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amitié donnèrent naissance à de graves questions, à de violents conflits en pleine paix et même à de sanglantes hostilités; les points du litige étaient en particulier le nombre de coups de canon et le droit à la première salve.

Il était difficile qu'il en fût autrement, quand les grandes puissances statuaient, dans leurs ordonnances maritimes respectives, que leurs navires devraient être salués les premiers et qu'ils devraient contraindre les autres, par la force, à saluer au cas où ceux-là ne le feraient pas spon

tanément.

Un tel ordre, rendu général et sans qu'aucune puissance cédât rien de sa prétention, ne pouvait être exécuté qu'au moyen de la force de là, de graves conflits que l'histoire mentionne, et que le bon sens condamne.

Parmi les nombreux exemples de cette erreur et de ses conséquences, nous en citerons un bien curieux. En 1668, l'amiral espagnol Papachin revenant de Naples à Cadix avec deux navires, rencontra sur les côtes de Valence une division de trois vaisseaux français commandée par le célèbre amiral Tourville.

Aux exigences de Tourville, qui réclamait le premier salut, l'amiral espagnol répondit qu'il avait l'ordre de ne pas le rendre ; il s'en suivit un combat d'une heure et demie qui ne se termina que lorsque les navires espagnols démâtés eurent eu 120 hommes hors de combat, morts et blessés, et que les français eurent aussi été démantelés; alors, sur une nouvelle invitation de Tourville, l'amiral espagnol, cédant à la force, se décida, tout en protestant, et après avoir tenu conseil, à tirer une salve de neufs coups. Le français répondit, se déclara satisfait, et, après avoir offert ses services à l'espagnol, il reprit sa route.

Ce qui se passa à l'embouchure de l'Escaut en 1671, n'est pas moins curieux. Le célèbre Ruyter, commandait une flotte hollandaise de plus de quarante navires et avait mis le vice-amiral Ghent à la tête de l'une de ses divisions. Il advint que cet officier échangea une salve avec un

navire de guerre anglais, le « Merlin », qui sortait de la Meuse. Le vaisseau de Ghent, n'ayant cependant pas amené son pavillon comme le navire anglais y prétendait, le <«< Merlin » lança un boulet et poursuivit sa route. Un tel acte d'agression pratiqué par un seul navire contre une puissante escadre pourrait passer pour une bravade: mais les instructions formelles de l'amirauté britannique étaient là, prescrivant cette conduite au cas où la flotte hollandaise ne voudrait pas saluer et ordonnant de ne cesser le feu que quand elle s'y serait décidée. Comme le navire anglais s'était borné à faire feu sans attendre l'accomplissement de cet acte de déférence, le commandant, à son arrivée dans la Tamise, fut appréhendé et jeté à la tour de Londres, pour n'avoir pas strictement accompli les ordres qu'il avait reçus.

Dans la déclaration de guerre qui fut notifiée quelque temps après par l'Angleterre à la Hollande, ce fait que Ghent n'avait pas voulu amener son pavillon était mentionné parmi les motifs qui déterminaient l'ouverture des hostilités.

La répétition d'incidents de cette nature et le nombre considérable d'autres actes qui devenaient la source de conflits constants, rendirent évidente la nécessité de régler la question sur les bases d'une juste réciprocité. Le droit conventionnel a établi entre diverses nations l'obligation des salves en haute mer et en a réglé le service dans les ports; il a ainsi fondé une coutume en harmonie avec les principes de la liberté des mers et de l'égalité de droits des nations.

Le cérémonial maritime international dans ses différentes formes et applications mérite, comme nous l'avons dit en commençant, l'attention de tous. Son utilité est reconnue, non seulement comme un moyen de rendre hommage à l'indépendance des nations, mais aussi de donner aux officiers qui les représentent, des marques de distinction et d'honneur justement dues à leur hiérarchie.

L'exemple des faits, les règles de convenance, les justes principes de droit et l'accord des nations sont unanimes à indiquer et à admettre aujourd'hui, que le cérémonial maritime ne doit et ne peut impliquer une marque de supériorité ou de subordination, et qu'il doit seulement être considéré, accepté et pratiqué comme un système de réciproque et égale courtoisie tendant à affirmer les bonnes relations entre États, et non à leur nuire. Cela n'empêche pas toutefois que, dans la pratique, il faut agir avec le discernement, le bon sens et l'élévation de sentiments qui doivent toujours dominer lorsqu'il s'agit de soutenir l'honneur national.

CHAPITRE VIII.

ASSISTANCE EN MER ET SECOURS AUX NAUFRAGÉS

SOMMAIRE. — Obligation de porter secours en cas de péril et de naufrage. Fondement de cette obligation. - Mission qui appartient aux navires de guerre.

Le cérémonial maritime considéré comme un hommage à l'indépendance des nations, est un moyen d'établir entre elles un signe visible de courtoisie réciproque et de mutuel intérêt. Mais, si l'on reconnaît la convenance et l'utilité de ces démonstrations, il faut accorder plus d'importance encore aux procédés dont la fin est de rendre plus efficace et effective cette mutuelle déférence entre nations. Le cas se présente lors des sinistres en mer; il n'est pas rare que dans les nombreux contre-temps auxquels les navires sont exposés, il y ait des avaries, bris de mâture, manque de vivres, incendies accidentels ou spontanés, abordage, etc., qui causent assez de dommage pour entraîner la submersion et ne laisser souvent pour toute ressource à l'équipage que les canots et les petites embarcations si peu faites pour braver les tempêtes de l'Océan. Les conditions dans lesquelles l'assistance réciproque est due varient selon les périls qui menacent les navigateurs, selon que le naufrage est imminent et met non seulement le navire mais l'existence de l'équipage en danger.

Dans ces conjonctures diverses, qui sont des épisodes

exclusifs de la vie de mer, la pratique internationale des services et de l'assistance réciproques doit trouver sa bienfaisante application; le droit naturel l'impose, le droit conventionnel l'a consignée, le droit coutumier en a fait une règle imprescriptible parmi les nations civilisées.

Les principes de droit naturel et les règles de justice devraient suffire à imposer l'obligation morale de porter secours à ceux qui en ont besoin et qui, sans cela, seraient victimes de la mer; mais cette saine doctrine s'appuie largement aussi sur le droit secondaire qui reprouve les abus et les pratiques inhumaines des temps anciens, pratiques qui étaient la conséquence d'usages et d'abus admis aux temps barbares, mais que la civilisation a bannis.

Sous la dénomination de Jus naufragii, la pratique admettait et sanctionnait dès les premiers siècles du MoyenAge, pour en faire plus tard une règle, l'idée que le navire naufragé, tout son chargement et les objets sauvés devaient être confisqués au profit du seigneur du lieu. Un semblable usage était la conséquence de cet autre droit d'aubaine qui mettait les étrangers hors la loi, frappait leurs biens de confiscation et réduisait leurs personnes en captivité. Ainsi, le Jus naufragii reposait sur une base doublement fausse, la punition de l'impéritie ou de l'impuissance du naufragé, et la mise de l'étranger hors du territoire.

Une pratique qui établissait une lutte ouverte entre la force brutale et la justice ne pouvait manquer d'être réprouvée le jour où la justice prévaudrait.

Le droit romain, en matière de naufrages, contenait déjà des dispositions conformes à la justice et à l'humanité. Les conciles de l'Église, au x1° siècle, fulminèrent l'anathème contre ceux qui dépouilleraient les naufragés ; les lois maritimes de différents États, promulguées jusqu'au xv° siècle, renfermèrent aussi des règles protectrices et prohibitrices des attentats contre les personnes et les biens. des naufragés.

Mais ces différentes lois et autorités ne purent du même

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