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miner entièrement le but de l'ablution dans le baptême. Or le baptême ayant pour but d'arracher l'homme à l'empire du démon pour le placer sous celui du Christ; de lui infuser la foi au Dieu des chrétiens qui est en trois personnes, c'est à la forme à rendre visible aux yeux le but que la matière est destinée à atteindre. Or la forme du baptême le fait complétement. Elle indique la régénération: Ego te baptizo. Elle annonce par ces paroles In nomine Patris, et Filii, et Spiritus sancti, la foi au mystère fondamental de tous les autres mystères, duquel ils dérivent. - Pour exposer convenablement ce qui concerne la forme du baptême, 1° nous ferons connaitre les différentes formes employées dans l'Eglise pour le baptême; 2° nous dirons celle qui est nécessaire pour rendre le baptême valide et licite ; 3° nous traiterons de l'union qui doit ex ster entre la matière et la forme. §¡er. Des différentes espèces de formes du baptême. 16. « Rien n'est plus propre à nous faire sentir la nécessité de la tradition pour expliquer les saintes Ecritures et en concilier les contradictions apparentes que ce qui se présente à dire sur l'importante matière de la forme du baptême. Il faut donc l'éclaircir de telle sorte que nous ne trouvions pas, comme dit saint Hilaire (1), les apôtres coupables de prévarication, pour avoir baptisé sous une autre forme que celle que le Sauveur leur avait prescrite, et de laquelle ils se sont écartés en apparence, en ne baptisant qu'au nom seul de Jésus-Christ, comme plusieurs endroits des Actes des Apôtres (2) nous le persuaderaient, si la tradition ne nous en développait le véritable sens.

« Pour faire connaître ce sens, nous ne ferons que rapporter historiquement, suivant notre méthode, comment les choses se sont passées à cet égard, depuis les temps apostoliques jusqu'à nos jours. Si nous trouvons les successeurs des apôtres dans un usage différent de celui que le texte des Actes semble insinuer, et qu'on ait de tout temps employé l'invocation des trois personnes de la sainte Trinité dans le baptême, il n'y aura pas lieu de douter que cette forme n'ait été enseignée à l'Eglise par ces premiers maîtres de notre religion. Or c'est ce qu'il ait aisé de prouver. Saint Justin, qui fleurissait dans le second siècle de l'Eglise, étant mort en 163, nous apprend distinctement quelle était la forme du baptême, lorsqu'il parle ainsi dans sa seconde apologie (3 : Nous sommes lavés dans l'eau au nom du Père, créateur de toutes choses, et du Seigneur Dieu notre sauveur JésusChrist du Saint-Esprit (4)... On invoque sur celui qui veut renaître, au nom du Père de tous, el le nom du Seigneur Dieu... On purifie celui qui est illum né au nom de Jésus-Christ crucifié sous Ponce Pilate, et au nom du Saint

(1) Lib. de Synod., num. 87.

(2) Cap. II, v. 28, c. viii, v. 12; c. x, v. 48; c. xix,

v. 5.

(3) Cap. 74, A.

(4) Ibid. p. C. D. E.

(5) Lib. de Bap., c. 13.

Esprit. On ne peut mieux désigner l'invocation des trois personnes. Aussi Tertullien (5), qui vivait dans le siècle suivant, reconnaîlil dans les paroles du Sauveur Allez, baptisez, etc. lte, docete, etc., la loi qu'il faut observer en conférant ce sacrement, et la forme qu'il y faut garder, comme ayant été prescrite par notre législateur, Lex tingendi imposita est et forma præscripta: Ite, inquit, etc. Saint Cyprien (6) est formel là-dessus. Le Seigneur, dit-il, après sa résurrection a envoyé les apôtres aux nations et leur a ordonné de les baptiser au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit : « In nomine Patris, et Filii, et Spiritus sancti baptizare gentiles jubentur. »

« C'était sur cette règle que l'on jugeait de l'invalidité du baptême donné par les hérétiques. Le concile de Nicée rejette celui des Paulianistes, parce qu'ils ne s'y conformaient pas; celui de Laodicée veut, par la même raison, que l'on rebaptise les montanistes. Nous pourrions en alléguer plusieurs autres (7) qui ont suivi la même conduite, mais nous nous contenterons de citer le 8′ canon du premier concile d'Arles tenu en 314. Nous avons ordonné, y est-il dit, que si quelqu'un, quittant l'hérésie, revient à l'Eglise, on l'interroge touchant le symbole; et si l'on voit qu'il ait été baptisé dans le Père, le Fils et le Saint-Esprit, qu'on lui impose seulement les mains pour recevoir le Saint-Esprit. Que si, étant interrogé, il ne répond point comme il doit sur la Trinité, qu'on le baptise. Cette invocation des trois personnes de la Trinité se faisait dans le baptême si généralement, que le plus puissant argument des Pères qui ont combattu les hérétiques qui niaient l'égalité des personnes divines, et leur consubstantialité, est tiré de cette pratique. C'est là-dessus qu'insistent principalement saint Basile (8) contre les ennemis de la divinité du SaintEsprit, saint Grégoire de Nazianze (9) contre les mêmes, et contre les Ariens. Ceux qui ont quelque teinture de la doctrine de ces Pères, qui ont lu leurs ouvrages, savent que je ne dis rien ici que je ne puisse prouver par une infinité de leurs passages. Les anciens sacramentaires et Rituels nous apprennent la même chose, et en même temps les différentes manières dont se faisait cette invocation, et les paroles qu'on y ajoutait dans certains temps et certains lieux. Dans l'ancien Missel Gallican gothique que Joseph Thomasius a publié, la forme du baptême est exprimée en ces termes : Baptizo te, in nomine Patris, el Filii, et Spiritus Sancti, in remissionem peccatorum, ut habeas vitam eternam. L'ancien Gallican contient celle-ci : « Je vous baptise, vous qui croyez au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, afin que vous ayez la vie éternelle dans tous les siècles des siècles. Baptizo te credentem in no

(6) Ad Jubaian., ep. 73, p. 136.

(7) Le ne concile d'Arles, le premier de Constantinople.

(8) De Spiritu Sancto, et libro contr. Eunomium (9) Orationibus 35, 36, 37.

mine...., ut habeas vitam æternam in sæcula sæculorum. « Celle que nous représente l'ancien Missel Gallican que le P. Mabillon a trouvé dans un manuscrit de Bobio, et qu'il a fait imprimer dans son Museum Italicum (tom. I) est un peu différente de celle-là. La voici Je vous baptise au nom du Père, dụ Fils, et du Saint-Esprit, qui a une seule substance, afin que vous ayez la vie éternelle, et part avec les saints. Baptizo te.... et Spiritus Sancli, habentem unam substantiam, ut habeas vitam æternam, partem cum sanctis. Le pape Zacharie (1) défendit de rebaptiser ceux qu'un prêtre ignorant avait baptisés avec ces paroles: Baptizo te in nomine Patria, et Filia et Spiritus Sanctæ. Le pape Etienne II, dans une réponse qu'il fit sur cette matière, étant en France en 754, approuva de même le baptême donné par un prêtre, en ces termes rustiques, comme il dit : In nomine Patris mergo, et Filii mergo, et Spiritus sancti mergo. Sans doute que cette décision n'était point venue à la connaissance de Durand de Mende (2), qui ne craint point d'assurer que le baptême donné en cette forme est invalide; parce que, selon lui, le terme mergo n'est point synonyme de celui de baptizo.

« Les Grecs énoncent la forme du baptême en cette manière : Le serviteur de Dieu N. est baptisé (antisera.) au nom du Père, amen, du Fils, amen, et du Saint-Esprit, amen, à présent et toujours, et dans les siècles des siècles. Il paraît, par ce que dit Jean Mosch, dans le chapitre 176 de son Pré spirituel, que ce n'était point autrefois le prêtre, mais le peuple et le clergé qui se trouvait présent qui répondaient ainsi, amen. Fauste Naironius (3) représente la forme du baptême, qui se lit dans les Rituels des Jacobites et des Maronites, conçue en ces termes : N. est baptisé au nom du Père, amen, et du Fils, amen, et de l'Esprit vivant et saint en la vie éternelle,

amen.

« Dans toutes ces formules que nous avons rapportées jusqu'à présent, on ne trouve rien qui fasse peine, mais en voici quelques autres sur lesquelles les théologiens peuvent former des contestations.

« Saint Ambroise, dans le second livre des Sacrements (cap. 7), semble marquer que l'on baptisait sans que le prêtre prononcât aucune formule de paroles: Vous avez élé interrogé, dit-il, Croyez vous en Dieu Père tout-puissant? vous avez répondu : Je crois; et vous avez été plongé, c'est-à-dire- enseveli. On vous a interrogé ensuite, Croyez-vous en Notre-Seigneur Jésus-Christ et en sa croix? Vous avez dit : Je crois, et vous avez été plongé de nouveau, c'est-à-dire, que vous avez été enseveli avec Jésus-Christ, car celui qui est enseveli avec lui ressuscite avec lui. On vous a demandé une troisième fois, Croyez-vous au Saint-Esprit? vous avez dit: Je crois, afin que par cette triple confession vous effaciez les faules que vous avez commises autrefois. Les

(1) Epist. ad S. Bonifac.; refertur in ejus Vita, sæculo 5 Benedictino, part. III.

(2) Rationalis 1. vi, cap. 82.
(3) In Enoplia fidei, part. 11, c. 2.

éditeurs des œuvres de saint Ambroise disent sur ce passage que ce Père y parle de la confession de la foi que l'on exigeait de ceux qui étaient sur le point de recevoir le baptême, et qu'il n'exclut pas pour cela la forme ordinaire du baptême, que le prêtre prononçait en plongeant dans l'eau ceux qu'il baptisait, et que l'on ne peut inférer que ces demandes et ces réponses tinssent lieu de cette forme. Mais qu'il me soit permis de le dire, quelque estime que j'aie pour les deux savants hommes qui ont travaillé avec tant de succès à ce bel ouvrage, que l'on peut appeler un chef d'œuvre en son genre, il me paraît que, dans cette occasion ils font violence au texte, et la preuve qu'ils apportent de ce qu'ils avancent est bien faible. Saint Ambroise, disent-ils, fait assez voir que la forme ordinaire du Baptême n'a point été omise, puisqu'il dit un peu après: Il a ordonné que nous fussions baptisés en un seul nom, c'est-à-dire, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, etc. Ce passage prouve à la vérité qu'il faut invoquer la Trinité dans le baptême, suivant saint Ambroise, mais il ne montre pas que ces questions et ces réponses ne puissent tenir lieu de cette invocation, comme semble le prouver l'endroit que nous avons allégué.

Ce qui me fortifie dans l'opinion que telle a pu être la pensée du saint docteur, c'est qu'on trouve la même chose dans le Sacramentaire de Gélase que Thomasius a fait imprimer, quoique l'on voie dans ce livre tous les rits du baptême décrits avec la dernière exactitude. Un manuscrit de la bibliothèque de M. Colbert, dont le caractère, selon le P. Martène, est de plus de 800 ans, prescrit aussi la même chose. Avant de finir ce qui regarde les diverses formules du baptême, il est bon de dire encore içi que le P. Marlène dit avoir vu un Rituel manuscrit du diocèse de Cambrai, qui appartient au monastère de saint Nicolas-au-Bois dans le diocèse de Laon; le caractère de ce livre est d'environ trois cents ans, et dans l'endroit où il prescrit ce qui regarde le baptême, tant des garçons que des filles, on ne lit rien autre chose que ces paroles: In nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sanci, amen; ces mots: Ego te baptizo, y étant absolument omis,

«Tout ce que nous avons dit jusqu'à présent dans ce chapitre montre évidemment que la pratique constante de l'Eglise a toujours été de conférer le baptême au nom des trois personnes adorables de la Trinité; d'où l'on doit conclure que si quelques Pères ont parlé de manière à faire entendre que le bap tême pouvait se donner au nom de NotreSeigneur Jésus-Christ seulement, on doit les interpréter favorablement.

« Il y a certains endroits dans saint Cyprien (4), saint Hilaire (5), saint Basile (6). qui peuvent faire quelque peine, mais celui de saint Ambroise, dans son premier livre du Saint-Esprit, c. 3, est celui qui peut causer (4) Epist. 75.

(5) De Synod., n. 85.

(61 Lib. v de Spiritu saneto, c. 3,

le plus d'embarras; il s'exprime là-dessus d'une manière si équivoque, que le passage où il en parle est, de l'aveu de ceux qui ont donné la dernière édition de ses œuvres, celui de tous ses livres qui donne lieu à de plus grandes contestations, en sorte que plusieurs grands personnages y ont été trompés, el entre autres Bède (1), le pape Nicolas I (2), Pierre Lombard (3) et saint Thomas (4). C'est peut-être le même passage de saint Ambroise, qui a fait dire à saint Bernard, dans sa lettre à l'archidiacre Henri (5), qu'il croyait véritablement baptisé un homme qui l'avait été au nom de Dieu et de la vraie croix, parce que, dit-il, le son de la voix n'a pu porter pré. judice à la vérité de la foi et à la piété de l'in

¡ention.

« Nous laissons aux théologiens à éclaircir ces sortes de difficultés qui naissent de quelques passages obscurs des Pères, et M. Tourneli, suivant nous, y a répondu doctement dans son traité du Baptême, où il développe avec beaucoup de netteté, le sentiment des Pères, sur les paroles desquels on forme ces difficultés. Il y fait voir elairement que les uns ont été bien éloignés de croire que le baptême donné au nom d'une des personnes de la Trinité était valable; et il avoue avec franchise que les autres se sont trompés sur cela, ne faisant point comme certains petits théologiens qui donnent la torture aux textes des auteurs pour les amener, bon gré mal gré, à leur manière de penser. H ne fait pas même de difficulté d'abandonner le sentiment du pape Nicolas I et de saint Bernard sur ce point.

« Ce qui a pu donner occasion à l'erreur sur ce point, est ce que nous lisons dans p'usieurs endroits des Actes des apôtres, que ceux-ci ont conféré le baptême au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ; mais il n'est pas difficile de justifier sur cela les apôtres el ceux qui ont parlé comme eux. Dans ces premiers temps, il fallait distinguer le baptême de saint Jean de celui que le Sauveur avait institué : et certainement la meilleure manière de le faire était d'appeler l'un le Baptême de Jean, et l'autre le baptême de Jésus-Christ, et de dire que ceux qui recevaient celui-ci avaient été baptisés, au nom de Jésus, c'est-à-dire, du baptême institué par l'autorité de Jésus-Christ, lequel se donnait au nom du père et du Fils et du Saint-Esprit, D'où vient que le pape Innocent I assure positivement, dans sa lettre aux évêques de Macédoine, que ceux dont il est dit dans les Actes qu'ils ont été baptisés au nom du Seigneur Jésus, l'ont été effectivement au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit; et luimême, quoiqu'il ordonne que ceux qui quittent l'hérésie des Novatiens et des Montagnards soient reçus par Pimposition des mains seulement, parce qu'ils ont été baptisés au nom de Jésus-Christ: Quia quamvis ab hæreticis, tamen in Christi nomine sunt baplizati; il tenait néanmoins pour certain que (1) In Actuum xix.

(2) Respons. ad consult. 104.

(3) In 4 Sent.. dist. 3, c. Sed quod et seq.

les hérétiques de ces deux sectes avaient été baptisés suivant la forme ordinaire que Jésus-Christ a prescrite; et c'est pourquoi il remarque sagement que le baptême des Paulianistes a été rejeté par le concile de Nicée, parce qu'ils ne baptisaient pas au nom des trois personnes divines, ce que faisaient les Novatiens. Quia Paulianista in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti, minime baptizant, et Novatiani iisdem nominibus tremendis venerandisque baptizant. (Ep. 16 ad Macedon., n. 10.)

<< Ainsi, suivant ce pape et les autres Pères, baptiser au nom de Jésus-Christ c'était baptiser du baptême institué par JésusChrist; et cette manière de parler est si naturelle qu'ils s'en servent eux-mêmes pour désigner le baptême conféré selon la forme ordinaire, c'est-à-dire, au nom des trois personnes de la sainte Trinité. Ceci peut servir de dénoûment à toutes les difficultés que l'on peut former sur ce sujet, tant à l'occasion des passages de l'Ecriture, que de ceux des anciens Pères. Saint Pierre (dit saint Cyprien, en parlant de la forme du baptême) fait mention de Jésus-Christ, non que le Père fût omis, mais afin qu'on ajoutát le Père au Fils: « Jesu Christi mentionem facit Petrus, non quasi Pater omitteretur, sed ut Patri quoque Filius adjungeretur. »

« C'est par ce principe que l'on réfute aisément ceux qui, prenant à contre-scns un passage de saint Cyprien (6), faute de bien entendre ses maximes, accusent le pape saiot Etienne d'avoir enseigné que le baptême donné au nom de Jésus-Christ seulement, et à l'exclusion des autres personnes divines, est bon et valide. Il suffit de rapporter les paroles de ce saint pape et le commentaire qu'en fait Firmilien, uni dans la même cause avec saint Cyprien, pour prouver que jamais ce ne fut la pensée d'Etienne, dont Voici les paroles: Le nom de Jésus-Christ produit de grunds effets..., en sorte que quiconque et en quelque endroit qu'il soit, est baptisé en ce nom, reçoit la grâce de Jésus-Christ; sur quoi Firmilien raisonne ainsi : Its ne croient pas devoir examiner qui est celui qui a baptisé, parce que celui qui l'a été a pu recevoir la grace, en invoquant la Trinité des noms du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Peut-on dire rien de plus évident pour justifier ce saint pape, et en même temps pour montrer que dans le style des anciens, baptiser au nom de Jésus-Christ signifiait bapliser du baptême institué par le Sauveur et par l'invocation des trois personnes divines.

« Le lecteur voit par tout ce qui a été dit que le baptême a toujours été administré, dans toutes les églises, sous l'invocation des trois personnes de la très-sainte Trinité, et que si quelques-uns ont cru qu'il pouvait Fêtre autrement, ils ont été désavoués en cela, et que leur opinion n'a rien changé dans la pratique de l'Eglise sur ce point important. S'ils ont décidé quelque chose de (4) Part. III.

(5) Epist. 403, alias 340,
(6) Epist. 75 ad Jubai., p. 126.

contraire sur cela, ce n'a pas été au préjudice de la coutume ordinaire de baptiser au nom de la Trinité, mais pour expliquer ce qu'ils pensaient sur quelques cas particuliers. C'est ainsi que le concile de Nimes, de l'an 1284, décide qu'un enfant a été véritablement baptisé, si celui qui lui a donné le sacrement a dit: Je te baptise au nom du Christ. Baptizo te in nomine Christi.

« Nous voudrions pouvoir dire la même chose de l'uniformité de la pratique, touchant les formules du baptême, qui contiennent l'invocation de la Trinité, et ce qu'on a pensé de la validité de ce sacrement, conféré sous ces différentes formes; mais il n'en n'est pas de même car sans parler des excès impardonnables auxquels l'esprit de parti, de haine et de fureur ont porté les Grecs et les Latins les uns contre les autres (1), jusqu'à rebaptiser ceux qui l'avaient déjà été; excès que les personnes sages des deux églises, et surtout de l'Eglise latine, ont désapprouvés; il s'éleva sur ce sujet, dans le douzième siècle, une dispute fameuse : les uns soutenant que ces paroles, Ego le baptizo, étaient de l'essence du sacrement; les autres enseignant au contraire que la seule invocation des trois personnes divines suffisait pour la validité du baptême. Ce dernier sentiment était celui de Pierre-le-Chantre, de Prévôt (Præpositivus), de Hugnes de Saint-Victor, du Maître des Sentences, et d'Etienne, qui fut depuis évêque de Tournai, et qui mourut en 1203. Ceux qui défendaient le sentiment opposé étaient Maurice, évêque de Paris, saint Thoinas, dans le siècle suivant, et surtout le pape Alexandre III, dont la décision sur ce point n'a été bien connue que depuis que Raimond de Pennafort l'eut insérée dans sa collection.

« Etienne de Tournai ne manquait pas de raisons pour appuyer son sentiment. Il disait en premier lieu, que les Pères, quand il avait été question de la validité du baptême, ne s'étaient mis en peine que de l'invocation des trois personnes. Secondement, que c'était une coutume reçue que, quand les laïques, dans le cas de nécessité, administraient ce sacrement, ce qu'on appelait ondoyer, ils se contentaient de le faire en prononçant seulement ces paroles: In nomine Patris, etc. Enfin il ajoutait que le Seigneur ne nous avait pas commandé d'user de ces termes, Ego le baptizo, en donnant le baptême, ni d'autres semblables, mais seulement de conférer ce sacrement au nom de la Trinité; et que de même que, quand Jésus-Christ a dit à ses disciples, Enseignez toutes les nations, il n'a pas prétendu pour cela qu'ils disent, lorsqu'ils auraient à remplir le ministère de la parole de Dieu Je vous enseigne; ainsi, lorsqu'il leur a ordonné de baptiser en son nom, son intention n'était pas qu'ils disent: Je vous baptise, etc.; l'intention du ministre de ce sacrement, et son action étant assez

(1) Voyez M. Renaudot, de la Perpetuité de la foi de l'Eglise, 1. u, c. 5, p. 120 du tom. V. (2) De Pœnit., c. 16, I. vill.

marquées par toutes les circonstances qui l'accompagnent

« C'est ainsi que raisonnait Etienne, et véritablement ses raisons ne sont point méprisables, surtout si on les joint à ce que nous avons rapporté ci-dessus des différentes manières de faire l'invocation de la sainte Trinité dans le sacrement de baptême, et entre autres ce qu'on lit dans le sacramentaire de Gélase et le Rituel de Cambrai. D'un autre côté l'autorité du pape Alexandre III est d'un grand poids, en sorte que les théologiens se sont trouvés embarrassés dans le parti qu'ils avaient à prendre. Le père Morin (2), pour se tirer de cet embarras, a cru devoir prendre un certain milieu en disant que le baptême, sous l'invocation seule de la Trinité, était valable avant le décret d'Alexandre, mais que depuis que cette décision avait été publiée, il était nul sans ces paroles, Ego le baptizo; comme autrefois les mariages clandestins étaient valides, quoiqu'ils ne le soient plus aujourd'hui, depuis le décret du concile de Trente qui les condamne, l'Eglise ayant droit d'apposer certaines conditions et certaines lois dont l'inobservation entraîne après elle la nullité des sacrements. Mais M. Tourneli (3) remarque que l'exemple dont se sert le P. Morin n'a pas ici son application; car, dit-il, il y a celte différence entre les sacrements dont la matière consiste en quelque chose de moral, et ceux dont la matière est physique, que l'Eglise à l'égard des premiers peut mettre des lois ou des conditions dont l'omission rend les ministres inhabiles à les administrer et les sujets à les recevoir, mais il n'en est pas de même des autres dont la matière consiste en quelque chose de physique, et la forme dans certaines paroles, tel qu'est le sacrement de baptême.

« Je laisse aux théologiens à éclaircir ces sortes de difficultés qui ne sont point du ressort d'un historien (4). Je remarquerai seulement, avant de finir ce qui regarde les formules du baptême, que les Cophtes, qui n'ont rien pris des Latins, ont la forme expriméc en la première personne, et ils disent: Je te baptise, N., au nom du Père; je te baptise au nom du Fils; je te baptise au nom du SaintEsprit, ajoutant amen à chaque fois. Quelques modernes ont cru que celle forme avait rapport à l'ancienne hérésie des Trithéïtes, qui est une subtilité trop raffinée et inconnue à tous ceux qui ont écrit contre les Cophtes. Cette répétition de ces paroles, Je te baptise, à chaque immersion, ne les doit pas rendre plus suspects de croire trois dieux que la triple immersion; aussi les continuateurs de Bollandus (5), qui ont inséré dans un de leurs volumes une longue dissertation sur l'Eglise des Cophtes, justifient cette formule, comme n'ayant rien qui la puisse rendre suspecte, nonobstant les obiections du

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P. Roderic, qui avait été envoyé en ce payslà en qualité de missionnaire

« Les Ethiopiens, dont les rits sont presque les mêmes que ceux de l'Eglise jacobite d'Alexandrie, ont aussi la même formule, quoique dans la version latine, qui a été faite sous Paul III, de leur office du baptême, et qui a été depuis insérée dans la Bibliothèque des Pères, elle ait été mise selon la forme latine.» Chardon, Histoire des sacrements, liv. 1, chap. 5.

§ 2. De la forme considérée sous le point de vue de la validité et de la licité du baptême.

17. Lorsque quelqu'un veut baptiser, il doit prononcer distinctement la formule telle qu'elle est prescrite, sans addition ni retranchement; il doit dire: Ego te baptizo in nomine Patris, et Filii, et Spiritus sancti; mais toutes ces paroles sont-elles essentielles? II est certain que l'omission du seul pronom Ego ne rendrait pas le baptême invalide, parce qu'il ne change pas la formule. Toutes les autres paroles sont nécessaires, parce que le retranchement d'une seule pourrait changer le sens ou le rendre indéterminé. Alexandre III fut consulté sur un baptême où l'on avait omis ces mots : Ego te baptizo. On fondait la validité du sacrement sur ce que l'action de verser de l'eau indiquait suffisamment le sens des autres paroles de la forme. Il répondit que le baptême était nul. Lorsque nous disons que les paroles de la forme sont essentielles, nous avons voulu parler de la formule latine: on peut dans toutes les langues les remplacer par des paroles équivalentes; mais de quelque langue qu'on se serve en conférant le baptême, il faut toujours exprimer en paroles l'action de laver et le mystère de la Trinité, comme nous l'a développé dom Chardon ci-dessus, n° 16, dans son exposition des différentes espèces de formes du baptême.

§ 3. De l'union de la matière et de la forme. 18. La matière et la forme ne signifient complétement les effets du baptême, qu'autant qu'elles sont réunies. De là on a conclu la nécessité de leur union, dans une seule personne d'abord, ensuite dans le même temps.

La même personne doit prononcer les paroles et verser l'eau: sans cela les paroles seraient mensongères. Et certes, on doit présumer que l'Eglise n'a pas voulu consacrer par un meusonge l'acte fondamental de la religion. Ces paroles: Je vous baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, ne peuvent avoir de réalité qu'autant que la personne qui les prononce verse l'eau. Ainsi union de la matière et de la forme dans la même personne.

Il faut de plus l'union de temps, c'est-àdire que celui qui verse l'eau prononce en même temps les paroles, sans cela encore point de vérité dans la formule. Lorsque nous disons qu'il faut prononcer les paroles

en versant l'eau, cela doit s entendre d'une union morale; tellement que l'assistant non instruit de ce qui se passe, puisse conclure que la forme se rapporte à la matière et en détermine le sens. S'il n'y avait pas une semblable union, le baptême serait nul. Ainsi celui qui verserait l'eau, terait ensuite les onctions et prononcerait seulement la forme, ne baptiserait pas validement. La formule ne se rapporterait évidemment pas à l'ablution. Quand il y a doute, on doit rebaptiser sous condition. Voy. NÉCESSITÉ DU BAPTÊME, ci-dessous, n° 34.

CHAPITRE III.

DU MINISTRE DU BAPTÊME.

19. La nécessité du baptême commandait que le ministre de ce sacrement pût être pris dans toutes les classes de la société. Cependant le bon ordre exigeait que hors le cas de nécessité chacun ne pût s'ingérer à remplir une fonction aussi importante. Aussi reconnaissons-nous deux classes de ministres du sacrement de baptême, les uns ordinaires et les autres extraordinaires. Nous allons exposer les pouvoirs et les devoirs de ces deux classes de ministres : nous ne dirons rien de la nature et des effets du lien qui unit celui qui baptise avec celui qui est baptisé et avec les père et mère de celui-ci; nous en avons parlé au mot AFFINITÉ, n. 18.

ARTICLE PREMIER.

Du ministre ordinaire du sacrement de

baptême.

20. Par ministre ordinaire nous entendons celui qui a le droit de conférer solennellement le baptême. Nous en connaissons trois : l'évêque, le prêtre et le diacre.

21. Dans les premiers siècles c'étaient les évêques qui conféraient solennellement le baptême; ils sont incontestablement ministres ordinaires de ce sacrement, puisqu'ils ont la plénitude du sacerdoce.

22. Les prêtres sont aussi ordonnés pour baptiser, comme on le rappelle dans leur ordination. Ce pouvoir est un pouvoir ordinaire, ex officio, comme disent les canons, en sorte qu'un prêtre qui baptiserait contre la volonté du pasteur d'une église pécherait sans doute, mais il n'encourrait pas l'irrégularité, parce qu'il remplit un des offices de son ordre.

23. Le diacre est ministre extraordinaire du baptême solennel. En l'ordonnant, le pontife lui confère le pouvoir de baptiser. Oportet diaconum... baptizare. Au temps des apôtres le diacre saint Philippe fut envoyé pour baptiser les habitants de Samarie.

24. Nous avons dit que le diacre n'est que ministre extraordinaire; il lui faut donc une délégation pour baptiser solennellement. De droit commun l'évêque et le curé peuvent déléguer (1). En France l'usage a réservé ce droit à l'évêque; le curé n'a donc pas ce pouvoir chez nous. Plusieurs canonistes

(1) Mgr Gousset, Theol. mor., II, n° 75; Liguori, lib. v, n° 116; Bouvier, de Baptismo, cap. 4, art. 2.

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