, mais la sentence qui prononçait, non pas au nom du premier, mais au nom de tous ceux qui ont consenti. Ce motif nous paraît une véritable démonstration, et nous croyons que cette opinion est la seule qu'on puisse tenir en pareille circonstance.

§4. De celui qui concourt au dommage par adulation ou par protection.

18. La flatterie tient un peu de la nature du conseil : elle stimule le zèle et souvent détermine au mal. Il faut donc peser l'influence réelle qu'elle a pu avoir sur le dommage causé au prochain, et on aura la mesure de l'imputabilité. Des conseils opposés à la flatterie ne seront pas toujours suffisants pour en détruire l'effet. Lorsque, nonobslant rétractation, il est bien constant que la flatterie a eu une influence malheureuse, on n'en est pas moins responsable de ses suites.

On donne protection aux malfaiteurs en les défendant, eu les mettant à couvert des poursuites de la justice, en cachant ce qu'ils ont pris. Nous donnons le nom de recéleurs à ceite classe de coopérants. Les recéleurs ayant un article dans ce Dictionnaire, nous n'en parlons pas ici.

§ 5. De celui qui a part au dommage en y participant.

19. Celui qui a eu part à une chose volée, sans avoir eu part au vol, n'est obligé à restituer que la part qu'il a eue de cette chose, parce qu'il n'a été ni l'auteur ni le fauteur du vol. S'il n'avait pas su que la chose était volée en l'acceptant, il ne serait tenu que, comme le possesseur de bonne foi, à rendre ce qui lui en reste, ou ce en quoi il aurait amélioré ses affaires. Voy. PossESSEUR de bonne et de mauvaise foi.

« A l'égard de celui qui participe au crime, dit Mgr Gousset, soit immédiatement, en faisant lui-même avec d'autres l'action damnificative, soit médiatement, en fournissant aux malfaiteurs les moyens de faire un délit, par exemple, une échelle, des armes ou autres instruments, ou même en faisant seulement le guet pendant que les délinquants agissent, pèche contre la justice, et son péché est, sous ce rapport, plus ou moins grave, selon le degré de son influence. Ainsi se rendent coupables d'injustice: 1° le serrurier qui fournit de fausses clefs, quand il connait l'abus criminel qu'on veut en faire ; 2° celui qui donne l'échelle, ou qui la tient pendant que le voleur monte pour entrer dans une maison; 3° celui qui ouvre ou brise les fenêtres ou les portes pour faciliter l'entrée au voleur; 4° celui qui s'associe au malfaiteur et l'accompagne, afin de lui inspirer de la confiance et de la sécurité pour l'exécution d'un dessein injuste, ou qui fait le guet pendant que ce malfaiteur commet le crime; 5° celui qui donne du poison à un autre qu'il sait devoir s'en servir pour faire mourir quelqu'un, ou qui prête des armes à un homme qu'il voit disposé à tuer ou à blesser son ennemi; 6° le notaire ou tout autre qui, sur l'exigence de l'usurier, fait

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