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né, j'aime mieux l'être par trop de douceur que par trop de sévérité : » Etiamsi damnandus sim, malo tamen de misericordia quam ex duritia vel crudelitate damnari. Nous développerons cette pensée au mot CONFESSEUR, nos 2 et suiv., et nous en ferons l'application aux principales circonstances de l'exercice du saint ministère.

Les confesseurs ne doivent pas néanmoins donner l'absolution à tous ceux qui se présentent au tribunal de la pénitence pour s'accuser de leurs péchés, et qui en demandent la rémission. Il y en a dont ils doivent relenir les péchés, selon le pouvoir que JésusChrist leur a donné.

Il nous semble que, pour juger lus facilement quand le confesseur doit donner, différer ou refuser l'absolution, il est nécessaire de ranger les pécheurs qui se confessent en trois classes différentes. Les uns sont disposés, les autres ne le sont évidemment pas, les autres enfin ne présentent pas des signes certains de leurs dispositions intérieures; on ne sait s'ils sont ou s'ils ne sont pas disposés. Nous allons tracer quelques règles de conduite relativement à ces trois classes de pécheurs.

1. Doit-on accorder le bienfait de l'absolution à tous les pécheurs bien disposés?

19. Les dispositions des pécheurs dépendent des actes des pénitents dans le sacrement de pénitence, savoir, de la contrition,

de la confession et de la satisfaction. Aux articles qui concernent ces actes, nous donnons des règles pour juger qu'on est réellement contrit, qu'on s'est bien confessé et qu'on a satisfait à Dieu, ou qu'on a le dessein véritable de satisfaire. Nous supposons que le confesseur n'a aucun doute sur les dispositions du pénitent. Doit-il lui donner l'absolution toutes les fois qu'il le juge bien disposé? En règle générale, tout pénitent bien dis; osé a un droit incontestable à recevoir l'absolution. Conséquemment le confesseur est ordinairement tenu de la lui accorder; il ne peut sans péché la lui différer, à moins qu'il n'ait des motifs raisonnables. Ces motifs ne peuvent être tirés que du côté du pénitent. I peut arriver en effet que le pénitent, se voyant trop facilement absous, se persuade qu'il ne faut pas tant en faire pour se disposer au sacrement de pénitence, ou qu'il soit tenté de se relâcher. Le confesseur peut alors différer à un court délai la grâce de l'absolution. Nous devons toutefois dire que nous n'approuvons nullenent la pratique de ces confesseurs, qui ont une règle unanime qui leur sert comme de niveau. Vous avez fait tel péché, vous serez six semaines sans recevoir l'absolution. Il n'y a que les prêtres qui ne sont pas pénétrés de la charité de Jésus-Christ, qui agissent ainsi. Nous croyons qu'on doit différer très rarement l'absolution à un grand pécheur qu'on juge très-probablement bien disposé. On objecte contre notre proposition la nécessité de réparer par le bon exemple le scandale qu'on a donné nous ne contestons pas cette né

cessité; mais nous observerons d'abord qu'il ne faut pas des mois pour donner au public des preuves de conversion. Nous dirons ensuite que si, dans la réalité, un grand pécheur, en s'approchant trop tôt de la sainte table, devait produire un effet fâcheux, il ne faut pas moins lui donner l'absolution aussitôt qu'on le juge bien préparé, sans lui permettre de communier. Tout alors s'étant passé au tribunal de la pénitence, le public n'aura pas lieu de se scandaliser. Et puis la grâce de l'absolution fortifiera ce pécheur, l'animera à donner l'exemple des vertus, afin de devenir digne aux yeux du monde de recevoir le plus tôt possible l'Auteur de la vie. Nous croyons cette règle tellement essentielle, que nous y attachons une trèshaute importance. Ceux qui refusent de la suivre font preuve d'une foi peu éclairée, et paraissent attacher plus de puissance à la tactique humaine qu'à la grâce de JésusChrist.

II. Doit-on accorder l'absolution aux pécheurs qu'on juge mal disposés?

20. Lorsqu'on juge prudemment qu'un pécheur n'a pas de sentiment de contrition, ni de désir sincère de se convertir, il est certain que le prêtre doit lui refuser l'absolution; car elle serait alors une grande et inutile profanation. C'est contre ces prêtres que saint Cyprien a tant crié dans son traité de Lapsis. Il appelle l'absolution donnée aux pécheurs mal disposés une malheureuse paix, inutile à celui qui la reçoit, mais trèspernicieuse à celui qui la donne; une indulgence cruelle, qui met des coussins sous les bras des pécheurs, afin qu'ils commettent les crimes avec moins de peine; un remède funeste qui assoupit le malade au lieu de le guérir. Il conclut par dire que cette absolution est un assassinat : Hoc non est curare, sed occidere.

Il y a une circonstance douloureuse, pénible, où le confesseur peut donner l'absolution à un pécheur des dispositions duquel il a trop sujet de douter, c'est lorsque le coupable est sur le point de mourir. A l'article MORIBOND nous tracerons la conduite que le confesseur doit tenir dans cette fåcheuse circonstance.

III. Doit-on donner l'absolution à ceux dont on a sujet de douter s'ils sont suffisamment disposés ?

21. La position du confesseur est quelquefois bien pénible; il se trouve dans une grande anxiété il ne sait s'il veut accorder l'absolution ou la refuser. C'est comme un médecin auprès de son malade qui présente des symptômes qui ne sont pas suffisamment caractérisés: il craint de lui nuire au lieu de le guérir. Le confesseur a là deux grauds intérêts qui sont en présence, celui de Dieu et celui du pénitent. Le saint respect que nous devons aux sacrements ne nous permet pas de les exposer, sinon à la profanation, au moins à la nullité. Le pénitent a aussi son intérêt, et un grand intérêt engagé dans la question que le confesseur doit decider: il est mort, il pourra y trouver la vie; il est

languissant, il pourra y trouver une santé vigoureuse. Mais aussi, l'absolution étant invalide, on doit craindre que le mal n'empire, et qu'une maladie qu'on aurait pu guérir en différant de quelques jours, ne devienne incurable par l'application précipitée du remède. Dans une telle anxiété, que doit faire le confesseur? Il doit examiner s'il y a ou s'il n'y a pas nécessité, ou du moins trèsgrande utilité à accorder l'absolution. S'il n'y a rien de pressant, s'il peut différer sans aucun inconvénient, il ne peut y avoir de difficulté; sa conduite est réglée, il ne peut en conscience accorder l'absolution, il est tenu de la différer. Toute la question se réduit donc à savoir la conduite que doit tenir le confesseur lorsque le refus de l'absolution doit avoir certainement des suites funestes. Nous allons indiquer quelques-unes de ces nécessités, et qui feront facilement juger des autres cas épineux où on peut se trouver.

22. Une personne se présente pour le sacrement de mariage; le confesseur doute de ses dispositions. Peut-il lui donner l'absolution? Il est certain que s'il refuse l'absolution, il mettra dans l'esprit du pénitent qu'il est indigne de recevoir le sacrement de mariage; il lui fera faire un sacrilége. Voilà un mal, et un très-grand mal certain. S'il lui donne l'absolution, il mettra dans l'esprit du pénitent la conviction qu'il ne fera pas de sacrilége, qu'il lui remettra probablement son péché. Si l'absolution est invalide, c'est un sacrement nul, mais il n'y a pas de sacrilége. Dans l'alternative d'un sacrement nul et d'un sacrilége, j'aimerais mieux exposer la validité d'un sacrement que de faire commettre un sacrilége.

23. Un marin va s'embarquer pour un voyage de long cours, il n'y a pas de prêtre sur le vaisseau qu'il monte. La veille du depart son confesseur est dans l'incertitude; il ne sait s'il est ou s'il n'est pas digne de l'absolution. Que fera-t-il? Dans ce cas, le navigateur a un très-grand intérêt à reoevoir l'absolution, puisque une navigation longue et périlleuse met en danger de mort. Il y a ici nécessité de donner l'absolution. Je ne balancerais pas à le faire.

24. Un pénitent a été remis un très-grand nombre de fois par un confesseur qui avait cru pouvoir le ramener à une vie très-forte avant de donner l'absolution. Il a profité pendant quelque temps; mais les remises le fatiguent, jettent le découragement dans son âme il va infailliblement retomber peutêtre plus bas qu'il n'était. Que doit faire le confesseur s'il est encore dans l'incertitude? Il doit se dire : d'un côté le mal est certain, d'un autre il est incertain; et d'ailleurs, tout ce qui peut en résulter, c'est la nullité du sacrement, sans profanation formelle. Dans ce cas, je donnerais l'absolution. C'est aussi l'opinion de Mgr Gousset.

Quoique les règles que nous venons d'émettre soient propres à éclairer un confesseur et à le diriger dans sa pratique, il faut cependant convenir qu'elles sont encore insuffisantes pour la plupart des confesseurs.

Aussi, pour leur donner des règles plus fixes, les archevêques et évêques ont déterminé les cas où on doit, hors le cas de nécessité, refuser ou différer l'absolution. Si ces cas avaient été bien compris par la plupart des confesseurs, on n'aurait pas vu ce trop grand nombre de confesseurs réellement jansénistes pratiques, ni ces quelques confesseurs trop relâchés que nous voyons encore aujourd'hui.

25. Saint Charles, dans ses Instructions aux confesseurs, compte cinq cas pour lesquels les confesseurs doivent refuser l'absolution. Le Rituel romain en ajoute un sixième. Nous devons les énoncer.

1° Ceux qui ignorent les principaux mystères de la foi, et les autres vérités que l'Eglise leur ordonne de savoir.

2° Ceux qui ont des -inimitiés et qui refusent de se réconcilier avec leurs ennemis.

3' Ceux qui ont fait tort à leur prochain, en son bien ou en son honneur, et qui ne l'ont pas réparé, ou ne sont pas disposés à le réparer selon leur pouvoir.

4° Ceux qui ont l'habitude de quelque péché mortel.

5° Ceux qui sont dans l'occasion prochaine du péché mortel.

6° Ceux dans lesquels les confesseurs ne voient aucune marque d'une véritable douleur d'avoir péché.

26. Nous croyons que, en dehors de ces cas, il n'y a pas d'hypothèse de mauvaises dispositions. Pour bien les juger, il faut nécessairement les bien apprécier, et savoir quand ils imposent l'obligation de refuser l'absolution, quand au contraire ils permettent de la donner; c'est pourquoi ces cas demandent à être exposés avec une certaine étendue. Ils ont tous un article qui leur sera consacré. Ainsi nous parlerons spécialement de l'habitude, de l'occasion, de l'inimitié, de la contrition, de la restitution et de l'ignorance des principaux mystères. Ce que nous dirons de tous ces articles aura un rapport avec l'absolution; mais ce rapport ne sera pas assez direct pour que nous soyons dispensés d'en rien dire ici.

§ter. De ceux qui ignorent les principaux mystères de la foi, et les autres vérités que l'Eglise leur ordonne de savoir.

27. Tous les catéchismes prescrivent aux fidèles de savoir les principaux mystères de notre sainte religion, l'Oraison dominicale, le Symbole des apôtres, les Commandements de Dieu et de l'Eglise, et ce qu'il est nécessaire de connaître pour recevoir dignement les sacrements. Nous expliquons ailleurs la nature et l'étendue de cette obligation. Mais, voulant la considérer par rapport au pénitent qui se trouve aux pieds de son confesseur, nous avons le dessein de tracer à cet égard une règle de conduite au confesseur.

Le confesseur doit d'abord chercher à connaître le mal, et ensuite lui appliquer un remède. Quant au mal, il ne faut pas s'en tenir aux premiers essais. Il y en a qui connaissent le fond des choses, quoiqu'ils ne

semblent pas au premier abord étre instruits. Si le confesseur leur demande d'une manière abstraite et générale, combien y a-t-il de mystères principaux ? qu'est-ce que le mystère de la sainte Trinité? pourquoi devons-nous croire ce que la foi nous enseigne? souvent les pénitents ne savent que répondre, soit parce que les formules d'interrogation ne sont pas les mêmes dans leurs catechismes, soit parce que, n'entendant parler que rarement de ces choses, et n'y pensant que fort peu, ils ne s'attendent pas à être interrogés à cet égard, ne se les rappellent pas d'abord, se troublent, répondent au hasard et se trompent. Mais au contraire si un confesseur leur demande combien il y a de Dieux, de personnes en Dieu, si Jésus-Christ est le Fils de Dieu, il est très-rare que les pénitents ne répondent suffisamment pour être absous. Si à de telles questions ils ne savent que répondre, leur ignorance est trop évidente pour qu'ils puissent être ab

sous.

28. L'auteur de la Pratique charitable et discrète du sacrement de pénitence apporte deux remèdes à l'ignorance. Nous allons le

copier, parce qu'il nous paraît éminemment sage. Si le pénitent, dit-il, ignore ce qui est nécessaire pour recevoir la grâce sancti· fiante, il y a deux remèdes : l'un consiste à l'avertir de l'obligation qu'il a de savoir ces choses, et à lui persuader ou même à lui donner pour pénitence d'assister aux catéchismes et aux prônes, de lire ou d'entendre lire des livres qui traitent des vérités de la relig on; le second, qui est plus prompt, est de l'instruire brièvement, sans le renvoyer, lui faisant réciter avec vous, doucement et pieusement, les formules, de sorte qu'il croie actuellement, qu'il espère, qu'il aime, qu'il se repente comme il faut, et qu'ainsi vous puissiez l'absoudre alors, s'il n'y a pas d'autre empêchement. C'est ce dernier moyen que vous devez mettre en pratique avec des adultes d'un rang distingué, qui seraient trop humiliés de s'entendre demander s'ils savent les vérités que la foi nous enseigne, etc.,et qui, par les circonstances de leur confession, vous laissent cependant douter de leur ignorance sur ce point. Vous pourvoirez à leurs besoins sans les offenser, en leur faisant réciter ces actes avec vous; ensuite informezvous s'ils sont dans l'habitude d'employer ces formules: s'ils répondent que non, vous leur indiquerez le premier remède. »

§ 2. De ceux qui ont des inimitiés et qui refusent de se réconcilier avec leurs ennemis.

29. A l'art. PARDON DES INJURES, nous disons tout ce que l'on doit à un ennemi pour ne pas pécher mortellement. Il nous reste très-peu de chose à ajouter. Il est certain que lorsque les inimitiés ont été publiques, scandaleuses, le confesseur ne doit pas se contenter d'une déclaration de la part du pénitent qu'il n'a pas fait de mal à son ennemi; il faut exiger du pénitent que la réconciliation, ou du moins des preuves publiques de (1) Voy. Confes. Aug.

son affection pour son ennemi précèdent l'absolution, si on a quelque doute des dispositions du pécheur, ou au moins la communion quand on n'a aucun doute sur ses dispositions intérieures.

Quand l'inimitié n'a pas été publique ni scandaleuse, le confesseur peut admettre le pénitent à la réconciliation s'il promet de se reconcilier avec son ennemi et s'il proteste qu'il ne conserve pas de haine. S'il n'exécute pas sa promesse, il faudra lui appliquer les principes que nous établissons à l'art. RÉCIDIVE (1). Voy. ci-dessous, n. 32.

§3. De l'absolution de ceux qui ont fait tort au prochain en sou bien ou en son honneur, et qui ne l'out pas réparé ou ne sont pas disposés à le réparer.

30. L'attachement que l'homme porte naturellement aux biens de la terre a persuadé à plusieurs moralistes de grand mérite que lorsqu'il s'agit de restitution au moins importante, on ne peut donner l'absolution avant que la restitution n'ait été faite. Cette décision, dans sa généralité, me paraît trop sévère.

S'il s'agissait de petite restitution, comme celle de la somme de quatre ou cinq francs, je ne balancerais pas à donner l'absolution une ou deux fois; mais si après la deuxième fois la restitution n'était pas faite, je différerais l'absolution jusqu'à ce que l'obligation eût été remplie. S'il s'agissait d'une restitution importante eu égard à 11 position du pénitent, j'examinerais s'il peut la faire de suite sans inconvénient. S'il le peut et qu'il veuil e différer sans motif, c'est une preuve de son peu de disposition; il est indigne de l'absolution. Si, au contraire, il y a des difficultés telles qu'elles suffisent pour différer la restitution, quoiqu'elles ne soient pas assez fortes pour l'en dispenser entièrement, et que le créancier, s'il en était informé, eût tort de ne pas consentir au délai, je ne m'obstinerais pas à différer l'absolution. Autrement, sans être utile au créancier qui ne serait pas payé, je nuirais au bien spirituel du débiteur. Il faut plutôt lui donner l'absolution à condition qu'il payera dans l'espace de temps qui lui sera fixé. En attendant, qu'il prie chaque jour pour obtenir de Dieu le courage et les moyens de s'acquitter de sa dette, et qu'à une époque désignée il revienne se confesser.

La réparation du tort fait à la réputation du prochain est quelquefois plus difficile que celle de l'atteinte portée à sa fortune. Nous indiquons les moyens de la faire aux art. MEDIsance, CalomnIE. Il suffit que le confesseur prescrive l'emploi de ces moyens et exige la réconciliation que nous avons demandée dans le paragraphe précé

dent.

§ 4. De l'absolution de ceux qui sont dans l'habitude du péché mortel.

31. L'habitude du péché est une des grandes maladies de l'âme. C'est aussi un des grands obstacles à l'absolution. C'est souvent un mal invétéré qui résiste à la médi

cation la plus énergique. Il faut au confesseur une connaissance profonde de l'habitude, de ses différentes espèces et des moyens de la guérir. L'absolution donnée trop facilement à un habitudinaire ne servirait qu'à fortifier le mal. Mais aussi, différée trop longtemps, elle peut avoir un grave inconvénient, c'est de jeter le pécheur dans le découragement. C'est donc dans un sage tempérament que se trouve la véritable pratique du sacrement de pénitence. Mais comme nous ne pouvons traiter cette question incidemment, nous renvoyons au mot HABITUDE, où nous parlons de sa nature, de ses différentes espèces, de son influence sur les actes humains, et des remèdes qu'on doit employer pour la détruire.

§ 5. De l'absolution de ceux qui sont dans l'occasion prochaine du péché mortel.

32. Au mot OCCASION nous en avons retracé la nature et les différentes espèces, prescrit les règles de conduite qu'on doit tenir dans les différentes occasions. Nous devons ajouter ici quelques mots relativement à l'absolution. Nous devons avant tout distinguer les occasions de péché mortel en deux classes. Les unes sont communes, ordinaires; les autres sont très-dangereuses, parce qu'elles portent avec elles un appât presque irrésistible. L'occasion de la dernière espèce est celle que saint Charles appelle in essere: c'est quand on a dans sa maison une personne avec laquelle on a coutume de pécher. Quand cette occasion est prochaine, i' faut en exiger rigoureusement l'éloignement ce sera faire acte d'une véritable compas. sion; la condescendance serait une cruauté Quelque promesse que le pénitent fasse de là quitter, le confesseur ne doit pas ajouter foi à ses paroles. Il doit l'obliger à les exéeuter d'abord, et à revenir ensuite recevoir l'absolution; car il s'agit d'un objet séduisant, toujours présent, qui lui est un appât continuel pour le péché, non-seulement d'omission, en ne le quittant pas, mais encore d'action, par de nouvelles fautes formelles, interues ou externes. Si, dans quelques cas particuliers, on ne pouvait éloigner une telle occasion, à cause d'une impuissance physique ou morale, du danger d'infamie, du scaldale, d'un dommage considérable, alors, avant d'absoudre le pénitent, il faut chercher les moyens de la rendre éloignée, essayer s'il y aura quelque amendement. Quand on ne peut sans inconvénient différer l'absolution pour quelque temps, on peut absoudre alors le pénitent sur sa promesse, pourvu qu'il se repente véritablement, et qu'il soit prêt à accepter les remèdes nécessaires, comme de ne plus rester sans cesse avec cette personne, de faire quelque mortification, surtout de prier souvent et de fréquenter les sacrements. Telle est à cet égard la doctrine de saint Charles dans ses avis aux confesseurs.

33. Quant à l'éloignement des autres occasions de péché, quoiqu'il convienne de tâcher

deles faire éviter avant l'absolution, toutefois, selon saint Charles, le confesseur peut une ou deux fois absoudre le pénitent sur la promesse qu'il fait de les éloigner. Nous ne disons pas deux fois, mais toutes les fois que le confesseur, ne pouvant douter prudemment de la sincérité de ses promesses, aura un motif de ne pas différer l'absolution; par exemple, s'il ne pouvait pendant quelque temps revenir se confesser. Alors, au lieu de lui différer l'absolution, le confesseur emploiera tout son zèle à augmenter en lui la douleur et le ferme propos, et à lui fournir les moyens, les motifs et les exemples capables de l'engager à s'acquitter de son devoir (1). Et ce serait un relâchement si, après que le pénitent a ainsi manqué plusieurs fois à ses promesses, le confesseur continuait à l'absoudre sans épreuve et sans nécessité.

§ 6. De l'absolution de ceux dont la contrition n'est pas certaine.

34. La contrition est la partie la plus essentielle du sacrement de pénitence; rien ne peut la suppléer. Le confesseur doit donc avoir des preuves de son existence. Au mol CoNTRITION, n. 31 et suiv., nous donnons les marques ou caractères d'une véritable contrition. Nous devons ajouter ici quelques mots, d'abord sur la contrition en général comme préliminaire de l'absolution, ensuite sur la conduite que doit tenir le confesseur lorsque le pénitent donne des marques extraordinaires de repentir.

35. « Le confesseur trop indulgent se contente, pour absoudre le coupable, que celui-ci proteste qu'il se repent, sans examiner s'il n'y a pas lieu de présumer le contraire Le confesseur rigide, non content de ne voir aucun motif prudent pour soupçonner que le pénitent le trompe, veut que sa disposi tion soit évidente; avoir péché par le passé et pouvoir pécher à l'avenir sont pour lui des motifs de soumettre son pénitent à de longues épreuves. Le confesseur prudent, avant que d'ajouter foi aux protestations du coupable, examine s'il y a quelque circonstance qui lui fasse douter prudemment de la suffisance de sa disposition; en ce cas, il l'aide à se mieux disposer; s'il n'y réussit point, il diffère l'absolution; mais il la donne s'il n'a point de bonne raison pour se défier de la sincérité de son repentir. Ainsi l'enseigne le Catéchisme romain (de Pænit., n. 82): Si audita confessione judicaverit, neque in enumerandis peccatis diligentiam, nec in detestandis dolorem pænitenti omnino defuisse, absolvi poterit. Voilà la certitude morale qu'il doit procurer et qui doit lui suffire dans ce sacrement, puisque, selon saint Thomas (2-2, q. 27, art. 9, ad 2): Certitudo non est similiter quærenda in omnibus, sed in unaquaque materia secundum proprium modum. Quia vero materia prudentiæ sunt singularia contingentia, circa quæ sunt operationes humana; non potest certitudo prudentiæ tanta esse, quod omnino sollicitudo tollatur. Et le

(1) Mais un pénitent qui a manqué deux ou trois fois à sa promesse, pouvant l'accomplir, doit n'être plus cru sur sa simple parole.

saint, en parlant de la certitude que doit avoir un directeur des âmes au sujet de ses pénitents, après avoir dit que dans le for extérieur on ne doit pas se contenter de ce que dit l'accusé, mais chercher à s'assurer de la vérité, il avertit qu'il en est bien autrement dans le for intérieur. Voici ses paroles: Alio modo per confessionis manifestationem, et quantum ad hanc cognitionem non potest majorem certitudinem accipere, quam ut subdito credat, quia hoc est ad subvenien lum conscientiæ ipsius: unde in foro conscientie creditur homini ET PRO SE, ET CONTRA SE. (Suppl., q. 8, art. 5, ad 2.) C'est pourquoi, comme il n'y a personne à qui il importe plus de dire la vérité qu'au pénitent luimême, si le confesseur n'a pas un bon motif de douter de sa sincérité quand il lui dit qu'il s'est excité au repentir de ses fautes, qu'il est résolu de changer de vie, et qu'il est prêt à recevoir les remèdes et les pénitences qu'il lui donne, il a loute LA CERTITUDE que peut désirer un confesseur prudent et discret (1).» 36. « La miséricorde de Dieu est sans bornes. Dieu entre quelquefois dans le cœur des pécheurs quand ils le méritent le moins, et, contre le cours ordinaire, il y opère non peu à peu, mais tout à coup, un sincère changement. Lors donc qu'un confesseur a des marques solides et prudentes de cette opération de la grâce dans le pécheur, et qu'il peut dire avec fondement: Cette âme est véritablement et sincèrement contrite, le dérèglement de sa vie passée est pour lors effacé par sa conversion actuelle manifestée par des apparences non équivoques et légères, mais solides et prudentes. S'il se présente donc un pénitent qui vous dise, à vous confesseur: « Mon père, je suis un grand pécheur, j'ai même péché ce matin; mais étant ensuite allé entendre prêcher un saint homme, je me suis senti le cœur touché de terreur et de componction; j'ai résolu de changer de vie à tout prix;» vous le voyez, semblable à David quand Nathan lui parlait, vous témoigner, par l'amertume de ses larmes et par ses profonds soupirs, la sincérité avec laquelle il dit: Peccavi; ou bien, si un autre vous dit : « Je viens d'un pays éloigné de tant de lieues, sans aucun intérêt, mais seulement parce que je ne puis plus supporter le poids de mes péchés; la nuit dernière je n'ai fait que pleurer, et à peine l'aurore a-t-elle paru que je suis parti,» Un troisième vous dit « Aujourd'hui, fête de la sainte Vierge, en récitant à l'ordinaire le rosaire, et c'est la seule marque de chrétien que j'aie retenue au milieu d'une vie pleine de désordres, je me suis senti tout attendri par cette mère des pécheurs, et enflammé d'un vif désir de me venir confesser; depuis tant d'années je ne fais point de Pâques; ou bien, depuis tant d'années je cache tel péché en confession.» Or, en ces cas et semblables, ne Voyez-vous pas la grande différence entre L'ÉTAT PASSÉ ET L'ÉTAT ACTUEL de cette personne? Ce changement n'a-t-il pas été effi(1) Pratique charitable et discrète du sacrement de pénitence n. 63.

cace et sincère en produisant des effets si difficiles et si notables? N'y voyez-vous pas bien clairement le doigt de Dieu, qui a préparé suffisamment ce pécheur à être absous dès à présent? Imitez donc votre maitre, en ministre fidèle. Il s'est montré libéral en grâce dans la conversion du pécheur; soyez aussi libéral, et ne lui faites pas attendre les avantages qui vous sont confiés, la justification et la paix dont vous êtes débiteur envers les pécheurs contrits, selon le canon Alligant, 26 : Si Deus benignus est, utquid sacerdos erit austerus? Vous pourrez tout au p'us aider le pénitent à renouveler la douleur et éprouver sa bonne volonté en donnant d'abord une pénitence un peu forte, et la dim nuant ensuite, ou même donner un quart d'heure pour s'exciter à la douleur et revenir après pour être absous DE SUITE. Combien n'a-t-on pas vu de ces sortes de cas, où le pénitent, quelques instants après avoir reçu l'absolution, mourait par un accident avec tous les signes de salut; comme si Dieu voulait par là justifier visiblement et approuver la conduite des confesseurs discrets, qui, sans scrupule ni rigueur, avaient absous sans retard! Aussi les évêques de Flandre, réunis en 1697, déclarèrent: Deum in conversione peccatoris non tam considerare mensuram temporis, quam doloris; et longtemps avant eux, saint Léon le Grand avait dit (Epist. 83, c. 4): Nullas patitur renia moras vera conversio, et in dispensandis Dei donis non debemus esse difficiles, nec accusantium se lacrymas gemitusque negligere, cum ipsam pœnitendi affectionem ex Dei credamus inspiratione conceptam (2). »

ABSTÈME.

Abstème, du latin abstemius, fait d'abs et tementum, ancien mot qui signifie rin, boisson. Cette expression est employée pour désigner celui qui ne boit pas de vin. On s'en sert en théologie quand on veut parler de ceux qui dans la communion ne peuvent prendre les espèces du vin, à cause de l'aversion qu'ils ont pour cette liqueur. Le prêtre abstème est irrégulier quand il ne peut nullement prendre de vin, ou qu'il ne peut en prendre sans danger de vomissement. Liguori, lib. vn, n. 409. Si l'abstème peut en prendre pour la communion, il n'est point irrégulier. Avec dispense, il pourra n'employer que de l'eau aux ablutions. (Lig., lib. vi, no 408.)

ABSTINENCE.

1. En terme de religion catholique, l'abstinence est la privation de viandes ordonnée en certains jours de l'année. — Ce genre de mortification a été pratiqué par tous les peuples; il n'en est pas un seul auquel l'usage total ou partiel de la viande n'ait été interdit soit comme moyen de sanctification, soit comme régime sanitaire. Les saints de l'Ancien Testament l'ont employé lorsqu'ils ont voulu obtenir des grâces pour eux et pour les autres. On en trouve des exemples dans (2) Pratique, etc., n. 97.

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